La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2008 | CJUE | N°C-144/07

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, K-Swiss Inc. contre Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)., 02/10/2008, C-144/07


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

2 octobre 2008 ( *1 )

«Pourvoi — Marque communautaire — Règlement (CE) no 2868/95 — Délai de recours devant le Tribunal de première instance — Décision de l’OHMI — Notification par courrier exprès — Computation du délai de recours»

Dans l’affaire C-144/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 11 mars 2007,

K-Swiss Inc., établie à West Lake Village (États-Unis), représentée par Me H. E. Hübner, advocate,
> partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

2 octobre 2008 ( *1 )

«Pourvoi — Marque communautaire — Règlement (CE) no 2868/95 — Délai de recours devant le Tribunal de première instance — Décision de l’OHMI — Notification par courrier exprès — Computation du délai de recours»

Dans l’affaire C-144/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 11 mars 2007,

K-Swiss Inc., établie à West Lake Village (États-Unis), représentée par Me H. E. Hübner, advocate,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. O. Mondéjar Ortuño, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. L. Bay Larsen, K. Schiemann, J. Makarczyk (rapporteur) et P. Kūris, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 avril 2008,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 mai 2008,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la société K-Swiss Inc. (ci-après «K-Swiss») demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 décembre 2006, K-Swiss/OHMI (Bandes parallèles sur une chaussure) (T-14/06, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a déclaré irrecevable son recours tendant à l’annulation de la décision de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 26 septembre 2005 (affaire
R 1109/2004-1, ci-après la «décision litigieuse») concernant l’enregistrement d’une marque se présentant sous la forme de cinq bandes parallèles disposées sur la partie latérale de la représentation d’une chaussure comme marque communautaire.

Le cadre juridique

2 Aux termes de l’article 63, paragraphe 5, du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), le recours contre les décisions des chambres de recours de l’OHMI doit être formé devant le Tribunal dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la chambre de recours.

3 Conformément à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

4 En vertu de la règle 61, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005(JO L 172, p. 4, ci-après le «règlement no 2868/95»):

«1.   Dans les procédures devant l’[OHMI], les notifications auxquelles procède l’[OHMI] s’effectuent sous la forme soit du document original, soit d’une copie du document original non certifiée conforme, soit d’une sortie imprimée d’un document établi par ordinateur conformément à la règle 55, soit, en ce qui concerne les documents produits par les parties elles-mêmes, des duplicatas ou des copies non certifiées conformes.

2.   La notification est faite:

a) par voie postale, conformément à la règle 62;

b) par voie de signification, conformément à la règle 63;

c) par dépôt dans une boîte postale à l’[OHMI], conformément à la règle 64;

d) par télécopieur ou tout autre moyen technique de communication, conformément à la règle 65;

e) par voie de publication, conformément à la règle 66.»

5 La règle 62, paragraphes 1 et 3, du règlement no 2868/95 prévoit:

«1.   Les décisions qui font courir un délai de recours, les convocations et tous autres documents dont la liste est arrêtée par le président de l’[OHMI] sont notifiés par lettre recommandée avec accusé de réception. Les autres communications sont faites sous pli ordinaire.

[…]

3.   Lorsque la notification est faite par lettre recommandée avec ou sans accusé de réception, celle-ci est réputée avoir été remise à son destinataire le dixième jour après l’envoi par la poste, à moins que la lettre ne lui soit pas parvenue ou ne lui soit parvenue qu’à une date ultérieure. En cas de contestation, il incombe à l’[OHMI] de faire la preuve que la lettre est parvenue à destination ou, selon le cas, d’établir la date de sa remise au destinataire.»

6 La règle 68 de ce même règlement dispose enfin:

«Lorsqu’un document est parvenu au destinataire, si l’[OHMI] n’est pas en mesure de prouver qu’il a été dûment notifié, ou si les dispositions applicables à sa notification n’ont pas été respectées, le document est réputé notifié à la date établie par l’[OHMI] comme date de réception.»

Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

7 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 janvier 2006, K-Swiss a introduit un recours contre la décision litigieuse.

8 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 3 avril 2006, l’OHMI a soulevé une exception d’irrecevabilité, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

9 S’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, le Tribunal a, par l’ordonnance attaquée, statué sur ladite demande sans poursuivre la procédure et a rejeté comme irrecevable le recours introduit par K-Swiss.

10 Aux points 22 à 30 de ladite ordonnance, le Tribunal a motivé sa décision comme suit:

«22 Le Tribunal relève que, ainsi que le fait valoir la requérante, la remise de la décision [litigieuse] par une société de courrier [exprès], telle que la société DHL, ne figure pas parmi les modes de notification prévus à la règle 61, paragraphe 2, du règlement no 2868/95. En outre, force est de constater que ni l’OHMI ni la requérante, laquelle soutient même expressément que la livraison par la société DHL ne constitue pas une notification par voie postale, ne prétendent que le courrier DHL
remis à la requérante le 28 octobre 2005 a été envoyé sous la forme d’une lettre recommandée, ni, au demeurant, que la société DHL est habilitée à effectuer de tels envois en Allemagne, ni, enfin, que la décision [litigieuse] a, par ailleurs, été notifiée à la requérante par l’une des autres voies prévues à la règle 61, paragraphe 2, du règlement no 2868/95, et aux règles 62 à 66 de ce même règlement. À cet égard, il importe d’ailleurs de relever que la lettre de couverture du courrier DHL
remise à la requérante n’indique aucunement qu’il s’agit d’une lettre recommandée, mais souligne que ledit courrier est ‘notifié par DHL uniquement’.

23 Il découle de ce qui précède que la décision [litigieuse] n’a pas été notifiée à la requérante conformément aux exigences résultant de l’application des règles 61 et 62 du règlement no 2868/95.

24 Contrairement aux allégations de la requérante, cette circonstance n’est toutefois pas de nature à mener à la conclusion que le présent recours a été introduit dans les délais.

25 Il y a lieu, en effet, de rappeler que, conformément à la règle 68 du règlement no 2868/95, intitulée ‘Vices de la notification’, ‘[l]orsqu’un document est parvenu au destinataire, si l’[OHMI] n’est pas en mesure de prouver qu’il a été dûment notifié, ou si les dispositions applicables à sa notification n’ont pas été respectées, le document est réputé notifié à la date établie par l’[OHMI] comme date de réception’.

26 Cette disposition, lue dans son ensemble, doit être comprise en ce sens qu’elle reconnaît à l’OHMI la possibilité d’établir la date à laquelle un document est parvenu à son destinataire, lorsqu’il n’est pas en mesure de prouver qu’il a été dûment notifié ou lorsque les dispositions applicables à sa notification n’ont pas été respectées, et qu’elle attache à cette preuve les effets de droit d’une notification régulière [arrêt du Tribunal du 19 avril 2005, Success-Marketing/OHMI — Chipita (PAN &
CO), T-380/02 et T-128/03, Rec. p. II-1233, point 64].

27 Or, en l’espèce, il est constant entre les parties que la requérante a reçu le courrier DHL le 28 octobre 2005, ainsi que l’atteste, au demeurant, la fiche de suivi de l’envoi tenue par le greffe des chambres de recours.

28 En vertu de la règle 68 du règlement no 2868/95, la décision [litigieuse] est donc réputée avoir été notifiée à la requérante le 28 octobre 2005, de sorte que la présomption prévue à la règle 62, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 ne saurait trouver application en l’espèce. Cela est d’ailleurs conforme à la règle 70, paragraphe 2, du règlement no 2868/95, selon laquelle ‘[s]auf disposition contraire, lorsque l’acte de procédure est une notification, la réception du document notifié
constitue l’événement qui fait courir le délai’. De même, selon une jurisprudence constante relative à l’article 230, cinquième alinéa, CE, dans l’hypothèse où l’acte attaqué a été notifié à son destinataire, le point de départ du délai de recours commence à courir au jour de sa réception par ledit destinataire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 mai 1991, Bayer/Commission, T-12/90, Rec. p. II-219, point 19, confirmé sur pourvoi par l’arrêt de la Cour du 15 décembre 1994,
Bayer/Commission, C-195/91 P, Rec. p. I-5619).

29 Dans ces conditions, compte tenu de ce que, conformément à l’article 63, paragraphe 5, du règlement no 40/94, le recours doit être formé devant le Tribunal dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la chambre de recours, augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours, en vertu de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, force est de constater que le délai de recours contre la décision [litigieuse] est arrivé à expiration le 9 janvier
2006.

30 Le présent recours, introduit le 16 janvier 2006, est donc tardif et doit être rejeté comme irrecevable.»

Les conclusions des parties

11 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour:

— d’annuler l’ordonnance attaquée;

— de condamner l’OHMI aux dépens.

12 L’OHMI demande à la Cour:

— de rejeter le pourvoi comme non fondé;

— de condamner K-Swiss aux dépens.

Sur le pourvoi

13 Au soutien de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique tiré d’une violation des règles 61, 62 et 68 du règlement no 2868/95.

Argumentation des parties

14 Si K-Swiss reconnaît que la décision litigieuse lui a été remise par voie de courrier exprès acheminé par la société DHL le 28 octobre 2005, elle estime, toutefois, qu’il convient de déterminer si ladite remise doit être considérée comme ayant été effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception au sens de la règle 62, paragraphe 1, du règlement no 2868/95.

15 À cet égard, la requérante souligne que, du point de vue de la fonction qu’elle remplit, la preuve de la remise du document fournie par le prestataire de courrier exprès, tel que DHL, est identique à la preuve attachée à une lettre recommandée avec accusé de réception, l’unique différence étant que le service de DHL ne prévoit pas qu’un avis de réception est retourné à l’expéditeur.

16 K-Swiss indique également que l’OHMI a modifié sa pratique concernant la notification des décisions des chambres de recours et qu’il ressort d’une instruction du présidium desdites chambres, du 10 mai 2006, donnée au greffe de l’OHMI, que, en cas de notification de ces décisions par voie postale, celle-ci est effectuée soit par lettre recommandée, soit par un service de messagerie. Or, il ne serait pas possible de considérer que l’OHMI ait délibérément adopté une pratique de notification destinée
à produire des vices de notification au sens de la règle 68 du règlement no 2868/95.

17 Bien que concluant au rejet du pourvoi, l’OHMI précise que le Tribunal ne pouvait pas faire application de la règle 68 du règlement no 2868/95 au motif qu’une notification par courrier exprès ne constitue pas un vice de la notification. En effet, selon lui, la notification des décisions des chambres de recours par ce moyen doit être assimilée à une notification par voie postale, conformément aux dispositions de la règle 62 de ce règlement.

18 En revanche, l’OHMI estime que la présomption établie au paragraphe 3 de ladite règle, aux termes duquel la notification par voie postale est réputée avoir été remise à son destinataire le dixième jour après l’envoi par la poste, peut être levée en cas de preuve de la date réelle de remise de la notification. Partant, l’OHMI constate que, en l’espèce, le délai pour introduire un recours contre la décision litigieuse a expiré le 9 janvier 2006. En conséquence, le Tribunal aurait abouti à une
solution satisfaisante en rejetant le recours comme irrecevable, mais en faisant une mauvaise application des dispositions pertinentes du règlement no 2868/95.

Appréciation de la Cour

19 Il y a lieu de relever que la règle 61 du règlement no 2868/95, qui porte «dispositions générales en matière de notification», énumère limitativement les modes par lesquels l’OHMI notifie, notamment, ses décisions. Ainsi, au paragraphe 2 de cette règle, il est précisé que la notification peut être faite soit par voie postale, soit par voie de signification, soit par dépôt dans une boîte postale à l’OHMI, soit par télécopieur ou tout autre moyen technique de communication, soit par voie de
publication.

20 En outre, dans le cas d’une notification par voie postale, il ressort de la règle 62, paragraphe 1, dudit règlement que, s’agissant d’une décision faisant courir un délai, telle que la décision litigieuse, cette notification doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception.

21 Or, au point 22 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que les parties ne prétendaient ni que le courrier exprès acheminé par la société DHL et remis à la requérante avait été envoyé sous la forme d’une lettre recommandée, ni que cette société était habilitée à effectuer des envois recommandés en Allemagne, et que la lettre de couverture dudit courrier n’indiquait pas qu’il s’agissait d’une lettre recommandée, mais soulignait que ce courrier était «notifié par DHL uniquement».

22 Partant, c’est à bon droit que le Tribunal en a déduit qu’une telle notification ne constituait pas une «notification par lettre recommandée avec accusé de réception» au sens de la règle 62, paragraphe 1, du règlement no 2868/95.

23 Cependant, et contrairement à ce que fait valoir l’OHMI, lorsque celui-ci n’est pas en mesure de prouver qu’un document a été dûment notifié ou encore lorsque les dispositions applicables à sa notification n’ont pas été respectées, mais que ledit document est parvenu au destinataire, il découle de la règle 68 du règlement no 2868/95, dont le Tribunal a légitimement fait application, que l’OHMI a la possibilité de rapporter la preuve de la date de cette réception et que le document est réputé
notifié à cette date.

24 Aussi, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que le recours, introduit par K-Swiss le 16 janvier 2006, était tardif et devait être rejeté comme irrecevable.

25 En effet, le Tribunal, après avoir relevé, au point 27 de l’ordonnance attaquée, qu’il était constant entre les parties que la requérante avait reçu, le 28 octobre 2005, le courrier exprès acheminé par DHL, a constaté, au point 29 de cette ordonnance, que, eu égard aux dispositions de son règlement de procédure et à l’article 63, paragraphe 5, du règlement no 40/94, le délai de recours contre la décision litigieuse était arrivé à expiration le 9 janvier 2006.

26 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur les dépens

27 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

  1) Le pourvoi est rejeté.

  2) K-Swiss Inc. est condamnée aux dépens.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-144/07
Date de la décision : 02/10/2008
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Marque communautaire - Règlement (CE) nº 2868/95 - Délai de recours devant le Tribunal de première instance - Décision de l’OHMI - Notification par courrier exprès - Computation du délai de recours.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Marques


Parties
Demandeurs : K-Swiss Inc.
Défendeurs : Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Makarczyk

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2008:533

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award