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19/06/2008 | CJUE | N°C-220/07

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République française., 19/06/2008, C-220/07


ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 juin 2008 (*)

«Manquement d’État – Directive 2002/22/CE – Communications électroniques – Désignation des entreprises en charge de la fourniture du service universel – Transposition incorrecte»

Dans l’affaire C‑220/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 27 avril 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J.‑P. Keppenne et M. Shotter, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

part

ie requérante,

contre

République française, représentée par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’age...

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 juin 2008 (*)

«Manquement d’État – Directive 2002/22/CE – Communications électroniques – Désignation des entreprises en charge de la fourniture du service universel – Transposition incorrecte»

Dans l’affaire C‑220/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 27 avril 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J.‑P. Keppenne et M. Shotter, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. G. Arestis (rapporteur), M^me R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, par la transposition en droit interne des dispositions relatives à la désignation d’entreprises susceptibles de garantir la fourniture du service universel à laquelle elle a procédé, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8, paragraphe 2, 12 et 13 ainsi que de l’annexe IV de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars
2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51, ci-après la «directive ‘service universel’»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 L’article 1^er de la directive «service universel» prévoit:

«1. Dans le cadre de la directive 2002/21/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive ‘cadre’) (JO L 108, p. 33)], la présente directive a trait à la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques aux utilisateurs finals. Elle vise à assurer la disponibilité dans toute la Communauté de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une
concurrence et un choix effectifs et à traiter les cas où les besoins des utilisateurs finals ne sont pas correctement satisfaits par le marché.

2. La présente directive établit les droits des utilisateurs finals et les obligations correspondantes des entreprises fournissant des réseaux et des services de communications électroniques accessibles au public. Pour ce qui est de la fourniture d’un service universel dans un environnement d’ouverture et de concurrence des marchés, la présente directive définit l’ensemble minimal des services d’une qualité spécifiée accessible à tous les utilisateurs finals, à un prix abordable compte tenu des
conditions nationales spécifiques, sans distorsion de concurrence. […]»

3 S’agissant de la disponibilité du service universel, l’article 3 de cette directive dispose:

«1. Les États membres veillent à ce que les services énumérés dans le présent chapitre soient mis à la disposition de tous les utilisateurs finals sur leur territoire, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales particulières, à un prix abordable.

2. Les États membres déterminent l’approche la plus efficace et la plus adaptée pour assurer la mise en œuvre du service universel, dans le respect des principes d’objectivité, de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité. Ils s’efforcent de réduire au minimum les distorsions sur le marché, en particulier lorsqu’elles prennent la forme de fournitures de services à des tarifs ou [à] des conditions qui diffèrent des conditions normales d’exploitation commerciale, tout en
sauvegardant l’intérêt public.»

4 L’article 8 de ladite directive, qui a trait à la désignation d’entreprises pour la fourniture du service universel, énonce:

«1. Les États membres peuvent désigner une ou plusieurs entreprises afin de garantir la fourniture du service universel défini aux articles 4, 5, 6 et 7 et, le cas échéant, à l’article 9, paragraphe 2, de façon que l’ensemble du territoire national puisse être couvert. Les États membres peuvent désigner des entreprises ou groupes d’entreprises différents pour fournir différents éléments du service universel et/ou pour couvrir différentes parties du territoire national.

2. Lorsque les États membres désignent des entreprises pour remplir des obligations de service universel sur tout ou partie du territoire national, ils ont recours à un mécanisme de désignation efficace, objectif, transparent et non discriminatoire qui n’exclut a priori aucune entreprise. Les méthodes de désignation garantissent que la fourniture du service universel répond au critère de la rentabilité et peuvent être utilisées de manière à pouvoir déterminer le coût net de l’obligation de
service universel, conformément à l’article 12.»

5 Dans le cadre du calcul du coût des obligations de service universel, l’article 12, paragraphe l, de la directive «service universel» dispose:

«1. Lorsque les autorités réglementaires nationales estiment que la fourniture du service universel, telle qu’elle est énoncée dans les articles 3 à 10, peut représenter une charge injustifiée pour les entreprises désignées comme fournisseurs de service universel, elles calculent le coût net de cette fourniture.

À cette fin, les autorités réglementaires nationales:

a) calculent le coût net de l’obligation de service universel, compte tenu de l’avantage commercial éventuel que retire une entreprise désignée pour fournir un service universel, conformément aux indications données à l’annexe IV, partie A, ou

b) utilisent le coût net encouru par la fourniture du service universel et déterminé par mécanisme de désignation conformément à l’article 8, paragraphe 2.»

6 En ce qui concerne le financement des obligations de service universel, l’article 13 de la directive «service universel» prévoit:

«1. Lorsque, sur la base du calcul du coût net visé à l’article 12, les autorités réglementaires nationales constatent qu’une entreprise est soumise à une charge injustifiée, les États membres décident, à la demande d’une entreprise désignée:

a) d’instaurer un mécanisme pour indemniser ladite entreprise pour les coûts nets tels qu’ils ont été calculés, dans des conditions de transparence et à partir de fonds publics, et/ou

b) de répartir le coût net des obligations de service universel entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques.

[…]

3. Un mécanisme de répartition respecte les principes de transparence, de distorsion minimale du marché, de non-discrimination et de proportionnalité, conformément aux principes énoncés dans l’annexe IV, partie B. Les États membres peuvent choisir de ne pas demander de contributions aux entreprises dont le chiffre d’affaires national est inférieur à une limite qui aura été fixée.

[…]»

7 L’annexe IV de la directive «service universel» dispose:

Partie A: Calcul du coût net

«[…]

Les autorités nationales envisagent tous les moyens possibles pour inciter les opérateurs (désignés ou non) à remplir leurs obligations de service universel de manière rentable. […]

[…]

Partie B: Couverture des coûts nets imputables aux obligations de service universel

«Les coûts nets imputables aux obligations de service universel peuvent être couverts ou financés en accordant aux entreprises désignées assumant des obligations de service universel une indemnisation en échange des services fournis à des conditions non commerciales. Cette indemnisation entraînant des transferts financiers, les États membres doivent garantir qu’ils sont effectués de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée. Autrement dit, ces transferts doivent entraîner
la distorsion la plus faible possible de la concurrence et de la demande des usagers.

[…]»

8 Conformément à l’article 38 de la directive «service universel», les États membres prennent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 24 juillet 2003, en informent immédiatement la Commission et appliquent ces dispositions à partir du 25 juillet 2003.

La réglementation nationale

9 La loi n° 2003‑1365, du 31 décembre 2003, relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (JORF du 1^er janvier 2004, p. 9), a modifié les articles L. 35‑1 à L. 35‑4 du code des postes et des communications électroniques (ci-après le «code»), qui traitent du service universel des communications électroniques.

10 L’article L. 35‑2 du code dispose:

«Peut être chargé de fournir l’une des composantes du service universel mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 35‑1 tout opérateur en acceptant la fourniture sur l’ensemble du territoire national et capable de l’assurer.

[…]»

11 L’article L. 35‑3 de ce code prévoit:

«I. – Les coûts nets imputables aux obligations de service universel sont évalués sur la base d’une comptabilité appropriée tenue par les opérateurs désignés pour assurer ces obligations et auditée, à leurs frais, par un organisme indépendant désigné par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. L’évaluation de ces coûts nets prend en compte l’avantage sur le marché que les opérateurs soumis à des obligations de service universel retirent, le cas échéant, de ces
obligations.

[…]»

12 À l’issue de trois appels à candidature du ministre chargé des Communications électroniques publiés au Journal officiel de la République française du 25 novembre 2004, France Télécom a été désignée, par trois arrêtés du 3 mars 2005, pour fournir les trois composantes du service universel, à savoir les services téléphoniques fixes, les services de renseignements et les annuaires ainsi que la mise à disposition de postes téléphoniques payants publics.

La procédure précontentieuse

13 Ayant des doutes quant à la conformité de l’article L. 35‑2 du code avec les articles 8, paragraphe 2, 12 et 13 ainsi qu’avec l’annexe IV de la directive «service universel», la Commission a engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE, en mettant la République française en demeure, par lettre du 25 juillet 2005, de présenter ses observations dans un délai de deux mois.

14 La République française a fait valoir, par lettre du 23 septembre 2005, que l’exigence selon laquelle l’opérateur chargé de fournir le service universel devait être en mesure d’assurer celui-ci sur l’ensemble du territoire national n’était pas en contradiction avec la directive «service universel», puisque cette dernière permettait de recourir à un ou à plusieurs opérateurs pour remplir les obligations de ce service sur tout ou partie du territoire national. Selon cet État membre, le
mécanisme choisi était, en l’état du marché, le plus approprié pour réduire le coût d’un tel service.

15 N’ayant pas été convaincue par la réponse de la République française, la Commission a émis, le 4 avril 2006, un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

16 Par lettre du 13 juillet 2006, la République française a répondu audit avis motivé en exposant les motifs pour lesquels elle estimait que la position de la Commission ne lui paraissait fondée ni en droit ni en fait.

17 Dans ces conditions, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

18 À l’appui de son recours, la Commission soulève deux griefs tirés d’une violation, respectivement, de l’article 8, paragraphe 2, et des articles 12 et 13 ainsi que de l’annexe IV de la directive «service universel».

19 La République française conteste le manquement qui lui est reproché.

Sur le grief tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 2, de la directive «service universel»

Argumentation des parties

20 Par ce premier grief, la Commission fait valoir que l’exclusion a priori des opérateurs non capables d’assurer la fourniture du service universel sur l’ensemble du territoire français, prévue à l’article L. 35‑2 du code, n’est pas conforme à l’article 8, paragraphe 2, de la directive «service universel».

21 Elle précise que, compte tenu de la marge d’appréciation dont disposent les autorités réglementaires nationales, conformément aux dispositions de cette directive, il ne lui appartient pas d’imposer à ces autorités de procéder d’une façon déterminée. Afin de garantir que le mécanisme de désignation choisi aboutisse à la solution la plus efficace et la plus rentable, la procédure suivie devrait, cependant, répondre aux critères exposés à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive. Or,
l’approche retenue par le législateur français, qui prédétermine le résultat de la procédure de désignation, ne respecterait pas les principes de transparence et de non-discrimination et empêcherait que soient prises en compte les évolutions futures du marché des télécommunications.

22 La Commission considère que les arguments de la République française concernant l’état du marché des télécommunications ne sont ni pertinents ni fondés. En effet, d’une part, le présent recours ne porterait pas sur la décision par laquelle les autorités réglementaires françaises ont confié la fourniture du service universel à un seul opérateur sur l’ensemble du territoire national et, d’autre part, la situation des différentes composantes de ce service prouverait l’existence d’une
concurrence sur ledit marché.

23 La Commission ajoute que l’éventualité d’une modification future de la législation française, afin d’adapter cette dernière à l’évolution du marché, ne constitue pas une solution acceptable. D’une part, la transposition incorrecte de la directive «service universel» aurait déjà produit des effets négatifs sur le marché et, d’autre part, un État membre ne saurait se prévaloir d’une situation de fait pour décider de mettre sa législation en conformité avec ladite directive.

24 Selon la République française, la fourniture du service universel sur l’ensemble du territoire national n’est pas contraire à la directive «service universel». Cet État membre rappelle qu’il a organisé une consultation publique préalable afin de recueillir des informations concernant les obligations, les conditions de désignation ainsi que les modalités de financement du service universel et que, sur la base de celle-ci, les autorités réglementaires nationales ont opté pour un mécanisme de
désignation portant sur la totalité du territoire national.

25 La législation française respecterait, à cet égard, l’ensemble des critères fixés par la directive «service universel» et le mécanisme de désignation que ladite législation prévoit serait transparent, respectueux de la concurrence entre les opérateurs, efficace et rentable. En effet, selon la République française, l’analyse du marché réalisée lors de l’adoption de la loi n° 2003‑1365 en ce qui concerne les différentes composantes du service universel a révélé l’existence d’une faible
concurrence et a démontré qu’un découpage du territoire national serait plus complexe ainsi que moins efficace et risquerait de conduire à une augmentation du coût de ce service.

26 Par ailleurs, la République française ajoute que la législation applicable à la désignation des opérateurs de service universel est susceptible d’évoluer en fonction de l’état de la concurrence sur le marché des télécommunications.

Appréciation de la Cour

27 Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que le présent recours porte sur la non‑conformité de l’article L. 35‑2 du code avec les articles 8, paragraphe 2, 12 et 13 ainsi que l’annexe IV de la directive «service universel». En effet, ainsi qu’il ressort, tant de l’avis motivé que de la requête, le présent recours ne concerne pas la décision par laquelle les autorités réglementaires françaises ont désigné un seul opérateur pour l’ensemble du territoire national.

28 La directive «service universel» vise à créer un cadre réglementaire harmonisé qui garantisse la fourniture d’un service universel, c’est-à-dire d’un ensemble minimal de services déterminés à tous les utilisateurs finals à un prix abordable. Selon l’article 1^er, paragraphe 1, de cette directive, l’objectif de celle-ci consiste à assurer la disponibilité, dans toute la Communauté, de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une concurrence et à un choix effectifs.

29 En vertu de l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive, les États membres déterminent l’approche la plus efficace et la plus adaptée pour assurer la mise en œuvre du service universel, dans le respect des principes d’objectivité, de transparence, de non‑discrimination et de proportionnalité, et ils s’efforcent de réduire au minimum les distorsions sur le marché, tout en sauvegardant l’intérêt public.

30 S’agissant de la désignation d’entreprises afin de remplir des obligations de service universel sur tout ou partie du territoire national, l’article 8, paragraphe 2, de la directive «service universel» prévoit que les États membres ont recours à un mécanisme de désignation efficace, objectif, transparent et non discriminatoire qui n’exclut a priori aucune entreprise. Ce même paragraphe précise également que les méthodes de désignation garantissent que la fourniture du service universel
répond au critère de la rentabilité et peuvent être utilisées de manière à pouvoir déterminer le coût net de l’obligation de service universel, conformément à l’article 12 de ladite directive.

31 Dans ces conditions, il convient de constater que, bien que les États membres soient compétents pour déterminer l’approche la plus adaptée pour assurer la mise en œuvre du service universel, ils sont tenus de garantir la fourniture d’un tel service de façon rentable et efficace, tout en respectant, notamment, les principes d’objectivité, de non-discrimination et de distorsion minimale de la concurrence. À cet égard, le mécanisme de désignation des entreprises chargées de fournir le service
universel ne peut exclure a priori aucune d’entre elles.

32 Or, l’article L. 35‑2 du code prévoit que peut être chargé de fournir les composantes du service universel tout opérateur qui en accepte la fourniture sur l’ensemble du territoire national et qui est capable de l’assurer. Cette disposition exclut ainsi de toute procédure de désignation les entreprises qui ne sont pas prêtes ou ne sont pas capables d’opérer sur l’ensemble du territoire national et, à cet égard, le mécanisme de désignation qui en résulte ne respecte pas l’article 8, paragraphe
2, de la directive «service universel», et notamment le principe de non-discrimination.

33 En outre, il y a lieu de relever, d’une part, que ce mécanisme de désignation ne garantit pas que la fourniture du service universel répond aux critères de rentabilité et d’efficacité et, d’autre part, qu’il s’avère susceptible de créer une distorsion de la concurrence sur le marché des télécommunications. En effet, il découle des termes mêmes de l’article L. 35‑2 du code que celui-ci impose une condition légale préalable qui prédétermine le résultat de la procédure de désignation. Une telle
condition fait obstacle à une concurrence réelle et effective sur ce marché et ne permet pas d’assurer la fourniture du service universel de façon rentable et efficace, les autorités réglementaires nationales étant nécessairement obligées de désigner, parmi les entreprises susceptibles de fournir ce service, celles qui sont capables de l’assurer sur l’ensemble du territoire national.

34 Il s’ensuit qu’une telle disposition prévoit un mécanisme de désignation qui n’est pas apte à garantir le respect des principes énumérés à l’article 8, paragraphe 2, de la directive «service universel», rappelés au point 31 du présent arrêt, et qu’elle constitue une transposition incorrecte de cet article 8, paragraphe 2.

35 Il importe d’ajouter que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence réduite dans un État membre déterminé d’une certaine activité visée par une directive ne saurait libérer cet État de son obligation de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin d’assurer une transposition adéquate de l’ensemble des dispositions de cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Commission/Grèce, C‑214/98, Rec. p. I‑9601, point 22, et du 30 mai 2002,
Commission/Royaume-Uni, C‑441/00, Rec. p. I‑4699, point 15).

36 Une telle obligation incombe en effet à l’État membre concerné, non seulement afin de prévenir toute modification de la situation purement factuelle, existant à un moment donné, dont cet État membre se prévaut pour sa défense, mais surtout en vue de créer un cadre législatif ou réglementaire suffisamment précis, clair et transparent pour garantir en droit, en toutes circonstances, la pleine application de la directive «service universel» et permettre aux particuliers de connaître leurs
droits et obligations (voir, en ce sens, arrêt Commission/Grèce, précité, point 27).

37 Il résulte de tout ce qui précède que le premier grief de la Commission est fondé.

Sur le grief tiré d’une violation des articles 12 et 13 ainsi que de l’annexe IV de la directive «service universel»

Argumentation des parties

38 Par son second grief, la Commission estime que la procédure prévue à l’article L. 35‑2 du code ne respecte pas les principes de rentabilité et d’efficacité qui découlent des articles 12 et 13 ainsi que de l’annexe IV de la directive «service universel».

39 Selon la Commission, il ressort de l’article L. 35‑3 du code que les autorités réglementaires françaises ont décidé de calculer le coût net de l’obligation de service universel et de financer les obligations de ce service par un mécanisme de répartition de ce coût entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques, conformément aux indications figurant à l’annexe IV de la directive «service universel».

40 Or, l’exclusion des opérateurs non capables de fournir ce service sur l’ensemble du territoire national ne permettrait pas auxdites autorités d’évaluer des alternatives susceptibles d’être plus rentables sur une partie de ce territoire et risquerait de conduire à une augmentation du coût net dudit service. À cet égard, le mécanisme de répartition de ce coût ne respecterait pas les principes de distorsion minimale du marché et de non-discrimination, et les autorités réglementaires nationales
ne garantiraient pas que tous les moyens possibles permettant d’inciter les opérateurs à remplir leurs obligations de service universel de manière rentable sont envisagés.

41 La République française rétorque, tout d’abord, que la Commission n’a pas démontré que la procédure choisie ne remplit pas les critères de rentabilité et d’alignement du coût du service universel sur ceux du marché fixés par ladite directive. Elle affirme qu’un morcellement géographique du service universel risquait de faire apparaître de nouvelles zones non rentables et donc d’entraîner une augmentation du coût de ce service.

42 Ensuite, cet État membre relève que la présence de l’opérateur désigné sur l’ensemble du territoire national permet à celui-ci de bénéficier d’avantages induits et, notamment, d’améliorer son image de marque, ce qui contribue à diminuer le coût du service universel. Il ajoute que les autorités françaises, notamment l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, disposaient des moyens nécessaires pour garantir que le coût net de ce service était calculé au plus
juste.

43 Enfin, la République française informe la Cour que, malgré le faible intérêt réel des autres opérateurs présents sur le marché concerné pour le service universel, une modification de l’article L. 35‑2 du code, ayant pour effet de supprimer le caractère national de la fourniture de ce service en vue de la désignation au cours de l’année 2009 du ou des opérateurs chargés de la fourniture dudit service, est en cours d’adoption. Elle précise que c’est en raison de l’évolution de la concurrence
sur le marché des télécommunications que cette modification a été décidée.

Appréciation de la Cour

44 Il convient, tout d’abord, de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 27 du présent arrêt, le recours de la Commission ne concerne pas la décision par laquelle les autorités réglementaires nationales ont confié la fourniture du service universel à un seul opérateur sur l’ensemble du territoire national.

45 Il convient, ensuite, de relever que la condition légale préalable imposée à l’article L. 35‑2 du code, qui exclut certaines entreprises de la procédure de désignation, est de nature à porter atteinte également aux objectifs de rentabilité et d’efficacité devant être observés lors du calcul du coût net du service universel et du financement des obligations dudit service, conformément aux principes énoncés aux articles 12 et 13 ainsi qu’à l’annexe IV de la directive «service universel».

46 En effet, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, l’article L. 35‑2 du code empêche les autorités réglementaires nationales d’évaluer la situation concurrentielle réelle du marché des télécommunications et de prendre en considération des alternatives qui pourraient être plus rentables sur une partie du territoire national.

47 Il s’ensuit que le second grief de la Commission doit également être accueilli.

48 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer le recours de la Commission comme fondé.

49 Par conséquent, il convient de constater que, par la transposition en droit interne des dispositions relatives à la désignation d’entreprises susceptibles de garantir la fourniture du service universel à laquelle elle a procédé, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8, paragraphe 2, 12 et 13 ainsi que de l’annexe IV de la directive «service universel».

Sur les dépens

50 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1) Par la transposition en droit interne des dispositions relatives à la désignation d’entreprises susceptibles de garantir la fourniture du service universel à laquelle elle a procédé, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8, paragraphe 2, 12 et 13 ainsi que de l’annexe IV de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et
services de communications électroniques (directive «service universel»).

2) La République française est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-220/07
Date de la décision : 19/06/2008
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d’État - Directive 2002/22/CE - Communications électroniques - Désignation des entreprises en charge de la fourniture du service universel - Transposition incorrecte.

Politique industrielle


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Ruiz-Jarabo Colomer
Rapporteur ?: Arestis

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2008:354

Source

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