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24/01/2008 | CJUE | N°C-211/06

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Herta Adam contre Commission des Communautés européennes., 24/01/2008, C-211/06


ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
24 janvier 2008

Affaire C-211/06 P

Herta Adam

contre

Commission des Communautés européennes

« Pourvoi – Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut – Notion de ‘services effectués pour un autre État’ »

Objet : Pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de première instance (première chambre), du 22 février 2006, Adam/Commission (T‑342/04, non enco

re publié au Recueil), par lequel le Tribunal a rejeté le recours de la requérante tendant à l’annulation de la décision de la ...

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
24 janvier 2008

Affaire C-211/06 P

Herta Adam

contre

Commission des Communautés européennes

« Pourvoi – Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut – Notion de ‘services effectués pour un autre État’ »

Objet : Pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de première instance (première chambre), du 22 février 2006, Adam/Commission (T‑342/04, non encore publié au Recueil), par lequel le Tribunal a rejeté le recours de la requérante tendant à l’annulation de la décision de la Commission, du 2 septembre 2003, lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes.

Décision : Le pourvoi est rejeté. M^me Adam est condamnée aux dépens.

Sommaire

Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Conditions d’octroi – Services effectués pour un autre État ou une organisation internationale

[Statut des fonctionnaires, annexe VII, art. 4, § 1, sous a)]

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

24 janvier 2008 (*)

«Pourvoi – Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut – Notion de ‘services effectués pour un autre État’»

Dans l’affaire C‑211/06 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 8 mai 2006,

Herta Adam, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par M^es S. Orlandi et J.-N. Louis, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et M^me L. Lozano Palacios, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. G. Arestis, président de chambre, MM. E. Juhász et J. Malenovský (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mai 2007,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, M^me Adam demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 22 février 2006, Adam/Commission (T-342/04, non encore publié au Recueil, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes du 2 septembre 2003 (ci-après la «décision litigieuse»), lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4, paragraphe
1, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»).

Le cadre juridique

2 L’article 69, première phrase, du statut, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse, dispose que l’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge auxquelles le fonctionnaire a droit.

3 L’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut prévoit que l’indemnité de dépaysement est accordée:

«a) au fonctionnaire:

– qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation

et

– qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération».

Les faits à l’origine du litige

4 Les faits à l’origine du litige ont été résumés par le Tribunal, aux points 3 à 8 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants:

«3 La requérante, de nationalité allemande, a travaillé du 1^er mars 1990 au 30 septembre 1997 au service du Land de Sarre à Saarbrücken (Allemagne). À partir du 1^er octobre 1997 et jusqu’au 30 juin 2003, elle a été affectée au bureau de liaison du Land de Sarre à Bruxelles (Belgique), dénommé, depuis le 18 mars 2003, bureau de représentation dudit Land auprès de l’Union européenne.

4 Le 1^er juillet 2003, la requérante est entrée en fonctions à la Commission en qualité de fonctionnaire. La période de cinq années mentionnée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), [second] tiret, de l’annexe VII du statut, aux effets du bénéfice de l’indemnité de dépaysement (ci-après la ‘période de référence’), a été fixée entre le 1^er janvier 1998 et le 31 décembre 2002.

5 Par note du 2 septembre 2003, l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels relevant de la direction générale (DG) ‘Personnel et administration’ a établi la fiche de la requérante, dans laquelle il apparaît qu’une décision lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement a été prise [...]

6 Le 28 novembre 2003, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre cette décision.

7 Par décision du 19 avril 2004, dont la requérante a pris connaissance le 28 avril 2004, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’‘AIPN’) a rejeté la réclamation de la requérante.

8 Il ressort de cette décision que l’indemnité de dépaysement a été refusée à la requérante au motif que son activité professionnelle au service de la représentation du Land de Sarre à Bruxelles pendant la période de référence ne pouvait être considérée comme des ‘services effectués pour un autre État’ au sens de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. L’AIPN fait état, au soutien de sa position, des considérations suivantes:

‘[…] s’il est vrai que les Länder disposent de compétences propres, si amples qu’elles soient, prévues dans la Loi fondamentale allemande, le fait d’en être titulaires ne les convertit pas en États au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.

Une interprétation permettant de traiter les services prestés pour les Länder comme ceux prestés pour un État […] va bien au-delà du libellé de la disposition statutaire en question ainsi que de l’intention du législateur sans compter que cette interprétation pourrait se relever source de discriminations potentielles entre fonctionnaires en fonction de l’organisation interne de l’État dont ils sont ressortissants.

De surcroît, s’il est clair que le lien de travail avec un Land peut être de droit public (tel est bien le cas de [la requérante]), cela ne signifie pas que le Land en question est à assimiler à un État.

[…]’»

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 août 2004, la requérante a introduit un recours visant à obtenir l’annulation de la décision litigieuse.

6 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours de la requérante. Il a donc écarté les deux moyens invoqués par cette dernière, tirés de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et de la violation du principe d’égalité de traitement.

7 S’agissant du premier moyen, le Tribunal a estimé, au point 30 de l’arrêt attaqué, que la question qui se posait était celle de déterminer si le travail effectué par la requérante pour le bureau de liaison du Land de Sarre à Bruxelles devait être considéré comme des services effectués pour un autre État au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de ladite annexe.

8 Pour rejeter ce moyen, le Tribunal a tout d’abord rappelé, au point 31 de l’arrêt attaqué, qu’il a précédemment jugé, dans son arrêt du 25 octobre 2005, Herrero Romeu/Commission (T‑298/02, Rec. p. II‑4599, point 32), que la notion d’«État», prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, ne vise que l’État en tant que personne juridique et sujet unitaire du droit international ainsi que ses organes de gouvernement.

9 Le Tribunal a ensuite relevé, au point 33 de l’arrêt attaqué, que, selon la jurisprudence constante de la Cour, il ressort clairement de l’économie générale des traités CE et CEEA que la notion d’«État membre», au sens des dispositions institutionnelles, ne vise que les seules autorités gouvernementales des États membres et ne saurait être étendue aux gouvernements des régions ou des communautés autonomes, quelle que soit l’étendue des compétences qui leur sont reconnues.

10 Au point 34 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, en substance, que les dispositions du statut comportent une terminologie précise dont l’extension par analogie à des cas non visés de façon explicite est exclue. Il a également relevé que le législateur communautaire a choisi le terme «État» alors qu’il existait déjà, à l’époque où le statut a été adopté, des États membres à structure fédérale ou régionale tels que la République fédérale d’Allemagne, et non uniquement des États dotés
d’une structure interne de nature centralisée. Il en a déduit que, si le législateur communautaire avait voulu introduire les subdivisions politiques ou les collectivités locales dans lesdites dispositions, il l’aurait fait expressément.

11 Au point 35 de l’arrêt attaqué, le Tribunal en a conclu que l’expression «services effectués pour un autre État», visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, doit être interprétée comme ne se référant pas aux services fournis pour les gouvernements des subdivisions politiques des États (arrêt Herrero Romeu/Commission, précité, point 33).

12 Le Tribunal a également écarté, aux points 37 à 45 de l’arrêt attaqué, plusieurs arguments invoqués par la requérante.

13 Au point 37 de cet arrêt, il a réfuté l’argument de la requérante selon lequel les tâches accomplies par les bureaux de liaison des Länder à Bruxelles seraient de nature étatique. Aux points 38 et 41 dudit arrêt, a été écartée l’argumentation tirée de l’interprétation du terme «État» qui aurait été effectuée par la Commission dans sa décision C(2002) 1559, du 30 avril 2002, relative au régime applicable aux experts nationaux détachés auprès des services de la Commission. Aux points 42 à 43
du même arrêt, le Tribunal a rejeté les arguments de la requérante relatifs aux tâches de service public qu’elle aurait réalisées, à la situation de dépaysement dans laquelle elle se serait trouvée à Bruxelles, ainsi que celui selon lequel elle était liée par la même convention collective que celle régissant les employés fédéraux. Enfin, au point 44 de l’arrêt attaqué, ont été écartés les arguments tirés de la promesse solennelle, prononcée par la requérante, d’accomplir ses devoirs dans le respect
de la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne.

14 S’agissant du second moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement résultant de la différence de traitement dans l’application de l’article 4 de l’annexe VII du statut entre un employé détaché pour représenter un Land et un employé détaché pour représenter l’administration de la Fédération, le Tribunal a considéré, au point 48 de l’arrêt attaqué, que les deux situations n’étaient pas identiques. En effet, en vertu de la loi fondamentale de la République fédérale
d’Allemagne, les Länder et la Fédération, qui sont des entités de droit public, se distinguent par les compétences qui leur sont respectivement dévolues dans l’ordre juridique interne de cet État membre.

15 Par ailleurs, le Tribunal a estimé, au point 49 de l’arrêt attaqué, que c’était non pas la décision litigieuse qui avait créé ces divergences, mais le statut dont la légalité n’a cependant pas été contestée par la requérante. Le Tribunal a enfin considéré, au point 50 de cet arrêt, que la requérante avait été traitée de la même manière que l’ont été d’autres fonctionnaires se trouvant dans une situation identique.

Les conclusions des parties au pourvoi

16 Dans le présent pourvoi, M^me Adam demande à la Cour:

– de déclarer le présent pourvoi recevable en tous ses moyens et arguments;

– d’annuler l’arrêt attaqué,

– d’annuler la décision litigieuse, et

– de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

17 La Commission demande à la Cour:

– de rejeter le pourvoi dans son intégralité, et

– de condamner la requérante aux dépens de la présente instance.

Sur le pourvoi

Argumentation des parties

18 Par son moyen unique, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en procédant à une interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut.

19 La requérante fait tout d’abord valoir que le Tribunal, aux points 35 et 36 de l’arrêt attaqué, en interprétant l’expression «services effectués pour un autre État», visée à l’article 4 de l’annexe VII du statut, comme ne se référant pas aux services fournis pour les gouvernements de subdivisions politiques ou administratives des États, a illégalement arrêté sa décision sans prendre en compte le nouvel équilibre institutionnel de la République fédérale d’Allemagne mis en œuvre après l’entrée
en vigueur du traité de Maastricht et relatif aux conditions dans lesquelles la Fédération et les Länder participent au fonctionnement des institutions communautaires. Il n’aurait, notamment, pas pris en considération l’accord intervenu le 29 octobre 1993 entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des Länder de la République fédérale d’Allemagne sur la collaboration dans les affaires de l’Union européenne en application du paragraphe 9 de la loi sur la coopération de la Fédération et des
Länder dans les affaires de l’Union européenne, selon lequel, dans les matières relevant du pouvoir législatif exclusif des Länder, la représentation de l’État allemand aurait été transférée aux Länder.

20 Par ailleurs, la requérante soutient que le Tribunal a interprété l’article 4 de l’annexe VII du statut par rapport à la seule expression «services effectués pour un autre État» alors que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 30 mars 1993, Vardakas/Commission (T‑4/92, Rec. p. II‑357), les termes «situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale» ont une portée beaucoup plus large que les termes «services effectués pour un autre État». De plus,
ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 34 de l’arrêt attaqué, les dispositions du statut comporteraient une terminologie précise ne pouvant être ni étendue ni restreinte par voie d’interprétation. Les auteurs du statut auraient utilisé des termes larges lorsqu’ils ont souhaité octroyer aux fonctionnaires l’indemnité de dépaysement et des termes restrictifs lorsqu’ils ont voulu les priver de celle-ci (arrêt Vardakas/Commission, précité, point 36).

21 La requérante fait valoir, ensuite, que le dépaysement d’une personne est indépendant du statut particulier dont elle bénéficie, en vertu du droit international, comme membre du personnel d’un État. Une personne pourrait être dépaysée sans bénéficier de ce statut particulier, de même qu’elle pourrait bénéficier de ce statut particulier sans être dépaysée en fait (arrêt Vardakas/Commission, précité, point 40). Dans la présente affaire, en tant que fonctionnaire du Land de Sarre, elle aurait
été détachée à Bruxelles pour assurer les responsabilités de chef du bureau de liaison du Land de Sarre. Pouvant être réaffectée dans un emploi situé dans le Land de Sarre par simple décision du gouvernement, elle se serait trouvée dans une situation ne lui permettant pas de créer des liens durables avec l’État d’affectation et donc, dans une situation juridique identique à celle du personnel des représentations permanentes des États membres auprès de l’Union européenne.

22 La requérante soutient, enfin, que le Tribunal a, à tort, estimé que les indemnités de séjour journalières octroyées aux experts nationaux détachés (ci-après les «END») ont pour but de compenser les désavantages liés au caractère temporaire de leurs tâches auprès de la Commission ainsi que l’état de précarité qui en résulte. En réalité, comme pour l’indemnité de dépaysement, la ratio legis de l’indemnité de séjour journalière, dont le critère d’octroi est lié à la distance entre le lieu de
résidence habituelle et le lieu de détachement, viserait à compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de l’exercice de fonctions dans un État avec lequel l’intéressé n’a pas établi de liens durables avant son entrée en fonction.

23 L’interprétation du terme État effectuée par la Commission dans un contexte comparable confirmerait le bien-fondé de sa position. En effet, la décision C(2004) 577 de la Commission, du 27 février 2004, portant modification de la décision C(2002) 1559, du 30 avril 2002, modifiée par la décision C(2003) 406, du 31 janvier 2003, relative au régime applicable aux experts nationaux détachés auprès des services de la Commission, ferait référence aux «situations résultant de tâches accomplies pour
un État ou pour une organisation internationale». Or, dans le cadre de l’application de cette disposition, la Commission estimerait que les tâches réalisées par les END, pour une région ou un Land, doivent être considérées comme ayant été effectuées pour un État. Une différence de traitement dans l’application de l’article 4 de l’annexe VII du statut aurait, dès lors, pour conséquence de violer le principe d’égalité de traitement.

24 La Commission considère, quant à elle, en premier lieu, que l’argumentation qui se rapporte au rejet du premier moyen soulevé devant le Tribunal est irrecevable en raison de son imprécision. Les passages critiqués de l’arrêt attaqué se limiteraient en effet aux points 35, 36 et 41 de celui-ci.

25 En deuxième lieu, la Commission fait valoir que l’argumentation concernant la violation du principe d’égalité de traitement vise le point 41 de l’arrêt attaqué et donc la comparaison de la situation de la requérante avec celle des END. Cette argumentation serait examinée par le Tribunal dans le cadre du premier moyen de la requête de première instance. En revanche, aucun passage du pourvoi ne semblerait viser les points 46 à 52 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal rejette le second
moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement. Il apparaît donc que le dispositif du pourvoi, par lequel la requérante demande l’annulation de l’arrêt attaqué «dans toutes ses dispositions», ne serait pas appuyé par les motifs du pourvoi, la requérante n’ayant pas contesté les motifs de l’arrêt attaqué ayant conduit au rejet du second moyen. Le pourvoi serait, dès lors, partiellement irrecevable et, en tout cas, en partie inopérant.

26 La Commission soutient, en troisième lieu, que l’argument de la requérante, tiré de l’accord du 29 octobre 1993 mentionné au point 19 du présent arrêt, est irrecevable faute d’avoir été soumis au Tribunal. En tout état de cause, cet argument serait non fondé, voir inopérant, car il présupposerait que l’évolution institutionnelle allemande soit pertinente pour l’application de l’article 4 de l’annexe VII du statut, ce que le Tribunal a récusé sans être contesté sur ce point par la requérante.

27 La Commission considère, en quatrième lieu, que la requérante semble, en substance, reprocher au Tribunal d’avoir méconnu la ratio legis de l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut. Cependant, cette argumentation serait fondée sur une prémisse erronée qui vicie le reste de son argumentation.

28 La Commission estime, en cinquième lieu, que l’argumentation de la requérante relative à la portée de l’expression «situations résultant de services pour un autre État ou une organisation internationale» est irrecevable, faute d’avoir été présentée au Tribunal. En tout état de cause, la Commission fait valoir que, certes, en vertu de l’arrêt Vardakas/Commission, précité, lorsqu’une interprétation large est possible, il y a lieu de la préférer. Toutefois, le Tribunal aurait démontré que, sous
peine de violer l’uniformité du droit communautaire et le principe d’égalité de traitement, une interprétation large de la notion d’État n’était pas possible.

29 Selon la Commission, est également irrecevable et, en tout état de cause, non fondée l’argumentation selon laquelle, n’ayant pas créé de liens durables avec l’État d’affectation, la requérante serait dans une situation identique à celle du personnel des représentations permanentes des États membres auprès de l’Union européenne.

30 En sixième lieu, la Commission prétend que l’argumentation relative aux END est une question de fait et donc, manifestement irrecevable. En effet, en se bornant à évoquer une «éventuelle» interprétation effectuée par la Commission du terme «État», le Tribunal n’aurait pas considéré que la Commission suivait effectivement l’interprétation telle que prônée par la requérante. À titre subsidiaire, cette argumentation serait dépourvue de tout fondement, car les fonctionnaires et les END se
trouveraient dans des situations différentes. Par conséquent, la ratio legis et les conditions d’octroi des indemnités susceptibles de leur être allouées diffèreraient également.

Appréciation de la Cour

Sur la recevabilité

31 Il convient de rappeler, en premier lieu, que le Tribunal, pour rejeter le recours de la requérante, a écarté les deux moyens soulevés par cette dernière et tirés respectivement de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et de la violation du principe d’égalité de traitement. Dans le cadre de son pourvoi, la requérante a estimé devoir invoquer des arguments uniquement à l’encontre des motifs de l’arrêt attaqué ayant conduit au rejet de son premier moyen.
Bien que, par le moyen qu’elle invoque devant la Cour, elle ne conteste que le rejet par le Tribunal du premier moyen invoqué devant celui-ci, il n’en reste pas moins que si le moyen invoqué dans le cadre du pourvoi est fondé, il est à lui seul susceptible d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

32 Dès lors, doit être écarté l’argument de la Commission selon lequel le pourvoi, qui tend à l’annulation de l’arrêt attaqué dans son ensemble, devrait être déclaré partiellement irrecevable ou, en tout cas, en partie inopérant, comme ne comportant des arguments qui ne visent qu’une partie dudit arrêt.

33 En second lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), de son règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir arrêts du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p.
I‑2125, point 15, et du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C‑227/04 P, non encore publié au Recueil, point 45).

34 En l’occurrence, la requérante a spécifiquement identifié l’erreur de droit reprochée au Tribunal et effectivement critiqué l’interprétation du droit communautaire sur la base de laquelle celui-ci s’est fondé. L’argumentation avancée par la requérante vise, en effet, à mettre en cause l’appréciation portée par le Tribunal sur une question de droit qui lui était soumise, à savoir l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. La requérante développe ensuite
des arguments pour justifier ce moyen.

35 Dès lors, ne saurait être accueilli l’argument de la Commission relatif à l’irrecevabilité, pour imprécision, de l’argumentation de la requérante se rapportant au rejet du premier moyen soulevé devant le Tribunal.

36 Il s’ensuit que le pourvoi est recevable.

Sur le fond

37 Il convient, en vue de répondre au moyen soulevé par la requérante, de se prononcer sur la question de savoir si, en interprétant la notion de «services effectués pour un autre État» visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, le Tribunal a commis une erreur de droit.

38 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 69 du statut et dont les modalités d’octroi sont précisées à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du même statut, disposition dans laquelle figure la notion de «services effectués pour un autre État», a pour objet de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès des Communautés pour les fonctionnaires qui sont, de ce
fait, obligés de transférer leur résidence de l’État de leur domicile à l’État d’affectation et de s’intégrer dans un nouveau milieu. La notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir de son degré d’intégration dans le nouveau milieu résultant, par exemple, de sa résidence habituelle ou de l’exercice d’une activité professionnelle principale (voir arrêts du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, Rec. p. I‑4295, point 20; du 21
juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier, C‑424/05 P, non encore publié au Recueil, point 35, et du 29 novembre 2007, Salvador García/Commission, C-7/06 P, non encore publié au Recueil, point 43).

39 L’octroi de l’indemnité de dépaysement vise ainsi à remédier aux inégalités de fait survenant entre les fonctionnaires intégrés dans la société de l’État d’affectation et ceux qui ne le sont pas (voir arrêts précités Commission/Hosman-Chevalier, point 36, et Salvador García/Commission, point 44).

40 Se trouve également dans une telle situation de dépaysement le fonctionnaire qui, tout en ayant habité ou exercé une activité professionnelle sur le territoire européen de l’État où est situé le lieu de son affectation pendant une période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, a effectué des services pour un autre État ou une organisation internationale.

41 En effet, l’accomplissement de services «pour un autre État ou une organisation internationale» a pour conséquence le maintien d’un lien de rattachement spécifique de l’intéressé avec cet autre État ou cette organisation internationale, faisant ainsi obstacle à la création d’un lien de rattachement durable avec l’État d’affectation et donc à l’intégration suffisante dudit intéressé dans la société de ce dernier État (voir arrêts précités Commission/Hosman-Chevalier, point 38, et Salvador
García/Commission, point 46).

42 Il convient de relever que la Cour a précédemment jugé qu’il y a lieu de se référer, pour interpréter la notion d’«État», au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, au droit international public qui régit les rapports entre les États membres et les États tiers (voir arrêt Salvador García/Commission, précité, point 48).

43 En effet, rien ne permet de déduire des dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut que les services effectués «pour un autre État» sont nécessairement des services effectués pour un État membre de l’Union européenne. Une telle conclusion n’est pas invalidée par le fait que, dans la pratique, les futurs fonctionnaires de l’Union effectuent, dans la grande majorité des cas, leurs services pour un État membre et non pour un État tiers (voir arrêt
Salvador García/Commission, précité, point 47).

44 Même si la répartition des compétences sur le plan intra-étatique varie en fonction de l’architecture institutionnelle de chaque État, celui-ci est considéré, en droit international public, comme un sujet de caractère unitaire. Au regard de cette conception, il est exigé que l’État soit représenté, auprès des autres États et des organisations internationales, par un système de représentation diplomatique unique, lequel est le reflet de l’unicité, au plan international, de l’État concerné
(voir arrêt Salvador García/Commission, précité, point 49).

45 À cet égard, la Cour a déjà jugé que, s’il n’est pas essentiel, pour que le fonctionnaire concerné puisse être considéré comme ayant effectué des services pour «un autre État», qu’il soit employé par l’administration centrale de cet autre État, en revanche, son intégration fonctionnelle au sein de la représentation permanente de ce dernier constitue un élément déterminant (voir arrêt Salvador García/Commission, précité, point 50 et jurisprudence citée).

46 En effet, la Cour a considéré que le statut particulier de l’intéressé, en tant que membre du personnel d’une représentation permanente, a été à l’origine de son lien de rattachement spécifique avec l’État membre concerné. Ce statut privilégié, lui ayant permis de bénéficier de différents privilèges et immunités en vertu de la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, crée, par lui-même, un obstacle qui empêche que l’intéressé puisse nouer un lien de rattachement
durable avec l’État d’affectation et, partant, qu’il s’intègre suffisamment dans la société de cet État (voir arrêts précités Commission/Hosman-Chevalier, point 43, et Salvador García/Commission, point 51).

47 La Cour a également estimé que doivent être considérés comme étant dans une situation de dépaysement au sens de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, tant les agents qui effectuent des services pour un État, par l’intermédiaire de son administration centrale, que ceux qui accomplissent des services pour une communauté autonome, au moyen de l’administration de celle-ci, à condition toutefois d’être intégrés formellement au sein de la représentation permanente dudit État (voir
arrêt Salvador García/Commission, précité, point 56).

48 En l’occurrence, il est constant que, au cours de la période de référence, la requérante n’a pas été au service de l’administration centrale allemande et qu’elle n’a pas davantage été intégrée formellement au sein de la représentation permanente de la République fédérale d’Allemagne auprès de l’Union européenne.

49 Dans la mesure où, aux fins de l’interprétation de l’expression «services effectués pour un autre État», visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, doit être considéré comme seul pertinent, selon la Cour, le fait que les services sont effectués au sein d’une représentation permanente d’un État (voir arrêt Salvador García/Commission, précité, point 60), il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit, au point 36 de l’arrêt attaqué, en ne
qualifiant pas les services que la requérante a fournis à Bruxelles pour le bureau de liaison du Land de Sarre comme des «services effectués pour un autre État».

50 Dans ces circonstances, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur leur recevabilité, ne peuvent qu’être écartés les arguments de la requérante relatifs au nouvel équilibre institutionnel de la République fédérale d’Allemagne mis en œuvre après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, à la portée de l’expression «situation résultant de services effectués pour un autre État» ainsi que l’argument selon lequel, n’ayant pas créé de liens durables avec l’État d’affectation, elle se
trouverait dans une situation identique à celle du personnel des représentations permanentes des États membres auprès de l’Union européenne.

51 Cette solution ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante tiré de la ratio legis de l’indemnité de séjour journalière octroyée aux END.

52 En effet, il suffit de constater à cet égard que l’indemnité de dépaysement prévue pour les fonctionnaires et agents des communautés, n’est pas de nature comparable à celle de l’indemnité de séjour journalière accordée à des experts nationaux occasionnellement occupés auprès de la Commission et ne relevant pas du statut.

53 Il résulte de toutes les considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

54 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 70 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Toutefois, en application de l’article 122, deuxième alinéa, premier tiret,
dudit règlement, l’article 70 n’est pas applicable au pourvoi formé par un fonctionnaire ou tout autre agent d’une institution contre celle-ci. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en son moyen, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) M^me Adam est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Huitième chambre
Numéro d'arrêt : C-211/06
Date de la décision : 24/01/2008
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaires - Rémunération - Indemnité de dépaysement - Condition prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut - Notion de ‘services effectués pour un autre État’.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Herta Adam
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Malenovský

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2008:34

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