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21/01/2008 | CJUE | N°C-229/07

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Diana Mayeur contre Ministère de la Santé et des Solidarités., 21/01/2008, C-229/07


ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

21 janvier 2008 (*)

«Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure – Article 23 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil – Liberté d’établissement – Reconnaissance des diplômes, titres et expérience acquise – Situation du ressortissant d’un État tiers, titulaire d’un diplôme de médecine délivré par cet État tiers et homologué par un État membre, souhaitant obtenir l’autorisation d’exercer sa profession de médecin dans un autre État membre où il réside légalement ave

c son conjoint,
ressortissant de ce dernier État membre»

Dans l’affaire C‑229/07,

ayant ...

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

21 janvier 2008 (*)

«Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure – Article 23 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil – Liberté d’établissement – Reconnaissance des diplômes, titres et expérience acquise – Situation du ressortissant d’un État tiers, titulaire d’un diplôme de médecine délivré par cet État tiers et homologué par un État membre, souhaitant obtenir l’autorisation d’exercer sa profession de médecin dans un autre État membre où il réside légalement avec son conjoint,
ressortissant de ce dernier État membre»

Dans l’affaire C‑229/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par tribunal administratif de Paris (France), par décision du 27 mars 2007, parvenue à la Cour le 9 mai 2007, dans la procédure

Diana Mayeur

contre

Ministère de la Santé et des Solidarités,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. U. Lõhmus, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur) et J. Klučka, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. R. Grass,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 23 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO
L 158, p. 77, et rectificatif JO L 229, p. 35).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M^me Mayeur, ressortissante péruvienne, au ministère de la Santé et des Solidarités au sujet d’une demande d’autorisation d’exercer la médecine en France.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Selon l’article 2, point 2, de la directive 2004/38, aux fins de celle-ci, on entend par:

«‘membre de la famille’:

a) le conjoint;

[…]»

4 Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38:

«La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2, qui l’accompagnent ou le rejoignent.»

5 Aux termes de l’article 23 de la directive 2004/38, intitulé «Droits connexes»:

«Les membres de la famille du citoyen de l’Union, quelle que soit leur nationalité, qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent dans un État membre, ont le droit d’y entamer une activité lucrative à titre de travailleur salarié ou [...] non salarié.»

La réglementation française

6 L’article L. 4111-1 du code de la santé publique dispose:

«Nul ne peut exercer la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme s’il n’est:

1° Titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5;

2° De nationalité française, de citoyenneté andorrane ou ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du Maroc ou de la Tunisie, sous réserve de l’application, le cas échéant, soit des règles fixées au présent chapitre, soit de celles qui découlent d’engagements internationaux autres que ceux mentionnés au présent chapitre;

[…]»

7 Aux termes de l’article L. 4131-1 du même code:

«Les diplômes, certificats et titres exigés en application du 1° de l’article L. 4111-1 sont pour l’exercice de la profession de médecin:

1° Soit le diplôme français d’État de docteur en médecine;

2° Soit, si l’intéressé est ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen:

a) Un diplôme, certificat ou autre titre de médecin délivré par l’un de ces États et figurant sur une liste établie conformément aux obligations communautaires ou à celles résultant de l’accord sur l’Espace économique européen, par arrêté des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé;

b) Tout diplôme, certificat ou autre titre de médecin délivré par un État, membre ou partie, sanctionnant une formation de médecin acquise dans cet État antérieurement aux dates fixées par l’arrêté mentionné au a) et non conforme aux obligations communautaires, s’il est accompagné d’une attestation de cet État certifiant que le titulaire du diplôme, certificat ou titre s’est consacré de façon effective et licite aux activités de médecin pendant au moins trois années consécutives au cours des
cinq années précédant la délivrance de l’attestation;

c) Un diplôme, certificat ou autre titre de médecin délivré par un État membre, conformément aux obligations communautaires, ne figurant pas sur la liste mentionnée au a), s’il est accompagné d’une attestation de cet État certifiant qu’il sanctionne une formation conforme à ces obligations et qu’il est assimilé, par lui, aux diplômes, certificats et titres figurant sur cette liste.

[...]»

Le litige au principal et la question préjudicielle

8 Il ressort de la décision de renvoi que M^me Mayeur a obtenu un diplôme de médecin au Pérou le 27 mars 2002 et a suivi une spécialisation en chirurgie cardiaque en France à compter du mois de novembre de la même année. Elle a épousé un ressortissant français le 23 juillet 2005 et son diplôme péruvien a été homologué par le ministère de l’Éducation et des Sciences espagnol le 16 mars 2006. Le 24 avril 2006, M^me Mayeur a saisi le ministre de la Santé et des Solidarités afin d’obtenir une
habilitation à l’exercice de la médecine en France. Le défaut de réponse dudit ministre dans un délai de deux mois à compter de cette date a fait naître une décision implicite de rejet de la demande le 24 juin 2006.

9 Devant la juridiction de renvoi, M^me Mayeur soutient que l’article 23 de la directive 2004/38 oblige les États membres à accorder au conjoint d’un ressortissant communautaire les mêmes droits que ceux dont bénéficie ce dernier en matière de reconnaissance mutuelle des diplômes et de liberté d’établissement.

10 Selon la juridiction de renvoi, la question qui se pose est celle de savoir si, en application des dispositions dudit article 23, un ressortissant d’un État tiers qui est le conjoint d’un ressortissant communautaire est fondé à se prévaloir de l’interprétation donnée par la Cour de l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) dans son arrêt du 14 septembre 2000, Hocsman (C-238/98, Rec. p. I‑6623).

11 Dans cet arrêt, la Cour a dit pour droit que l’article 52 du traité doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans une situation non régie par une directive relative à la reconnaissance mutuelle des diplômes, un ressortissant communautaire présente une demande d’autorisation d’exercer une profession dont l’accès est, selon la législation nationale, subordonné à la possession d’un diplôme ou d’une qualification professionnelle, ou encore à des périodes d’expérience pratique, les autorités
compétentes de l’État membre concerné sont tenues de prendre en considération l’ensemble des diplômes, certificats et autres titres ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d’autre part, les connaissances et les qualifications exigées par la législation nationale.

12 Considérant que la question soulevée est déterminante pour la solution du litige au principal et qu’elle présente une difficulté sérieuse, le tribunal administratif de Paris a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions de l’article 23 de la directive 2004/38 […] permettent-elles au ressortissant d’un État tiers, conjoint d’un ressortissant communautaire, de se prévaloir des règles communautaires relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes et à la liberté d’établissement, et obligent-elles les autorités compétentes de l’État membre auprès duquel l’autorisation d’exercice d’une profession réglementée est sollicitée de prendre en considération l’ensemble des diplômes, certificats et autres
titres, même s’ils ont été obtenus en dehors de l’Union européenne, et dès lors au moins qu’ils ont fait l’objet d’une reconnaissance dans un autre État membre, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d’autre part, les connaissances et qualifications exigées par la législation nationale?»

Sur la question préjudicielle

13 Conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée.

14 Il y a lieu de faire application de ladite disposition procédurale dans la présente affaire.

15 Il résulte de la jurisprudence que les règles du traité en matière de libre circulation des personnes ainsi que les directives et règlements pris en exécution desdites règles ne peuvent être appliqués à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire et dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, notamment, arrêt du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet, C-64/96 et C‑65/96, Rec.
p. I-3171, points 16 et 23).

16 Ainsi, à propos de l’article 11 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), qui, avant son abrogation par l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2004/38, prévoyait en faveur du conjoint d’un ressortissant d’un État membre exerçant sur le territoire d’un État membre une activité salariée ou non salariée le droit d’accéder à toute activité salariée sur ledit territoire, la
Cour a jugé que la réglementation communautaire en matière de libre circulation des personnes ne saurait être appliquée à la situation de personnes qui n’ont pas exercé le droit de libre circulation à l’intérieur de la Communauté (arrêt Uecker et Jacquet, précité, points 17 et 23).

17 La question de savoir si tel est le cas dépend de constatations de fait qu’il appartient à la juridiction nationale d’établir (voir, notamment, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p. I-1979, point 37, ainsi que du 28 janvier 1992, Steen, C-332/90, Rec. p. I-341, point 9; voir, également, ordonnance du 1^er avril 2004, Fröschl, C-184/03, non publiée au Recueil, point 24).

18 Or, il résulte des faits tels qu’ils ont été établis par la juridiction nationale dans sa décision de renvoi que la procédure au principal concerne la situation d’un ressortissant d’un État tiers, marié à un ressortissant français résidant en France, alors que ladite juridiction n’a fourni aucune indication permettant de constater que ce dernier aurait fait un quelconque usage de son droit de libre circulation.

19 Dans ces conditions, un membre de la famille d’un ressortissant communautaire ne peut pas invoquer les règles communautaires relatives à la liberté de circulation des personnes lorsque ce ressortissant communautaire n’a pas exercé le droit de libre circulation à l’intérieur de la Communauté (voir, à propos de l’article 11 du règlement n° 1612/68, arrêt Uecker et Jacquet, précité, points 19 et 24).

20 Il y a donc lieu de répondre à la question posée que l’article 23 de la directive 2004/38 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers, qui est le conjoint d’un ressortissant communautaire n’ayant pas fait usage de son droit de libre circulation, de se prévaloir des règles communautaires relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes et à la liberté d’établissement, et n’oblige pas les autorités compétentes de l’État membre auprès duquel
l’autorisation d’exercice d’une profession réglementée est sollicitée de prendre en considération l’ensemble des diplômes, certificats et autres titres, même s’ils ont été obtenus en dehors de l’Union européenne, et dès lors au moins qu’ils ont fait l’objet d’une reconnaissance dans un autre État membre, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d’autre part, les connaissances
et les qualifications exigées par la législation nationale.

Sur les dépens

21 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

L’article 23 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers,
qui est le conjoint d’un ressortissant communautaire n’ayant pas fait usage de son droit de libre circulation, de se prévaloir des règles communautaires relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes et à la liberté d’établissement, et n’oblige pas les autorités compétentes de l’État membre auprès duquel l’autorisation d’exercice d’une profession réglementée est sollicitée de prendre en considération l’ensemble des diplômes, certificats et autres titres, même s’ils ont été obtenus en dehors de
l’Union européenne, et dès lors au moins qu’ils ont fait l’objet d’une reconnaissance dans un autre État membre, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d’autre part, les connaissances et les qualifications exigées par la législation nationale.

Signatures

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Septième chambre
Numéro d'arrêt : C-229/07
Date de la décision : 21/01/2008
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France.

Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure - Article 23 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil - Liberté d’établissement - Reconnaissance des diplômes, titres et expérience acquise - Situation du ressortissant d’un État tiers, titulaire d’un diplôme de médecine délivré par cet État tiers et homologué par un État membre, souhaitant obtenir l’autorisation d’exercer sa profession de médecin dans un autre État membre où il réside légalement avec son conjoint, ressortissant de ce dernier État membre.

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : Diana Mayeur
Défendeurs : Ministère de la Santé et des Solidarités.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mengozzi
Rapporteur ?: Cunha Rodrigues

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2008:29

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