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22/11/2007 | CJUE | N°C-262/06

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Deutsche Telekom AG contre Bundesrepublik Deutschland., 22/11/2007, C-262/06


Affaire C-262/06

Deutsche Telekom AG

contre

Bundesrepublik Deutschland

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesverwaltungsgericht)

«Secteur des télécommunications — Service universel et droits des utilisateurs — Notion d'"obligations" devant être maintenues à titre transitoire — Articles 27, premier alinéa, de la directive 2002/21/CE (directive "cadre") et 16, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/22/CE (directive "service universel") — Tarification de la fourniture des services de téléphonie vocale â

€” Obligation d'obtenir une autorisation administrative»

Sommaire de l'arrêt

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Affaire C-262/06

Deutsche Telekom AG

contre

Bundesrepublik Deutschland

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesverwaltungsgericht)

«Secteur des télécommunications — Service universel et droits des utilisateurs — Notion d'"obligations" devant être maintenues à titre transitoire — Articles 27, premier alinéa, de la directive 2002/21/CE (directive "cadre") et 16, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/22/CE (directive "service universel") — Tarification de la fourniture des services de téléphonie vocale — Obligation d'obtenir une autorisation administrative»

Sommaire de l'arrêt

Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Réseaux et services de communications électroniques — Cadre réglementaire — Directive 2002/21 — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22

(Directives du Parlement européen et du Conseil 2002/21, art. 27, al. 1, et 2002/22, art. 16, § 1, a))

Les articles 27, premier alinéa, de la directive 2002/21, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, et 16, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/22, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, doivent être interprétés en ce sens que doivent être provisoirement maintenus en vigueur une obligation légale d'obtenir une autorisation relative aux tarifs
des prestations de services de téléphonie vocale au détail effectuées par des entreprises ayant une position dominante sur ce marché, édictée par le droit interne antérieur au cadre réglementaire résultant desdites directives, ainsi que les actes administratifs de constatation y afférents.

En effet, ces dispositions entendent remplir la même finalité, à savoir assurer une continuité entre l'ancien et le nouveau cadre réglementaire et ce, quelles que soient la nature et le fondement des obligations imposées aux opérateurs.

À cet égard, la circonstance que la décision de cessation de cette situation provisoire, qui résulte de la réalisation de l'analyse de marché mentionnée à l'article 16 de la directive 2002/21, soit confiée à l'autorité réglementaire nationale ne modifie pas cette interprétation car cette autorité ne fait qu'exécuter les obligations imposées par la législation en vigueur, laquelle est issue du nouveau cadre réglementaire. C'est, en effet, ce dernier cadre qui détermine les obligations qui seront
modifiées, maintenues ou supprimées.

(cf. points 22, 36, 43 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

22 novembre 2007 (*)

«Secteur des télécommunications – Service universel et droits des utilisateurs – Notion d’‘obligations’ devant être maintenues à titre transitoire – Articles 27, premier alinéa, de la directive 2002/21/CE (directive ‘cadre’) et 16, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/22/CE (directive ‘service universel’) – Tarification de la fourniture des services de téléphonie vocale – Obligation d’obtenir une autorisation administrative»

Dans l’affaire C‑262/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne), par décision du 17 mai 2006, parvenue à la Cour le 15 juin 2006, dans la procédure

Deutsche Telekom AG

contre

Bundesrepublik Deutschland, représentée par la Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. L. Bay Larsen, J. Makarczyk, P. Kūris (rapporteur) et J.-C. Bonichot, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juin 2007,

considérant les observations présentées:

– pour Deutsche Telekom AG, par M^es T. Mayen, U. Karpenstein, et B. Stamm, Rechtsanwälte,

– pour la Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen, par MM. Bayer, Meyer-Sebastian, M^me E. Greiwe, M. M. Dorsch, en qualité d’agents, assistés de MM. B. Kuhrmeyer et R. Busch,

– pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma et M^me C. Schulze-Bahr, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par M^me A. Hubert, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement lituanien, par M^me S. Žalimienė, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. G. Braun et M. Shotter, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 27, premier alinéa, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33, ci-après la «directive ‘cadre’») et 16, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et
les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51, ci-après la «directive ‘service universel’»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours en «Revision» opposant la Bundesrepublik Deutschland, représentée par la Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (Agence fédérale pour l’électricité, le gaz, les télécommunications, la poste et les chemins de fer, ci-après l’«autorité réglementaire») à Deutsche Telekom AG (ci-après «Deutsche Telekom») au sujet d’une décision du 8 juin 2004 par laquelle l’autorité réglementaire a constaté que
les tarifs pratiqués par Deutsche Telekom ainsi que le contenu des dispositions des conditions générales de vente y afférentes relevaient pour certains «packs d’offres» de l’obligation d’autorisation au sens de l’article 25, paragraphe 1, de la loi sur les télécommunications (Telekommunikationsgesetz), du 25 juillet 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1120, ci-après le «TKG 1996»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L’article 17 de la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel (JO L 101, p. 24) édicte des principes de tarification dans les termes suivants:

«1. Sans préjudice des dispositions particulières de l’article 3 concernant le caractère abordable des tarifs ou des dispositions du paragraphe 6, les autorités réglementaires nationales veillent à ce que soit les organismes fournisseurs de services de téléphonie vocale qui sont puissants sur le marché soit ceux qui ont été désignés conformément à l’article 5 et qui sont puissants sur le marché se conforment aux dispositions du présent article.

2. Les tarifs d’utilisation du réseau téléphonique public fixe et des services téléphoniques publics fixes respectent les principes fondamentaux d’orientation en fonction des coûts énoncés à l’annexe II de la directive 90/387/CEE.

3. Sans préjudice de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/33/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997], relative à l’interconnexion [dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (ONP) (JO L 199, p. 32)], les tarifs d’accès au réseau téléphonique public fixe et d’utilisation de celui-ci sont indépendants du type d’application que les utilisateurs mettent
en œuvre, sauf dans la mesure où ils requièrent des services ou des compléments de services différents.

4. Les tarifs des compléments de services qui s’ajoutent à la fourniture du raccordement au réseau téléphonique public fixe et aux services téléphoniques publics fixes sont, conformément au droit communautaire, suffisamment non amalgamés, de sorte que l’utilisateur n’est pas tenu de payer pour des compléments de services qui ne sont pas nécessaires pour le service demandé.

5. Les modifications de tarifs ne sont mises en vigueur qu’après une période adéquate de préavis au public, fixée par l’autorité réglementaire nationale.

6. Sans préjudice de l’article 3 concernant les prix abordables, un État membre peut autoriser son autorité réglementaire nationale à ne pas appliquer les paragraphes 1, 2, 3, 4 ou 5 du présent article dans une zone géographique donnée lorsqu’il est établi que la concurrence joue effectivement sur le marché des services téléphoniques publics fixes.»

4 Aux termes du douzième considérant de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7, ci-après la «directive ‘accès’»), afin de garantir la continuité des accords existants et d’éviter tout vide juridique, le nouveau cadre réglementaire des télécommunications devra maintenir, jusqu’à leur révision, les
obligations imposées par la réglementation antérieure.

5 L’article 16, paragraphe 1, de la directive «cadre» prévoit que, dès que possible après l’adoption de la recommandation ou de sa mise à jour éventuelle, les autorités réglementaires nationales effectuent une analyse des marchés pertinents, en tenant le plus grand compte des lignes directrices. Les États membres veillent à ce que cette analyse soit effectuée, le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence.

6 L’article 27, premier alinéa, de la directive «cadre» dispose:

«Les États membres maintiennent toutes les obligations prévues par leur législation nationale visées à l’article 7 de la [directive ‘accès’] et à l’article 16 de la [directive ‘service universel’] jusqu’au moment où une détermination est faite concernant ces obligations par une autorité réglementaire nationale conformément à l’article 16 de la présente directive.»

7 L’article 7 de la directive «accès» se lit comme suit:

«Réexamen des obligations antérieures en matière d’accès et d’interconnexion

1. Les États membres maintiennent toutes les obligations relatives à l’accès et à l’interconnexion imposées aux entreprises fournissant des réseaux et/ou des services de communications publics qui étaient applicables avant l’entrée en vigueur de la présente directive en vertu des articles 4, 6, 7, 8, 11, 12 et 14 de la directive [97/33], de l’article 16 de la directive [98/10] et des articles 7 et 8 de la directive 92/44/CEE [du Conseil, du 5 juin 1992, relative à l’application de la fourniture
d’un réseau ouvert aux lignes louées (JO L 165, p. 27)] jusqu’à ce que ces obligations aient été réexaminées et qu’une décision les concernant ait été prise conformément au paragraphe 3.

2. La Commission indiquera les marchés pertinents pour les obligations visées au paragraphe 1 dans la première recommandation relative aux marchés pertinents de produits et de services et dans la décision recensant les marchés transnationaux qui seront adoptées conformément à l’article 15 de la [directive ‘cadre’].

3. Les États membres veillent à ce que, dès que possible après l’entrée en vigueur de la présente directive et à intervalles réguliers par la suite, les autorités réglementaires nationales procèdent à une analyse du marché, conformément à l’article 16 de la [directive ‘cadre’], pour déterminer s’il y a lieu de maintenir, de modifier ou de supprimer ces obligations. Les parties concernées par cette modification ou cette suppression d’obligations en sont averties dans un délai approprié.»

8 L’article 16 de la directive «service universel» dispose:

«Réexamen des obligations

1. Les États membres maintiennent l’ensemble des obligations relatives:

a) à la tarification de détail pour la fourniture d’un accès au réseau téléphonique public et l’utilisation de ce réseau, visée à l’article 17 de la directive [98/10];

b) à la sélection ou présélection des opérateurs, visée dans la directive [97/33]

[…]»

La réglementation nationale

9 L’article 24 du TKG 1996 prévoit notamment que les tarifs doivent être orientés en fonction des coûts liés à la mise à disposition efficace des prestations et doivent répondre aux exigences suivantes, à savoir ne pas contenir de suppléments imposés uniquement grâce à la position dominante d’un opérateur sur le marché de la télécommunication respectif, au sens de l’article 19 de la loi sur les restrictions de la concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen), dans sa version publiée au
BGBl. 1989 I, p. 2486, ne pas contenir de réductions portant atteinte aux possibilités concurrentielles d’autres entreprises sur un marché de la télécommunication et ne pas accorder à des utilisateurs des avantages, par rapport à d’autres utilisateurs de services de télécommunication similaires ou identiques sur le marché de télécommunications pertinent, sauf s’il est apporté la preuve d’une justification objective pour cela.

10 L’article 25 du TKG 1996 dispose:

«(1) En vertu des articles 24 et 27 à 31 de la présente loi, les tarifs et les dispositions des conditions générales de vente y afférentes concernant l’offre de voies de transmission et de services de téléphonie vocale dans le cadre des troisième et quatrième classe de licences, au sens de l’article 6, sont soumis à autorisation de l’autorité réglementaire, dès lors que le titulaire de la licence bénéficie, sur le marché pertinent, d’une position dominante au sens de l’article 22 de la loi
relative aux restrictions de concurrence.

(2) Les tarifs et les dispositions des conditions générales de vente y afférentes concernant des prestations de services de télécommunication autres que ceux visés au paragraphe 1, effectuées par des entreprises bénéficiant, sur le marché pertinent, d’une position dominante au sens de l’article 22 de la loi relative aux restrictions de concurrence, sont soumis, en vertu des articles 24, 27, paragraphe 4, et 31, à la procédure prévue à l’article 30.

(3) Les paragraphes 1 et 2 s’appliquent par analogie aux tarifs et aux dispositions des conditions générales de vente y afférentes pratiqués par une entreprise formant avec le titulaire de licence, au sens du paragraphe 1, ou avec une entreprise, au sens du paragraphe 2, une seule et même entreprise. Forment une seule et même entreprise, les entreprises ayant une relation au sens de l’article 36, paragraphe 2, et de l’article 37, paragraphes 1 et 2, de la loi sur les restrictions de
concurrence.»

11 L’article 150 de la loi sur les télécommunications (Telekommunikationsgesetz), du 22 juin 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1190), telle que modifiée par la loi du 7 juillet 2005 (BGBl. 2005 I, p. 1970, ci-après le «TKG 2004»), régit les tarifs dans les termes suivants:

«(1) Les déterminations de positions dominantes sur le marché auxquelles l’autorité réglementaire a procédé avant l’entrée en vigueur de la présente loi, ainsi que les obligations en découlant, restent valables jusqu’à ce qu’elles soient remplacées par de nouvelles décisions conformément à la partie 2. Cela est également valable dans les cas où les déterminations de positions dominantes sur le marché ne se trouvent que dans les motifs d’un acte administratif. La première phrase est applicable,
par analogie, aux obligations visées aux articles 36, 37 et 39, deuxième alternative, [du TKG 1996].

[…]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 En 2003, Deutsche Telekom a commercialisé différents «packs d’offres» de services de télécommunication comprenant à la fois des prestations soumises à l’obligation d’obtenir une autorisation de l’autorité réglementaire prévue à l’article 25, paragraphe 1, du TKG 1996 et des prestations qui ne l’étaient pas.

13 Des plaintes ont conduit l’autorité réglementaire à engager une enquête en décembre 2003 afin d’examiner si ces packs étaient soumis dans leur ensemble à ladite obligation.

14 Par une décision du 8 juin 2004, l’autorité réglementaire a constaté que les tarifs pratiqués ainsi que les dispositions des conditions générales de vente y afférentes relevaient de l’obligation d’obtenir une autorisation prévue à l’article 25 du TKG 1996.

15 Deutsche Telekom a introduit, à l’encontre de ladite décision, un recours assorti d’une demande de mesures provisoires devant le Verwaltungsgericht Köln.

16 Par jugement du 15 septembre 2005, cette juridiction a fait droit au recours présenté par Deutsche Telekom, au motif que la disposition transitoire prévue à l’article 150, paragraphe 1, du TKG 2004 ne concerne que les obligations ne nécessitant aucun acte de mise en œuvre et qui sont applicables en tant que telles, critères auxquels ne satisfait pas l’article 25, paragraphe 1, du TKG 1996.

17 C’est à l’encontre de ce jugement que l’autorité réglementaire a introduit un recours en «Revision» devant le Bundesverwaltungsgericht qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les articles 27, premier alinéa, de la [directive ‘cadre’] et 16, paragraphe 1, sous a), de la [directive ‘service universel’] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il faut maintenir provisoirement en vigueur une obligation légale, prévue par le droit interne antérieur, d’autorisation des tarifs pour les prestations de services de téléphonie vocale au détail effectuées par des entreprises ayant une position dominante sur ce marché, et donc également l’acte administratif de constatation
y afférent?

En cas de réponse négative à la première question:

2) Le droit communautaire s’oppose-t-il à un maintien en vigueur de cette étendue?»

Sur les questions préjudicielles

18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 27 de la directive «cadre» et 16 de la directive «service universel» visent à maintenir provisoirement en vigueur une obligation légale d’obtenir une autorisation en ce qui concerne certains tarifs téléphoniques pratiqués par une entreprise disposant d’une position dominante sur le marché concerné, prévue par le droit interne antérieur, ainsi que l’acte administratif de constatation y afférent.

19 Il est constant qu’aucune décision au titre de l’article 16 de la directive «cadre» n’a été prise par l’autorité réglementaire dans la mesure où l’analyse du marché pertinent des services de téléphonie vocale n’était pas clôturée au moment où s’est déroulée la procédure devant la juridiction de renvoi.

Sur l’interprétation des articles 27 de la directive «cadre» et 16 de la directive «service universel»

20 En ce qui concerne l’interprétation littérale de l’article 27 de la directive «cadre», il y a lieu de relever que ce sont «toutes les obligations» prévues par la législation des États membres et visées aux articles 7 de la directive «accès» et 16 de la directive «service universel» qui doivent être maintenues. Ledit article 7 concerne les obligations relatives à l’accès et à l’interconnexion imposées aux entreprises fournissant des réseaux et/ou des services de communications publics qui
étaient applicables avant l’entrée en vigueur de la directive «cadre». L’article 16, paragraphe 1, sous a), de la directive «service universel» prévoit le maintien de l’ensemble des obligations relatives à la tarification de détail pour la fourniture d’un accès et l’utilisation d’un réseau téléphonique public.

21 Il s’ensuit, ainsi que le relève M. l’avocat général au point 30 de ses conclusions, que toutes les obligations ainsi visées et imposées sous l’empire de la réglementation des États membres antérieure au cadre réglementaire résultant des directives «cadre», «accès», «service universel» et 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (ci-après le «nouveau cadre
réglementaire») doivent être maintenues provisoirement, indépendamment de leur nature.

22 La circonstance que la décision de cessation de cette situation provisoire, qui résulte de la réalisation de l’analyse de marché mentionnée à l’article 16 de la directive «cadre», soit confiée à l’autorité réglementaire ne modifie pas cette interprétation car cette autorité ne fait qu’exécuter les obligations imposées par la législation en vigueur, laquelle est issue du nouveau cadre réglementaire. C’est, en effet, ce dernier cadre qui détermine les obligations qui seront modifiées,
maintenues ou supprimées.

23 Une telle interprétation est également conforme à la genèse et à l’économie du nouveau cadre réglementaire.

24 S’agissant de la genèse de celui-ci, il est constant que dans la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2000, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques [COM(2000) 393 final], aucune disposition transitoire expresse n’était définie.

25 L’avis du Comité économique et social, du 24 janvier 2001, sur la «Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communication» (JO C 123, p. 56), mentionne, à son point 4.4, la nécessité «de préciser clairement que la législation existante doit s’appliquer uniquement en attendant la conclusion de la première analyse des marchés effectuée conformément à la nouvelle directive».

26 Ladite proposition a été reprise dans le cadre de la position commune (CE) n° 38/2001 arrêtée par le Conseil le 17 septembre 2001 en vue de l’adoption de la directive du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO C 337, p. 34), dont il ressort que le Conseil a eu pour souci d’assurer la clarté juridique et de tenir compte davantage de la diversité des situations nationales.

27 Il s’ensuit que, manifestement, le législateur communautaire n’a pas entendu restreindre les catégories d’obligations visées à l’article 27, premier alinéa, de la directive «cadre».

28 S’agissant de l’économie du nouveau cadre réglementaire, il convient de constater, en premier lieu, que les obligations imposées à une entreprise occupant une position dominante sur un marché déterminé étaient définies dans l’ancien cadre réglementaire par les textes eux-mêmes, alors que dans le nouveau cadre réglementaire, ce sont les autorités réglementaires nationales qui sont compétentes pour définir le marché pertinent et y appliquer les instruments réglementaires. De même, ces
autorités interviennent dans le cadre de l’analyse de marché et désignent les entreprises puissantes sur ce dernier.

29 En deuxième lieu, l’article 7 de la directive «accès» mentionne parmi les obligations applicables avant l’entrée en vigueur de cette directive et que les États membres maintiennent, d’une part, l’article 4 de la directive 97/33, qui crée directement des obligations pour les opérateurs, ainsi que, d’autre part, les articles 6 à 8, 11, 12 et 14 de cette dernière directive, 16 de la directive 98/10 ainsi que 7 et 8 de la directive 92/44, qui délèguent aux États membres la mise en œuvre des
dispositions susmentionnées, elle-même assurée soit par les autorités étatiques soit par les autorités réglementaires nationales.

30 En troisième et dernier lieu, il convient de souligner que le vingt-huitième considérant de la directive «service universel» juge nécessaire de maintenir en application les dispositions en vigueur concernant les services de lignes louées énoncées dans la législation communautaire relative aux télécommunications, et notamment dans la directive 92/44, jusqu’à ce que les autorités réglementaires nationales décident que ces dispositions ne sont plus nécessaires sur le marché national devenu
suffisamment concurrentiel.

31 Tout d’abord, cet objectif de continuité est expressément mis en œuvre par l’annexe VII de la directive «service universel», relative aux conditions applicables à l’ensemble minimal de lignes louées visé à l’article 18 de cette directive, ainsi que par l’article 16, paragraphe 1, sous c), de ladite directive, qui prévoit le maintien des obligations relatives aux lignes louées, visées aux articles 3, 4, 7 et 10 de la directive 92/44, qui mettent des obligations à la charge des États membres,
ainsi qu’aux articles 6 et 8 de cette dernière directive dont le caractère réglementaire ne saurait être contesté.

32 Ensuite, l’article 16, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive «service universel» prévoit le maintien des obligations relatives tant à la tarification de détail mentionnées à l’article 17 de la directive 98/10 qu’à la sélection ou à la présélection des opérateurs visées par la directive 97/33.

33 Il résulte de ce qui précède que les obligations ci-dessus énoncées concernent tant des actes individuels que des mesures réglementaires appliquées par une autorité dont la désignation dépend de l’organisation constitutionnelle propre à chaque État membre.

34 Enfin, cette interprétation est confirmée par l’examen de la finalité des dispositions en cause.

35 En effet, le douzième considérant et l’article 7 de la directive «accès» prévoient la nécessité d’éviter tout vide juridique entre l’ancien et le nouveau cadre réglementaire. À cette fin, il est prévu de maintenir l’ensemble des obligations existantes, quel que soit leur fondement.

36 Par suite, en opérant expressément un renvoi aux articles 7 de la directive «accès» et 16 de la directive «service universel», l’article 27 de la directive «cadre» a nécessairement entendu remplir la même finalité, à savoir assurer une continuité entre l’ancien et le nouveau cadre réglementaire et ce, quelles que soient la nature et le fondement des obligations imposées aux opérateurs.

Sur l’article 25, paragraphe 1, du TKG 1996

37 L’article 25, paragraphe 1, du TKG 1996 soumettait à autorisation préalable les tarifs que les entreprises disposant d’une position dominante sur le marché concerné appliquaient aux consommateurs finaux pour la prestation de téléphonie vocale et ce, conformément aux article 24 et 27 à 31 de cette même loi.

38 L’article 17 de la directive 98/10, expressément maintenu en vigueur par l’article 16, paragraphe 1, sous a), de la directive «service universel», visé à l’article 27 de la directive «cadre», définit à son paragraphe 1 le rôle des autorités réglementaires nationales ainsi que l’obligation pour les preneurs de licence bénéficiant d’une position dominante sur le marché de se conformer aux dispositions qu’il prévoit. Le paragraphe 2 de cet article 17 dispose que les tarifs d’utilisation du
réseau téléphonique public fixe et des services téléphoniques publics fixes doivent respecter les principes fondamentaux d’orientation en fonction des coûts.

39 Conformément à l’article 24 du TKG 1996, les tarifs doivent être fixés en fonction des coûts liés à la fourniture efficace des prestations et satisfaire aux exigences visées au paragraphe 2 de cet article qui prévoit, notamment, que les tarifs ne peuvent pas contenir de suppléments qui s’imposeraient du seul fait qu’un opérateur jouirait sur le marché des télécommunications concerné d’une position dominante.

40 Il s’ensuit qu’une disposition telle que l’article 25 du TKG 1996 qui contient une obligation générale d’obtenir une autorisation et renvoie parallèlement au principe d’orientation en fonction des coûts prévu à une disposition telle que l’article 24 de cette loi peut être considérée comme mettant en œuvre l’article 17 de la directive 98/10.

41 Il résulte de ce qui précède qu’une obligation telle que celle prévue à l’article 25 du TKG 1996 constitue une obligation au sens de l’article 16, paragraphe 1, sous a), de la directive «service universel» et doit, par conséquent, être maintenue à titre provisoire.

42 Il est vrai que Deutsche Telekom fait valoir que l’autorité nationale de régulation pourrait ainsi, en s’abstenant de réaliser l’analyse du marché pertinent, retarder la mise en application des nouvelles règles communautaires. Il appartiendrait, toutefois, dans ce cas, aux autorités nationales et, le cas échéant, aux juridictions compétentes d’en tirer les conséquences et à la Commission d’exercer ses pouvoirs en vue d’assurer la pleine application du droit communautaire.

43 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question posée que les articles 27, premier alinéa, de la directive «cadre» et 16, paragraphe 1, sous a), de la directive «service universel» doivent être interprétés en ce sens que doivent être provisoirement maintenus en vigueur une obligation légale d’obtenir une autorisation relative aux tarifs des prestations de services de téléphonie vocale au détail effectuées par des entreprises ayant
une position dominante sur ce marché telle que celle prévue à l’article 25 du TKG 1996, édictée par le droit interne antérieur au nouveau cadre réglementaire, ainsi que les actes administratifs de constatation y afférents.

44 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question posée.

Sur les dépens

45 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

Les articles 27, premier alinéa, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), et 16, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service
universel») doivent être interprétés en ce sens que doivent être provisoirement maintenus en vigueur une obligation légale d’obtenir une autorisation relative aux tarifs des prestations de services de téléphonie vocale au détail effectuées par des entreprises ayant une position dominante sur ce marché telle que celle prévue à l’article 25 de la loi sur les télécommunications (Telekommunikationsgesetz) du 25 juillet 1996, édictée par le droit interne antérieur au cadre réglementaire résultant
desdites directives, ainsi que les actes administratifs de constatation y afférents.

Signatures

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* Langue de procédure: l’allemand.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-262/06
Date de la décision : 22/11/2007
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne.

Secteur des télécommunications - Service universel et droits des utilisateurs - Notion d'"obligations" devant être maintenues à titre transitoire - Articles 27, premier alinéa, de la directive 2002/21/CE (directive "cadre") et 16, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/22/CE (directive "service universel") - Tarification de la fourniture des services de téléphonie vocale - Obligation d'obtenir une autorisation administrative.

Protection des consommateurs

Rapprochement des législations

Télécommunications

Droit d'établissement

Libre prestation des services


Parties
Demandeurs : Deutsche Telekom AG
Défendeurs : Bundesrepublik Deutschland.

Composition du Tribunal
Avocat général : Ruiz-Jarabo Colomer
Rapporteur ?: KÅ«ris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2007:703

Source

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