Affaire C-414/04
Parlement européen
contre
Conseil de l'Union européenne
«Règlement (CE) nº 1228/2003 — Conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité — Règlement (CE) nº 1223/2004 — Dérogations provisoires en faveur de la Slovénie — Base juridique»
Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 1^er juin 2006
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 28 novembre 2006
Sommaire de l'arrêt
1. Adhésion de nouveaux États membres — Acte d'adhésion de 2003 — Adaptation des actes communautaires non adaptés par l'acte d'adhésion lui-même — Notion
(Acte d'adhésion de 2003, art. 57; règlement du Conseil nº 1223/2004)
2. Adhésion de nouveaux États membres — République tchèque — Estonie — Chypre — Lettonie — Lituanie — Hongrie — Malte — Pologne — Slovénie — Slovaquie — Actes communautaires adoptés après la signature du traité d'adhésion de 2003 — Adoption de dérogations provisoires en faveur des nouveaux États membres — Base juridique appropriée
(Art. 249, § 2 et 3, CE et 299 CE; traité d'adhésion de 2003, art. 2, § 2 et 3)
3. Recours en annulation — Arrêt d'annulation — Effets — Limitation par la Cour
(Art. 231, al. 2, CE; règlement du Conseil nº 1223/2004)
1. Les mesures susceptibles d'être adoptées sur le fondement de l'article 57 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union
européenne, prévoyant l'adaptation des actes des institutions qui n'ont pas été adaptés par l'acte lui-même, se limitent, en principe, à des adaptations destinées à rendre des actes communautaires antérieurs applicables dans les nouveaux États membres, en excluant toute autre modification et, notamment, des dérogations provisoires. Il s'ensuit que de telles dérogations provisoires telles que celles qu'institue le règlement nº 1223/2004, modifiant le règlement nº 1228/2003 en ce qui concerne la date
d'application de certaines dispositions à la Slovénie, qui ont pour seul objet et finalité de retarder temporairement l'application effective de l'acte communautaire concerné à l'égard d'un nouvel État membre, ne sauraient être qualifiées d'«adaptations» au sens dudit article 57.
La circonstance qu'un certain nombre d'actes instaurant des dérogations du type de celles que prévoit le règlement nº 1223/2004 auraient été adoptés sur le fondement de la disposition de l'acte d'adhésion de 1994 correspondant à l'article 57 de l'acte d'adhésion de 2003 ne saurait exercer une influence sur la portée de cette dernière disposition. En effet, une simple pratique du Conseil n'est pas susceptible de déroger à des règles du traité et ne peut dès lors créer un précédent liant les
institutions de la Communauté quant à la base juridique correcte.
Dès lors, le règlement nº 1223/2004, adopté sur le fondement de l'article 57 de l'acte d'adhésion de 2003, doit être annulé en raison de sa base juridique erronée.
(cf. points 35-37, 54)
2. En ce qui concerne les actes communautaires adoptés après la date de signature du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, ce traité et l'acte d'adhésion de 2003 ne comportent aucune disposition
d'application générale destinée à permettre l'adoption de mesures dérogatoires transitoires en faveur des nouveaux États membres. Toutefois, une fois intervenue la signature du traité d'adhésion de 2003, et sous réserve de l'application des procédures particulières que ce traité prévoit aux fins de décider de certains types de mesures transitoires, il n'existe aucune objection de principe à ce que des actes communautaires adoptés après cette signature et avant l'entrée en vigueur dudit traité
d'adhésion et comportant des dérogations temporaires en faveur d'un futur État adhérent soient adoptés directement sur le fondement des dispositions du traité CE.
En effet, de telles dispositions dérogatoires, qui n'auraient vocation à s'appliquer que sous réserve et à la date de l'entrée en vigueur effective du traité d'adhésion de 2003, ne sauraient méconnaître ni les articles 249, paragraphes 2 et 3, CE et 299 CE, selon lesquels les actes adoptés par les institutions s'appliquent aux États membres, ni l'article 2, paragraphes 2 et 3, dudit traité d'adhésion.
D'une part, de telles dispositions spécifiques, comme du reste les actes dans lesquels elles sont incluses et/ou auxquels elles dérogent, ne s'appliqueront à l'égard des États adhérents qu'à la date à laquelle l'adhésion devient effective, date à laquelle la qualité d'État membre leur est acquise.
D'autre part, la circonstance que l'article 2, paragraphe 2, du traité d'adhésion de 2003 dispose que ledit traité n'entre en vigueur que le 1er mai 2004 et que le paragraphe 3 de ce même article prévoit que, par dérogation à ce principe, certaines dispositions dudit traité peuvent recevoir application de manière anticipée ne préjuge pas de la possibilité de prévoir, dans des actes adoptés non au titre de ce traité mais sur la base du traité CE lui-même, les conditions dans lesquelles de tels actes
adoptés entre la signature du traité d'adhésion et son entrée en vigueur trouveront à s'appliquer aux futurs États membres une fois l'adhésion effective.
Enfin, l'application de la procédure législative normale prévue par le traité CE à l'égard de dérogations adoptées en faveur des nouveaux États membres au cours de la période séparant la date de signature du traité d'adhésion de 2003 de celle de son entrée en vigueur est confirmée par l'existence de mécanismes spécifiques, propres au processus d'adhésion mis en place, permettant à ces nouveaux États de faire valoir, en cas de besoin, leurs intérêts, telle la procédure d'information et de
consultation.
(cf. points 38-42, 46)
3. Le règlement nº 1223/2004, instituant en faveur de la République de Slovénie des dérogations transitoires en ce qui concerne l'application du règlement nº 1228/2003, sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité, annulé par la Cour, visait à permettre à certaines entreprises industrielles slovènes à haute intensité énergétique de se restructurer et à certains producteurs d'électricité de se conformer à l'acquis communautaire applicable à la production
d'électricité. Eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique et, en particulier, à la nécessité d'éviter que les entreprises concernées aient à souffrir des conséquences négatives graves qui résulteraient d'une remise en cause et d'une discontinuité du régime dérogatoire transitoire prévu par ledit règlement annulé, il y a lieu de maintenir les effets de celui-ci jusqu'au moment où un nouvel acte aura été adopté, dans un délai raisonnable, sur une base juridique appropriée, sans
toutefois que ces effets puissent perdurer au-delà du 1er juillet 2007, date à laquelle aurait expiré ledit régime dérogatoire.
(cf. points 58-59)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
28 novembre 2006 (*)
«Règlement (CE) n° 1228/2003 – Conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité – Règlement (CE) n° 1223/2004 – Dérogations provisoires en faveur de la Slovénie – Base juridique»
Dans l’affaire C‑414/04,
ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduit le 23 septembre 2004,
Parlement européen, représenté par MM. A. Baas et U. Rösslein, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
soutenu par
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Sack et P. Van Nuffel, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie intervenante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Lopes Sabino et M. Bishop, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par
République d’Estonie, représentée par M. L. Uibo, en qualité d’agent,
République de Pologne, représentée par M^me M. Węglarz ainsi que MM. T. Nowakowski et T. Krawczyk, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts, P. Kūris et E. Juhász, présidents de chambre, MM. K. Schiemann (rapporteur), J. Makarczyk, G. Arestis, A. Borg Barthet, A. Ó Caoimh et L. Bay Larsen, juges,
avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: M^me L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mars 2006,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1^er juin 2006,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, le Parlement européen demande l’annulation du règlement (CE) n° 1223/2004 du Conseil, du 28 juin 2004, modifiant le règlement (CE) n° 1228/2003 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la date d’application de certaines dispositions à la Slovénie (JO L 233, p. 3, ci‑après le «règlement attaqué»).
2 Le traité relatif à l’adhésion à l’Union européenne de dix nouveaux États membres, parmi lesquels la République de Slovénie, a été signé le 16 avril 2003 (JO 2003, L 236, p. 17, ci‑après le «traité d’adhésion de 2003»). Ainsi qu’il ressort de l’article 1^er, paragraphe 2, dudit traité, les conditions de cette admission et les adaptations des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée que celle‑ci entraîne figurent dans l’acte annexé à ce traité qui fait partie intégrante de ce
dernier (ci‑après l’«acte d’adhésion de 2003»).
3 Le règlement (CE) n° 1228/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité (JO L 176, p. 1) a été adopté sur le fondement de l’article 95 CE.
4 Aux fins de retarder, à titre transitoire, l’application de certaines dispositions du règlement n° 1228/2003 en ce qui concerne la République de Slovénie, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement attaqué. Ce dernier règlement a été adopté sur le fondement de l’article 57 de l’acte d’adhésion de 2003.
5 À l’appui de son recours, le Parlement européen soutient, d’une part, que le règlement attaqué ne pouvait valablement être adopté sur la base dudit article 57 et, d’autre part, qu’il ne satisfait pas à l’obligation de motivation prescrite par l’article 253 CE.
6 Par ordonnances du président de la Cour des 21 décembre 2004 et 9 mars 2005, la Commission des Communautés européennes, la République d’Estonie et la République de Pologne ont été admises à intervenir à la présente procédure au soutien, pour la première, du Parlement et, pour les deux autres, du Conseil.
Le contexte juridique
Le traité d’adhésion de 2003
7 L’article 2, paragraphes 2 et 3, du traité d’adhésion de 2003 stipule:
«2. Le présent traité entre en vigueur le 1^er mai 2004 [...].
3. Par dérogation au paragraphe 2, les institutions de l’Union peuvent arrêter avant l’adhésion les mesures visées à l’article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, à l’article 6, paragraphe 6, deuxième alinéa, [...] aux articles 38, 39, 41, 42 et 55 à 57 [de l’acte] d’adhésion, aux annexes III à XIV de cet acte, [...]. Ces mesures n’entrent en vigueur que sous réserve et à la date de l’entrée en vigueur du présent traité.»
8 L’article 20 de l’acte d’adhésion de 2003 prévoit:
«Les actes énumérés dans la liste figurant à l’annexe II du présent acte font l’objet des adaptations définies dans ladite annexe.»
9 Selon l’article 21 de ce même acte:
«Les adaptations des actes énumérés dans la liste figurant à l’annexe III du présent acte qui sont rendues nécessaires par l’adhésion sont établies conformément aux orientations définies par ladite annexe et selon la procédure et dans les conditions prévues par l’article 57.»
10 L’article 24 dudit acte dispose:
«Les mesures énumérées dans la liste figurant aux annexes V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII et XIV du présent acte sont applicables en ce qui concerne les nouveaux États membres dans les conditions définies par lesdites annexes.»
11 L’article 55 de l’acte d’adhésion de 2003 prévoit:
«Sur demande dûment motivée de l’un des nouveaux États membres, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut, avant le 1^er mai 2004, arrêter des mesures consistant en des dérogations temporaires aux actes des institutions adoptés entre le 1^er novembre 2002 et la date de signature du traité d’adhésion.»
12 L’article 57 dudit acte énonce:
«1. Lorsque les actes des institutions doivent, avant l’adhésion, être adaptés du fait de l’adhésion et que les adaptations nécessaires n’ont pas été prévues dans le présent acte ou ses annexes, ces adaptations sont effectuées selon la procédure prévue au paragraphe 2. Ces adaptations entrent en vigueur dès l’adhésion.
2. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, ou la Commission, selon que les actes initiaux ont été adoptés par l’une ou l’autre de ces deux institutions, établit à cette fin les textes nécessaires.»
13 Il convient de préciser d’emblée que bien que la version française dudit article 57 suggère que les adaptations effectuées au titre de cette disposition doivent être effectuées «avant l’adhésion», ladite limite temporelle n’a, en réalité, et ainsi qu’il ressort des autres versions linguistiques de cette disposition, pas trait à la possibilité de recourir à l’article 57, mais à la date des actes à modifier [voir, en ce sens, à propos de la disposition identique que comporte l’acte relatif aux
conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, ci‑après l’«acte d’adhésion de 1994»), arrêt du 2 octobre 1997, Parlement/Conseil, C‑259/95, Rec. p I‑5303, points 12 à 22].
14 Par échange de lettres annexées à l’acte final du traité d’adhésion de 2003, l’Union européenne et les nouveaux États membres ont convenu d’une «procédure d’information et de consultation pour l’adoption de certaines décisions et autres mesures à prendre pendant la période précédant l’adhésion» (ci‑après la «procédure d’information et de consultation») qui prévoit notamment:
«1. Afin d’assurer l’information adéquate [des États adhérents], toute proposition, communication, recommandation ou initiative pouvant conduire à des décisions des institutions ou des instances de l’Union européenne est portée à la connaissance des États adhérents après avoir été transmise au Conseil.
2. Les consultations ont lieu à la demande motivée d’un État adhérent, qui y fait explicitement état de ses intérêts en tant que futur membre de l’Union et y présente ses observations.
[…]
4. Les consultations ont lieu au sein d’un comité intérimaire composé de représentants de l’Union et des États adhérents.
[…]
8. Si les consultations laissent subsister des difficultés sérieuses, la question peut être évoquée au niveau ministériel, à la demande d’un État adhérent.
[…]»
Le règlement n° 1228/2003
15 Le règlement n° 1228/2003 vise, ainsi qu’il ressort de son article 1^er, à fixer des règles équitables pour les échanges transfrontaliers d’électricité afin d’améliorer la concurrence sur le marché intérieur de l’électricité, en tenant compte des spécificités des marchés nationaux et régionaux.
16 L’article 6, paragraphe 1, de ce même règlement est libellé comme suit:
«Les problèmes de congestion du réseau sont traités par des solutions non discriminatoires, basées sur le marché et qui donnent des signaux économiques efficaces aux opérateurs du marché et aux gestionnaires de réseaux de transport concernés. Les problèmes de congestion du réseau sont de préférence résolus par des méthodes indépendantes des transactions, c’est‑à‑dire des méthodes qui n’impliquent pas une sélection entre les contrats des différents opérateurs du marché.»
17 Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, sous c), dudit règlement, la «congestion» est définie comme «une situation dans laquelle une interconnexion reliant des réseaux de transport nationaux ne peut pas accueillir tous les flux physiques résultant d’échanges internationaux demandés par les opérateurs du marché, en raison d’un manque de capacité de l’interconnexion et/ou des réseaux nationaux de transport en cause».
18 Intitulée «Orientations pour la gestion et l’attribution de la capacité de transfert disponible des interconnexions entre réseaux nationaux», l’annexe de ce même règlement énonce, sous le titre «Généralités»:
«1. La (les) méthode(s) de gestion de la congestion mise(s) en œuvre par les États membres traite la congestion à court terme selon les lois du marché et de façon rentable, tout en fournissant des signaux ou des incitations pour des investissements de production et de réseau efficaces et aux bons endroits.
2. Les [gestionnaires de réseaux de transport] ou, le cas échéant, les États membres fournissent des normes non discriminatoires et transparentes, qui décrivent les méthodes de gestion de la congestion qu’ils appliquent et dans quelles circonstances. Ces normes, ainsi que les normes de sécurité, sont décrites dans des documents accessibles au public.
3. Toute différence de traitement entre les divers types de transactions transfrontalières, qu’il s’agisse de contrats bilatéraux physiques ou d’offres sur des marchés organisés étrangers, est maintenue à un minimum lors de la conception des règles des méthodes spécifiques pour la gestion de la congestion. La méthode d’attribution de la capacité de transport limitée doit être transparente. Pour toute différence dans la façon dont les transactions sont traitées, il convient de démontrer qu’elle
n’entraîne pas de distorsion de concurrence et ne gêne pas le développement de la concurrence.
4. Les signaux de prix qui résultent des systèmes de gestion de la congestion sont directionnels.
[…]»
19 Aux termes de son article 15, ledit règlement s’applique à partir du 1^er juillet 2004.
Le règlement attaqué
20 Ayant eu connaissance, dans le cadre de la procédure d’information et de consultation, de la proposition de la Commission sur la base de laquelle fut adopté le règlement n° 1228/2003, et se prévalant de l’article 57 de l’acte d’adhésion de 2003, la République de Slovénie a, par courrier du 23 juin 2003, saisi la Commission d’une demande visant à l’obtention d’une période de transition allant jusqu’au 1^er juillet 2007 en ce qui concerne l’application des dispositions de ce futur règlement. Ce
dernier fut adopté le 26 juin 2003.
21 Au terme de discussions bilatérales intervenues entre la Commission et la République de Slovénie, cette dernière a, le 19 novembre 2003, fourni à la Commission un complément d’explications sur les raisons fondant la demande de dérogation transitoire susmentionnée.
22 C’est dans ces circonstances que la Commission a, le 27 avril 2004, formulé une proposition de règlement visant à retarder à titre transitoire l’application de certaines dispositions du règlement n° 1228/2003 en ce qui concerne la République de Slovénie (COM/2004/309 final). Cette proposition était fondée sur l’article 95 CE.
23 Bien qu’entérinant ladite proposition dont il reproduit pour l’essentiel les termes, le règlement attaqué a été arrêté par le Conseil, en date du 28 juin 2004, sur le fondement de l’article 57 de l’acte d’adhésion de 2003.
24 Le Parlement a été informé de cette adoption par le secrétaire général du Conseil par un courrier du 9 juillet 2004 précisant que «[vu] le lien entre le traité d’adhésion et [cette] proposition [...] et vu la nécessité d’adopter [cet] acte en temps utile, et en tout état de cause avant le 1^er juillet 2004, […] date d’application du règlement n° 1228/2003, le Conseil a décidé de retenir l’article 57 de l’[acte d’adhésion de 2003] comme base juridique […], base qui ne requiert pas la
participation du Parlement européen au processus législatif».
25 L’article 1^er du règlement attaqué prévoit l’adjonction à l’article 15 du règlement n° 1228/2003 d’un nouvel alinéa libellé comme suit:
«En ce qui concerne les interconnexions entre la Slovénie et les États membres limitrophes, l’article 6, paragraphe 1, ainsi que les règles 1 à 4 figurant au chapitre intitulé ‛Généralités’ de l’annexe s’appliquent à partir du 1^er juillet 2007. Cet alinéa ne s’applique qu’à la capacité d’interconnexion qui est attribuée par le gestionnaire slovène de réseau de transport et que dans la mesure où cette capacité ne dépasse pas la moitié de la capacité disponible totale d’interconnexion.»
26 Les cinquième à septième considérants du règlement attaqué précisent:
«(5) La Slovénie a démontré que, sans période de transition, certaines entreprises industrielles slovènes à haute intensité énergétique seraient gravement affectées par le prix plus élevé de l’électricité importée d’Autriche, et certains producteurs d’électricité par une baisse des revenus tirés des exportations vers l’Italie. Cette situation compromettrait les efforts actuellement déployés par les entreprises concernées pour, respectivement, se restructurer et se conformer à l’acquis
communautaire applicable à la production d’électricité.
(6) Les explications fournies par la Slovénie justifient une dérogation. En outre, en raison de la faible capacité des deux interconnexions concernées et étant donné qu’il est très improbable que cette situation change avant le 1^er juillet 2007, l’impact réel de cette dérogation sur le marché intérieur sera très limité.
(7) La dérogation devrait être limitée à ce qui est strictement nécessaire du fait de la demande slovène. Elle ne devrait en conséquence porter que sur la partie des interconnexions attribuée par le gestionnaire slovène de réseau de transport et ne s’appliquer que dans la mesure où cette capacité ne dépasse pas la moitié de la capacité disponible totale.»
Sur le recours
27 Le Parlement invoque deux moyens à l’appui de son recours, tirés, le premier, du caractère erroné de la base juridique du règlement attaqué et, le second, d’une violation de l’obligation de motivation.
Sur le premier moyen
28 Par son premier moyen, le Parlement soutient que le règlement attaqué, qui institue des dérogations transitoires en ce qui concerne l’application du règlement n° 1228/2003, ne pouvait valablement être adopté sur le fondement de l’article 57 de l’acte d’adhésion de 2003 et qu’il aurait dû l’être selon la procédure législative ordinaire prévue par le traité CE, à savoir, en l’occurrence, sur le fondement de l’article 95 CE qui a servi de base juridique pour l’adoption du règlement n° 1228/2003.
Ledit article 57 ne permettrait en effet que des adaptations destinées à permettre la pleine applicabilité des actes des institutions à l’égard des États adhérents et non l’octroi de dérogations transitoires à ceux‑ci.
29 À cet égard, il convient d’observer que, ainsi que l’a souligné le Parlement, il résulte du libellé de l’article 57 de l’acte d’adhésion de 2003 que cette disposition autorise l’adoption des «adaptations» qui sont rendues «nécessaires» du fait de l’adhésion mais qui n’ont pas été prévues dans l’acte d’adhésion ou dans ses annexes.
30 Ainsi que l’a fait valoir à juste titre la Commission, il ressort des articles 20 et 21 de l’acte d’adhésion de 2003, qui forment ensemble le titre I, intitulé «Adaptations des actes pris par les institutions», de la troisième partie dudit acte, elle‑même intitulée «Les dispositions permanentes», que les «adaptations» auxquelles se réfèrent lesdits articles correspondent en principe à des modifications de caractère nécessaire aux fins d’assurer la pleine applicabilité des actes des
institutions aux nouveaux États membres et qui sont destinées, dans cette perspective, à compléter de manière durable lesdits actes.
31 De telles «adaptations» ne recouvrent en revanche normalement pas les dérogations temporaires à l’application d’actes communautaires qui font, pour leur part, l’objet de l’article 24 de l’acte d’adhésion de 2003, qui figure sous le titre I, intitulé «Les mesures transitoires», de la quatrième partie dudit acte, intitulée «Les dispositions temporaires».
32 Or, rien ne permet de considérer que la notion d’«adaptation» devrait revêtir une acception différente selon qu’elle est utilisée dans le cadre des articles 20 et 21 de l’acte d’adhésion de 2003 ou dans celui de l’article 57 du même acte. Ledit article 21 renvoie d’ailleurs lui‑même aux dispositions de l’article 57 en ce qui concerne la procédure et les conditions dans lesquelles les adaptations qu’il prévoit doivent être établies, tandis que l’article 57 qui se réfère à des adaptations qui
n’ont «pas été prévues dans l’acte d’adhésion et ses annexes» suggère à son tour que les adaptations à adopter sur le fondement de cette disposition sont du même type que celles que prévoient, notamment, les articles 20 et 21 dudit acte.
33 En outre, l’octroi de dérogations temporaires dans la perspective de l’adhésion proche constitue, ainsi que l’ont souligné à juste titre le Parlement et la Commission, l’objet spécifique d’une autre disposition de l’acte d’adhésion de 2003, à savoir de son article 55, et il se conçoit, à cet égard, difficilement que les signataires dudit acte aient entendu prévoir deux dispositions distinctes à l’effet de permettre l’adoption d’un même acte.
34 Il en va d’autant plus ainsi que ledit article 55 soumet l’octroi de telles dérogations temporaires à des conditions nettement plus restrictives que celles que prévoit l’article 57 pour l’adoption de mesures d’adaptation. D’une part, en effet, cet article 55 n’autorise de dérogations qu’en ce qui concerne des actes communautaires qui ont été adoptés entre le 1^er novembre 2002 (date de clôture des négociations d’adhésion) et le 16 avril 2003 (date de signature du traité d’adhésion de 2003).
D’autre part, un tel octroi se trouve soumis à une exigence d’unanimité au sein du Conseil.
35 Il résulte de ce qui précède que les mesures susceptibles d’être adoptées sur le fondement de l’article 57 de l’acte d’adhésion de 2003 se limitent, en principe, à des adaptations destinées à rendre des actes communautaires antérieurs applicables dans les nouveaux États membres, en excluant toute autre modification (voir, dans un sens analogue, à propos de la disposition identique que comporte l’acte d’adhésion de 1994, arrêt Parlement/Conseil, précité, points 14 et 19), et, notamment des
dérogations provisoires.
36 Il s’ensuit que des dérogations provisoires telles que celles qu’institue le règlement attaqué en faveur de la République de Slovénie, qui ont pour seul objet et finalité de retarder temporairement l’application effective de l’acte communautaire concerné à l’égard d’un nouvel État membre, ne sauraient être qualifiées d’«adaptations» au sens de l’article 57 dudit acte.
37 Quant à la circonstance qu’un certain nombre d’actes instaurant des dérogations du type de celles que prévoit le règlement attaqué auraient été adoptés sur le fondement de la disposition de l’acte d’adhésion de 1994 correspondant à l’article 57 de l’acte d’adhésion de 2003, elle ne saurait, contrairement à ce qu’ont soutenu le Conseil et le gouvernement polonais, exercer une influence sur la portée de cette dernière disposition. Il y a en effet lieu de rappeler que, selon une jurisprudence
constante, une simple pratique du Conseil n’est pas susceptible de déroger à des règles du traité CE et ne peut dès lors créer un précédent liant les institutions de la Communauté quant à la base juridique correcte (voir, notamment, arrêt du 12 novembre 1996, Royaume‑Uni/Conseil, C‑84/94, Rec. p. I‑5755, point 19).
38 Il ressort des développements qui précèdent que, en ce qui concerne les actes communautaires adoptés après la date de signature du traité d’adhésion de 2003, ce traité et l’acte d’adhésion de 2003 ne comportent aucune disposition d’application générale destinée à permettre l’adoption de mesures dérogatoires transitoires en faveur des nouveaux États membres et que l’article 57 dudit acte ne saurait, en principe, être utilisé à cette fin.
39 Contrairement à ce qu’a soutenu le Conseil, il n’en résulte toutefois pas un vide juridique. Une fois intervenue la signature du traité d’adhésion de 2003, et sous réserve de l’application des procédures particulières que ce traité prévoit aux fins de décider de certains types de mesures transitoires, telles, par exemple, celles qu’instituent les articles 41 ou 42 de l’acte d’adhésion de 2003, il n’existe, en effet, aucune objection de principe à ce que des actes communautaires adoptés après
cette signature et avant l’entrée en vigueur dudit traité d’adhésion et comportant des dérogations temporaires en faveur d’un futur État adhérent soient adoptés directement sur le fondement des dispositions du traité CE.
40 En effet, de telles dispositions dérogatoires qui n’auraient vocation à s’appliquer que sous réserve et à la date de l’entrée en vigueur effective du traité d’adhésion de 2003 ne sauraient, contrairement à ce qu’a soutenu le Conseil, méconnaître ni les articles 249, paragraphes 2 et 3, CE et 299 CE, selon lesquels les actes adoptés par les institutions s’appliquent aux États membres, ni l’article 2, paragraphes 2 et 3, dudit traité d’adhésion.
41 D’une part, de telles dispositions spécifiques, comme du reste les actes dans lesquels elles sont incluses et/ou auxquels elles dérogent, ne s’appliqueront à l’égard des États adhérents qu’à la date à laquelle l’adhésion devient effective, date à laquelle la qualité d’État membre leur est acquise.
42 D’autre part, la circonstance que l’article 2, paragraphe 2, du traité d’adhésion de 2003 dispose que ledit traité n’entre en vigueur que le 1^er mai 2004 et que le paragraphe 3 de ce même article prévoit que, par dérogation à ce principe, certaines dispositions dudit traité peuvent recevoir application de manière anticipée ne préjuge pas de la possibilité de prévoir, dans des actes adoptés non au titre de ce traité mais sur la base du traité CE lui‑même, les conditions dans lesquelles de
tels actes adoptés entre la signature du traité d’adhésion et son entrée en vigueur trouveront à s’appliquer aux futurs États membres une fois l’adhésion effective.
43 Il convient au contraire de relever que pour les actes devant ainsi être adoptés au cours de la période séparant la date de signature du traité d’adhésion de celle à laquelle ladite adhésion a pris effet, les institutions communautaires sont parfaitement avisées de l’imminence de l’adhésion des nouveaux États membres tandis que ceux‑ci disposent de la possibilité de faire valoir, en cas de besoin, leurs intérêts, notamment par la procédure d’information et de consultation (voir, en ce sens,
arrêt du 16 février 1982, Halyvourgiki et Helleniki Halyvourgia/Commission, 39/81, 43/81, 85/81 et 88/81, Rec. p. 593, point 10).
44 C’est donc, en principe, dans le cadre de ladite procédure comme en faisant usage du statut d’observateur dont ils bénéficient au sein du Conseil et à la faveur des possibilités de dialogue et de coopération qu’ouvrent ces mécanismes spécifiques que les futurs États membres peuvent, une fois informés de l’adoption future de nouveaux actes communautaires, faire valoir leur intérêt à obtenir les dérogations transitoires nécessaires compte tenu, par exemple, de l’impossibilité dans laquelle ils
se trouveraient d’assurer l’application immédiate desdits actes au moment de l’adhésion ou de problèmes d’ordre socio‑économique majeurs qu’une telle application serait de nature à engendrer.
45 C’est à la faveur de tels mécanismes que les intérêts particuliers ainsi invoqués pourront notamment être, de manière appropriée, mis en balance avec l’intérêt général de la Communauté et que les considérations relatives aux principes d’égalité, de loyauté ou de solidarité entre les États membres actuels et futurs invoqués par le gouvernement polonais seront, le cas échéant, appelées à jouer un rôle.
46 L’existence de ces mécanismes spécifiques, propres au processus d’adhésion mis en place, confirme donc que c’est en principe par le biais de la procédure législative normale prévue par le traité, et non dans le cadre de la procédure spéciale que prévoit l’article 57 de l’acte d’adhésion de 2003, qu’un acte tel que le règlement attaqué aurait dû être adopté.
47 De même, ne saurait être admis l’argument que le Conseil tire de l’urgence qu’il y aurait eu à adopter le règlement attaqué sur la base dudit article 57 dès avant la date d’entrée en vigueur du règlement n° 1228/2003 auquel il est dérogé plutôt qu’en suivant la procédure législative de codécision qui requiert un délai beaucoup plus long, afin d’éviter de créer une insécurité juridique et de porter atteinte aux intérêts légitimes des opérateurs actifs sur le marché slovène de l’électricité.
48 D’une part, en effet, ainsi qu’il a été souligné aux points 43 à 45 du présent arrêt, lorsque la Communauté envisage l’adoption d’un acte législatif au cours de la période séparant la signature du traité d’adhésion de 2003 et son entrée en vigueur, la procédure d’information et de consultation est susceptible d’aboutir à l’octroi d’éventuelles dérogations transitoires en faveur d’un État adhérent en ce qui concerne l’application des dispositions de l’acte dont l’adoption est ainsi envisagée.
49 Sur ce point, aucune partie n’a d’ailleurs fourni d’indications permettant de penser que ladite procédure d’information et de consultation n’a pas été régulièrement suivie et que le gouvernement slovène n’a pas été en mesure de faire valoir ses intérêts au regard de la proposition de règlement ayant conduit à l’adoption du règlement n° 1228/2003, conformément à ce que prévoit cette procédure (voir, dans un sens analogue, arrêt Halyvourgiki et Helleniki Halyvourgia/Commission, précité, point
15).
50 D’autre part, et ainsi que le Parlement l’a rappelé, une fois saisi d’une proposition de la Commission, le Conseil dispose, le cas échéant, de la possibilité d’attirer l’attention du Parlement sur l’urgence qu’il pourrait y avoir à l’adoption d’un acte particulier. La procédure de codécision que prévoit l’article 251 CE n’exclut en effet nullement l’adoption relativement rapide d’un texte législatif, singulièrement en l’absence de divergences de vues importantes entre le Parlement et le
Conseil.
51 Quant à l’insécurité juridique éventuellement susceptible de résulter de l’écoulement du délai inhérent à la procédure législative normale, il ne pourrait y être remédié, ainsi que la Commission l’a soutenu à bon droit, que par l’octroi d’un éventuel effet rétroactif à la dérogation transitoire sollicitée si celle‑ci est décidée.
52 Il résulte, à cet égard, de la jurisprudence de la Cour que si le principe de la sécurité juridique s’oppose, en règle générale, à ce que la portée dans le temps d’un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 45, et
Parlement/Conseil, précité, point 21).
53 Il convient encore de relever qu’il est certes possible, ainsi que l’a notamment soutenu le gouvernement polonais, que l’absence d’une disposition générale dans l’acte d’adhésion de 2003 permettant de décider de dérogations transitoires en ce qui concerne l’application aux nouveaux États membres d’actes adoptés entre la date de signature du traité d’adhésion de 2003 et celle de son entrée en vigueur et la seule existence à ces fins de la procédure d’information et de consultation soient
rétrospectivement apparues comme insatisfaisantes. Il est également possible que cette circonstance soit à l’origine du fait que l’article 55 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203), invoqué par diverses parties et dont l’objet est similaire à celui de l’article 55 de l’acte d’adhésion de 2003, prévoit expressément que la
compétence du Conseil pour adopter des dérogations temporaires s’étend également aux actes des institutions adoptés entre la date de signature du traité d’adhésion et celle de l’adhésion. Toutefois, les imperfections éventuelles que recèlerait à cet égard l’acte d’adhésion de 2003 ne sauraient autoriser le recours à une base juridique erronée.
54 Eu égard à tout ce qui précède, il convient d’accueillir le recours du Parlement et d’annuler le règlement attaqué.
Sur le second moyen
55 Le règlement attaqué devant être annulé en raison de sa base juridique erronée, il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen, tiré du défaut de motivation dudit règlement.
Sur les effets dans le temps de l’annulation
56 Invoquant l’article 231, paragraphe 2, CE et la nécessité d’éviter une situation d’incertitude pour les opérateurs économiques et investisseurs dans le secteur de l’électricité en Slovénie ainsi que pour les travailleurs concernés, le Conseil, soutenu en cela par le gouvernement estonien et par la Commission, a demandé à la Cour, au cas où elle annulerait le règlement attaqué, de maintenir les effets dudit acte jusqu’à ce qu’un nouveau règlement soit adopté.
57 Soulignant que son recours ne concerne pas le bien‑fondé matériel de la demande de dérogation introduite par la République de Slovénie, mais uniquement la base juridique sur laquelle a été adopté le règlement attaqué, le Parlement a indiqué ne pas vouloir se prononcer sur cette demande du Conseil.
58 À cet égard, il ressort tant de la proposition de la Commission ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué par le Conseil que du cinquième considérant de ce règlement que celui‑ci a été adopté en considération du fait que la République de Slovénie avait, de l’avis desdites institutions, démontré que, en cas d’application complète immédiate du règlement n° 1228/2003 et à défaut d’octroi de la période de transition sollicitée par ce nouvel État membre, les efforts actuellement déployés par
certaines entreprises industrielles slovènes à haute intensité énergétique et par certains producteurs d’électricité pour, respectivement, se restructurer et se conformer à l’acquis communautaire applicable à la production d’électricité se trouveraient gravement compromis. Les sixième et septième considérants dudit règlement soulignent en outre que la dérogation octroyée à ces fins à la République de Slovénie a été limitée à ce qui était strictement nécessaire du fait de la demande formulée par ce
nouvel État membre et qu’elle n’aura qu’un impact limité sur le marché intérieur.
59 Dans ces conditions, la Cour estime que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique et, en particulier, à la nécessité d’éviter que les entreprises, dont le règlement attaqué vise à permettre la restructuration ou la mise en conformité avec l’acquis communautaire applicable à la production d’électricité, aient à souffrir des conséquences négatives graves qui résulteraient d’une remise en cause et d’une discontinuité du régime dérogatoire transitoire prévu à ces fins par le
ledit règlement, il y a lieu de maintenir les effets de celui‑ci jusqu’au moment où un nouvel acte aura été adopté, dans un délai raisonnable, sur une base juridique appropriée, consécutivement au présent arrêt, sans toutefois que ces effets puissent perdurer au‑delà du 1^er juillet 2007, date à laquelle aurait expiré ledit régime dérogatoire.
Sur les dépens
60 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu dans ce sens. Le Parlement ayant conclu à la condamnation du Conseil et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il convient de le condamner aux dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, la République de Pologne, la République d’Estonie et la Commission qui sont intervenues au litige supportent leurs propres
dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) Le règlement (CE) n° 1223/2004 du Conseil, du 28 juin 2004, modifiant le règlement (CE) n° 1228/2003 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la date d’application de certaines dispositions à la Slovénie, est annulé.
2) Les effets du règlement n° 1223/2004 sont maintenus jusqu’à l’adoption, dans un délai raisonnable, d’un nouveau règlement fondé sur une base juridique appropriée, sans toutefois que ces effets puissent perdurer au‑delà du 1^er juillet 2007.
3) Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.
4) La République de Pologne, la République d’Estonie et la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: le français.