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09/11/2006 | CJUE | N°C-344/05

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Joël De Bry., 09/11/2006, C-344/05


Affaire C-344/05 P

Commission des Communautés européennes

contre

Joël De Bry

«Pourvoi — Fonctionnaire — Notation — Rapport d'évolution de carrière — Exercice 2001/2002 — Droits de la défense — Article 26, deuxième alinéa, du statut»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 13 juillet 2006

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 9 novembre 2006

Sommaire de l'arrêt

Fonctionnaires — Notation — Respect des droits de la défense

(Statut des fonctionn

aires, art. 26, al. 1 et 2, et 43)

En tant que garantie de procédure, le principe fondamental de respect des droits de la défense n...

Affaire C-344/05 P

Commission des Communautés européennes

contre

Joël De Bry

«Pourvoi — Fonctionnaire — Notation — Rapport d'évolution de carrière — Exercice 2001/2002 — Droits de la défense — Article 26, deuxième alinéa, du statut»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 13 juillet 2006

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 9 novembre 2006

Sommaire de l'arrêt

Fonctionnaires — Notation — Respect des droits de la défense

(Statut des fonctionnaires, art. 26, al. 1 et 2, et 43)

En tant que garantie de procédure, le principe fondamental de respect des droits de la défense ne saurait être interprété, dans le domaine de la notation du personnel des Communautés européennes, comme imposant, antérieurement à la procédure aboutissant à une telle notation, une obligation d'avertissement préalable. Ce principe doit permettre à l'intéressé, au cours de la procédure de notation, de se défendre face à l'allégation de faits susceptibles d'être retenus à sa charge, mais son rôle n'est
pas de lui permettre également d'adapter à l'avenir son comportement afin d'éviter que des faits établis soient effectivement retenus contre lui. L'amélioration de la conduite dans le service constitue un objectif qui excède le champ d'application du respect des droits de la défense, pareil objectif étant en réalité servi par le rapport de notation lui-même.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 26, premier et deuxième alinéas, du statut, dont le but est d'assurer le droit de défense du fonctionnaire, concernent les pièces déjà existantes et font obstacle à ce que, au cours de la procédure de notation, de telles pièces soient retenues contre le fonctionnaire noté sans lui avoir été communiquées avant classement à son dossier individuel, mais n'imposent pas la confection préalable de pièces formalisant toute allégation de faits reprochés à
l'intéressé.

Il s'ensuit que ni le principe fondamental de respect des droits de la défense ni les dispositions de l'article 26, premier et deuxième alinéas, du statut ne subordonnent la possibilité de retenir un fait à charge dans le rapport de notation d'un fonctionnaire à l'établissement, préalablement à la procédure aboutissant à l'adoption de ce rapport, d'un avertissement écrit ainsi qu'à la communication de celui-ci à l'intéressé.

(cf. points 39, 41, 43-44, 52)

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

9 novembre 2006 (*)

«Pourvoi – Fonctionnaire – Notation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice 2001/2002 – Droits de la défense – Article 26, deuxième alinéa, du statut»

Dans l’affaire C-344/05 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 21 septembre 2005,

Commission des Communautés européennes, représentée par M^me L. Lozano Palacios et M. H. Kraemer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Joël De Bry, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Woluwe-St-Lambert (Belgique), représenté par M^e S. Orlandi, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. R. Schintgen, J. Klučka, M^me R. Silva de Lapuerta et M. L. Bay Larsen (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, la Commission des Communautés européennes demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 juillet 2005, De Bry/Commission (T‑157/04, non publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission du 26 mai 2003 (ci-après la «décision litigieuse») rendant définitif le rapport d’évolution de carrière (ci-après le «REC») de M. De Bry, fonctionnaire, relatif à la période allant du
1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002.

Le cadre juridique

2 L’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable aux faits du présent litige (ci-après le «statut»), dispose:

«Le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir:

a) toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement;

b) les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces.

Toute pièce doit être enregistrée, numérotée et classée sans discontinuité; l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées au point a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement.»

3 L’article 43 du statut énonce:

«La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l’exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles.»

4 L’article 110, premier et deuxième alinéas, du statut prévoit que les dispositions générales d’exécution de celui-ci sont arrêtées par chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut, puis sont portées à la connaissance du personnel.

5 Le 26 avril 2002, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après la «décision DGE 43»), par laquelle elle a introduit un nouveau système de notation.

6 L’article 1^er de la décision DGE 43 prévoit l’établissement, chaque année, d’un REC.

7 Les articles 7 et 8 régissent la procédure d’évaluation. À la suite d’une auto‑évaluation rédigée par le fonctionnaire noté et d’un dialogue entre celui-ci et l’évaluateur, son chef d’unité, le REC est établi par l’évaluateur et le validateur, supérieur hiérarchique de celui-ci, lesquels le transmettent à l’intéressé. Le fonctionnaire noté a alors le droit de demander un dialogue avec le validateur, lequel a la faculté soit de modifier, soit de confirmer le REC. Ce dernier est transmis une
nouvelle fois à l’intéressé. Le fonctionnaire noté peut ensuite demander au validateur de saisir le comité paritaire d’évaluation (ci-après le «CPE»). Le CPE s’assure que le REC a été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles. Il vérifie également que les procédures ont été correctement suivies, notamment en matière de dialogues et de délais. Il émet un avis motivé. Cet avis, notifié au fonctionnaire noté, à l’évaluateur et au validateur, est transmis à
l’évaluateur d’appel, supérieur hiérarchique du validateur, qui soit confirme, soit modifie le REC, avant de le transmettre à l’intéressé. Si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans l’avis du CPE, il est tenu de motiver sa décision.

8 Au cours du mois de juillet 2002, la Commission a publié un document intitulé «Système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière – Guide» (ci-après le «guide de l’évaluation»). Selon ce guide, le REC porte sur les compétences, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire. Les trois rubriques d’évaluation ainsi établies sont affectées d’échelles distinctes comptant respectivement, au maximum, six, dix et quatre points.

Les faits à l’origine du litige

9 M. De Bry, fonctionnaire de grade A 5 affecté au secrétariat général de la Commission, a fait l’objet d’un REC en date du 18 février 2003, pour la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002.

10 En application de la décision DGE 43, il a demandé la révision de son évaluation. Le 19 mars 2003, certaines modifications ont été apportées par le validateur aux commentaires descriptifs, mais les notes attribuées sont demeurées inchangées.

11 Dans la rubrique «Conduite dans le service», le commentaire suivant a été ajouté:

«M. De Bry est toujours disponible [pour] finaliser son travail en ayant recours à des heures supplémentaires pendant la semaine, voire le week-end. Toutefois, cette disponibilité en dehors des heures normales de service va souvent de pair avec le non-respect de l’horaire normal.»

12 Le 26 mars 2003, M. De Bry a demandé la saisine du CPE. Son recours a été rejeté par la décision litigieuse, adoptée par l’évaluateur d’appel.

13 Le 26 août 2003, M. De Bry a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Elle a été rejetée par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») le 6 janvier 2004.

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 avril 2004, M. De Bry a introduit un recours en annulation de la décision litigieuse.

15 Il s’est fondé en substance sur quatre moyens, tirés respectivement:

– d’une violation de l’article 14 du statut, en vertu duquel tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, est amené à se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance doit en informer l’AIPN;

– d’une violation de l’obligation de motivation;

– d’une incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante;

– d’une violation des droits de la défense.

16 Dans le cadre du quatrième moyen, il a fait valoir que le reproche d’un non‑respect de l’horaire de travail ne pouvait être retenu dans le REC que si le fonctionnaire avait eu l’occasion de formuler préalablement ses observations sur ce reproche, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. La prétendue absence de ponctualité aurait dû donner lieu, au moment où elle s’est produite, à des rappels à l’ordre lui permettant de faire valoir son point de vue.

17 Le Tribunal a invité la Commission à se prononcer sur l’éventuelle pertinence, pour la procédure d’évaluation litigieuse, de l’article 26 du statut et de la jurisprudence selon laquelle le but de cette disposition est d’assurer le respect des droits de la défense du fonctionnaire.

18 La Commission a répondu que l’article 26 du statut présuppose l’existence de «pièces» et n’impose pas d’en créer, en particulier sous forme d’avertissements écrits à l’intention du fonctionnaire.

19 Au point 94 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le quatrième moyen en jugeant, en ce qui concerne le reproche relatif aux horaires de travail, que la Commission avait violé les droits de la défense garantis par l’article 26 du statut.

20 Par voie de conséquence, aux points 95 et 96 du même arrêt, il a accueilli le troisième moyen en ce que, la constatation d’un manque de ponctualité étant jugée illégale, le reproche correspondant devait être considéré comme ne figurant pas dans le REC, de sorte que la cohérence entre la note «suffisant» et les commentaires figurant dans la rubrique «Conduite dans le service» se trouvait affectée de manière non négligeable.

21 Le Tribunal a rejeté, pour le surplus, les moyens soulevés par le requérant.

22 Il a, finalement, annulé la décision litigieuse et condamné la Commission aux dépens.

23 Au point 83 de l’arrêt attaqué, il a jugé que le respect des droits de la défense du fonctionnaire noté implique que des éléments factuels tels que ceux en cause en l’espèce, pour lui être opposables, aient été consignés dans des «pièces», au sens de l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut, préalablement versées à son dossier individuel ou, à tout le moins, préalablement portées à sa connaissance.

24 Au point 86 du même arrêt, le Tribunal a considéré que le fonctionnaire, sous peine de voir violer les droits de la défense qui lui sont garantis par l’article 26 du statut, aurait dû être confronté, par un avertissement écrit, à la constatation de son absence de ponctualité, et ce en temps utile, c’est-à-dire dans un délai raisonnable à partir du fait reproché, ce qui lui aurait permis, notamment, de défendre utilement ses intérêts soit en contestant ce reproche, soit en le prenant en
considération pour améliorer sa conduite dans le service, ne serait-ce qu’en vue d’obtenir une bonne notation.

25 Le Tribunal a retenu par ailleurs, au point 91 de l’arrêt attaqué, que le point 3.1 du guide de l’évaluation, que la Commission se serait imposé à elle-même en tant que règle de conduite, invite les évaluateurs à veiller, tout au long de la période d’évaluation, à collecter des exemples de travaux, à en conserver des copies ou à rédiger des notes. Au même point de l’arrêt attaqué, il a relevé que, selon le point 3.2 du guide de l’évaluation, le retour d’informations doit se référer à des
éléments précis du comportement et intervenir aussi rapidement que possible après un travail.

Les conclusions des parties devant la Cour

26 La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– annuler l’arrêt attaqué;

– statuant elle-même sur le litige, faire droit aux conclusions présentées par elle en première instance et, partant, rejeter le recours;

– à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

– condamner M. De Bry aux dépens de l’instance, y compris ses propres dépens dans la procédure devant le Tribunal.

27 M. De Bry conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– rejeter le pourvoi comme manifestement non fondé;

– condamner la Commission aux dépens.

Sur le pourvoi

28 La requérante soulève un moyen d’annulation unique, subdivisé en deux branches, tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’application, d’une part, du principe du respect des droits de la défense et, d’autre part, de l’article 26, deuxième alinéa, du statut.

Argumentation des parties

29 Dans le cadre de la première branche de son moyen, la Commission soutient que le Tribunal a méconnu la portée du principe général du respect des droits de la défense.

30 Ces droits s’exerceraient uniquement à l’intérieur de la procédure même qui est susceptible d’aboutir à l’adoption d’un acte faisant grief.

31 Ils n’impliqueraient pas une obligation, à la charge de l’auteur d’un acte faisant grief, d’adresser à la personne visée un avertissement préalable à l’ouverture d’une procédure.

32 Dans le cadre de la seconde branche de son moyen, la Commission affirme que l’obligation, consacrée par le Tribunal, de consigner par écrit un élément de fait susceptible d’être reproché à un fonctionnaire ne découle pas de l’article 26, deuxième alinéa, du statut.

33 Cette dernière disposition supposerait l’existence de «pièces», au sens du premier alinéa, sous a), de ce même article. Elle n’imposerait pas l’obligation de créer de telles pièces.

34 M. De Bry fait valoir que l’article 26 du statut vise à assurer le respect des droits de la défense du fonctionnaire. Cet article aurait pour but d’éviter que des décisions de l’AIPN affectant la situation administrative et la carrière du fonctionnaire noté ne soient fondées sur des éléments de fait concernant son comportement qui n’auraient été ni intégrés dans son dossier personnel ni communiqués à l’intéressé.

35 Le Tribunal aurait donc à bon droit, conformément à une jurisprudence constante, annulé la décision litigieuse.

36 M. De Bry ajoute que le Tribunal devait effectivement vérifier si la Commission avait appliqué, lors de l’établissement du REC, les nouvelles directives internes résultant en particulier du point 3.1 du guide de l’évaluation, au respect desquelles elle aurait été tenue.

Appréciation de la Cour

37 Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir, notamment, arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 27, et du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96,
Rec. p. I‑8237, point 99).

38 Ce principe exige que la personne concernée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à sa charge dans l’acte à intervenir (voir, en ce sens, arrêts Belgique/Commission, précité, point 27 in fine, et du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C-458/98 P, Rec. p. I-8147, point 99).

39 Toutefois, en tant que garantie de procédure, le principe fondamental du respect des droits de la défense ne saurait être interprété, dans le domaine de l’évaluation du personnel des Communautés européennes, comme imposant, antérieurement à la procédure aboutissant à une telle évaluation, une obligation d’avertissement préalable.

40 Cette constatation n’est pas affectée par l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut, en tant qu’il subordonne l’opposabilité à un fonctionnaire de tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement à leur communication à l’intéressé avant classement à son dossier personnel.

41 En effet, les dispositions correspondantes, dont le but est d’assurer le droit de défense du fonctionnaire (voir, notamment, arrêts du 28 juin 1972, Brasseur/Parlement, 88/71, Rec. p. 499, point 11, et du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, Rec. p. 739, point 11), concernent les pièces déjà existantes. Elles font obstacle à ce que, au cours de la procédure d’évaluation, de telles pièces soient retenues contre le fonctionnaire noté sans lui avoir été communiquées avant classement à son
dossier personnel. Elles n’imposent pas la confection préalable de pièces formalisant toute allégation de faits reprochés à l’intéressé.

42 Pas davantage que le principe fondamental lui-même, l’article 26 du statut n’impose donc une obligation d’avertissement préalable.

43 Le principe fondamental du respect des droits de la défense doit permettre à l’intéressé, au cours de la procédure d’évaluation, de se défendre face à l’allégation de faits susceptibles d’être retenus à sa charge. Cet objectif est mis en œuvre, en particulier, par l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut, ainsi que par la décision DGE 43, dont les dispositions assurent le respect du contradictoire tout au long de ladite procédure, ainsi que cela ressort du point 7 du présent
arrêt.

44 Le rôle du principe fondamental du respect des droits de la défense n’est pas de permettre également au fonctionnaire d’adapter à l’avenir son comportement afin d’éviter que des faits établis soient effectivement retenus contre lui. Ainsi que M. l’avocat général l’a souligné aux points 53 et 54 de ses conclusions, l’amélioration de la conduite dans le service constitue un objectif qui excède le champ d’application du respect des droits de la défense, pareil objectif étant en réalité servi par
le rapport de notation lui-même.

45 Dès lors, en retenant, aux points 83 et 86 de l’arrêt attaqué, une violation des droits de la défense garantis par l’article 26 du statut du fait de l’absence d’un avertissement écrit préalable, le Tribunal a méconnu à la fois le principe fondamental du respect des droits de la défense et ledit article 26 du statut.

46 Cette conclusion n’est pas affectée par la motivation contenue au point 91 de l’arrêt attaqué, relative au guide de l’évaluation, que la Commission se serait imposé à elle-même, selon le Tribunal, en tant que règle de conduite.

47 En effet, si le chapitre 3 du guide de l’évaluation préconise un «retour d’informations constructif […] donné régulièrement et en temps voulu», par référence «à des éléments précis du comportement», «aussi rapidement que possible après un travail», et s’il invite les évaluateurs «à collecter des exemples de travaux […], à en conserver des copies ou à rédiger des notes», il énonce également que le retour d’informations est donné «au moyen, par exemple, d’évaluations formelles et informelles et
d’un dialogue individuel». Il n’impose donc nullement l’établissement systématique d’un avertissement écrit pour chaque fait susceptible de faire l’objet d’un reproche.

48 Il convient, enfin, de constater que, en raison des erreurs de droit commises dans l’interprétation du principe fondamental du respect des droits de la défense et de l’article 26 du statut, le Tribunal, aux points 95 et 96 de l’arrêt attaqué, a ensuite irrégulièrement déduit l’existence d’une incohérence affectant le contenu du REC, puis accueilli le troisième moyen soulevé devant lui (voir point 20 du présent arrêt).

49 Il résulte de ce qui précède que l’arrêt attaqué doit être annulé partiellement, en tant qu’il a annulé la décision litigieuse pour violation des droits de la défense garantis par l’article 26 du statut et, par voie de conséquence, pour incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante, en ce qui concerne le reproche d’un non-respect de l’horaire de travail.

Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

50 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut statuer définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

51 Il y a lieu de faire application de cette disposition en l’espèce, l’affaire étant effectivement en état d’être jugée.

Sur le moyen tiré d’une violation des droits de la défense

52 Pour les motifs énoncés aux points 37 à 44 du présent arrêt, ni le principe fondamental du respect des droits de la défense ni l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut ne subordonnent la possibilité de retenir un fait à charge dans le REC d’un fonctionnaire à l’établissement, préalablement à la procédure aboutissant à l’adoption de ce rapport, d’un avertissement écrit ainsi qu’à la communication de celui-ci à l’intéressé.

53 Le requérant n’est donc pas fondé à faire grief à la Commission d’avoir retenu, dans le REC litigieux, le reproche d’un non-respect de l’horaire de travail sans lui avoir adressé des rappels à l’ordre antérieurement à la procédure d’évaluation.

54 Le moyen tiré d’une violation des droits de la défense doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le moyen tiré d’une incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante, en ce qui concerne le reproche d’un non-respect de l’horaire de travail

55 La constatation d’un manque de ponctualité n’ayant pas été déclarée illégale, le reproche fondé sur cette constatation doit être considéré comme figurant régulièrement dans le texte du REC litigieux.

56 Dans ces conditions, la cohérence entre la note «suffisant» et les commentaires figurant dans la rubrique «Conduite dans le service» n’est pas affectée.

57 Il s’ensuit que le moyen tiré d’une incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante doit également être rejeté en ce qui concerne le reproche d’un non-respect de l’horaire de travail.

58 Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

59 L’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure dispose que, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, conformément à l’article 70 du règlement de
procédure, également applicable en vertu de l’article 122, deuxième alinéa, de ce règlement aux pourvois formés par les institutions, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

60 En l’espèce, M. De Bry a succombé en ses moyens et la Commission a conclu à sa condamnation aux dépens. En application des dispositions précitées du règlement de procédure, il y a lieu de décider que chacune des parties supportera ses propres dépens liés à la présente procédure et ceux qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure de première instance.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1) L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 12 juillet 2005, De Bry/Commission (T‑157/04), est annulé partiellement, en tant qu’il a annulé la décision de la Commission du 26 mai 2003 rendant définitif le rapport d’évolution de carrière de M. De Bry relatif à la période allant du 1^er juillet 2001 au 31 décembre 2002, pour violation des droits de la défense garantis par l’article 26 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et, par voie de
conséquence, pour incohérence entre certains commentaires descriptifs et la notation chiffrée correspondante, en ce qui concerne le reproche d’un non‑respect de l’horaire de travail.

2) Le recours est rejeté.

3) Chaque partie supporte ses propres dépens liés à la présente procédure et ceux qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure de première instance.

Signatures

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-344/05
Date de la décision : 09/11/2006
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaire - Notation - Rapport d'évolution de carrière - Exercice 2001/2002 - Droits de la défense - Article 26, deuxième alinéa, du statut.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Joël De Bry.

Composition du Tribunal
Avocat général : Poiares Maduro
Rapporteur ?: Bay Larsen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2006:710

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