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02/05/2006 | CJUE | N°C-436/03

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne., 02/05/2006, C-436/03


Affaire C-436/03

Parlement européen

contre

Conseil de l'Union européenne

«Recours en annulation — Règlement (CE) nº 1435/2003 — Société coopérative européenne (SEC) — Choix de la base juridique — Article 95 CE — Article 308 CE»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 12 juillet 2005

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 2 mai 2006

Sommaire de l'arrêt

Actes des institutions — Choix de la base juridique — Critères — Article 308 CE — Limites

(Art.

95 CE et 308 CE; règlement du Conseil nº 1435/2003)

C'est en fonction du contenu et de l'objet principal d'un acte qu'il convient de...

Affaire C-436/03

Parlement européen

contre

Conseil de l'Union européenne

«Recours en annulation — Règlement (CE) nº 1435/2003 — Société coopérative européenne (SEC) — Choix de la base juridique — Article 95 CE — Article 308 CE»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 12 juillet 2005

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 2 mai 2006

Sommaire de l'arrêt

Actes des institutions — Choix de la base juridique — Critères — Article 308 CE — Limites

(Art. 95 CE et 308 CE; règlement du Conseil nº 1435/2003)

C'est en fonction du contenu et de l'objet principal d'un acte qu'il convient de déterminer la base juridique appropriée sur le fondement de laquelle il doit être adopté.

À cet égard, le recours à l'article 308 CE comme base juridique d'un acte n'est justifié que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte. En ce qui concerne l'article 95 CE, celui-ci habilite le législateur communautaire à adopter des mesures destinées à améliorer les conditions de l'établissement et du fonctionnement du marché intérieur, ces mesures devant effectivement avoir cet objet en contribuant à l'élimination
d'entraves aux libertés économiques garanties par le traité, parmi lesquelles figure la liberté d'établissement. Le recours à cet article comme base juridique est également possible en vue de prévenir l'apparition d'obstacles aux échanges résultant de l'évolution hétérogène des législations nationales, l'apparition de tels obstacles devant toutefois être vraisemblable et la mesure en cause devant avoir pour objet leur prévention.

Or, le règlement nº 1435/2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC), vise à mettre en place une forme juridique nouvelle se superposant aux formes nationales de sociétés coopératives, la SEC devant être considérée comme une forme juridique européenne, de nature spécifique et communautaire, de sociétés coopératives. En effet, la forme juridique de la SEC est régie prioritairement par ledit règlement, les conditions de sa constitution lui sont propres et est également
spécifique à la SEC la possibilité de transférer son siège statutaire d'un État membre vers un autre, sans que ce transfert donne lieu ni à dissolution ni à création d'une personne morale nouvelle. De surcroît, la forme de la société coopérative européenne coexiste avec celle des sociétés coopératives de droit national.

Dans ces conditions, ce règlement, qui laisse inchangés les différents droits nationaux existants, ne saurait être regardé comme ayant pour objet de rapprocher les droits des États membres applicables aux sociétés coopératives. Par conséquent, l'article 95 CE ne pouvait constituer une base juridique appropriée pour l'adoption dudit règlement, qui a ainsi été adopté à bon droit sur le fondement de l'article 308 CE.

(cf. points 35-36, 38-44, 46)

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

2 mai 2006 (*)

«Recours en annulation – Règlement (CE) n° 1435/2003 – Société coopérative européenne (SEC) – Choix de la base juridique – Article 95 CE – Article 308 CE»

Dans l’affaire C-436/03,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduit le 14 octobre 2003,

Parlement européen, représenté initialement par M. J. L. Rufas Quintana et M^me E. Waldherr, puis par cette dernière et M. R. Passos, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M^me C. Schmidt, puis par M. J.-F. Pasquier, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Jacqué et M^me M. C. Giorgi Fort, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume d’Espagne, représenté par M. E. Braquehais Conesa, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M^me R. Caudwell, en qualité d’agent, assistée de Lord P. Goldsmith et M. N. Paines, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas et J. Makarczyk, présidents de chambre, M. J.‑P. Puissochet (rapporteur), R. Schintgen, J. Klučka, U. Lõhmus, E. Levits et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M^me C. Stix-Hackl,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 juillet 2005,

rend le présent

Arrêt

1 Le Parlement européen demande l’annulation du règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil, du 22 juillet 2003, relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC) (JO L 207, p. 1, ci-après le «règlement attaqué»).

Le cadre juridique

2 Le règlement attaqué a été adopté sur le fondement de l’article 308 CE. Il met en place un statut unique, applicable à la société coopérative européenne (SEC), afin, notamment, de supprimer les obstacles à la coopération transfrontière des sociétés tout en prenant en compte la spécificité des coopératives.

3 Ainsi, le deuxième considérant du règlement attaqué énonce:

«L’achèvement du marché intérieur et l’amélioration de la situation économique et sociale dans l’ensemble de la Communauté qui en découle impliquent non seulement que les obstacles aux échanges commerciaux devraient être éliminés, mais aussi que les structures de production devraient être adaptées à la dimension communautaire du marché. À cette fin, il est essentiel que les entreprises, quelle qu’en soit la forme, dont les activités ne sont pas destinées à répondre exclusivement à des besoins
existant au niveau local, soient en mesure de planifier et de réorganiser leurs activités à l’échelle de la Communauté.»

4 Aux termes des onzième à quatorzième considérants:

«(11) La coopération transnationale entre coopératives se heurte actuellement dans la Communauté à des difficultés d’ordre juridique et administratif qu’il convient d’éliminer dans un marché sans frontières.

(12) L’instauration d’une forme juridique européenne, fondée sur des principes communs, mais prenant en compte les spécificités des coopératives, devrait permettre à celles-ci d’opérer au-delà de leurs frontières nationales, sur tout ou une partie du territoire de la Communauté.

(13) L’objet essentiel du présent règlement est de permettre la création d’une SEC par des personnes physiques résidant dans des États membres différents ou des personnes morales relevant du droit d’États membres différents. Il permettra également la création d’une SEC par fusion de deux coopératives existantes, ou par transformation d’une coopérative nationale, sans passer par une dissolution, dès lors que cette coopérative a son siège statutaire et son administration centrale dans un État membre
et un établissement ou une filiale dans un autre État membre.

(14) Compte tenu de la nature spécifique et communautaire de la SEC, le régime du ‘siège réel’ retenu pour la SEC par le présent règlement est sans préjudice des législations des États membres et ne préjuge pas les choix qui pourront être faits pour d’autres textes communautaires en matière de droit des sociétés.»

5 Le règlement attaqué établit, notamment, les règles relatives à la constitution d’une SEC (article 2), ainsi qu’à son capital minimal (article 3) et à ses statuts (article 5). En vertu de l’article 1^er, paragraphe 5, du règlement attaqué, la SEC est dotée de la personnalité juridique.

6 Aux termes de l’article 6 du règlement attaqué:

«Le siège statutaire de la SEC est situé à l’intérieur de la Communauté, dans le même État membre que son administration centrale. Un État membre peut, en outre, imposer aux SEC immatriculées sur son territoire l’obligation d’avoir leur administration centrale et leur siège statutaire au même endroit.»

7 L’article 7 du règlement attaqué, quant à lui, réglemente le transfert du siège statutaire d’une SEC, lequel s’opère sans perte de sa personnalité juridique:

«1. Le siège statutaire de la SEC peut être transféré dans un autre État membre conformément aux paragraphes 2 à 16. Ce transfert ne donne lieu ni à dissolution ni à création d’une personne morale nouvelle.»

8 Conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement attaqué:

«La SEC est régie:

a) par le présent règlement;

b) lorsque le présent règlement l’autorise expressément, par les dispositions des statuts de la SEC;

c) pour les matières non réglées par le présent règlement ou, lorsqu’une matière l’est partiellement, pour les aspects non couverts par le présent règlement par:

i) les lois adoptées par les États membres en application de mesures communautaires visant spécifiquement les SEC;

ii) les lois des États membres qui s’appliqueraient à une société coopérative constituée selon le droit de l’État membre dans lequel la SEC a son siège statutaire;

iii) les dispositions des statuts de la SEC, dans les mêmes conditions que pour une coopérative constituée selon le droit de l’État membre dans lequel la SEC a son siège statutaire.»

9 Enfin, le règlement attaqué permet les fusions transfrontalières des SEC (articles 2, paragraphe 1, quatrième tiret, et 19 à 34 du règlement attaqué).

La procédure législative ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué

10 La Commission des Communautés européennes a présenté au Conseil de l’Union européenne sa proposition initiale concernant la SEC le 6 mars 1992 (JO 1992, C 99, p. 14). Cette proposition était fondée sur l’article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE).

11 À la suite des modifications apportées aux traités par ceux de Maastricht et d’Amsterdam, la base juridique de cette proposition de règlement a été adaptée aux besoins de l’article 95 CE. Le Parlement a confirmé cette base juridique dans son avis.

12 Des discussions au sein du Conseil ont abouti à une modification de cette base juridique, l’article 308 CE étant substitué à l’article 95 CE. En raison de cette modification, le Conseil a décidé de consulter une nouvelle fois le Parlement.

13 Par un avis du 14 mai 2003, celui-ci a demandé le maintien de l’article 95 CE comme base juridique. La Commission, s’exprimant sur les amendements du Parlement, a soutenu cette position.

14 Le 22 juillet 2003, le Conseil a formellement adopté le règlement attaqué, confirmant le choix de l’article 308 CE comme base juridique.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

15 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– annuler le règlement attaqué;

– en maintenir en vigueur les effets jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation en la matière adoptée dans un délai raisonnable sur la base juridique appropriée;

– condamner le Conseil aux dépens.

16 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– rejeter le recours;

– condamner le Parlement aux dépens.

17 Par ordonnance du président de la Cour du 9 mars 2004, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Parlement. Par cette même ordonnance, le Royaume d’Espagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

Sur le recours

Argumentation des parties

18 À l’appui de son recours, le Parlement avance un moyen unique, tiré du choix erroné de l’article 308 CE comme base juridique du règlement attaqué. Selon lui, l’article 95 CE constituerait la base juridique appropriée.

19 À cet égard, il rappelle que les divergences dans le droit des sociétés des États membres entravent les activités des sociétés coopératives, notamment en ce qui concerne le transfert de leur siège social et les fusions transfrontalières.

20 Le Parlement estime encore qu’un règlement peut parfaitement avoir pour base légale l’article 95 CE. Ainsi, le rapprochement du droit des États membres pourrait également être effectué en complétant les droits nationaux par la création de formes juridiques européennes. Dans le cas de la SEC, le rapprochement du droit des États membres serait nécessaire pour la création et la gestion des coopératives transeuropéennes.

21 Le Parlement ajoute que la notion de «rapprochement», contenue à l’article 95 CE, couvre non seulement les mesures visant à éliminer les entraves résultant de la disparité des différents ordres juridiques nationaux, mais aussi les mesures destinées à surmonter les limites territoriales des ordres juridiques nationaux dans la mesure nécessaire pour l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.

22 À cet égard, le Parlement réfute l’argument du Conseil, selon lequel une mesure de rapprochement devrait nécessairement impliquer une substitution, totale ou partielle, des dispositions nationales. La Cour aurait d’ailleurs admis que la convergence des droits des États membres, recherchée par l’article 95 CE, peut être mise en œuvre même s’il n’existe aucune législation portant sur une matière donnée dans certains États membres (arrêt du 9 octobre 2001, Pays-Bas/Parlement et Conseil,
C-377/98, Rec. p. I-7079, point 15).

23 Il en serait de même de la thèse du Conseil, selon laquelle la condition préalable d’un rapprochement des législations serait la compétence d’un État membre pour adopter une réglementation en la matière, ayant les mêmes effets qu’un rapprochement. Selon le Parlement, cette condition ne peut être déduite de l’article 95 CE, d’autant plus qu’un État membre ne peut obtenir seul un résultat identique à un rapprochement des législations.

24 Le Parlement souligne encore que l’article 308 CE ne constitue pas une base juridique appropriée pour l’adoption du règlement attaqué, car le recours à cette disposition est, notamment, subordonné à la condition qu’aucun pouvoir d’action spécifique ne soit prévu par le traité CE pour atteindre l’objectif visé, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

25 La création d’une société coopérative européenne ne pourrait pas être assimilée à la création d’un titre nouveau, se superposant aux titres nationaux, comme c’est le cas en matière de propriété intellectuelle [voir, notamment, règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO L 227, p. 1)]. Le
Parlement relève encore que ces règlements, fondés sur l’article 308 CE, ont institué des organes administratifs communautaires, dotés de la personnalité juridique et d’une autonomie financière et administrative, ce qui ne serait pas le cas du règlement attaqué.

26 En effet, la société coopérative européenne ne serait pas une nouvelle forme de société, déconnectée du droit des États membres, le règlement attaqué ne mettant pas en place une organisation exhaustive de celle-ci mais se contentant d’en réglementer la structure en renvoyant systématiquement au droit applicable de l’État membre de son siège statutaire.

27 La Commission, partie intervenante, soutient une thèse identique à celle défendue par le Parlement. Elle avance également une conception large de la notion d’«harmonisation», contenue à l’article 95 CE.

28 Selon la Commission, le règlement attaqué vise à améliorer les conditions de l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, en contribuant à l’élimination d’entraves à la libre prestation de services, par l’instauration d’une forme juridique européenne, qui permet aux sociétés coopératives d’opérer au-delà de leurs frontières nationales. En l’espèce, le statut spécifique et communautaire de la société coopérative européenne viendrait compléter les différents statuts nationaux des
coopératives, en vue de faciliter le développement de leurs activités transfrontalières.

29 Le Conseil estime, pour sa part, que le règlement attaqué crée une forme juridique nouvelle, de dimension européenne, laquelle s’ajoute aux sociétés coopératives de droit national.

30 Il ajoute que le seul fait qu’un acte communautaire est destiné à l’établissement et au fonctionnement du marché intérieur ne suffit pas à lui fournir comme base juridique nécessaire l’article 95 CE. L’article 14 CE préciserait que l’article 95 CE n’est qu’une disposition parmi d’autres pour réaliser le marché intérieur.

31 Pour pouvoir être fondé sur l’article 95 CE, cet acte devrait rapprocher les législations nationales et viser à éliminer les obstacles que la divergence et/ou l’effet territorial limité des réglementations nationales opposent à la réalisation des objectifs du traité.

32 Le Conseil soutient qu’une mesure d’harmonisation doit nécessairement aboutir à un résultat auquel il aurait été possible de parvenir par l’adoption simultanée d’une législation identique dans chaque État membre. Or, en l’espèce, aucun État membre, considéré individuellement, n’avait le pouvoir d’établir un statut tel que celui prévu par le règlement attaqué.

33 Dès lors, et en l’absence d’une autre disposition susceptible d’être retenue, seul l’article 308 CE aurait pu servir de base juridique audit règlement.

34 Le Royaume d’Espagne et le gouvernement du Royaume-Uni, parties intervenantes, considèrent également que la société coopérative européenne est une forme juridique nouvelle. Le règlement attaqué aurait dû, dès lors, être adopté sur la base de l’article 308 CE.

Appréciation de la Cour

35 C’est en fonction du contenu et de l’objet principal d’un acte qu’il convient de déterminer la base juridique appropriée sur le fondement de laquelle il doit être adopté (voir, notamment, arrêts du 17 mars 1993, Commission/Conseil, C-155/91, Rec. p. I-939, points 19 à 21, et Pays‑Bas/Parlement et Conseil, précité, point 27).

36 À cet égard, le recours à l’article 308 CE comme base juridique d’un acte n’est justifié que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte (voir arrêts du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p. 1493, point 13, et du 13 juillet 1995, Espagne/Conseil, C‑350/92, Rec. p. I-1985, point 26).

37 La Cour a ainsi déjà jugé que la Communauté peut se fonder sur l’article 308 CE pour créer des titres nouveaux de propriété intellectuelle qui viennent se superposer aux titres nationaux (voir avis 1/94, du 15 novembre 1994, Rec. p. I‑5267, point 59, ainsi que arrêts précités, Espagne/Conseil, points 23 et 27, et Pays‑Bas/Parlement et Conseil, point 24). Le recours à l’article 308 CE comme base juridique est en revanche exclu lorsque l’acte communautaire en cause ne prévoit pas la mise en
place d’un titre nouveau de protection, de niveau communautaire, mais ne fait qu’harmoniser les règles prévues dans le droit des États membres pour délivrer et protéger ledit titre (arrêt Pays-Bas/Parlement et Conseil, précité, point 25).

38 En ce qui concerne l’article 95 CE, celui-ci habilite le législateur communautaire à adopter des mesures destinées à améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur, ces mesures devant effectivement avoir cet objet en contribuant à l’élimination d’entraves aux libertés économiques garanties par le traité, parmi lesquelles figure la liberté d’établissement [voir, notamment, arrêts du 5 octobre 2000, Allemagne/Parlement et Conseil, C-376/98, Rec. p. I‑8419,
points 83, 84 et 95, ainsi que du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, Rec. p. I‑11453, point 60].

39 Le recours à l’article 95 CE comme base juridique est également possible en vue de prévenir l’apparition d’obstacles aux échanges résultant de l’évolution hétérogène des législations nationales, l’apparition de tels obstacles devant toutefois être vraisemblable et la mesure en cause devant avoir pour objet leur prévention [voir, en ce sens, arrêts précités, Espagne/Conseil, point 35, Allemagne/Parlement et Conseil, point 86, Pays-Bas/Parlement et Conseil, point 15, ainsi que British American
Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, point 61].

40 En l’espèce, il ressort du contenu et de l’objectif du règlement attaqué que celui-ci vise à mettre en place une forme juridique nouvelle se superposant aux formes nationales de sociétés coopératives, ainsi que le relèvent d’ailleurs les douzième et quatorzième considérants du règlement attaqué, aux termes desquels la société coopérative européenne doit être considérée comme une forme juridique européenne, de nature spécifique et communautaire, de sociétés coopératives.

41 En effet, la forme juridique de la société coopérative européenne est, conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement attaqué, régie prioritairement par celui-ci. Son article 8, paragraphe 1, sous b), prévoit que la société coopérative européenne peut également être régie par ses statuts, lorsque le règlement attaqué le permet expressément. Ce n’est qu’à titre subsidiaire, pour les matières non réglées par ce règlement ou par les statuts de la société coopérative européenne,
que l’article 8, paragraphe 1, sous c), dudit règlement renvoie, notamment, au droit de l’État membre sur le territoire duquel la société coopérative européenne a son siège statutaire.

42 De surcroît, les conditions de constitution d’une société coopérative européenne, qui figurent à l’article 2 du règlement attaqué, lui sont propres. Est également spécifique à la société coopérative européenne la possibilité, prévue à l’article 7 du règlement attaqué, de transférer son siège statutaire d’un État membre vers un autre, sans que ce transfert donne lieu ni à dissolution ni à création d’une personne morale nouvelle.

43 Enfin, il ressort des dispositions de l’article 9 du règlement attaqué, en vertu desquelles une société coopérative européenne doit être traitée dans chaque État membre comme une coopérative constituée conformément à la législation de l’État membre dans lequel elle a son siège, que la forme de la société coopérative européenne coexiste avec celle des sociétés coopératives de droit national.

44 Dans ces conditions, le règlement attaqué, qui laisse inchangés les différents droits nationaux existant, ne saurait être regardé comme ayant pour objet de rapprocher les droits des États membres applicables aux sociétés coopératives, mais a pour objet de créer une forme nouvelle de société coopérative qui se superpose aux formes nationales.

45 Cette constatation n’est pas affectée par le fait que le règlement attaqué ne fixe pas de manière exhaustive l’ensemble des règles applicables aux sociétés coopératives européennes, et qu’il renvoie sur certains points au droit de l’État membre sur le territoire duquel la société coopérative européenne a son siège statutaire, ce renvoi présentant, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, un caractère subsidiaire.

46 Il résulte de ce qui précède que l’article 95 CE ne pouvait constituer une base juridique appropriée pour l’adoption du règlement attaqué, qui a été adopté à bon droit sur le fondement de l’article 308 CE.

47 L’unique moyen du recours n’étant pas fondé, celui-ci doit, par suite, être rejeté.

Sur les dépens

48 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation du Parlement et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. Conformément à l’article 69, paragraphe 4, du même règlement, le Royaume d’Espagne, le Royaume-Uni et la Commission, parties intervenantes, supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Le Parlement européen est condamné aux dépens.

3) Le Royaume d’Espagne, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: le français


Synthèse
Formation : Grande chambre
Numéro d'arrêt : C-436/03
Date de la décision : 02/05/2006
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Recours en annulation - Règlement (CE) nº 1435/2003 - Société coopérative européenne (SEC) - Choix de la base juridique - Article 95 CE - Article 308 CE.

Dispositions institutionnelles

Actes des institutions


Parties
Demandeurs : Parlement européen
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Stix-Hackl
Rapporteur ?: Puissochet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2006:277

Source

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