Affaire C-177/04
Commission des Communautés européennes
contre
République française
«Manquement d'État — Directive 85/374/CEE — Responsabilité du fait des produits défectueux — Arrêt de la Cour constatant un manquement — Inexécution — Article 228 CE — Sanctions pécuniaires — Exécution partielle de l'arrêt en cours d'instance»
Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 24 novembre 2005
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 mars 2006
Sommaire de l'arrêt
1. Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse
(Art. 226 CE et 228 CE)
2. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires
(Art. 228, § 2, CE)
3. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires — Astreinte
(Art. 228, § 2, CE)
4. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires — Astreinte
(Art. 228, § 2, CE)
1. L'exigence selon laquelle l'objet du recours introduit en vertu de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition ne saurait aller jusqu'à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre le dispositif de l'avis motivé et les conclusions du recours, dès lors que l'objet du litige n'a pas été étendu ou modifié, mais a été, au contraire, simplement restreint. Lorsqu'un changement législatif est intervenu au cours de la procédure
précontentieuse, le recours peut concerner des dispositions nationales qui ne sont pas identiques à celles visées dans l'avis motivé. Rien ne s'oppose à ce qu'il en aille de même lorsqu'un tel changement législatif est intervenu postérieurement à l'introduction du recours et que le grief maintenu par la Commission au regard dudit changement législatif était nécessairement inclus dans celui tiré de l'absence de toute exécution d'un arrêt de la Cour. Il est dès lors loisible à la Commission de limiter
l'étendue du manquement dont elle sollicite la constatation au titre de l'article 228 CE, de manière à tenir compte de mesures d'exécution partielles, adoptées au cours de la seconde procédure devant la Cour.
(cf. points 35, 37-38)
2. La procédure prévue à l'article 228, paragraphe 2, CE a pour objectif d'inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, par là, d'assurer l'application effective du droit communautaire par cet État. Les mesures prévues par cette disposition, à savoir la somme forfaitaire et l'astreinte, visent toutes deux ce même objectif. La condamnation au paiement d'une astreinte et/ou d'une somme forfaitaire vise non pas à compenser un quelconque dommage qui aurait été causé par
l'État membre concerné, mais à exercer sur celui-ci une contrainte économique qui l'incite à mettre fin au manquement constaté. Les sanctions pécuniaires infligées doivent donc être arrêtées en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l'État membre en cause modifie son comportement.
(cf. points 59-60)
3. Lorsqu'il s'agit d'infliger à un État membre une astreinte pour sanctionner l'inexécution d'un arrêt en manquement, il appartient à la Cour, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de fixer l'astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d'une part, adaptée aux circonstances et, d'autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu'à la capacité de paiement de l'État membre concerné. À cet effet, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature
coercitive de l'astreinte en vue de l'application uniforme et effective du droit communautaire sont, en principe, la durée de l'infraction, son degré de gravité et la capacité de payer de l'État membre en cause. Pour l'application de ces critères, il y a lieu de tenir compte en particulier des conséquences du défaut d'exécution sur les intérêts privés et publics et de l'urgence qu'il y a à amener l'État membre concerné à se conformer à ses obligations.
(cf. points 61-62)
4. S'agissant du critère de la durée de l'infraction, le coefficient y afférent doit être déterminé en ayant égard au moment auquel la Cour apprécie les faits et non à celui où cette dernière est saisie par la Commission et sur la base d'une échelle qui n'est pas limitée par celle allant de 1 à 3 proposée par la Commission.
(cf. point 71)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
14 mars 2006 (*)
«Manquement d’État – Directive 85/374/CEE – Responsabilité du fait des produits défectueux – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 228 CE – Sanctions pécuniaires – Exécution partielle de l’arrêt en cours d’instance»
Dans l’affaire C‑177/04,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 228 CE, introduit le 14 avril 2004,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valero Jordana et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République française, représentée par M. G. de Bergues et M^me R. Loosli, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas et K. Schiemann (rapporteur), présidents de chambre, M. R. Schintgen, M^me N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. Klučka, U. Lõhmus et E. Levits, juges,
avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: M^me M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 octobre 2005,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 novembre 2005,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de:
– constater que, en ne prenant pas les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France (C‑52/00, Rec. p. I‑3827), concernant la transposition incorrecte de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO L 210, p. 29), la République française a manqué aux obligations qui lui
incombent en vertu de l’article 228, paragraphe 1, CE;
– condamner la République française à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de la Communauté européenne», une astreinte d’un montant de 137 150 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt Commission/France, précité, et ce à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution dudit arrêt Commission/France;
– condamner la République française aux dépens.
La réglementation communautaire
2 Adoptée sur le fondement de l’article 100 du traité CEE (devenu article 100 du traité CE, lui-même devenu article 94 CE), la directive 85/374 a pour objet le rapprochement des législations des États membres en matière de responsabilité du producteur pour les dommages causés par le caractère défectueux de ses produits.
3 Aux termes de l’article 1^er de cette directive, «[l]e producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit».
4 L’article 3, paragraphe 3, de la même directive dispose:
«Si le producteur du produit ne peut être identifié, chaque fournisseur en sera considéré comme producteur, à moins qu’il n’indique à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit. Il en est de même dans le cas d’un produit importé, si ce produit n’indique pas l’identité de l’importateur visé au paragraphe 2, même si le nom du producteur est indiqué.»
5 L’article 7 de ladite directive prévoit que le producteur n’est pas responsable en application de celle‑ci s’il prouve:
«[...]
d) que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives émanant des pouvoirs publics;
e) que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui n’a pas permis de déceler l’existence du défaut;
[...]»
6 L’article 9, premier alinéa, de la directive 85/374 définit le terme «dommage», au sens de l’article 1^er de celle‑ci, comme désignant:
«[...]
b) le dommage causé à une chose ou la destruction d’une chose, autre que le produit défectueux lui‑même, sous déduction d’une franchise de 500 [euros] à condition que cette chose:
i) soit d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés
et
ii) ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés.»
L’arrêt Commission/France
7 Dans le dispositif de l’arrêt Commission/France, précité, la Cour a déclaré et arrêté que:
– en incluant, dans l’article 1386‑2 du code civil français (ci-après le «code civil»), les dommages inférieurs à 500 euros;
– en considérant, à l’article 1386‑7, premier alinéa, du même code, que le distributeur d’un produit défectueux est responsable dans tous les cas et au même titre que le producteur, et
– en prévoyant, à l’article 1386‑12, second alinéa, dudit code, que le producteur doit prouver qu’il a pris les dispositions propres à prévenir les conséquences d’un produit défectueux afin de pouvoir se prévaloir des causes d’exonération prévues à l’article 7, sous d) et e), de la directive 85/374,
la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement des articles 9, premier alinéa, sous b), 3, paragraphe 3, et 7 de ladite directive.
La procédure précontentieuse
8 Considérant que la République française n’avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/France, précité, la Commission a, le 20 février 2003, adressé une lettre de mise en demeure à cet État membre en application de l’article 228 CE, l’invitant à soumettre ses observations dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre.
9 Par un courrier du 27 juin 2003, les autorités françaises ont communiqué à la Commission le texte des modifications qu’il était envisagé d’apporter au code civil pour mettre fin au manquement reproché et qui devaient être soumises à la procédure parlementaire.
10 Le 11 juillet 2003, la Commission a adressé un avis motivé à la République française l’invitant à prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis, les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de l’arrêt Commission/France, précité.
11 En réponse à cet avis, les autorités françaises ont précisé, dans une lettre du 9 septembre 2003, que, en raison d’un encombrement du calendrier parlementaire, les propositions de modifications législatives précédemment communiquées à la Commission, bien qu’adoptées dans un cadre interministériel et après consultation des partenaires économiques, n’avaient pas encore pu être examinées par le Parlement. Elles ajoutaient que la Commission serait informée dès que possible du calendrier
d’adoption de ces modifications.
12 Considérant que la République française s’était abstenue d’assurer l’exécution de l’arrêt Commission/France, précité, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
Les développements intervenus au cours de la présente procédure
13 À l’appui de son mémoire en duplique, le gouvernement français s’est prévalu du fait que le Parlement avait adopté la loi n° 2004‑1343, du 9 décembre 2004, de simplification du droit (JORF du 10 décembre 2004, p. 20857, ci‑après la «loi de 2004»), dont l’article 29 dispose:
«I. – Le code civil est ainsi modifié:
1° L’article 1386‑2 est ainsi rédigé:
‘Art. 1386‑2. – Les dispositions du présent titre s’appliquent à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne.
Elles s’appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui même.’;
2° Le premier alinéa de l’article 1386‑7 est ainsi rédigé:
‘Le vendeur, le loueur, à l’exception du crédit‑bailleur ou du loueur assimilable au crédit‑bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel n’est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur que si ce dernier demeure inconnu.’;
3° Le second alinéa de l’article 1386‑12 est supprimé.
[…]»
14 Le 23 février 2005, le gouvernement français a par ailleurs transmis à la Commission et à la Cour une copie du décret n° 2005‑113, du 11 février 2005, pris pour l’application de l’article 1386‑2 du code civil (JORF du 12 février 2005, p. 2408, ci-après le «décret de 2005»), dont l’article 1^er prévoit:
«Le montant visé à l’article 1386‑2 du code civil est fixé à 500 euros.»
15 Dans un courrier du 15 avril 2005 adressé à la Cour et porté à la connaissance du gouvernement français, la Commission a indiqué qu’elle considérait que les modifications ainsi introduites par la loi de 2004 et par le décret de 2005 assuraient la mise en conformité de la législation française avec les articles 7 et 9, premier alinéa, sous b), de la directive 85/374. En conséquence, la Commission annonçait son intention de se désister de son recours pour autant que celui‑ci poursuivait la
constatation d’un manquement de la République française à son obligation d’exécuter l’arrêt Commission/France, précité, au regard de ces deux dispositions de ladite directive.
16 En revanche, estimant que la loi de 2004 n’assure pas la pleine exécution dudit arrêt en ce qui concerne la transposition de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374, la Commission précisait, dans ce même courrier, qu’elle maintient son recours sur ce point, tout en réduisant la portée de la constatation sollicitée à cet égard.
17 La Commission indiquait par ailleurs dans ledit courrier que, en raison de l’exécution partielle de l’arrêt Commission/France, précité, ainsi intervenue, elle entend réduire le montant de l’astreinte initialement proposé à la Cour.
18 En vertu dudit courrier, dont les termes furent réitérés par la Commission lors de l’audience, celle‑ci demande désormais à la Cour de:
– constater que, en ne prenant pas certaines mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/France, précité, concernant la transposition incorrecte de la directive 85/374 et, plus particulièrement, en continuant à considérer le distributeur du produit défectueux comme responsable au même titre que le producteur, lorsque ce dernier ne peut être identifié, alors que le distributeur a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de celui qui lui a fourni le produit, la
République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 228, paragraphe 1, CE;
– condamner la République française au paiement d’une astreinte de 13 715 euros par jour de retard dans l’exécution dudit arrêt, à compter du prononcé du présent arrêt.
19 Prenant acte du désistement partiel résultant des nouvelles conclusions de la Commission et de la réduction du montant de l’astreinte proposé par celle-ci, la République française a indiqué, dans un courrier du 27 mai 2005 adressé à la Cour, qu’elle considère que le grief partiel maintenu par la Commission constitue en réalité un grief nouveau. Ledit État membre réitérait de ce fait sa demande d’être entendu par la Cour lors d’une audience.
Sur le manquement reproché
Considérations liminaires
20 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement au titre de l’article 228 CE se situe à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé émis en vertu de ladite disposition (voir arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, C‑304/02, non encore publié au Recueil, point 30).
21 La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française au paiement d’une astreinte, il convient également d’établir si le manquement reproché a perduré jusqu’à l’examen des faits par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité, point 31).
22 En l’espèce, il est constant que, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans l’avis motivé du 11 juillet 2003, la République française n’avait encore pris aucune des mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité.
23 La Commission s’est en l’occurrence désistée de son recours en tant que celui‑ci tendait à faire constater la non-exécution dudit arrêt en ce qui concerne l’adoption des mesures propres à mettre la réglementation française en conformité avec les articles 7 et 9, premier alinéa, sous b), de la directive 85/374.
24 S’agissant du grief relatif au défaut de mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer aux exigences résultant du même arrêt en ce qui concerne l’article 3, paragraphe 3, de cette directive, ainsi qu’il ressort du point 18 du présent arrêt, la Commission reproche à la République française de n’avoir pas pris certaines des mesures propres à assurer l’exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, en continuant à considérer le distributeur du produit défectueux
comme responsable au même titre que le producteur, lorsque ce dernier ne peut être identifié, alors que le distributeur a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de celui qui lui a fourni le produit.
Sur la recevabilité
Argumentation de la République française
25 Dans sa lettre du 27 mai 2005 et lors de l’audience, le gouvernement français a fait valoir qu’une telle reformulation, en cours d’instance, des conclusions de la requête de la Commission doit être considérée comme une demande nouvelle de nature à entraîner l’irrecevabilité du recours.
26 Il ressortirait, en particulier, tant du point 36 de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, que de la requête et du mémoire en réplique de la Commission dans la procédure ayant donné lieu à cet arrêt que, dans celle-ci, cette institution se serait bornée à reprocher à la République française de n’avoir pas prévu, dans sa législation, que la responsabilité du fournisseur n’est mise en œuvre que de manière subsidiaire par rapport à celle du producteur, et ce lorsque ce dernier
demeure inconnu.
27 La Commission n’aurait, en revanche, jamais reproché à la République française, dans le cadre de ladite affaire, d’avoir manqué à ses obligations au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374 en n’excluant pas expressément la responsabilité du fournisseur lorsque ce dernier a indiqué à la victime le nom de son propre fournisseur.
28 Il s’ensuivrait qu’un tel manquement n’a pu être constaté par la Cour dans son arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, ainsi que le confirmerait au demeurant le dispositif de cet arrêt, qui constate uniquement le manquement de la République française en raison du fait que, dans sa législation, il était prévu que le distributeur d’un produit défectueux était «dans tous les cas» responsable au même titre que le producteur.
29 Dans ces conditions, la Commission ne serait pas recevable, dans le cadre de la présente procédure, à alléguer un défaut d’exécution dudit arrêt dans les termes nouveaux énoncés au point 18 du présent arrêt. Selon le gouvernement français, l’adoption de la loi de 2004 aurait, tout au contraire, assuré la complète exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, au regard de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374, dès lors que cette loi a pour conséquence que le
distributeur du produit défectueux n’est désormais plus responsable «dans tous les cas» au même titre que le producteur.
30 Le gouvernement français soutient par ailleurs que le grief nouveau ainsi formulé par la Commission est également irrecevable faute pour celle‑ci d’avoir indiqué en temps utile à la République française que la nouvelle version de l’article 1386‑7 du code civil, qui lui avait été communiquée à l’état de projet durant la procédure précontentieuse, n’était pas de nature à mettre fin au manquement reproché.
31 Selon ce gouvernement, il appartenait à la Commission, conformément à l’obligation de coopération loyale qui lui incombe en vertu de l’article 10 CE, d’aviser le plus tôt possible la République française des objections éventuelles qui pouvaient subsister à l’encontre des nouvelles dispositions qu’elle se proposait d’adopter. L’un des buts de la procédure précontentieuse serait à cet égard précisément de permettre à l’État membre concerné de se mettre le plus rapidement possible en situation
de complète conformité avec le droit communautaire.
Appréciation de la Cour
32 À cet égard, il convient, en premier lieu, de rappeler que, dans le dispositif de son arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, la Cour a déclaré que la République française avait manqué aux obligations lui incombant au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374 en considérant, à l’article 1386‑7, premier alinéa, du code civil, que le distributeur d’un produit défectueux est responsable dans tous les cas et au même titre que le producteur.
33 Indépendamment des termes précis dans lesquels la Commission a pu formuler les arguments invoqués à l’appui des conclusions de sa requête, ladite déclaration de la Cour procède de la constatation selon laquelle la législation française en vigueur n’exonérait le fournisseur de la responsabilité qui incombe normalement au producteur dans aucun des cas dans lesquels l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374 prévoit une telle exonération.
34 La constatation ainsi opérée par la Cour vise, notamment, le cas où une telle exonération de la responsabilité du distributeur résulte du fait que celui‑ci a indiqué à la victime dans un délai raisonnable l’identité de son propre fournisseur.
35 Par ailleurs, il est loisible à la Commission de limiter l’étendue du manquement dont elle sollicite la constatation au titre de l’article 228 CE, de manière à tenir compte de mesures d’exécution partielles de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, adoptées au cours de la présente procédure devant la Cour.
36 En l’occurrence, en effet, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 22 du présent arrêt, la Commission aurait été fondée à poursuivre la constatation d’un manquement de la République française à ses obligations au titre de l’article 228, paragraphe 1, CE, du fait que cette dernière n’avait prévu, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans l’avis motivé, l’exonération de la responsabilité des fournisseurs dans aucun des cas visés à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374,
il ne saurait être reproché à ladite institution de ne poursuivre une telle constatation qu’en ce qui concerne l’un seulement des cas ainsi visés, en raison de l’adoption par cet État membre de mesures d’exécution partielles de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité (voir, par analogie, arrêt du 5 mai 1993, Commission/Belgique, C‑174/91, Rec. p. I‑2275, points 8 à 12).
37 Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour, l’exigence selon laquelle l’objet du recours introduit en vertu de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition ne saurait aller jusqu’à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre le dispositif de l’avis motivé et les conclusions du recours, dès lors que l’objet du litige n’a pas été étendu ou modifié, mais a été, au contraire, simplement restreint. La Cour en a notamment déduit
que, lorsqu’un changement législatif est intervenu au cours de la procédure précontentieuse, le recours peut concerner des dispositions nationales qui ne sont pas identiques à celles visées dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêt du 1^er février 2005, Commission/Autriche, C‑203/03, Rec. p. I‑935, point 29).
38 Or, rien ne s’oppose à ce qu’il en aille de même lorsqu’un tel changement législatif est intervenu postérieurement à l’introduction du recours et que le grief maintenu par la Commission au regard dudit changement législatif était nécessairement inclus dans celui tiré de l’absence de toute exécution d’un arrêt de la Cour (voir par analogie, à propos de l’article 226 CE, arrêt du 16 juin 2005, Commission/Italie, C‑456/03, non encore publié au Recueil, point 40).
39 En imputant, en cours de procédure, les griefs formulés à l’encontre de l’ancienne version de l’article 1386‑7 du code civil, ayant conduit à la constatation du manquement effectuée dans l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, à la nouvelle version dudit article qui s’y est substituée au cours de la présente procédure contentieuse, la Commission n’a pas modifié l’objet du litige (voir par analogie, à propos de l’article 226 CE, arrêt du 5 juillet 1990, Commission/Belgique,
C‑42/89, Rec. p. I‑2821, point 11).
40 Ne pas admettre la recevabilité du grief dans un tel cas de figure conduirait en outre la Commission à maintenir, le cas échéant contre son gré, l’intégralité du grief initialement invoqué, ce qui ne servirait ni l’intérêt de l’État membre défendeur ni celui d’une bonne administration de la justice.
41 En second lieu, la recevabilité du grief ainsi reformulé par la Commission ne saurait davantage être affectée par la circonstance que, bien qu’informée durant la procédure précontentieuse du fait que la République française envisageait l’adoption de la disposition qui fut ultérieurement adoptée sous la forme du nouvel article 1386‑7 du code civil, la Commission n’a pas indiqué à cet État membre qu’une telle disposition nationale n’assurerait pas une transposition correcte de l’article 3,
paragraphe 3, de la directive 85/374, faute de prévoir une exonération de la responsabilité du fournisseur lorsque celui‑ci a indiqué dans un délai raisonnable à la victime l’identité de son propre fournisseur.
42 En effet, ladite circonstance n’a pas mis la République française dans l’impossibilité de mettre fin à l’infraction précédemment constatée par la Cour et n’a pas nui aux droits de la défense de cet État membre, pas plus qu’elle n’a eu d’incidence sur la délimitation du litige soumis à la Cour par la requête de la Commission.
43 Il convient par ailleurs de rappeler que la procédure visée à l’article 228 CE repose sur la constatation objective du non‑respect par un État membre de ses obligations (arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité, point 44).
44 Il résulte de ce qui précède que le grief tel que reformulé par la Commission en cours d’instance est recevable.
Sur le fond
Arguments de la République française
45 Sur le fond, le gouvernement français fait valoir que la circonstance que la nouvelle version de l’article 1386‑7 du code civil n’exonère pas expressément le fournisseur de la responsabilité qui incombe normalement au producteur dans le cas où ce fournisseur a indiqué l’identité de son propre fournisseur à la victime dans un délai raisonnable n’est pas constitutive d’un manquement à l’obligation de mettre en œuvre l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374.
46 Interrogé lors de l’audience sur la portée de ladite disposition du code civil, ce gouvernement a en effet soutenu, d’une part, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une transposition littérale du texte des directives n’est pas requise en toutes circonstances et, d’autre part, que la faculté pour un fournisseur d’indiquer à la victime l’identité de son propre fournisseur ne serait appelée à avoir, en pratique, qu’un rôle très subsidiaire, lorsque le producteur lui‑même demeure
inconnu, et que, en pareil cas, ledit fournisseur serait en outre en mesure d’appeler son propre fournisseur en garantie.
Appréciation de la Cour
47 À cet égard, il doit être constaté que la nouvelle version de l’article 1386‑7 introduite dans le code civil par la loi de 2004 n’a pas assuré la complète exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, qui comporte notamment l’obligation d’exonérer le fournisseur de la responsabilité qui incombe normalement au producteur dans tous les cas où l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374 prévoit une telle exonération.
48 En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, chaque État membre est tenu de donner aux directives une exécution qui répond pleinement aux exigences de clarté et de certitude des situations juridiques imposées par le législateur communautaire, dans l’intérêt des personnes concernées. À cette fin, les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, ainsi qu’avec la spécificité, la précision et la clarté requises
(voir, notamment, arrêt du 18 octobre 2001, Commission/Irlande, C‑354/99, Rec. p. I‑7657, point 27). Les dispositions destinées à assurer la transposition d’une directive doivent ainsi notamment créer une situation juridique suffisamment précise, claire et transparente pour permettre aux particuliers de connaître la plénitude de leurs devoirs et de leurs droits, et, s’agissant de ceux-ci, de s’en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales (voir, notamment, arrêt du 28 février
1991, Commission/Allemagne, C‑131/88, Rec. p. I‑825, point 6).
49 À cet égard, force est de constater qu’il résulte du libellé clair et précis de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374 que cette disposition vise à conférer aux victimes certains droits qu’elles sont à même de faire valoir à l’encontre des fournisseurs dans les circonstances précises qu’elle détermine. Corrélativement, la même disposition fait naître des devoirs correspondants, eux aussi précis et circonscrits, dans le chef desdits fournisseurs.
50 Cette disposition prévoit, en particulier, que le fournisseur ne peut pas encourir la responsabilité imputée au producteur par la directive 85/374 dès lors qu’il a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de son propre fournisseur.
51 En l’occurrence, il est constant qu’une telle exonération de responsabilité ne résulte pas du libellé de la nouvelle version de l’article 1387‑6 du code civil. Il s’ensuit qu’une telle disposition n’assure pas une complète transposition de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374.
52 Quant au moyen de défense tiré de ce qu’une absence d’exonération de responsabilité du fournisseur dans le cas où celui‑ci a indiqué à la victime l’identité de son propre fournisseur serait sans grandes conséquences pratiques et, dès lors, non constitutive d’une méconnaissance de la directive, il suffit de rappeler que, même à supposer cette circonstance établie, le non‑respect d’une obligation imposée par une règle de droit communautaire est en lui‑même constitutif d’un manquement et la
considération que ce non‑respect n’a pas engendré de conséquences négatives est dépourvue de pertinence (voir, notamment, arrêt du 21 janvier 1999, Commission/Portugal, C‑150/97, Rec. p. I‑259, point 22).
53 En outre, ainsi qu’il ressort du point 40 de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, la Cour a précédemment jugé que la possibilité ouverte au fournisseur d’appeler en garantie le producteur, sous l’empire de l’ancienne version de article 1386‑7 du code civil, avait pour effet une multiplication des mises en cause que l’action directe dont dispose la victime contre le producteur, dans les conditions prévues à l’article 3 de la directive 85/374, a précisément pour objectif
d’éviter. Le même raisonnement s’applique en ce qui concerne la possibilité ouverte au fournisseur d’appeler son propre fournisseur en garantie, sous le régime institué par la nouvelle version dudit article 1386‑7.
54 Il s’ensuit que cette dernière disposition n’a pas transposé complètement l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374 et que, partant, elle n’a pas permis d’assurer la complète exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité.
55 Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que, en continuant à considérer le fournisseur du produit défectueux comme responsable au même titre que le producteur, lorsque ce dernier ne peut être identifié, alors que le fournisseur a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de celui qui lui a fourni le produit, la République française n’a pas mis en œuvre les mesures que comporte l’exécution complète de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité,
en ce qui concerne la transposition de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374, et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 228 CE.
56 Étant ainsi établi que le manquement reproché à la République française perdure à la date à laquelle la Cour a examiné les faits, il convient à présent d’examiner la proposition d’astreinte formulée par la Commission.
Sur la sanction pécuniaire
57 S’agissant du manquement ainsi identifié, la Commission sollicite désormais, ainsi qu’il ressort du point 18 du présent arrêt, la condamnation de la République française à payer une astreinte de 13 715 euros par jour de retard dans l’exécution complète de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, à compter de la date du prononcé du présent arrêt.
58 À cet égard, il appartient à la Cour, dans chaque affaire, d’apprécier, eu égard aux circonstances de l’espèce, les sanctions pécuniaires à arrêter (arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité, point 86).
59 Il convient de même de rappeler que la procédure prévue à l’article 228, paragraphe 2, CE a pour objectif d’inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, par là, d’assurer l’application effective du droit communautaire par cet État. Les mesures prévues par cette disposition, à savoir la somme forfaitaire et l’astreinte, visent toutes deux ce même objectif (arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité, point 80).
60 La condamnation au paiement d’une astreinte et/ou d’une somme forfaitaire vise non pas à compenser un quelconque dommage qui aurait été causé par l’État membre concerné, mais à exercer sur celui‑ci une contrainte économique qui l’incite à mettre fin au manquement constaté. Les sanctions pécuniaires infligées doivent donc être arrêtées en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre en cause modifie son comportement (arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité,
point 91).
61 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, il appartient à la Cour de fixer l’astreinte de telle sorte que celle‑ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné (voir, notamment, arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité, point 103).
62 Dans cette perspective et ainsi que l’a suggéré la Commission dans sa communication du 28 février 1997, concernant la méthode de calcul de l’astreinte prévue à l’article [228] du traité CE (JO C 63, p. 2), les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de l’astreinte en vue de l’application uniforme et effective du droit communautaire sont, en principe, la durée de l’infraction, son degré de gravité et la capacité de payer de l’État membre en
cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte en particulier des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics et de l’urgence qu’il y a à amener l’État membre concerné à se conformer à ses obligations (voir, notamment, arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité, point 104).
63 En l’occurrence, il appartient à la Cour de déterminer, en fonction du degré de persuasion qui lui paraît requis, les sanctions pécuniaires appropriées pour inciter l’État membre concerné à assurer l’exécution effective de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité.
64 Eu égard aux circonstances de l’espèce, il échet de considérer, en premier lieu, que le paiement d’une astreinte constitue un moyen adapté et que l’imposition d’une somme forfaitaire n’apparaît pas opportune.
65 S’agissant, en second lieu, de la gravité de l’infraction et, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution dudit arrêt sur les intérêts privés et publics, il convient de constater que, ainsi que la Commission l’a elle‑même reconnu dans son courrier du 15 avril 2005 et lors de l’audience, le manquement persistant à la suite de l’adoption de la loi de 2004 et du décret de 2005 ne présente pas un degré particulier de gravité, même s’il importe à l’évidence qu’il y soit mis fin dans les
plus brefs délais par la République française, conformément à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 228, paragraphe 1, CE.
66 En effet, les cas dans lesquels est susceptible de subsister une responsabilité du fournisseur en méconnaissance des prescriptions de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374 ont été considérablement réduits en raison de l’adoption de la nouvelle version de l’article 1386‑7 du code civil, en sorte qu’il ne saurait être soutenu qu’une atteinte grave demeure portée aux objectifs de la directive ou à des intérêts publics ou privés.
67 Dans ces conditions, le coefficient 1 (sur une échelle allant de 1 à 20) proposé par la Commission est propre à refléter de manière adéquate le degré de gravité de l’infraction perdurant à la date à laquelle la Cour apprécie les faits.
68 S’agissant, en troisième lieu, du coefficient relatif à la durée de l’infraction, il convient, en revanche, de constater que la proposition de la Commission visant à ce que celui‑ci soit fixé à 1,3 (sur une échelle allant de 1 à 3) ne saurait être accueillie.
69 La Commission fait valoir que ce coefficient a été établi selon une nouvelle méthode de calcul arrêtée par cette institution lors de sa réunion du 2 avril 2001 et qui prévoit que le coefficient relatif à la durée de l’infraction est calculé sur une base de 0,10 par mois à compter du septième mois suivant le prononcé de l’arrêt inexécuté, avec un maximum fixé à 3. Dès lors que 19 mois se sont écoulés entre l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, et la décision de la Commission,
prise le 16 décembre 2003, d’introduire le présent recours, cette dernière a proposé que le coefficient afférent à la durée de l’infraction soit fixé à 1,3.
70 Il y a lieu de rappeler que, si des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications publiées par la Commission peuvent effectivement contribuer à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par cette institution, il n’en reste pas moins que l’exercice du pouvoir conféré à la Cour par l’article 228, paragraphe 2, CE n’est pas soumis à la condition que la Commission arrête de telles règles, qui, en tout état de cause, ne sauraient
lier la Cour (voir, notamment, arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité, point 85). Il en va notamment de la sorte en ce qui concerne l’échelle afférente au coefficient relatif à la durée de l’infraction et les critères de fixation dudit coefficient.
71 Ledit coefficient doit in fine être déterminé par la Cour. À cette fin, il y a lieu d’apprécier la durée de l’infraction en ayant égard au moment auquel la Cour apprécie les faits et non pas à celui où cette dernière est saisie par la Commission, le pouvoir d’appréciation de la Cour n’étant par ailleurs pas limité par l’échelle allant de 1 à 3 proposée par la Commission.
72 En l’occurrence, il est constant que l’exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, ne nécessitait l’adoption que de quelques mesures de transposition en droit national, de surcroît clairement circonscrites.
73 Or, force est de constater que, indépendamment de l’exécution partielle de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, elle‑même intervenue très tardivement, le manquement de la République française à son obligation d’assurer l’exécution complète dudit arrêt perdure depuis un laps de temps considérable puisque près de quatre années se sont écoulées depuis le prononcé de celui‑ci.
74 Dans ces conditions, un coefficient de 3 apparaît approprié pour rendre compte de la durée de l’infraction.
75 En quatrième lieu, la proposition de la Commission consistant à multiplier un montant de base par un coefficient de 21,1, fondé sur le produit intérieur brut de la République française et sur le nombre de voix dont celle‑ci dispose au Conseil de l’Union européenne, constitue une manière appropriée de refléter la capacité de paiement de cet État membre tout en maintenant un écart raisonnable entre les divers États membres (voir, notamment, arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France, précité,
point 109).
76 La multiplication du montant de base de 500 euros par des coefficients fixés à 21,1 (pour la capacité de paiement), à 1 (pour la gravité de l’infraction) et à 3 (pour la durée de l’infraction) aboutit en l’occurrence à un montant 31 650 euros par jour de retard.
77 S’agissant, en cinquième lieu, de la périodicité de l’astreinte, il convient, s’agissant, comme dans la présente affaire, d’exécuter un arrêt de la Cour impliquant l’adoption d’une disposition législative modificative, d’opter pour une astreinte infligée sur une base journalière.
78 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de condamner la République française à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de la Communauté européenne», une astreinte de 31 650 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour assurer l’exécution pleine et entière de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète dudit arrêt du 25 avril 2002.
Sur les dépens
79 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, en vertu du paragraphe 5, premier alinéa, du même article, à la demande de la partie qui se désiste, les dépens sont supportés par l’autre partie, si cela apparaît justifié en vertu de l’attitude de cette dernière.
80 En l’espèce la République française a succombé en ses moyens concernant le grief maintenu par la Commission. Quant au désistement partiel de cette dernière, il est le résultat de l’adoption partielle et tardive par la République française des mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité.
81 Il y a donc lieu de condamner la République française aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) En continuant à considérer le fournisseur du produit défectueux comme responsable au même titre que le producteur, lorsque ce dernier ne peut être identifié, alors que le fournisseur a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de celui qui lui a fourni le produit, la République française n’a pas mis en œuvre les mesures que comporte l’exécution complète de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France (C‑52/00), en ce qui concerne la transposition de l’article 3, paragraphe
3, de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 228 CE.
2) La République française est condamnée à payer à la Commission des Communautés européennes, sur le compte «Ressources propres de la Communauté européenne», une astreinte de 31 650 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour assurer l’exécution pleine et entière de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France, précité, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète dudit arrêt du 25 avril 2002.
3) La République française est condamnée aux dépens.
Signatures
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* Langue de procédure: le français.