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26/05/2005 | CJUE | N°C-212/03

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République française., 26/05/2005, C-212/03


Affaire C-212/03

Commission des Communautés européennes

contre

République française

«Manquement d’État — Mesures d’effet équivalent — Procédure d’autorisation préalable pour les importations personnelles de médicaments — Médicaments à usage humain — Médicaments homéopathiques»

Conclusions de l’avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 21 octobre 2004

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 26 mai 2005.

Sommaire de l’arrêt

1. Libre circulation des marchandises — R

estrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Médicaments — Procédure d’autorisation préalable des importations personnelles, ...

Affaire C-212/03

Commission des Communautés européennes

contre

République française

«Manquement d’État — Mesures d’effet équivalent — Procédure d’autorisation préalable pour les importations personnelles de médicaments — Médicaments à usage humain — Médicaments homéopathiques»

Conclusions de l’avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 21 octobre 2004

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 26 mai 2005.

Sommaire de l’arrêt

1. Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Médicaments — Procédure d’autorisation préalable des importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits dans l’État membre d’importation et autorisés à la fois dans cet État membre et dans l’État membre d’origine — Inadmissibilité

(Art. 28 CE; directive du Conseil 65/65)

2. Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Médicaments — Procédure d’autorisation préalable des importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments homéopathiques régulièrement prescrits dans l’État membre d’importation et enregistrés dans un autre État membre — Inadmissibilité

(Art. 28 CE; directive du Conseil 92/73)

3. Libre circulation des marchandises — Restrictions quantitatives — Mesures d’effet équivalent — Médicaments — Procédure d’autorisation préalable des importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits dans l’État membre d’importation et non autorisés dans cet État membre mais uniquement dans l’État membre d’origine, identique à la procédure applicable aux médicaments importés à des fins commerciales — Inadmissibilité

(Art. 28 CE)

1. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE un État membre qui applique une procédure d’autorisation préalable aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits dans cet État membre et autorisés à la fois dans celui-ci et dans l’État membre où ils sont achetés en application de la directive 65/65, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux
médicaments.

(cf. point 49 et disp.)

2. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE un État membre qui applique une procédure d’autorisation préalable aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments homéopathiques régulièrement prescrits dans cet État membre et enregistrés dans un autre État membre en application de la directive 92/73, élargissant le champ d’application des directives 65/65 et 75/319 concernant le rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant des dispositions complémentaires pour les médicaments homéopathiques.

(cf. point 49 et disp.)

3. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE un État membre qui applique une procédure d’autorisation préalable disproportionnée aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits dans cet État membre et non autorisés dans celui-ci, mais uniquement dans l’État membre où ils sont achetés, à savoir la même procédure d’autorisation que pour des médicaments importés à des fins commerciales.

(cf. points 42, 49 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

26 mai 2005 (*)

«Manquement d’État – Mesures d’effet équivalent – Procédure d’autorisation préalable pour les importations personnelles de médicaments – Médicaments à usage humain – Médicaments homéopathiques»

Dans l’affaire C-212/03,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 15 mai 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. H. Støvlbæk et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par M. G. de Bergues et M^mes C. Bergeot-Nunes et R. Loosli-Surrans, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. C. Gulmann (rapporteur), R. Schintgen, J. Makarczyk et J. Klučka, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M^me M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2004,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 octobre 2004,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en appliquant:

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits en France et autorisés en application de la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux médicaments (JO 1965, 22, p. 369), telle que modifiée par la directive 93/39/CEE du Conseil, du 14 juin 1993 (JO L 214, p. 22, ci-après la «directive 65/65»), à la fois en France et
dans l’État membre où ils sont achetés, une procédure d’autorisation préalable;

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments homéopathiques régulièrement prescrits en France et enregistrés dans un État membre en application de la directive 92/73/CEE du Conseil, du 22 septembre 1992, élargissant le champ d’application des directives 65/65/CEE et 75/319/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant des dispositions complémentaires pour les
médicaments homéopathiques (JO L 297, p. 8), une procédure d’autorisation préalable, et

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits en France et non autorisés dans cet État membre, mais uniquement dans celui où ils sont achetés, une procédure d’autorisation préalable disproportionnée,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE.

La réglementation nationale

2 Les articles R. 5142-12 à R. 5142-14 du code de la santé publique français, dans leur rédaction alors en vigueur, disposaient:

«Article R. 5142-12 – Tout médicament qui n’est pas pourvu de l’autorisation de mise sur le marché mentionnée à l’article L. 601 ou de l’autorisation temporaire d’utilisation mentionnée au b) de l’article L. 601-2 accordée pour les médicaments importés […] doit, avant son importation dans le territoire douanier, faire l’objet d’une autorisation d’importation délivrée par le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé […]

[…]

Article R. 5142-13 – Les particuliers ne peuvent importer un médicament qu’en quantité compatible avec un usage thérapeutique personnel pendant une durée de traitement n’excédant pas trois mois aux conditions normales d’emploi ou pendant la durée de traitement prévue par l’ordonnance prescrivant le médicament. Lorsqu’ils transportent personnellement ce médicament, ils sont dispensés d’autorisation.

Article R. 5142-14 – La demande d’autorisation d’importation doit indiquer:

a) le nom ou la raison sociale et l’adresse de la personne physique ou morale responsable de l’importation;

b) le pays de provenance et, s’il est distinct, le pays d’origine du médicament;

c) sa dénomination, sa composition, sa forme pharmaceutique, son dosage et sa voie d’administration;

d) les quantités importées.

Cette demande est accompagnée:

[…]

4) Pour un médicament importé par un particulier par une autre voie que le transport personnel, de l’ordonnance prescrivant le médicament, le cas échéant établie conformément aux conditions particulières de prescription et de délivrance applicables à ce médicament en vertu de la réglementation française.

[…]

Dans tous les cas, le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé peut requérir du demandeur toute information complémentaire nécessaire pour se prononcer sur la demande.»

La procédure précontentieuse

3 À la suite d’une plainte, la Commission a décidé d’examiner la compatibilité avec le droit communautaire de l’ensemble de la procédure d’autorisation d’importation en France de médicaments à usage personnel.

4 Dans une lettre de mise en demeure adressée le 9 mars 2000 au gouvernement français, la Commission a indiqué à ce dernier que la réglementation française relative à l’importation de médicaments, en ce qu’elle impose la délivrance d’une autorisation préalable aux importations de médicaments par des particuliers, non réalisées par transport personnel, était susceptible de constituer une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation interdite par l’article 28 CE.

5 En réponse à cette mise en demeure, les autorités françaises ont fait valoir, dans une lettre du 11 mai 2000, que, si le contrôle institué par la réglementation française en cas d’importation de médicaments par des particuliers était susceptible de constituer une telle mesure, celui-ci était justifié par l’article 30 CE puisqu’il avait pour seul but d’assurer la protection de la santé et de la vie des personnes par des mesures qui ne sont pas disproportionnées.

6 Estimant que cette réponse n’était pas de nature à remettre en cause les griefs invoqués dans sa lettre de mise en demeure, la Commission a émis, le 23 octobre 2001, un avis motivé invitant la République française à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

7 Le 18 décembre 2001, le gouvernement français a transmis à la Commission une note, à laquelle était joint un projet de décret relatif aux importations de médicaments à usage humain. Cette réponse ne contenant, selon elle, aucun élément de nature à modifier son appréciation, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

8 Par le présent recours, la Commission vise trois situations d’importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits. Il s’agit de l’importation:

– de médicaments qui, conformément au droit communautaire, sont autorisés à la fois en France et dans l’État membre où ils sont achetés;

– de médicaments homéopathiques qui, conformément au droit communautaire, sont enregistrés dans un autre État membre, et

– de médicaments qui ne sont pas autorisés en France mais le sont dans l’État membre où ils sont achetés.

9 La Commission rappelle que, dans ces trois situations, une autorisation préalable est exigée. Elle soutient que cette exigence est par elle-même contraire à l’article 28 CE dans les deux premières situations évoquées et que la procédure d’autorisation, telle qu’appliquée par les autorités concernées dans la troisième situation, est disproportionnée et, pour cette raison, également contraire audit article.

Sur le premier grief, relatif aux modalités d’importation des médicaments autorisés à la fois en France et dans l’État membre dans lequel ils ont été achetés

Argumentation des parties

10 La Commission estime qu’une procédure d’autorisation préalable, imposée pour l’importation de médicaments autorisés à la fois dans l’État membre d’importation et dans l’État membre d’exportation dans les conditions exposées dans la requête, constitue une restriction à la libre circulation des marchandises entre les États membres contraire à l’article 28 CE.

11 Le gouvernement français ne conteste pas en substance cette appréciation mais estime que l’analyse de la Commission repose sur une lecture erronée de la réglementation française qui, dans les cas visés par le présent grief, ne prévoit aucune procédure d’autorisation préalable pour les médicaments ayant déjà fait l’objet en France d’une autorisation de mise sur le marché (ci-après l’«AMM»).

12 La Commission rétorque qu’elle ne met pas en cause la réglementation française, mais une pratique administrative selon laquelle l’autorité compétente exige des autorisations d’importation pour des médicaments destinés à un usage personnel et déjà autorisés en France.

13 Le gouvernement français admet le caractère ambigu de cette pratique administrative mais relève que, en tout état de cause, celle-ci ne concerne des demandes de ressortissants d’États membres que dans 1 % des cas.

Appréciation de la Cour

14 Il convient de préciser, en premier lieu, que, par ce grief, la Commission vise une pratique administrative imposant la délivrance d’une autorisation pour des importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits et, en second lieu, que, en substance, le gouvernement français ne conteste pas qu’une telle pratique, si elle était établie, constituerait une restriction contraire à l’article 28 CE.

15 S’agissant de cette pratique administrative, ledit gouvernement admet qu’il ressort d’un document remis à la Commission et concernant la procédure mise en place par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (ci-après l’«AFSSAPS») qu’une autorisation d’importation est requise pour un certain nombre de produits ayant déjà fait l’objet d’une AMM en France. Cependant, il précise que, dans la pratique, cette procédure d’autorisation ne concerne des demandes présentées par des
ressortissants d’États membres que dans 1 % des cas.

16 Or, cette dernière circonstance n’est pas de nature à enlever à la pratique administrative en cause son caractère de restriction au sens de l’article 28 CE. En effet, ce n’est pas le nombre absolu ou relatif d’autorisations accordées mais le fait même que ces dernières soient exigées qui est déterminant.

17 Dans ces conditions, il convient de constater l’existence en France d’une pratique administrative soumettant à autorisation les importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits et autorisés en application de la directive 65/65, à la fois en France et dans l’État membre où ils sont achetés.

18 Il s’ensuit que le premier grief de la Commission doit être accueilli.

Sur le deuxième grief, relatif aux modalités d’importation des médicaments homéopathiques enregistrés dans un autre État membre

Argumentation des parties

19 La Commission estime qu’il est contraire à l’article 28 CE de soumettre à une procédure d’autorisation préalable les médicaments homéopathiques relevant de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 92/73 et enregistrés dans un autre État membre.

20 La Commission soutient que, dès lors qu’un médicament homéopathique est enregistré dans un État membre, il ne présente, a priori, pas de risque pour la santé, étant donné que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 92/73 prévoit que ne peuvent être enregistrés que les médicaments homéopathiques présentant un degré de dilution garantissant leur innocuité et que, par ailleurs, les règles relatives à la fabrication et au contrôle des médicaments homéopathiques ont été harmonisées.

21 Selon le gouvernement français, la procédure d’autorisation en cause n’est aucunement contraire à l’article 28 CE. Il resterait loisible aux États membres, pour des raisons de protection de la santé, d’exiger de telles autorisations.

22 Ledit gouvernement fait observer que la directive 92/73 ne prévoit pas de procédure de reconnaissance mutuelle, mais une simple obligation pour les États membres de tenir dûment compte des enregistrements ou des autorisations déjà délivrés par un autre État membre. Il ne saurait ainsi être considéré que cette directive a instauré un degré d’harmonisation du droit communautaire suffisamment élevé, de sorte que la responsabilité de l’État membre d’importation à l’égard des patients concernés
serait dégagée.

Appréciation de la Cour

23 Il convient tout d’abord de constater que l’exigence d’une autorisation pour l’importation personnelle, non réalisée par transport personnel, d’un médicament homéopathique légalement mis sur le marché dans l’État membre d’exportation, constitue une restriction à la libre circulation des marchandises contraire à l’article 28 CE, qui, toutefois, pourrait être justifiée par la nécessité de protéger la santé des personnes.

24 À cet égard, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne les médicaments homéopathiques tels que définis à son article 2, la directive 92/73 fixe des règles d’harmonisation relatives à la fabrication, au contrôle et à l’inspection de ces médicaments, visant, notamment, selon ses huitième et neuvième considérants, à donner aux utilisateurs une indication claire du caractère homéopathique de ces médicaments et des garanties suffisantes quant à leur qualité et à leur innocuité.

25 En outre, il ressort des dixième et onzième considérants de ladite directive que celle-ci établit une distinction entre, d’une part, les médicaments homéopathiques traditionnels mis sur le marché sans indications thérapeutiques, dans un dosage ne présentant pas de risque pour le patient, et, d’autre part, les médicaments homéopathiques commercialisés avec des indications thérapeutiques ou sous une présentation susceptible de présenter des risques.

26 Les médicaments du premier groupe sont, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 92/73, soumis à une procédure d’enregistrement simplifiée spéciale. Cette procédure n’est applicable que si toutes les conditions énumérées par ladite disposition sont remplies, notamment celles relatives à l’absence d’indication thérapeutique particulière sur l’étiquette et au degré de dilution, lequel doit garantir l’innocuité du médicament. En particulier, le médicament ne peut contenir ni
plus d’une partie par 10 000 de la teinture mère ni plus d’un centième de la plus petite dose utilisée éventuellement en allopathie pour les principes actifs dont la présence dans un médicament allopathique entraîne l’obligation de présenter une prescription médicale.

27 Les médicaments homéopathiques appartenant au second groupe mentionné dans les considérants de la directive 92/73 doivent, selon l’article 9, paragraphe 1, de celle-ci, être autorisés conformément aux règles applicables aux médicaments autres qu’homéopathiques. Pour les médicaments de ce groupe, les États membres peuvent, en vertu de l’article 9, paragraphe 2, de cette même directive, introduire ou maintenir sur leur territoire des règles particulières pour les essais pharmacologiques,
toxicologiques et cliniques des médicaments conformément aux principes et aux particularités de la médecine homéopathique pratiquée dans cet État membre.

28 Or, le présent grief ne vise que les médicaments homéopathiques ayant été enregistrés conformément à la procédure prévue à l’article 7 de la directive 92/73, à savoir des médicaments ayant été fabriqués, contrôlés et inspectés conformément aux règles harmonisées et présentant un degré de dilution garantissant leur innocuité.

29 Le gouvernement français n’a pas démontré que, pour des raisons de protection de la santé, une procédure d’autorisation préalable serait nécessaire s’agissant de l’importation personnelle de tels médicaments, non réalisée par transport personnel.

30 Il s’ensuit que le deuxième grief de la Commission doit être accueilli.

Sur le troisième grief, relatif aux modalités d’importation de médicaments non autorisés en France, mais autorisés dans l’État membre où ils sont achetés

Argumentation des parties

31 La Commission fait valoir que, en ce qui concerne les médicaments visés par le présent grief, la procédure d’autorisation préalable mise en place devrait être facilement accessible, être menée dans un délai raisonnable et aboutir à une autorisation d’importation des médicaments ne présentant pas de risque pour la santé publique. Or, la procédure appliquée par les autorités françaises aux importations personnelles de tels médicaments ne répondrait pas à ces critères et serait donc
disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.

32 Ainsi, selon la Commission, la procédure en cause n’est pas facilement accessible étant donné que la réunion, par le patient concerné, des informations relatives à la composition qualitative et quantitative du produit dont l’importation est envisagée ainsi que la fourniture de la notice et de l’étiquetage de celui-ci, lesquelles ne sont disponibles que dans un autre État membre, ne sont pas aisées. En outre, il n’existerait aucune disposition encadrant le délai imparti à l’AFSSAPS pour
traiter la demande d’autorisation d’importation.

33 En outre, il apparaîtrait que l’AFSSAPS vérifie que le médicament importé contient des principes actifs entrant dans la composition de médicaments déjà évalués en France. Ce contrôle exclurait de fait la possibilité d’obtenir une autorisation pour un médicament non autorisé en France.

34 Le gouvernement français fait valoir que la procédure d’autorisation préalable en cause est justifiée pour lutter contre la fraude ou le détournement du système de l’AMM.

35 Il soutient ensuite que la procédure en cause répond aux conditions mentionnées par la Commission comme pouvant justifier l’existence d’une procédure d’autorisation préalable. D’une part, les modalités de ladite procédure seraient fixées aux articles R. 5142-12 à R. 5142-14 du code de la santé publique et, d’autre part, il serait constant que les particuliers disposent de la possibilité d’exercer des recours juridictionnels contre les décisions prises par l’AFSSAPS.

36 S’agissant du délai dans lequel la procédure d’autorisation devrait être menée à son terme, le gouvernement français estime qu’un délai de deux mois est raisonnable, d’autant qu’il s’agirait d’un délai maximal et que, en pratique, pour les demandes présentées par des particuliers, ce délai serait, dans 50 % des cas, égal ou inférieur à 24 heures et, dans 85 % des cas, égal ou inférieur à 72 heures.

37 En ce qui concerne la charge qui pèserait sur les demandeurs en matière d’information, le gouvernement français fait valoir que les autorités françaises n’exigent des particuliers la fourniture d’informations que dans la mesure où, après avoir effectué les recherches ou pris les contacts pertinents, celles-ci ne disposent pas d’informations sur le médicament concerné.

Appréciation de la Cour

38 Par le présent grief, la Commission vise l’importation en France de médicaments non autorisés dans cet État membre, mais déjà autorisés dans celui où ils ont été achetés et qui, régulièrement prescrits, sont destinés à un usage personnel.

39 Alors que, en vertu de l’article R. 5142-13 du code de la santé publique, la réglementation française dispense d’autorisation l’importation de tels médicaments lorsqu’ils sont transportés personnellement par des personnes qui les utilisent, il en va autrement lorsque l’importation de ces mêmes médicaments par lesdites personnes n’est pas réalisée par transport personnel.

40 S’agissant de ces dernières importations, les règles générales relatives aux autorisations d’importation, prévues aux articles R. 5142-12 et R. 5142-14 du code de la santé publique, sont en principe applicables.

41 Le fait que l’article L. 601-2 du code de la santé publique a instauré une procédure d’autorisation temporaire d’utilisation visant les patients atteints de maladies graves ou rares n’est pas pertinent en l’espèce compte tenu du champ d’application limité d’une telle procédure.

42 Si la Commission ne conteste pas, en l’espèce, qu’il est loisible aux autorités concernées d’exiger une autorisation pour les importations visées par le présent grief, elle fait cependant valoir à juste titre qu’il est disproportionné d’appliquer pour ces importations la même procédure d’autorisation que pour des médicaments importés à des fins commerciales.

43 En effet, si des raisons de protection de la santé peuvent justifier des restrictions à la libre circulation des marchandises entre les États membres, de telles mesures doivent respecter le principe de proportionnalité. Elles doivent être limitées à ce qui est effectivement nécessaire pour assurer la sauvegarde de la santé publique; elles doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi, lequel n’aurait pas pu être atteint par des mesures restreignant d’une manière moindre les échanges
intracommunautaires (voir arrêt du 23 septembre 2003, Commission/Danemark, C-192/01, Rec. p. I-9693, point 45).

44 Or, le gouvernement français n’a pas démontré la nécessité de soumettre à la procédure d’autorisation exigée pour les importations à des fins commerciales les importations en cause qui, si elles étaient réalisées par transport personnel, seraient dispensées d’autorisation.

45 En ce qui concerne les importations visées par le présent grief, il incombe aux autorités françaises d’adopter une procédure d’autorisation adaptée à la spécificité de ces importations et dont les effets restrictifs sur les échanges communautaires ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (voir, concernant une procédure spécifique relative aux importations parallèles de médicaments, arrêt du 12 octobre 2004, Commission/France, C-263/03, non publié au
Recueil, points 19 et 20).

46 Cette procédure doit être facilement accessible et pouvoir être menée à terme dans un délai raisonnable (voir arrêt Commission/France, précité, point 21).

47 En n’ayant pas prévu une telle réglementation spécifique, la République française n’a pas respecté ses obligations découlant de l’article 28 CE.

48 Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir également ce grief.

49 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en appliquant:

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits en France et autorisés en application de la directive 65/65, à la fois en France et dans l’État membre où ils sont achetés, une procédure d’autorisation préalable;

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments homéopathiques régulièrement prescrits en France et enregistrés dans un État membre en application de la directive 92/73, une procédure d’autorisation préalable, et

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits en France et non autorisés dans cet État membre, mais uniquement dans celui où ils sont achetés, une procédure d’autorisation préalable disproportionnée,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE.

Sur les dépens

50 En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1) En appliquant:

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits en France et autorisés en application de la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux médicaments, telle que modifiée par la directive 93/39/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, à la fois en France et dans l’État membre où ils sont achetés, une procédure d’autorisation
préalable;

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments homéopathiques régulièrement prescrits en France et enregistrés dans un État membre en application de la directive 92/73/CEE du Conseil, du 22 septembre 1992, élargissant le champ d’application des directives 65/65/CEE et 75/319/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant des dispositions complémentaires pour les
médicaments homéopathiques, une procédure d’autorisation préalable, et

– aux importations personnelles, non réalisées par transport personnel, de médicaments régulièrement prescrits en France et non autorisés dans cet État membre, mais uniquement dans celui où ils sont achetés, une procédure d’autorisation préalable disproportionnée,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE.

2) La République française est condamnée aux dépens.

Signatures

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* Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-212/03
Date de la décision : 26/05/2005
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'État - Mesures d'effet équivalent - Procédure d'autorisation préalable pour les importations personnelles de médicaments - Médicaments à usage humain - Médicaments homéopathiques.

Restrictions quantitatives

Mesures d'effet équivalent

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Geelhoed
Rapporteur ?: Gulmann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2005:313

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