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13/01/2005 | CJUE | N°C-181/03

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Albert Nardone contre Commission des Communautés européennes., 13/01/2005, C-181/03


Affaire C-181/03 P

Albert Nardone
contre

...

Affaire C-181/03 P

Albert Nardone
contre
Commission des Communautés européennes

«Pourvoi – Ancien fonctionnaire – Demande de pension d'invalidité – Conditions d'octroi»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 29 juin 2004

Arrêt de la Cour (première chambre) du 13 janvier 2005

Sommaire de l'arrêt

Fonctionnaires – Pension d'invalidité – Ouverture de la procédure d'invalidité – Conditions
(Statut des fonctionnaires, art. 78; annexe VIII, art. 13) Il découle des termes non équivoques de l’article 13 de l’annexe VIII du statut, qui fixe d’après l’article 78 du même statut les conditions dans lesquelles un fonctionnaire a droit à une pension d’invalidité, que seul le fonctionnaire qui est tenu de suspendre l’exercice de ses fonctions par l’impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer cet exercice en raison de son état d’invalidité peut faire l’objet de la procédure
d’invalidité. Il s’ensuit qu’un fonctionnaire ayant cessé ses fonctions depuis plusieurs années et qui est atteint d’une maladie qui le rendrait inapte à exercer ses fonctions s’il les exerçait encore n’est pas en droit de demander, pour ce seul motif, l’ouverture d’une procédure d’invalidité.

(cf. points 39-40)

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
13 janvier 2005(1)

«Pourvoi – Ancien fonctionnaire – Demande de pension d'invalidité – Conditions d'octroi»

Dans l'affaire C-181/03 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l'article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 25 avril 2003,

Albert Nardone , ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Piétrain (Belgique), représenté par M ^e I. Kletzlen, avocat,

partie requérante,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes , représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),,

composée de M. P. Jann, président de chambre, M. A. Rosas, M ^me R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. S. von Bahr et K. Schiemann, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,
greffier: M ^me M.-F. Contet, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 6 mai 2004,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 29 juin 2004,

rend le présent

Arrêt

1
Par son pourvoi, M. Nardone demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 26 février 2003, Nardone/Commission (T‑59/01, RecFP p. I‑A‑55 et II‑323, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui‑ci a rejeté sa demande d’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes du 20 mars 2000, lui refusant l’octroi d’une pension d’invalidité (ci‑après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

2
L’article 78, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci‑après le «statut») dispose:

«Dans les conditions prévues aux articles 13 à 16 de l’annexe VIII, le fonctionnaire a droit à une pension d’invalidité lorsqu’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière.»

3
L’article 13 de l’annexe VIII du statut est libellé comme suit:

«Sous réserve des dispositions de l’article 1 ^er paragraphe 1, le fonctionnaire âgé de moins de 65 ans qui, au cours de la période durant laquelle il acquérait des droits à pension, est reconnu par la commission d’invalidité comme atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière et qui, pour ce motif, est tenu de suspendre son service aux Communautés, a droit, tant que dure cette
incapacité, à la pension d’invalidité visée à l’article 78 du statut.

Le bénéfice d’une pension d’invalidité ne peut se cumuler avec celui d’une pension d’ancienneté.»

Les faits à l’origine du litige

4
M. Nardone, entré au service de la Haute Autorité de la CECA en 1963 en qualité d’agent local et devenu ensuite fonctionnaire titulaire auprès de la Commission, a démissionné de ses fonctions par lettre datée du 18 octobre 1981, avec effet au 31 décembre 1981.

5
Le 18 novembre 1999, il a présenté une demande d’octroi d’une pension d’invalidité en application de l’article 78, deuxième alinéa, du statut.

6
Par la décision litigieuse, la Commission a rejeté cette demande, sans saisir la commission d’invalidité, au motif que M. Nardone ne remplissait pas les conditions d’octroi prévues à l’article 13 de l’annexe VIII du statut.

7
Le 23 mai 2000, M. Nardone a introduit une réclamation contre la décision litigieuse, au titre de l’article 90 du statut. Cette réclamation a fait l’objet d’une décision implicite de rejet, le 23 septembre 2000. Une décision explicite de rejet est intervenue le 15 décembre 2000.

8
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mars 2001, M. Nardone a introduit un recours ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision litigieuse.

L’arrêt attaqué

9
Dans son recours devant le Tribunal, M. Nardone a fait valoir que la Commission avait commis un détournement de pouvoir en rejetant sa demande d’octroi d’une pension d’invalidité du 18 novembre 1999 sans convoquer la commission d’invalidité, seule compétente pour statuer sur cette demande en vertu de l’article 53 du statut.

10
Par ailleurs, le requérant s’est référé à l’arrêt du 17 mai 1984, Bähr/Commission (12/83, Rec. p. 2155), dans lequel la Cour a jugé qu’un fonctionnaire ayant cessé ses fonctions depuis plusieurs années et qui est atteint d’une maladie qui le rendrait inapte à exercer ses fonctions s’il les exerçait encore n’est pas en droit de demander, pour ce seul motif, l’ouverture de la procédure d’invalidité. Il en a déduit qu’une pension d’invalidité devrait pouvoir être octroyée à un ancien
fonctionnaire nonobstant le fait qu’il ait démissionné de ses fonctions, à charge pour lui de fournir une justification médicale suffisante.

11
En outre, M. Nardone a souligné que la Cour aurait considéré, dans ce même arrêt, que la Commission manque à son obligation de saisir une commission d’invalidité lors de la démission d’un fonctionnaire lorsqu’il est établi que l’invalidité l’ayant finalement frappé a un lien direct et immédiat avec son état de santé au moment de la cessation des fonctions.

12
Pour justifier le bien‑fondé de sa décision, la Commission a fait valoir que les conditions d’octroi d’une pension d’invalidité, prévues aux articles 78 du statut et 13 de l’annexe VIII du même statut, n’étaient pas réunies en l’espèce. En particulier, elle a soutenu que, conformément à la lettre des dispositions susmentionnées et à l’interprétation qu’en ont dégagée les arrêts Bähr/Commission, précité, et du Tribunal du 3 juin 1999, Coussios/Commission (T‑295/97, RecFP p. I‑A‑103 et
II‑577), «seul le fonctionnaire qui est tenu de suspendre l’exercice de ses fonctions par l’impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer de les exercer en raison de son état d’invalidité peut faire l’objet d’une procédure d’invalidité».

13
En outre, elle a souligné que, si la commission d’invalidité est la seule instance autorisée à constater l’existence d’une invalidité au sens de l’article 78 du statut, cette dernière n’est compétente à cet effet que pendant la période d’activité professionnelle du fonctionnaire.

14
S’agissant du prétendu détournement de pouvoir de la Commission, le Tribunal a constaté, au point 29 de l’arrêt attaqué, que celle‑ci a rejeté la demande d’octroi d’une pension d’invalidité présentée par M. Nardone pour des raisons tenant à la circonstance que les conditions de droit relatives à sa situation administrative, et non médicale, n’étaient manifestement pas remplies. Dès lors, le Tribunal a estimé que la Commission n’avait pas commis un détournement de pouvoir en rejetant la
demande de M. Nardone sans convoquer la commission d’invalidité, cette dernière n’étant compétente que pour résoudre des questions d’ordre médical et non des questions juridiques.

15
Sur le moyen tiré de l’interprétation de l’arrêt Bähr/Commission, précité, le Tribunal a souligné, au point 31 de l’arrêt attaqué, qu’«il découle des termes de l’article 13 de l’annexe VIII du statut que seul le fonctionnaire qui est tenu de suspendre l’exercice de ses fonctions par l’impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer à les exercer en raison de son état d’invalidité peut faire l’objet d’une procédure d’invalidité» (arrêts précités Bähr/Commission, point 12, et
Coussios/Commission, point 37).

16
À cet égard, le Tribunal a rappelé, au point 32 de l’arrêt attaqué, qu’«un fonctionnaire ayant cessé ses fonctions depuis plusieurs années et qui est atteint d’une maladie qui le rendrait inapte à exercer ses fonctions s’il les exerçait encore n’est pas en droit de demander, pour ce seul motif, l’ouverture d’une procédure d’invalidité» (voir arrêts précités Bähr/Commission, point 13, et Coussios/Commission, point 38). Le Tribunal a ensuite constaté que le requérant, ayant démissionné en 1981
et présenté sa demande d’octroi d’une pension d’invalidité en 1999, était dans cette situation de fait.

17
Par ailleurs, le Tribunal a jugé, au point 33 de l’arrêt attaqué, que M. Nardone ne remplissait pas non plus la seconde des deux conditions cumulatives posées par l’article 13 de l’annexe VIII du statut, selon laquelle le fonctionnaire qui demande l’octroi d’une pension d’invalidité doit être en train d’acquérir des droits à pension au moment où la commission d’invalidité le reconnaît comme atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale, puisqu’il a démissionné de son poste de
fonctionnaire en 1981.

18
En conséquence, le Tribunal a décidé, au point 34 de l’arrêt attaqué, qu’aucune des deux conditions posées par l’article 13 de l’annexe VIII du statut n’étant remplie, la demande en annulation de la décision litigieuse devait, en principe, être rejetée.

19
En outre, le Tribunal a constaté, au point 36 de l’arrêt attaqué, que les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bähr/Commission, précité, étaient très différentes de celles de l’espèce. En effet, M. Bähr avait conservé la qualité de «fonctionnaire» après la cessation de ses fonctions, sur la base du règlement (Euratom,CECA,CEE) nº 2530/72 du Conseil, du 4 décembre 1972, instituant des mesures particulières et temporaires concernant le recrutement de fonctionnaires des
Communautés européennes en raison de l’adhésion de nouveaux États membres ainsi que la cessation définitive des fonctions de fonctionnaires de ces Communautés (JO L 272, p. 1). Ainsi, à la différence de M. Nardone, M. Bähr continuait, conformément aux dispositions du règlement nº 2530/72, à verser des contributions en vue d’acquérir des droits à pension (voir arrêt Bähr/Commission, précité, points 5 et 8) et, partant, à remplir cette condition d’application de l’article 13 de l’annexe VIII
du statut.

20
Au point 37 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, en tout état de cause, aucune obligation n’incombait à la Commission de faire vérifier l’état de santé du requérant par la commission d’invalidité au moment où celui‑ci a démissionné de ses fonctions et quitté le service des Communautés.

21
À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 38 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressort ni de l’arrêt Bähr/Commission, précité, ni d’aucune autre source de droit communautaire qu’il existe une obligation généralisée pour une institution communautaire de vérifier l’aptitude au travail d’un fonctionnaire en cas de départ volontaire.

22
Par ailleurs, au point 39 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que, dans la mesure où, dans son arrêt Bähr/Commission, précité, la Cour a précisé que c’est au moment de la cessation des fonctions que l’institution aurait, le cas échéant, l’obligation de convoquer une commission d’invalidité, la question de savoir s’il y avait lieu, ou non, de convoquer la commission d’invalidité dans le cas du requérant doit être appréciée en fonction des seuls éléments dont l’institution disposait à
l’époque de sa démission, soit en 1981.

23
À cet égard, le Tribunal a jugé aux points 40 et 41 de l’arrêt attaqué:

«40
Si un fonctionnaire estime que son état de santé lui impose de quitter ses fonctions, il lui revient de présenter, avant son départ, une demande, conformément à l’article 90 du statut, visant à l’octroi d’une pension d’invalidité au titre de son article 78. En l’espèce, il ressort de la requête que le requérant était fortement préoccupé par son état de santé dès les années 70 et qu’il a démissionné en 1981 notamment parce qu’il était persuadé que ses conditions de travail
insalubres nuisaient à celui‑ci. Les fonctionnaires étant censés connaître les dispositions du statut (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 17 octobre 2000, Drabbe/Commission, T‑27/99, RecFP p. I‑A‑213 et II‑955), un fonctionnaire se trouvant dans une telle situation doit se prévaloir de cette faculté s’il souhaite bénéficier d’une pension d’invalidité. Il manque à la diligence requise s’il omet de le faire, d’autant plus que, par hypothèse, il connaît mieux que l’institution
dont il relève ses antécédents médicaux et son état physique au moment de sa démission. Ainsi, sauf circonstances exceptionnelles, il ne saurait être reproché à une institution, du moins dans le cas d’un fonctionnaire qui la quitte volontairement sans que celle‑ci sollicite ce départ, de ne pas avoir convoqué une commission d’invalidité d’office alors que l’intéressé n’a pas lui‑même fait de demande en ce sens.

41
Les antécédents médicaux très graves de M. Bähr, à savoir le premier infarctus dont il avait été victime, six ans avant sa cessation de fonctions, étaient un fait constant dans son affaire (arrêt Bähr/Commission, précité, point 14, in fine). En l’espèce, s’il ressort du dossier que le requérant s’était plaint auprès du médecin‑conseil de l’institution de son état de santé, et notamment des bronchites fréquentes dont il aurait été victime, ainsi que de l’insalubrité de ses
conditions de travail, force est de constater que la Commission n’avait connaissance d’aucun antécédent médical dans son chef d’une gravité comparable au premier infarctus de M. Bähr qui permette au Tribunal de considérer qu’elle aurait dû convoquer une commission d’invalidité d’office au moment de sa démission, nonobstant l’absence d’une demande en ce sens de sa part (arrêt Bähr/Commission, précité, point 15). À cet égard, il convient d’observer que l’avocat du requérant a
affirmé lors de l’audience que ce dernier ignorait lui‑même, en 1981, l’importance des effets sur sa santé de la poussière qu’il avait inspirée et que cette méconnaissance a duré jusqu’en 1992.»

24
Enfin, au point 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a observé que l’existence d’un lien, à supposer que celui‑ci soit établi, entre l’état de santé du requérant au moment où il a présenté sa demande du 18 novembre 1999 et son état de santé à l’époque de sa cessation de fonctions ne saurait constituer une preuve suffisante de ce que la Commission aurait dû convoquer la commission d’invalidité en 1981.

25
Au vu de ce qui précède, le Tribunal a décidé que la demande en annulation de la décision litigieuse devait être rejetée, la pension d’invalidité demandée ne pouvant être octroyée au requérant dans les circonstances de l’espèce.

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

26
Par requête déposée au greffe le 25 avril 2003, M. Nardone a demandé le bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite prévue à l’article 76 du règlement de procédure de la Cour.

27
Par ordonnance du 6 février 2004, la Cour a fait droit à sa demande.

28
M. Nardone conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

à titre principal:


déclarer le pourvoi recevable et fondé;


annuler l’arrêt attaqué dans sa totalité;

à titre subsidiaire:


annuler la décision explicite de l’Autorité investie du pouvoir de nomination du 15 décembre 2000 rejetant sa réclamation présentée le 23 mai 2000, concernant l’octroi d’une pension d’invalidité;


annuler la décision litigieuse rejetant sa demande du 18 novembre 1999, concernant l’octroi d’une pension d’invalidité, en application de l’article 78, deuxième alinéa, du statut;

en tout état de cause:


statuer sur les dépens conformément aux dispositions applicables du règlement de procédure.

29
La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:


déclarer non recevable ou à tout le moins non fondé le pourvoi formé par le requérant contre l’arrêt attaqué;


condamner le requérant aux dépens du pourvoi.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen

Arguments des parties

30
Par son premier moyen, M. Nardone reproche au Tribunal d’avoir décidé que, puisqu’il avait démissionné en 1981 et présenté sa demande d’octroi d’une pension d’invalidité en 1999, il ne se trouvait donc pas dans la situation, visée à l’article 13 de l’annexe VIII du statut, du fonctionnaire qui est tenu de suspendre l’exercice de ses fonctions par l’impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer à les exercer en raison de son état d’invalidité.

31
Il estime que le Tribunal n’a pas interprété correctement l’arrêt Bähr/Commission, précité, et prétend avoir droit, actuellement, à l’ouverture d’une procédure d’invalidité dans la mesure où certaines de ses pathologies, ayant été considérées, de surcroît, comme maladies professionnelles, le rendraient inapte à exercer ses fonctions s’il les exerçait encore.

32
En effet, bien qu’il n’ait pas mis en œuvre la procédure d’invalidité prévue aux articles 78 du statut et 13 de l’annexe VIII de ce même statut au moment de la cessation de ses fonctions, en raison de l’ignorance de son état de santé à cette époque, le requérant soutient que le facteur juridique déterminant pour la mise en œuvre de cette procédure réside dans la relation de causalité existant entre l’état de santé du fonctionnaire pendant la période où il était en service et son état de
santé à un moment postérieur à la cessation définitive de ses fonctions.

33
La Commission estime que la thèse du requérant méconnaît les termes clairs et précis de l’article 13 de l’annexe VIII du statut. Selon cette disposition, la pension d’invalidité visée à l’article 78 de ce même statut pourrait uniquement être octroyée à un fonctionnaire atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière si ce fonctionnaire, pour ce motif, est tenu de suspendre son
service aux Communautés.

34
Soulignant que le requérant a mis fin à ses fonctions en 1981, la Commission fait valoir que, même en raison d’une invalidité permanente considérée comme totale, il est impossible qu’il soit actuellement «tenu de suspendre son service aux Communautés», dès lors que ce service a pris fin définitivement.

35
Selon la Commission, il résulte de l’arrêt Bähr/Commission, précité, lu en combinaison avec l’article 13 de l’annexe VIII du statut, qu’un fonctionnaire ayant cessé ses fonctions depuis plusieurs années et qui est atteint d’une maladie qui le rendrait inapte à exercer ses fonctions s’il les exerçait encore, n’est pas en droit, pour ce seul motif, de demander l’ouverture de la procédure d’invalidité. Il faudrait encore qu’il soit «tenu de suspendre son service aux Communautés».

36
Elle fait valoir que c’est au moment de la cessation des fonctions que l’institution aurait, le cas échéant, l’obligation de convoquer une commission d’invalidité. Dès lors, cette question aurait dû, dans le cas du requérant, être appréciée en fonction des seuls éléments dont l’institution disposait à l’époque de la démission de ce dernier, soit en 1981. Or, la Commission soutient que, en 1981, lors de la démission de M. Nardone, elle ne devait et ne pouvait pas convoquer une commission
d’invalidité puisque l’état de santé de celui‑ci à cette époque ne justifiait pas une telle mesure. Elle relève, à cet égard, que M. Nardone reconnaît lui même avoir été, en 1981, dans l’ignorance des pathologies qui pouvaient affecter son état de santé. A fortiori, la Commission ne pouvait en être informée et n’avait aucune raison de convoquer, à cette date, une commission d’invalidité.

Appréciation de la Cour

37
À titre liminaire, il convient de relever que le requérant ne remet pas en cause l’arrêt attaqué en ce qu’il a décidé que la Commission n’avait pas manqué à l’une de ses obligations en s’abstenant de saisir la commission d’invalidité au moment de la cessation des fonctions, en 1981.

38
La question reste de savoir si, comme le soutient le requérant, cette saisine aurait dû être effectuée, après la cessation de ses fonctions, au moment de la présentation de sa demande de pension d’invalidité, en 1999.

39
À cet égard, il découle des termes non équivoques de l’article 13 de l’annexe VIII du statut, qui fixe d’après l’article 78 du même statut les conditions dans lesquelles un fonctionnaire a droit à une pension d’invalidité, que seul le fonctionnaire qui est tenu de suspendre l’exercice de ses fonctions par l’impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer cet exercice en raison de son état d’invalidité peut faire l’objet de la procédure d’invalidité (arrêt Bähr/Commission, précité,
point 12).

40
Il s’ensuit qu’un fonctionnaire ayant cessé ses fonctions depuis plusieurs années et qui est atteint d’une maladie qui le rendrait inapte à exercer ses fonctions s’il les exerçait encore n’est pas en droit de demander, pour ce seul motif, l’ouverture d’une procédure d’invalidité (arrêt Bähr/Commission, précité, point 13).

41
En l’espèce, le Tribunal a constaté que M. Nardone a démissionné volontairement de ses fonctions par lettre datée du 18 octobre 1981, sans faire état de problèmes de santé ni solliciter un examen de son état de santé par la commission d’invalidité. Ce n’est que 18 années plus tard, en 1999, que le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité.

42
Eu égard à cette situation de fait, c’est à juste titre que, aux points 30 à 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a décidé que le requérant ne se trouvait pas dans la situation, visée à l’article 13 de l’annexe VIII du statut, du fonctionnaire qui est tenu de suspendre l’exercice de ses fonctions par l’impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer cet exercice en raison de son état d’invalidité.

43
Dans ces conditions, le premier moyen n’est pas fondé et doit donc être rejeté.

Sur le second moyen

Arguments des parties

44
Par son second moyen, M. Nardone fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a décidé qu’il ne remplissait pas non plus la seconde des deux conditions posées par l’article 13 de l’annexe VIII du statut, selon laquelle le fonctionnaire qui demande l’octroi d’une pension d’invalidité doit être en train d’acquérir des droits à pension. En effet, le requérant estime être en train d’acquérir des droits à pension, au sens de l’article 13 de l’annexe VIII du statut, au motif que, lors de la
cessation de ses fonctions, il a bénéficié d’une allocation de départ, conformément à l’article 12 de l’annexe VIII du statut.

45
La Commission conteste la recevabilité de ce moyen présenté, selon elle, pour la première fois devant la Cour de justice.

46
Au surplus, la Commission estime que ce moyen manque de fondement.

Appréciation de la Cour

47
Il convient de relever, ainsi que l’a fait le Tribunal au point 33 de l’arrêt attaqué, que l’article 13 de l’annexe VIII du statut impose deux conditions cumulatives. Il s’ensuit que, en constatant, à ce même point 33, que le requérant ne remplissait pas la seconde de ces conditions après avoir démontré, aux points 30 à 32, qu’il ne remplissait pas la première, le Tribunal a statué à titre surabondant.

48
En ce que le second moyen est dirigé contre un motif surabondant de l’arrêt attaqué, il doit être rejeté comme inopérant (voir, notamment, arrêt du 22 décembre 1993, Pincherle/Commission, C-244/91 P, Rec. p. I‑6965, points 25 et 31, et ordonnance du 12 décembre 1996, Progoulis/Commission, C-49/96 P, Rec. p. I‑6803, point 27).

Sur les dépens

49
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 70 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles‑ci. Cependant, il découle de l’article 122, deuxième alinéa, dudit règlement, que
l’article 70 n’est pas applicable au pourvoi formé par un fonctionnaire ou tout autre agent d’une institution contre celle‑ci. La Commission ayant conclu à la condamnation du requérant et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)
Le pourvoi est rejeté.

2)
M. Nardone est condamné aux dépens.

Signatures.

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1 –
Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-181/03
Date de la décision : 13/01/2005
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Ancien fonctionnaire - Demande de pension d'invalidité - Conditions d'octroi.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Albert Nardone
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Poiares Maduro
Rapporteur ?: Silva de Lapuerta

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2005:18

Source

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