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14/10/2004 | CJUE | N°C-340/02

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République française., 14/10/2004, C-340/02


Affaire C-340/02

Commission des Communautés européennes
contre

...

Affaire C-340/02

Commission des Communautés européennes
contre
République française

«Manquement d'État – Directive 92/50/CEE – Procédure de passation des marchés publics de services – Mission d'assistance au maître d'ouvrage concernant une station d'épuration – Attribution au lauréat d'un concours d'idées précédent sans publication préalable d'un avis de marché au JOCE»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 11 mars 2004

Arrêt de la Cour (première chambre) du 14 octobre 2004

Sommaire de l'arrêt

1.
Recours en manquement – Procédure précontentieuse – Objet – Avis motivé – Contenu – Délimitation de l'objet du litige
(Art. 226 CE)

2.
Rapprochement des législations – Procédures de passation des marchés publics de services – Directive 92/50 – Attribution des marchés – Principes d'égalité de traitement des soumissionnaires et de transparence – Définition claire de l'objet du marché et des critères d'attribution
(Directive du Conseil 92/50, art. 3, § 2)

3.
Rapprochement des législations – Procédures de passation des marchés publics de services – Directive 92/50 – Attribution des marchés – Procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché – Conditions d'admissibilité – Marché faisant suite à un concours – Limites – Projet en plusieurs étapes – Concours se rapportant à une première étape – Attribution du marché relatif à une deuxième étape au lauréat dudit concours – Inadmissibilité
(Directive du Conseil 92/50, art. 11, § 3, c))

1.
Dans le cadre d’un recours en manquement, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission.
L’objet d’un recours intenté en application de l’article 226 CE est, par conséquent, circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition. Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l’avis motivé, lequel doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l’État membre intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité.

(cf. points 25-27)

2.
Le principe de l’égalité de traitement entre les différents prestataires de services, prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, et le principe de transparence qui en découle exigent que l’objet de chaque marché ainsi que les critères de son attribution soient clairement définis.
Une telle exigence s’impose dès lors que l’objet d’un marché ainsi que les critères retenus pour son attribution doivent être considérés comme des éléments décisifs aux fins de déterminer laquelle des procédures prévues par la directive doit être mise en oeuvre et d’apprécier le respect des impératifs propres à la procédure ainsi retenue.

(cf. points 34-35)

3.
L’article 11, paragraphe 3, sous c), de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, qui autorise les pouvoirs adjudicateurs qui recourent à une procédure négociée à déroger à l’obligation de publication préalable lorsque le marché considéré fait suite à un concours et qu’il doit être attribué au lauréat ou à un des lauréats du concours, doit faire l’objet d’une interprétation stricte; c’est à celui qui entend s’en prévaloir qu’incombe
la charge de la preuve que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation existent effectivement.
En particulier, l’expression «fait suite à un concours» au sens de ladite disposition signifie qu’il doit subsister un lien fonctionnel direct entre le concours et le marché concerné.
Un tel lien fait défaut, dans le cadre d’un projet en plusieurs étapes, entre le concours portant sur une première étape et organisé aux fins de l’attribution du marché se rapportant à cette étape et le marché relatif à une étape suivante, que le pouvoir adjudicateur s’est réservé la simple faculté d’attribuer au lauréat dudit concours.

(cf. points 37-38, 40-41)

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
14 octobre 2004(1)

«Manquement d'État – Directive 92/50/CEE – Procédure de passation des marchés publics de services – Mission d'assistance au maître d'ouvrage concernant une station d'épuration – Attribution au lauréat d'un concours d'idées précédent sans publication préalable d'un avis de marché au JOCE»

Dans l'affaire C-340/02,ayant pour objet un recours en manquement au titre de l'article 226 CE, introduit le 24 septembre 2002,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. M. Nolin, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par MM. de G. Bergues, S. Pailler et D. Petrausch, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),,

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. S. von Bahr et K. Schiemann (rapporteur), juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,considérant les observations présentées par les parties,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 11 mars 2004,

rend le présent

Arrêt

1
Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, à l’occasion de l’attribution par la Communauté urbaine du Mans (ci-après la «CUM») d’un marché d’études ayant pour objet, entre autres, l’assistance au maître d’ouvrage concernant la station d’épuration de la Chauvinière, sans avoir procédé à la publication d’un avis de marché au Journal officiel des Communautés européennes, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent au
titre de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1, ci-après la «directive»), et notamment de son article 15, paragraphe 2.

Le cadre juridique

2
L’article 7, paragraphe 1, de la directive dispose:

«La présente directive s’applique aux marchés publics de services dont le montant estimé hors TVA égale ou dépasse 200 000 écus.»

3
En vertu de l’article 8 de la directive, les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe I A de celle-ci doivent être passés conformément aux dispositions des titres III à VI de ladite directive.

4
L’article 15, paragraphe 2, de la directive, figurant à son titre V, intitulé «Règles communes de publicité», prévoit:

«Les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de services en recourant à une procédure ouverte, restreinte ou, dans les conditions prévues à l’article 11, à une procédure négociée font connaître leur intention au moyen d’un avis.»

5
L’article 11, paragraphe 3, de la directive, figurant au titre III de celle‑ci, intitulé «Choix des procédures de passation et règles applicables aux concours», permet de déroger à l’obligation de publication préalable d’un avis de marché en disposant:

«Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics de services en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché dans les cas suivants:

[…]

c)
lorsque le marché considéré fait suite à un concours et doit, conformément aux règles applicables, être attribué au lauréat ou à un des lauréats du concours. Dans ce dernier cas, tous les lauréats du concours doivent être invités à participer aux négociations;

[…]»

6
Aux termes de l’article 1^er, sous g), de la directive:

«[Aux fins de la directive] les ‘concours’ sont les procédures nationales qui permettent au pouvoir adjudicateur d’acquérir principalement dans le domaine de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’architecture et de l’ingénierie ou des traitements de données, un plan ou un projet qui est choisi par un jury après mise en concurrence avec ou sans attribution de primes.»

Les faits

7
Plusieurs appels d’offres ont été lancés par la CUM concernant des prestations de services pour les travaux d’aménagement de la station d’épuration de la Chauvinière.

8
À cet effet, un schéma de travail a été prévu, comportant les trois étapes suivantes:


première étape: étude de faisabilité d’une filière de traitement de l’eau aux fins de la mise en conformité avec les normes européennes en matière environnementale de la station d’épuration de la Chauvinière;


deuxième étape: marché d’études ayant pour objet: 1) l’assistance au maître d’ouvrage dans l’élaboration du programme technique détaillé sur la base de la solution retenue dans la première étape, 2) l’élaboration d’une étude d’impact analysant l’ensemble des effets de l’opération sur l’environnement, et 3) l’assistance au maître d’ouvrage dans l’analyse des offres remises dans le cadre de la procédure faisant l’objet de la troisième étape;


troisième étape: conception de l’ouvrage et sa réalisation.

9
Deux avis de marchés ont été publiés respectivement au journal officiel du 30 novembre 1996, série S n° 233, et au journal officiel du 10 décembre 1998, série S n° 239.

10
L’avis publié le 30 novembre 1996 concernait une procédure d’appel d’offres restreint pour un concours d’idées, ayant pour objet l’étude de faisabilité prévue par la première étape. Ce concours d’idées était doté d’une prime d’un montant de 200 000 FRF pour chacun des trois participants retenus, soit un montant total de 600 000 FRF.

11
Ledit avis prévoyait également, en son point 2, que le candidat dont la solution aura été retenue dans le cadre du concours d’idées concernant la première étape «pourra être appelé à coopérer à l’exécution de son idée dans le cadre d’un marché d’études ayant pour objet [entre autres] l’assistance au maître d’ouvrage» prévue aux première et troisième branches de la deuxième étape.

12
L’avis publié le 10 décembre 1998 portait sur la troisième étape.

La procédure précontentieuse

13
Par lettre du 7 octobre 1999, la Commission a invité les autorités françaises à lui faire part de leurs observations sur les conditions et les modalités dans lesquelles se sont déroulés les appels d’offres susmentionnés.

14
En l’absence de réaction officielle des autorités françaises à cette lettre, la Commission leur a adressé, le 3 août 2000, une lettre de mise en demeure en articulant trois griefs, tirés respectivement de la violation des articles 27, paragraphe 2, 15, paragraphe 2, et 36, paragraphe 1, de la directive.

15
Par courrier du 21 novembre 2000, les autorités françaises ont contesté l’ensemble des griefs ainsi avancés par la Commission. Considérant cette réponse insatisfaisante, cette dernière a, par lettre du 26 juillet 2001, procédé à l’envoi d’un avis motivé dans lequel elle réitérait ses griefs.

16
Les autorités françaises ont répondu à cet avis motivé par lettre du 4 février 2002. Elles y reconnaissaient le bien-fondé des premier et troisième griefs avancés par la Commission.

17
Dans ces conditions, la Commission a décidé d’introduire le présent recours, dont l’objet est limité au deuxième grief invoqué dans l’avis motivé.

Sur le recours

Argumentation des parties

18
Dans sa requête la Commission fait valoir que le marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage, objet de la deuxième étape, et dont le montant s’élevait à 4 502 137,90 FRF, portait sur des prestations différentes de celles relatives au concours d’idées lancé par l’avis du 30 novembre 1996. Dès lors, ledit marché aurait dû faire l’objet d’une publicité et d’une mise en concurrence conformément aux règles communes de publicité et de participation prévues par les titres V et VI de la directive. Or,
ce marché aurait été attribué au lauréat du concours d’idées organisé pour la réalisation de l’étude de faisabilité prévue à la première étape sans aucune nouvelle mesure de publicité ni procédure de mise en concurrence au niveau communautaire.

19
La Commission soutient que la mention contenue dans l’avis de marché publié en 1996, selon laquelle le lauréat du concours pourra être appelé à coopérer à l’assistance au maître d’ouvrage dans le cadre de la deuxième étape, est dépourvue de pertinence et qu’elle ne permet en aucun cas au pouvoir adjudicateur de se soustraire à ses obligations découlant de la directive.

20
La Commission ajoute que le principe de l’égalité de traitement des soumissionnaires établi par la directive impose que l’objet du marché soit clairement défini et qu’il ne puisse pas être étendu au cours de la procédure. Ce principe impliquerait également que les critères d’attribution soient clairement déterminés. Or, non seulement il n’aurait existé aucune certitude, ni aucun droit pour le lauréat du concours, quant à la réalisation d’autres prestations dans le cadre d’un marché ultérieur
d’assistance technique au maître d’ouvrage, mais, en outre, aucun critère d’attribution n’aurait été déterminé pour ce dernier marché.

21
Dans son mémoire en défense, le gouvernement français fait valoir, en premier lieu, que les dispositifs respectifs de l’avis de marché du 30 novembre 1996 et du règlement de consultation, auquel le premier renvoyait pour de plus amples informations, ne laissaient aucun doute sur la volonté de la CUM de se réserver la possibilité d’attribuer au lauréat du concours d’idées un marché d’études ayant pour objet l’assistance au maître d’ouvrage. Par conséquent, le marché d’assistance à maîtrise
d’ouvrage pouvait être attribué au lauréat du concours d’idées sans publication préalable d’un nouvel avis de marché.

22
Le gouvernement français soutient, en deuxième lieu, que l’article 11, paragraphe 3, sous c), de la directive dispenserait en l’occurrence de l’obligation de publication préalable d’un avis de marché.

23
S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel les critères d’attribution pour le marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage n’auraient pas été définis dans l’avis de marché du 30 novembre 1996, en violation du principe de l’égalité de traitement des candidats, le gouvernement français fait valoir que ce grief doit être considéré comme irrecevable dans la mesure où il apparaît pour la première fois au stade de la requête et qu’il n’a dès lors pas été possible pour ce gouvernement de
faire valoir ses moyens de défense à cet égard lors de la procédure précontentieuse.

24
Sur ce dernier point, la Commission soutient qu’il ne s’agirait pas là d’un nouveau grief, mais d’une observation venant au soutien de sa position, à savoir que l’objet du marché ne visait que le concours d’idées.

Appréciation de la Cour

Sur la recevabilité

25
Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêts du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas, C-152/98, Rec. p. I-3463, point 23, et du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C-439/99,
Rec. p. I-305, point 10).

26
Il s’ensuit, premièrement, que l’objet d’un recours intenté en application de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition. Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l’avis motivé. Pour autant qu’un grief n’a pas été formulé dans l’avis motivé, il est irrecevable au stade de la procédure devant la Cour (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 11).

27
Deuxièmement, l’avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l’État intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité CE (voir, notamment, arrêts du 4 décembre 1997, Commission/Italie, C-207/96, Rec. p. I-6869, point 18, et du 15 janvier 2002, Commission/Italie, précité, point 12).

28
Dans le cas d’espèce, aux points 20 et 21 de l’avis motivé, la Commission faisait valoir, dans le cadre du deuxième grief, que «la mention faite dans l’avis de marché de la possibilité pour ‘le lauréat de coopérer à l’exécution de l’idée retenue’ […] n’attribuait aucune certitude ni aucun droit au lauréat du concours quant à la réalisation d’autres prestations dans le cadre d’un marché ultérieur d’assistance technique au maître d’ouvrage» et «[…] que c’est à tort que le pouvoir adjudicateur
a pu faire échapper les diverses prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage prévues dans le cadre de la deuxième étape du schéma global d’organisation en cause à une procédure de publicité et de mise en concurrence».

29
Dans ces conditions, force est de considérer qu’en soutenant que les critères d’attribution pour le marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage n’auraient pas été définis dans l’avis de marché du 30 novembre 1996, en violation du principe d’égalité de traitement des candidats, la Commission s’est bornée à expliquer le grief exposé aux points 20 et 21 de l’avis motivé sans formuler un nouveau grief. Il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le gouvernement français doit être
rejetée.

Sur le fond

30
Dans le présent recours, la Commission reproche, en substance, aux autorités françaises d’avoir attribué le marché d’assistance au maître d’ouvrage prévu à la deuxième étape sans mettre en œuvre la procédure d’adjudication prévue par la directive.

31
Il convient, à titre liminaire, de constater qu’il est constant que les conditions d’application de la directive étaient réunies en l’espèce. En effet, les études et l’assistance au maître d’ouvrage faisant l’objet de la deuxième étape constituent des services au sens de l’article 8 et de l’annexe I A de la directive. En outre, la valeur minimale du marché fixée par l’article 7, paragraphe 1, de la directive était dépassée.

32
Par conséquent, pour lesdits services, la passation du marché ne pouvait, en vertu de l’article 8 de la directive, intervenir que dans le respect des règles du titre III de celle-ci, notamment de ses articles 11 et 15, paragraphe 2. Or, en vertu de cette dernière disposition, il incombait aux pouvoirs adjudicateurs de publier un avis de marché.

33
Le gouvernement français soutient toutefois que la possibilité, prévue dans l’avis du 30 novembre 1996, d’attribuer le marché relevant de la deuxième étape au lauréat du concours d’idées dispenserait le pouvoir adjudicateur de l’obligation de publier un nouvel avis préalable à la passation de ce marché.

34
Cet argument ne saurait être retenu. En effet, le principe de l’égalité de traitement entre les différents prestataires de services, prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la directive, et le principe de transparence qui en découle (voir, par analogie, arrêts du 25 avril 1996, Commission/Belgique, C-87/94, Rec. p. I-2043, points 51 à 53, et du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C-324/98, Rec. p. I‑10745, point 61) exigent que l’objet de chaque marché ainsi que les critères de son
attribution soient clairement définis.

35
Une telle exigence s’impose dès lors que l’objet d’un marché ainsi que les critères retenus pour son attribution doivent être considérés comme des éléments décisifs aux fins de déterminer laquelle des procédures prévues par la directive doit être mise en œuvre et d’apprécier le respect des impératifs propres à la procédure ainsi retenue.

36
Il s’ensuit qu’en l’espèce la simple possibilité d’attribuer le marché concernant la deuxième étape selon les critères prévus pour un autre marché, celui concernant la première étape, n’équivaut pas à sa passation selon l’une des procédures prévues par la directive.

37
Le gouvernement français se prévaut encore de l’article 11, paragraphe 3, de la directive qui autorise les pouvoirs adjudicateurs qui recourent à une procédure négociée à déroger à l’obligation de publication préalable dans des cas limitativement énumérés. Il en est ainsi notamment, aux termes de l’article 11, paragraphe 3, sous c), de la directive, «lorsque le marché considéré fait suite à un concours et doit, conformément aux règles applicables, être attribué au lauréat ou à un des
lauréats du concours […]».

38
À cet égard, il convient de rappeler que, comme le souligne à bon droit la Commission, cette disposition en tant qu’exception à une règle fondamentale du traité doit faire l’objet d’une interprétation stricte et que c’est à celui qui entend s’en prévaloir qu’incombe la charge de la preuve que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation existent effectivement (voir arrêt du 10 avril 2003, Commission/Allemagne, C-20/21 et C-28/01, Rec. p. I-3609, point 58).

39
Dans le cas d’espèce, comme le relève M. l’avocat général au point 40 de ses conclusions, une partie des prestations faisant l’objet de la deuxième étape n’est pas incluse dans la notion de concours telle que définie à l’article 1^er, sous g), de la directive, qui se réfère à «un plan ou projet». En effet, si la première branche de la deuxième étape (assistance au maître d’ouvrage dans l’élaboration du programme technique détaillé sur la base de la solution retenue dans la première étape)
pourrait être éventuellement considérée comme un plan ou projet au sens de l’article 1^er, sous g), de la directive, tel n’est en revanche pas le cas pour la troisième branche de la deuxième étape. En effet, de toute évidence, l’assistance au maître d’ouvrage dans l’analyse des offres remises dans le cadre de la procédure faisant l’objet de la troisième étape ne constitue pas un plan ou projet au sens de l’article 1^er, sous g), de la directive.

40
En tout état de cause, les conditions d’application de l’exception prévue à l’article 11, paragraphe 3, sous c), de la directive ne sont en l’occurrence pas réunies. En effet, il ressort clairement du libellé de cette disposition que la dispense de publication d’un avis n’est possible que lorsque le marché considéré fait suite à un concours et qu’il doit être attribué au lauréat ou à un des lauréats du concours.

41
Comme l’affirme M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, l’expression «fait suite à un concours» au sens de l’article 11, paragraphe 3, sous c), de la directive signifie qu’il doit subsister un lien fonctionnel direct entre le concours et le marché concerné. Dans la mesure où le concours en question portait sur la première étape et était organisé aux fins de l’attribution du marché se rapportant à cette étape, le marché de la deuxième étape ne peut pas être considéré comme faisant
suite à ce concours.

42
En outre, la clause figurant au point 2 de l’avis de marché du 30 novembre 1996 prévoit seulement la possibilité, mais non pas l’obligation, de confier la deuxième étape au lauréat du concours concernant la première étape. Par conséquent, il ne peut pas être affirmé que le marché concernant la deuxième étape doit être attribué au lauréat ou à un des lauréats du concours.

43
Dès lors, l’exception, prévue à l’article 11, paragraphe 3, sous c), de la directive, à l’obligation de publier un avis de marché ne trouve pas à s’appliquer dans le cas d’espèce.

44
Il résulte des considérations précédentes que la deuxième étape n’a pas fait l’objet d’une publication d’un avis de marché conformément aux règles de la directive, alors qu’elle rentrait dans le champ d’application de cette dernière.

45
Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que, la CUM ayant attribué un marché d’études portant sur l’assistance au maître d’ouvrage concernant la station d’épuration de la Chauvinière sans avoir procédé à la publication d’un avis de marché au journal officiel, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive, et en particulier de son article 15, paragraphe 2.

Sur les dépens

46
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)
La Communauté urbaine du Mans ayant attribué un marché d’études portant sur l’assistance au maître d’ouvrage concernant la station d’épuration de la Chauvinière sans avoir procédé à la publication d’un avis de marché au Journal officiel des Communautés européennes, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, et
en particulier de son article 15, paragraphe 2.

2)
La République française est condamnée aux dépens.

Signatures.

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1 –
Langue de procédure: le français.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-340/02
Date de la décision : 14/10/2004
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'État - Directive 92/50/CEE - Procédure de passation des marchés publics de services - Mission d'assistance au maître d'ouvrage concernant une station d'épuration - Attribution au lauréat d'un concours d'idées précédent sans publication préalable d'un avis de marché au JOCE.

Droit d'établissement

Libre prestation des services

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Geelhoed
Rapporteur ?: Schiemann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2004:623

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