Avis juridique important
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62001J0500
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 7 janvier 2004. - Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne. - Manquement d'État - Marché des services de télécommunications - Rééquilibrage tarifaire - Accès à la boucle locale - Directive 90/388/CEE - Article 4 quater. - Affaire C-500/01.
Recueil de jurisprudence 2004 page 00000
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire C-500/01,
Commission des Communautés européennes, représentée par M. S. Rating, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Royaume d'Espagne, représenté par M. S. Ortiz Vaamonde, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, en ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l'article 4 quater de la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (JO L 192, p. 10), telle que modifiée par la directive 96/19/CE de la Commission, du 13 mars 1996 (JO L 74, p. 13), le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu
de ces directives et du traité CE,
LA COUR (cinquième chambre)
composée de M. P. Jann, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. A. O. Edward (rapporteur) et A. La Pergola, juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: M. R. Grass,
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 2003,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 décembre 2001, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l'article 4 quater de la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (JO L 192, p. 10), telle que modifiée
par la directive 96/19/CE de la Commission, du 13 mars 1996 (JO L 74 p. 13, ciaprès la «directive 90/388»), le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces directives et du traité CE.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
2. Le cinquième considérant de la directive 96/19 énonce:
«[...] afin de permettre aux organismes de télécommunications d'achever de se préparer à la concurrence, et en particulier de continuer le rééquilibrage nécessaire de leurs tarifs, les États membres peuvent maintenir les droits exclusifs et spéciaux actuels relatifs à la téléphonie vocale jusqu'au 1er janvier 1998 au plus tard; [...] les États membres dotés de réseaux moins développés ou de très petits réseaux doivent pouvoir bénéficier d'une exception temporaire lorsque celleci se justifie par la
nécessité de procéder à des ajustements structurels, mais seulement pour la durée nécessaire à ces ajustements; [...] ces États membres devraient se voir accorder un délai supplémentaire respectivement de cinq ans au maximum ou de deux ans au maximum, sur leur demande, pour autant que ce délai soit requis afin d'achever les ajustements structurels nécessaires; [...] les États membres qui pourraient demander à bénéficier de cette possibilité sont l'Espagne, l'Irlande, la Grèce et le Portugal en ce
qui concerne les réseaux moins développés et le Luxembourg pour ceux de très petite taille; [...]»
3. Aux termes du vingtième considérant de la directive 96/19:
«[...] les États membres devraient procéder, dans les meilleurs délais, à la suppression graduelle des restrictions subsistantes non justifiées au rééquilibrage des tarifs de la part des organismes de télécommunications, et en particulier celles empêchant l'adaptation des tarifs qui ne sont pas liés aux coûts et qui accroissent la charge de la fourniture du service universel; [...]»
4. L'article 4 quater de la directive 90/388, introduit par l'article 1er , point 6, de la directive 96/19, prévoit:
«Sans préjudice de l'harmonisation par le Parlement européen et le Conseil dans le cadre de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP), tout régime national qui est nécessaire pour partager le coût net de fourniture d'obligations de service universel imposées aux organismes de télécommunications, avec d'autres organismes, qu'il s'agisse d'un système de redevances d'accès complémentaires ou d'un fonds de service universel:
a) ne s'applique qu'aux entreprises exploitant des réseaux publics de télécommunications;
b) alloue les charges respectives à chaque entreprise selon des critères objectifs et non discriminatoires et conformément au principe de proportionnalité.
Les États membres communiquent tout plan de ce type à la Commission, afin qu'elle vérifie sa compatibilité avec le traité.
Les États membres autorisent leurs organismes de télécommunications à rééquilibrer leurs tarifs en tenant compte des conditions spécifiques du marché et de la nécessité d'assurer un service universel abordable, et notamment ils les autorisent à adapter les tarifs actuels qui ne sont pas liés aux coûts et qui augmentent la charge de la fourniture du service universel, afin d'asseoir leur structure tarifaire sur les coûts réels. Lorsque ce rééquilibrage ne peut être achevé avant le 1er janvier 1998,
les États membres concernés font rapport à la Commission sur la suppression graduelle des déséquilibres tarifaires subsistant. Ce rapport contient un calendrier détaillé de mise en oeuvre.
En tout état de cause, dans un délai de trois mois après l'adoption par le Parlement européen et le Conseil d'une directive harmonisant les conditions d'interconnexion, la Commission vérifie si des initiatives supplémentaires sont nécessaires pour assurer la cohérence des deux directives et prend les mesures appropriées.
La Commission examine, le 1er janvier 2003 au plus tard, la situation des États membres et vérifie notamment si les plans de financement existants ne limitent pas l'accès aux marchés concernés. Dans ce cas, la Commission examine les remèdes possibles et présente les propositions adaptées.»
5. Le 10 juin 1997, la Commission a adopté la décision 97/603/CE concernant l'octroi à l'Espagne de délais supplémentaires pour la transposition de la directive 90/388 en ce qui concerne la pleine concurrence dans les marchés des télécommunications (JO L 243, p. 48). L'article 1er de cette décision autorise le royaume d'Espagne à reporter jusqu'au 1er décembre 1998 l'octroi effectif de nouvelles licences pour la fourniture de la téléphonie vocale et des réseaux publics de télécommunications.
6. Le règlement (CE) n° 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale (JO L 336, p. 4), doit, selon son deuxième considérant, venir en complément des dispositions existantes du droit communautaire qui garantissent le service universel et l'accès à un prix abordable à tous les citoyens de l'Union européenne, en accroissant la concurrence, en assurant l'efficacité économique et en offrant les avantages maximaux pour les
utilisateurs.
7. Selon le septième considérant dudit règlement, l'accès dégroupé à la boucle locale permet aux nouveaux entrants d'entrer en concurrence avec les opérateurs notifiés en offrant des services de transmission de données à haut débit pour un accès permanent à l'Internet et pour des applications multimédia à partir de la technologie de ligne d'abonné numérique (DSL), ainsi que des services de téléphonie vocale.
8. L'article 3, paragraphe 3, du même règlement dispose:
«[...] les opérateurs notifiés orientent les tarifs de l'accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes en fonction des coûts.»
La réglementation nationale
9. Les autorités espagnoles ont adopté l'Orden por la que se determinan las tarifas y condiciones de interconexión a la red adscrita al servicio público de telefonía básica que explota el operador dominante para la prestación del servicio final de telefonía básica y el servicio portador soporte del mismo (arrêté portant détermination des tarifs et des conditions d'interconnexion au réseau public de téléphonie vocale exploité par l'opérateur dominant), du 18 mars 1997 (BOE n° 74, du 27 mars 1997, p.
10079). Cette mesure a augmenté le prix de l'abonnement mensuel de 16 % ainsi que celui des appels locaux de 13 % et a diminué le montant des appels provinciaux de 5 %, des appels interprovinciaux de 15 % et des appels internationaux de 12 %.
10. L'Orden sobre reequilibrio tarifario de servicios prestados por «Telefónica Sociedad Anónima» (arrêté relatif au rééquilibrage tarifaire des services offerts par la société anonyme Telefónica), du 31 juillet 1998 (BOE n° 188, du 7 août 1998, p. 26858), a fixé le prix mensuel de l'abonnement téléphonique à 1 442 ESP pour les lignes dites «résidentielles» et à 1 797 ESP pour les «lignes de liaison».
11. Le Real DecretoLey 16/1999 por el que se adoptan medidas para combatir la inflación y facilitar un mayor grado de competencia en las telecomunicaciones (décretloi royal comportant certaines mesures pour combattre l'inflation et accroître la concurrence sur le marché des télécommunications), du 15 octobre 1999 (BOE n° 248, du 16 octobre 1999, p. 36561), a prévu de nouvelles hausses pour l'abonnement téléphonique. Selon le calendrier envisagé, la redevance devait augmenter de 100 ESP à trois
reprises: le 1er août 2000, le 1er mars 2001 et le 1er août 2001.
12. Par l'Orden por la que se dispone la publicación del Acuerdo de la Comisión Delegada del Gobierno para Asuntos Económicos de 27 de julio de 2000, por el que se establece un nuevo marco regulatorio de precios para los servicios prestados por «Telefónica de España, Sociedad Anónima Unipersonal» (arrêté portant publication de la résolution de la commission déléguée aux affaires économiques du 27 juillet 2000 établissant un nouveau mécanisme de prix pour les services offerts par la société anonyme
unipersonnelle Telefónica), du 31 juillet 2000 (BOE n° 183, du 1er août 2000, p. 27564), un nouveau régime de prix dénommé «price cap», fondé sur un mécanisme de plafonnement, a été mis en place pour la période 20012002. Il repose sur des formules de calcul faisant intervenir les prévisions du gouvernement espagnol en matière d'évolution de l'indice des prix à la consommation (ciaprès l'«IPC») et des facteurs d'ajustement.
13. Le régime de prix «price cap» a été maintenu en vigueur pour l'année 2003 par l'Orden por la que se dispone la publicación del Acuerdo de la Comisión Delegada del Gobierno para Asuntos Económicos del Acuerdo por el que se modifica el Acuerdo de 27 de julio de 2000, por el que se establece un nuevo marco regulatorio de precios para los servicios prestados por «Telefónica de España, Sociedad Anónima Unipersonal» (arrêté portant publication de la résolution de la commission déléguée aux affaires
économiques modifiant la résolution de ladite commission du 27 juillet 2000 établissant un nouveau mécanisme de prix pour les services offerts par la société anonyme unipersonnelle Telefónica), du 10 mai 2001 (BOE n° 118, du 17 mai 2001, p. 17456). Selon ce régime de prix:
- l'ensemble des services de téléphonie fixe et des appels fixes vers les services de téléphonie mobile sera soumis à une norme d'évolution égale au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel 9 % en 2001, au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel 8 % en 2002 et au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel 4 % en 2003;
- les redevances d'abonnement ne peuvent pas être augmentées en 2001, mais peuvent l'être dans une limite égale au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel + 9,4 % en 2002 et au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel + 6 % en 2003, et
- les frais de connexion peuvent augmenter dans une limite égale au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel 16,5 % en 2001 et en 2002 et au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel 2 % en 2003.
14. Le Real DecretoLey 7/2000 de Medidas Urgentes en el Sector de las Telecomunicaciones (décretloi royal sur les mesures urgentes dans le secteur des télécommunications), du 23 juin 2000 (BOE n° 151, du 24 juin 2000, p. 22458), a rendu obligatoire la fourniture de services d'accès totalement dégroupé et d'accès partagé à la boucle locale. Cette mesure a été complétée par le Real Decreto 3456/2000 por el que se aprueba el Reglamento que establece las condiciones para el acceso al bucle de abonado de
la red pública telefónica fija de los operadores dominantes (décret royal portant approbation de la réglementation établissant les conditions d'accès à la boucle locale des abonnés du réseau public de téléphonie fixe des opérateurs dominants), du 22 décembre 2000 (BOE n° 307, du 23 décembre 2000, p. 45567). L'article 5, paragraphe 1, de ce dernier décret royal prévoit que les tarifs pour l'accès à la boucle locale doivent être déterminés sur la base d'une orientation sur les coûts.
15. L'Orden por la que se dispone la publicación del Acuerdo de la Comisión Delegada del Gobierno para Asuntos Económicos, por el que se establecen los precios de la primera oferta de acceso al bucle de abonado en las modalidades de acceso completamente desagregado, de acceso compartido y de acceso indirecto, a la red pública telefónica fija de «Telefónica de España, Sociedad Anónima Unipersonal» (arrêté portant publication de l'accord de la commission déléguée aux affaires économiques établissant
les prix de la première offre pour l'accès des abonnés à la boucle et les modalités de l'accès totalement dégroupé, de l'accès partagé et de l'accès indirect au réseau de téléphonie fixe de la société anonyme unipersonnelle Telefónica), du 29 décembre 2000 (BOE n° 131, du 30 décembre 2000, p. 49758), établit les tarifs mensuels pour l'accès dégroupé à la boucle locale. Ceuxci s'élèvent à 2 163 ESP en 2001, à 2 100 ESP en 2002 et à 2 050 ESP en 2003.
La procédure précontentieuse
16. La procédure précontentieuse a comporté deux phases successives.
17. Pendant la première phase, la Commission a, le 11 décembre 1998, envoyé une lettre de mise en demeure au royaume d'Espagne, rappelant à cet État membre qu'il ne lui avait pas encore adressé un calendrier détaillé concernant la suppression des obstacles au rééquilibrage tarifaire, conformément à l'article 4 quater de la directive 90/388.
18. Le 11 février 1999, les autorités espagnoles ont répondu que l'Orden du 31 juillet 1998 réalisait ledit rééquilibrage tarifaire et que le calendrier pourrait s'étaler jusqu'au 31 décembre 2000.
19. Estimant que les mesures adoptées par les autorités espagnoles étaient insuffisantes et que ces dernières reconnaissaient qu'elles n'avaient pas établi un calendrier détaillé de la mise en oeuvre de ces mesures, la Commission a émis un avis motivé le 4 mai 1999.
20. Par lettre du 26 avril 1999, lesdites autorités ont communiqué à la Commission de nouvelles mesures de réduction des tarifs provinciaux, interprovinciaux et internationaux.
21. Pour tenir compte de ces mesures, la Commission a, par lettre du 26 mai 1999, indiqué au royaume d'Espagne que l'avis motivé du 4 mai 1999 était devenu obsolète.
22. Pendant la seconde phase de la procédure précontentieuse, la Commission a poursuivi l'examen de l'affaire à la lumière d'une plainte déposée le 23 novembre 1998 par l'opérateur historique Telefónica de España SA (ciaprès «Telefónica). Le 25 novembre 1999, la Commission a demandé certaines informations au gouvernement espagnol à propos de cette plainte. Par lettre du 21 janvier 2000, les autorités espagnoles ont répondu qu'il leur était impossible de vérifier l'existence du déficit d'accès
allégué par Telefónica. En outre, elles ont informé la Commission de leur intention de mettre en place le régime de prix «price cap».
23. Le 4 mai 2000, la Commission a adressé une nouvelle lettre de mise en demeure au royaume d'Espagne. Elle lui reprochait de ne pas avoir accordé suffisamment de flexibilité à Telefónica pour permettre à celleci de procéder au rééquilibrage tarifaire exigé par l'article 4 quater de la directive 90/388.
24. N'étant pas satisfaite de la réponse que les autorités espagnoles ont apportée à cette lettre, la Commission a émis un nouvel avis motivé le 29 janvier 2001. Dans cet avis, elle soulignait que le processus de rééquilibrage tarifaire n'était pas achevé en 1999 et ne le serait probablement pas non plus en 2001. La Commission précisait également que le déficit d'accès de Telefónica en 1999 s'élevait à 258 milliards de ESP et elle invitait le royaume d'Espagne à prendre les mesures nécessaires pour
se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
25. Dans leur réponse du 29 mars 2001, les autorités espagnoles ont contesté l'évaluation faite par la Commission. Selon elles, le déficit d'accès prétendument subi par Telefónica en 1999 se serait élevé à 173 449 milliards de ESP, soit 85 milliards de moins que le chiffre invoqué par la Commission. En outre, lesdites autorités annonçaient une série d'amendements au régime de prix «price cap».
26. Le 18 avril 2001, Telefónica a indiqué que, en raison des mesures annoncées par le gouvernement espagnol, elle retirait sa plainte.
27. Le 27 juillet 2001, la Commission a adressé un avis motivé complémentaire au royaume d'Espagne pour tenir compte de l'adoption de certains textes imposant à Telefónica d'offrir des services d'accès dégroupé à la boucle locale, des amendements au régime de prix «price cap» adoptés en mai 2001 et de l'estimation précise, par le gouvernement espagnol, du déficit d'accès de Telefónica pour l'année 1999.
28. Les autorités espagnoles ont répondu à cet avis motivé complémentaire par lettre du 9 octobre 2001. N'étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le manquement
Argumentation des parties
29. La Commission reproche au royaume d'Espagne d'avoir mal appliqué les règles communautaires concernant le rééquilibrage tarifaire. Selon elle, les autorités espagnoles auraient dû autoriser Telefónica à rééquilibrer ses tarifs comme le prescrivait la directive 90/388. En imposant à cette société de conserver une structure de tarifs nuisible à ses concurrents, en faussant les calculs économiques de ces derniers et en maintenant sur une longue durée des tarifs non cohérents avec les coûts
sousjacents, lesdites autorités auraient créé une situation préjudiciable au développement de la concurrence, tout particulièrement dans le contexte du dégroupage de la boucle locale.
30. Selon la Commission, en tenant compte des contraintes imposées par le régime de prix «price cap», les tarifs de l'abonnement mensuel ne pourront pas être fondés sur les coûts réels avant le début de l'année 2003. À cet égard, elle souligne que l'hypothèse de gains de productivité de 6 % par an, formulée par les autorités espagnoles, qui est nécessaire pour supprimer le déficit d'accès, est peu probable dans la mesure où les gains d'efficacité liés à l'infrastructure sont modérés.
31. Selon le gouvernement espagnol, l'article 4 quater de la directive 90/388 ne l'oblige pas à imposer à Telefónica des tarifs fondés sur les coûts réels et ne lui impose pas non plus un délai précis pour exécuter l'obligation de suppression des obstacles au rééquilibrage tarifaire. Ladite disposition l'obligerait simplement à supprimer les obstacles empêchant Telefónica d'aligner ses tarifs sur les coûts réels. En l'absence de délai fixé audit article, l'existence d'un manquement devrait donc être
appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé par l'avis motivé du 29 janvier 2001. Or, étant donné que Telefónica n'aurait enregistré aucun déficit d'accès en 2002 et en 2003, ce qui serait d'ailleurs démontré par le fait qu'elle a retiré sa plainte, aucun manquement ne saurait être reproché aux autorités espagnoles.
Appréciation de la Cour
32. Si l'article 4 quater de la directive 90/388 ne prévoit pas de délai pour l'accomplissement de l'obligation de rééquilibrage des tarifs, il n'en demeure pas moins que plusieurs éléments de la directive 96/19 indiquent que le rééquilibrage des tarifs doit être accompli à un rythme soutenu afin de faciliter l'ouverture du marché des télécommunications à la concurrence. Ainsi, comme M. l'avocat général l'a relevé aux points 58 à 60 de ses conclusions, il résulte de la lecture combinée des vingtième
et cinquième considérants de la directive 96/19, ainsi que de l'article 4 quater de la directive 90/388, que les États membres étaient tenus de supprimer les obstacles au rééquilibrage tarifaire dans les meilleurs délais à compter de l'entrée en vigueur de la directive 96/19, et ce jusqu'au 1er janvier 1998 au plus tard. Les États membres dotés de réseaux moins développés ou de très petits réseaux devaient adopter un calendrier détaillé pour la mise en oeuvre de leur obligation.
33. Or, le gouvernement espagnol n'a pas démontré qu'il avait adopté, conformément à l'article 4 quater de la directive 90/338, un tel calendrier dans le délai prescrit et que celui-ci avait fait l'objet d'une approbation par la Commission.
34. Quant à la décision 97/603, elle n'autorise pas le royaume d'Espagne à reporter l'exécution de son obligation de supprimer les obstacles au rééquilibrage tarifaire avant le 1er janvier 1998. Elle autorise seulement cet État membre à reporter jusqu'au 1er décembre 1998 l'octroi effectif de nouvelles licences pour la fourniture de la téléphonie vocale et des réseaux publics de télécommunications, la notification à la Commission, la publication de toutes les procédures d'autorisation ou de
déclaration pour la fourniture de la téléphonie vocale ainsi que la mise en place de réseaux publics de télécommunications et des modalités détaillées du régime envisagé pour partager le coût net de l'obligation de service universel.
35. Dans son mémoire en défense, le gouvernement espagnol a expressément reconnu que Telefónica avait subi un déficit d'accès de 173 449 milliards de ESP en 1999 et que ce déficit d'accès ne serait résorbé, selon les estimations les plus optimistes des gains annuels de productivité, qu'au cours de l'année 2002. Il a de même admis l'existence d'une différence entre le prix de l'abonnement mensuel et le tarif de l'accès à la boucle locale.
36. En ce qui concerne l'imputabilité de ce déficit aux autorités espagnoles, il y a lieu de rappeler que, jusqu'à l'entrée en vigueur du régime de prix «price cap» en 2001, cellesci procédaient ellesmêmes aux différentes hausses et baisses des tarifs des éléments du service de téléphonie vocale, de sorte que l'opérateur historique ne disposait d'aucune marge de manoeuvre dans la fixation de ses tarifs. Ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 88 et 89 de ses conclusions, l'absence de
rééquilibrage tarifaire pour les années 1999 et 2000 relève donc de la seule responsabilité des autorités espagnoles.
37. Il est vrai que, après l'introduction du régime de prix «price cap» en 2001, Telefónica a été autorisée à augmenter ou à baisser ses prix chaque année. Toutefois, le déséquilibre tarifaire constaté pour les années 2001 et 2002 ne saurait être imputé en totalité à cette société, une partie de celui-ci devant être attribuée aux autorités espagnoles. En effet, la liberté tarifaire de Telefónica était limitée par l'existence d'un plafond ou prix maximal imposé par lesdites autorités. Cette
limitation a été préjudiciable au développement de la concurrence à l'endroit de l'opérateur historique, et ce contrairement aux objectifs de la directive 90/388.
38. Le rééquilibrage tarifaire exigé par l'article 4 quater de la directive 90/388 n'étant réalisable par l'opérateur historique espagnol que pour le début de l'année 2003, soit avec cinq ans de retard par rapport à l'exigence de ladite directive, tant le déséquilibre tarifaire que la situation préjudiciable au développement de la concurrence en résultant sont imputables aux autorités espagnoles.
39. Il y a donc lieu de constater que, en ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l'article 4 quater de la directive 90/388, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
40. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume d'Espagne et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) En ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l'article 4 quater de la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications, telle que modifiée par la directive 96/19/CE de la Commission, du 13 mars 1996, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
2) Le royaume d'Espagne est condamné aux dépens.