Avis juridique important
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61998J0459
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 janvier 2001. - Isabel Martínez del Peral Cagigal contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaires - Demande de révision du classement en grade - Recours - Expiration des délais - Fait nouveau - Egalité de traitement. - Affaire C-459/98 P.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-00135
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1. Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Délais - Forclusion - Réouverture - Condition - Fait nouveau - Décision modifiant les critères de classement en grade lors du recrutement
(Statut des fonctionnaires, art. 31, § 2, 90 et 91)
2. Fonctionnaires - Égalité de traitement - Recrutement - Classement en grade - Réexamen - Droit de demander le réexamen limité aux fonctionnaires recrutés postérieurement au prononcé de l'arrêt du 5 octobre 1995, T-17/95 - Absence de justification objective
(Statut des fonctionnaires, art. 5, § 3)
Sommaire
1. La décision de la Commission, du 7 février 1996, modifiant les critères de classement en grade des fonctionnaires recrutés après le 5 octobre 1995, doit être considérée comme une décision d'application générale, remettant en cause un certain nombre de décisions administratives devenues définitives, et constituant en cela un fait nouveau susceptible de faire grief aux fonctionnaires recrutés avant le 5 octobre 1995 et ouvrant, à leur égard, la possibilité d'introduire une demande, dans le respect
des délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, en vue de bénéficier d'une révision de leur classement.
( voir point 45 )
2. La décision du 7 février 1996, adoptée à la suite de l'arrêt du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, T-17/95, et modifiant les critères de classement en grade des fonctionnaires recrutés après le 5 octobre 1995, a violé le principe général d'égalité de traitement énoncé à l'article 5, paragraphe 3, du statut, dès lors que la différence de traitement résultant de ce que les fonctionnaires de la Commission nommés après le 5 octobre 1995 pouvaient demander le réexamen de leur classement en grade,
tandis que ceux qui avaient été nommés avant cette date ne le pouvaient pas, n'est pas objectivement justifiée par le fait que la date du 5 octobre 1995 constitue la date du prononcé dudit arrêt.
En effet, l'exécution de l'arrêt n'imposait pas, à l'égard des fonctionnaires qui n'étaient pas parties au litige, de retenir cette date pour la prise d'effet de la décision du 7 février 1996. Par ailleurs, si, en adoptant cette décision, la Commission a fait preuve de sollicitude à l'égard des fonctionnaires qui avaient été nommés après le 5 octobre 1995 et n'avaient pas contesté leur décision de classement dans le délai requis, rien ne permet de justifier ni même d'expliquer pourquoi elle n'a pas
étendu cette sollicitude aux fonctionnaires qui avaient été nommés entre 1983 et le 5 octobre 1995 et se trouvaient dans la même situation.
( voir points 51-53 )
Parties
Dans l'affaire C-459/98 P,
Isabel Martínez del Peral Cagigal, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes A. Creus et B. Uriarte Valiente, avocats,
partie requérante,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l'ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes (première chambre) du 14 octobre 1998, Martínez del Peral Cagigal/Commission (T-224/97, RecFP p. I-A-581 et II-1741), et tendant à l'annulation de cette ordonnance,
l'autre partie à la procédure étant:
Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Guerra Fernández et Mme F. Duvieusart-Clotuche, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de MM. D. A. O. Edward, faisant fonction de président de la cinquième chambre, P. Jann et L. Sevón (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 15 décembre 1999,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 mars 2000,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 décembre 1998, Mme Martínez del Peral Cagigal a, en vertu de l'article 49 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'ordonnance du Tribunal de première instance du 14 octobre 1998, Martínez del Peral Cagigal/Commission (T-224/97, RecFP p. I-A-581 et II-1741, ci-après l'«ordonnance attaquée»), en tant qu'elle a rejeté comme irrecevable son recours ayant pour objet
l'annulation, d'une part, de la décision de la Commission des Communautés européennes du 24 octobre 1996 portant rejet de sa demande de reclassement et, d'autre part, de la décision de la Commission du 29 avril 1997 portant rejet de la réclamation dirigée contre cette décision du 24 octobre 1996.
Cadre juridique et factuel
2 L'article 5, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:
«Les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre sont soumis respectivement à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière.»
3 L'article 31 du statut est ainsi rédigé:
«1. Les candidats ainsi choisis sont nommés:
- fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique:
au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,
- fonctionnaires des autres catégories:
au grade de base correspondant à l'emploi pour lequel ils ont été recrutés.
2. Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes:
a) pour les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3, à raison:
- de la moitié s'il s'agit de postes rendus disponibles,
- des deux tiers s'il s'agit de postes nouvellement créés;
b) pour les autres grades, à raison:
- d'un tiers s'il s'agit de postes rendus disponibles,
- de la moitié s'il s'agit de postes nouvellement créés.
Sauf pour le grade LA 3, cette disposition s'applique par série de six emplois à pourvoir dans chaque grade.»
4 À la suite du recours d'un fonctionnaire, le Tribunal a annulé la décision de classement qui le concernait (arrêt du Tribunal du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, T-17/95, RecFP p. I-A-227 et II-683).
5 Ce fonctionnaire avait été classé au grade de base de sa catégorie en application d'une décision interne du 1er septembre 1983 relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement (ci-après la «décision du 1er septembre 1983»), par laquelle la Commission avait renoncé au pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 31, paragraphe 2, du statut. Le Tribunal a toutefois considéré à propos de cette décision que, si l'exercice du pouvoir
discrétionnaire conféré à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») par l'article 31, paragraphe 2, du statut peut, conformément à la jurisprudence, être réglementé par des décisions internes telles que la décision du 1er septembre 1983, la Commission ne saurait cependant, par la voie d'une simple décision, restreindre ou limiter les effets juridiques des dispositions du statut. Il en a conclu que la Commission ne saurait entièrement renoncer au pouvoir qui lui est conféré par
l'article 31, paragraphe 2 du statut en s'interdisant de manière absolue de nommer un fonctionnaire nouvellement recruté à un grade autre que le grade de base de la carrière et, par conséquent, que la décision du 1er septembre 1983 enfreignait le statut.
6 Le Tribunal a notamment souligné à cette occasion que, afin d'éviter que l'article 31, paragraphe 2, du statut ne soit privé de toute signification juridique, l'AIPN est tenue, en présence de circonstances particulières, comme les qualifications exceptionnelles d'un candidat, de procéder à une appréciation concrète de l'application éventuelle de ladite disposition. Une telle obligation s'impose notamment lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire
particulièrement qualifié et justifient ainsi le recours aux dispositions de l'article 31, paragraphe 2, du statut ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles et demande à bénéficier de ces dispositions. Le Tribunal a cependant précisé que, compte tenu de la grande diversité des expériences professionnelles présentées par les candidats à la fonction publique européenne, l'AIPN jouit d'un pouvoir discrétionnaire, dans le cadre fixé par les articles 31 et 32, deuxième
alinéa, du statut ou par les décisions internes faisant application de ceux-ci, en vue d'apprécier les expériences professionnelles antérieures d'une personne recrutée comme fonctionnaire, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu'elles peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir (arrêt Alexopoulou/Commission, précité, point 21).
7 À la suite de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité, la Commission a adopté la décision du 7 février 1996 (ci-après la «décision du 7 février 1996»), publiée aux Informations administratives du 27 mars 1996, par laquelle elle apportait une modification à la décision du 1er septembre 1983. À la suite de cette modification, l'article 2, premier alinéa, de cette dernière décision doit se lire comme suit:
«L'[AIPN] nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté.
Par exception à ce principe, l'AIPN peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles.»
8 La décision du 7 février 1996 précise qu'elle prend effet au 5 octobre 1995, date de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité.
9 Un nombre important de fonctionnaires ont demandé leur reclassement dans le grade supérieur de la carrière en application de l'article 31, paragraphe 2, du statut. Plus de 80 recours ont été introduits devant le Tribunal, par lesquels les requérants demandent l'annulation d'une décision de nomination ou l'annulation d'une décision de rejet d'une demande de révision d'une décision de classement en grade.
10 La chronologie de la carrière de fonctionnaire de Mme Martínez del Peral Cagigal, ainsi que des décisions présentant de l'importance dans son litige avec la Commission, peut être exposée comme suit:
- 9 novembre 1993: nomination comme fonctionnaire stagiaire en qualité d'administrateur avec classement au grade A 7, échelon 1, avec effet au 16 octobre 1993, à la Commission;
- 26 novembre 1993: décision de classement au grade A 7, échelon 3, avec effet au 16 octobre 1993;
- 5 octobre 1995: date de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité, et de prise d'effet de la décision du 7 février 1996;
- 7 février 1996: décision générale de la Commission modifiant la décision du 1er septembre 1983;
- 27 mars 1996: publication de la décision du 7 février 1996 aux Informations administratives;
- 21 juin 1996: demande de révision du classement en grade à l'entrée en service à la Commission;
- 24 octobre 1996: rejet de la demande;
- 23 janvier 1997: introduction d'une réclamation;
- 29 avril 1997: décision de rejet de la réclamation;
- 29 juillet 1997: introduction du recours devant le Tribunal.
L'ordonnance attaquée
11 À la suite d'une exception soulevée par la Commission, l'ordonnance attaquée a déclaré le recours irrecevable au motif que la décision du 7 février 1996 ne constituait pas un fait nouveau permettant la réouverture des délais de recours prévus par les articles 90 et 91 du statut contre la décision de classement de Mme Martínez del Peral Cagigal du 26 novembre 1993.
12 Au point 26 de cette ordonnance, le Tribunal a constaté que Mme Martínez del Peral Cagigal n'avait pas introduit, dans le délai de trois mois prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision de l'AIPN du 26 novembre 1993 arrêtant son classement. Il a à cet égard rappelé, au point 27, qu'un fonctionnaire ne saurait remettre en question les conditions de son recrutement initial après que celui-ci est devenu définitif.
13 Au point 28 de l'ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que la demande formulée par Mme Martínez del Peral Cagigal visait cependant à remettre en question les conditions de son recrutement initial, car elle tendait à obtenir un réexamen de son classement en grade à la date de son entrée en service.
14 Après avoir rappelé, au point 29 de l'ordonnance attaquée, le principe selon lequel seule l'existence d'un fait nouveau substantiel peut justifier la présentation d'une demande tendant au réexamen d'une décision qui n'a pas été contestée dans les délais, le Tribunal a considéré, au point 30, que la décision du 7 février 1996 ne pouvait, par sa nature même et par sa portée juridique, constituer un fait nouveau en ce qu'elle n'avait pas pour objet, ni pour effet, de remettre en cause des décisions
administratives devenues définitives avant son entrée en vigueur.
15 Le Tribunal a par ailleurs souligné, aux points 31 et 32 de l'ordonnance attaquée, que l'article 31, paragraphe 2, du statut ne contenait pas une règle qui avait vocation à s'appliquer à tout fonctionnaire, mais que, au contraire, cette disposition conférait à l'AIPN le pouvoir discrétionnaire de nommer - à titre exceptionnel - un fonctionnaire nouvellement recruté au grade supérieur de sa carrière.
16 S'agissant de l'argument de Mme Martínez del Peral Cagigal selon lequel le rejet de sa demande constituerait une violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut, le Tribunal a rappelé, au point 33 de l'ordonnance attaquée, qu'il résultait de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité, que l'AIPN n'était pas, en règle générale, tenue d'examiner dans chaque cas s'il y avait lieu d'appliquer l'article 31, paragraphe 2, du statut ni de motiver une décision de ne pas faire usage de ladite disposition.
17 Compte tenu de ces considérations et notamment du caractère dérogatoire de l'article 31, paragraphe 2, du statut, le Tribunal a jugé, au point 34 de l'ordonnance attaquée, que le rejet, par la Commission, d'une demande de reclassement en grade introduite après l'expiration du délai de réclamation ne pouvait constituer une violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut.
18 Le Tribunal a encore, au point 35 de l'ordonnance attaquée, rejeté l'argument de Mme Martínez del Peral Cagigal selon lequel la Commission aurait méconnu son devoir de sollicitude, en rappelant que ce devoir ne saurait conduire l'administration à donner à une disposition communautaire une interprétation qui va à l'encontre de ses termes précis. En l'espèce, l'article 31, paragraphe 2, du statut ne pouvait être interprété en ce sens qu'il avait vocation à s'appliquer à tous les fonctionnaires.
19 Considérant que Mme Martínez del Peral Cagigal n'avait pas été en mesure d'établir l'existence de faits nouveaux autorisant une réouverture des délais prévus par les articles 90 et 91 du statut, le Tribunal a constaté, au point 37 de l'ordonnance attaquée, qu'elle était forclose à attaquer la décision du 26 novembre 1993, en sorte qu'il a déclaré le recours irrecevable.
Le pourvoi
20 Le pourvoi est fondé sur cinq moyens.
21 Le premier moyen est tiré de la violation du droit communautaire résultant du fait que l'ordonnance attaquée est inconciliable avec la jurisprudence du Tribunal et de la Cour relative à la réouverture du délai de recours en cas de survenance d'un fait nouveau, jurisprudence selon laquelle une décision interne de la Commission modifiant les critères de classement des fonctionnaires doit être considérée comme un fait nouveau.
22 Le deuxième moyen est tiré de la violation des dispositions de l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE), en vertu duquel la Commission aurait dû prendre toutes les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité.
23 Le troisième moyen est tiré de la violation du principe fondamental d'égalité de traitement, inscrit à l'article 5, paragraphe 3, du statut et reconnu par la jurisprudence du Tribunal et de la Cour.
24 Le quatrième moyen est tiré de la violation du droit communautaire résultant du fait que l'ordonnance attaquée est inconciliable avec le devoir de sollicitude de la Commission, prévu à l'article 24 du statut.
25 Le cinquième moyen est tiré du défaut de motivation de l'ordonnance attaquée, qui ne précise pas suffisamment les raisons pour lesquelles la décision du 7 février 1996 ne peut être considérée comme un fait nouveau.
Sur le premier moyen tiré de la violation du droit communautaire résultant du fait que l'ordonnance attaquée est inconciliable avec la jurisprudence du Tribunal et de la Cour relative à la réouverture du délai de recours en cas de survenance d'un fait nouveau
26 Par son premier moyen, Mme Martínez del Peral Cagigal invoque divers arrêts du Tribunal et de la Cour d'où il ressortirait que d'autres décisions générales portant des critères de classement pour le personnel nouvellement entré en service ont été considérées comme un fait nouveau justifiant la présentation d'une demande de réexamen d'une décision individuelle de classement. Elle dit ne pas comprendre pourquoi la décision du 7 février 1996, dont l'objet est identique, ne constituerait pas un tel
fait nouveau.
27 Elle conteste par ailleurs l'affirmation du Tribunal, selon laquelle l'article 31, paragraphe 2, du statut doit être compris comme une exception aux règles générales de classement, ce qui expliquerait la distinction entre la décision du 7 février 1996, qui se bornerait à énoncer une réserve conforme à cette disposition, et les autres décisions à caractère général évoquées au point 26 du présent arrêt, qui édicteraient des directives ayant vocation à s'appliquer à tout fonctionnaire.
28 Mme Martínez del Peral Cagigal considère qu'il convient de distinguer, d'une part, le réexamen du classement conformément aux nouveaux critères, qui constitue un acte administratif relevant de la compétence liée et dont l'administration ne peut s'abstenir, et, d'autre part, la décision résultant d'un tel acte, qui constitue un acte administratif relevant de la compétence discrétionnaire où l'administration peut exercer son pouvoir d'appréciation.
29 Elle estime par ailleurs que le Tribunal s'est contredit en admettant la rétroactivité des effets de la décision du 7 février 1996 pour tous les fonctionnaires recrutés à partir du 5 octobre 1995, tout en affirmant, au point 30 de l'ordonnance attaquée, que ladite décision n'a pas pour objet, ni pour effet, de remettre en cause des décisions administratives devenues définitives avant son entrée en vigueur.
30 Elle conclut que la décision du 7 février 1996 constitue un fait nouveau entraînant la réouverture du délai fixé pour demander une révision du classement effectué au moment de son entrée en service à la Commission.
31 La Commission souligne d'abord que les moyens invoqués par Mme Martínez del Peral Cagigal dans le cadre du présent pourvoi sont identiques à ceux qu'elle a soulevés dans le cadre du recours en annulation devant le Tribunal. À ce titre, ils devraient être déclarés irrecevables conformément à la jurisprudence de la Cour en matière de pourvoi. La Commission relève à cet égard que le texte de certains points du pourvoi correspond intégralement au texte de points déterminés de la requête déposée
devant le Tribunal.
32 La Commission soutient ensuite que la décision du 7 février 1996 a une portée limitée, purement informative, et qu'elle n'ajoute rien à la règle statutaire telle qu'elle a été interprétée dans l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité.
33 La Commission souligne également que la distinction opérée par Mme Martínez del Peral Cagigal entre «un acte administratif réglementé» et «un acte administratif discrétionnaire» est artificielle et hors de propos, dès lors que la décision ne concerne pas automatiquement tous les fonctionnaires, mais uniquement ceux qui le demandent et ceux qui pensent réunir les conditions requises.
34 Elle estime enfin que la contradiction entre, d'une part, le fait d'admettre la possibilité, pour les fonctionnaires recrutés après le 5 octobre 1995, d'introduire une réclamation en dehors du délai de trois mois et, d'autre part, le rappel du caractère d'ordre public des délais de réclamation et de recours n'est qu'apparente. En effet, la décision du 7 février 1996 n'aurait ajouté aucun droit à ceux conférés par l'article 31, paragraphe 2, du statut et, plus généralement, elle n'aurait pas
d'effets juridiques générateurs de droits. Dès lors, aucune rétroactivité ne pourrait être invoquée et la contradiction dénoncée n'existerait pas.
35 S'agissant de l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, il résulte des articles 168 A du traité CE (devenu article 225 CE), 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et
Goupil/Commission, C-352/98 P, non encore publié au Recueil, point 34).
36 Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt Bergaderm et Goupil/Commission, précité,
point 35).
37 En l'espèce, toutefois, le moyen critique de façon précise le raisonnement du Tribunal et comporte une argumentation détaillée visant à démontrer que celui-ci a violé le droit communautaire en rendant une ordonnance inconciliable avec la jurisprudence de la Cour et du Tribunal relative à la réouverture du délai de recours en cas de survenance d'un fait nouveau.
38 Dans ces conditions, à peine de priver la procédure de pourvoi de son sens, la circonstance que les mêmes arguments ont déjà été soulevés en première instance dans le cadre de la contestation de la légalité de la décision d'une institution communautaire ne saurait justifier leur irrecevabilité.
39 Le moyen doit dès lors être déclaré recevable.
40 Quant au fond de ce moyen, il convient, au préalable, de déterminer la portée de la décision du 7 février 1996. Celle-ci, publiée le 27 mars 1996, précise qu'elle prend effet au 5 octobre 1995, date de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité.
41 Il y a lieu de constater que cette décision, adoptée à titre de mesure d'exécution de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité, a modifié les critères de classement des fonctionnaires nouvellement recrutés, appliqués par la Commission depuis la décision du 1er septembre 1983, et a admis la possibilité d'une révision du classement d'une certaine catégorie de fonctionnaires, à savoir ceux nommés après le 5 octobre 1995.
42 Ce faisant, cette décision a eu pour effet de remettre en cause des décisions administratives devenues définitives, contrairement à ce qu'affirme le Tribunal au point 30 de l'ordonnance attaquée, puisque certains fonctionnaires ont pu demander la révision de leur classement alors qu'ils n'avaient pas introduit de recours dans les délais à l'encontre de la décision déterminant leur classement lors de leur nomination.
43 S'agissant de l'argument selon lequel l'article 31, paragraphe 2, du statut ne contiendrait pas une règle ayant vocation à s'appliquer à tout fonctionnaire, il suffit de constater que, ainsi que le Tribunal l'a lui-même jugé, «afin d'éviter que l'article 31, paragraphe 2, du statut ne soit privé de toute signification juridique, [...] l'AIPN est tenue, en présence de circonstances particulières, comme les qualifications exceptionnelles d'un candidat, de procéder à une appréciation concrète de
l'application éventuelle de ladite disposition. Une telle obligation s'impose notamment lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrement qualifié et justifient ainsi le recours aux dispositions de l'article 31, paragraphe 2, du statut [...] ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles et demande à bénéficier de ces dispositions» (arrêt Alexopoulou/Commission, précité, point 21).
44 Il s'ensuit que, si l'AIPN dispose d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elle apprécie les besoins d'un service et l'expérience professionnelle d'un candidat, ce pouvoir ne la dispense cependant pas de l'obligation d'examiner une demande de bénéficier des dispositions de l'article 31, paragraphe 2, du statut lorsqu'elle est formulée par un candidat fonctionnaire estimant posséder des qualifications exceptionnelles.
45 Par conséquent, la décision du 7 février 1996 modifiant les critères de classement était une décision d'application générale remettant en cause un certain nombre de décisions administratives devenues définitives. Contrairement à ce qu'affirme le Tribunal au point 30 de l'ordonnance attaquée, elle constituait en cela un fait nouveau susceptible, en l'occurrence, de faire grief aux fonctionnaires recrutés avant le 5 octobre 1995. En conséquence, ces derniers devaient être en mesure d'introduire
auprès de la Commission, dans le respect des délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, une demande en vue de bénéficier d'une révision de leur classement.
46 Il s'ensuit que la demande de reclassement formulée par Mme Martínez del Peral Cagigal le 21 juin 1996 était valablement introduite et que le recours formé devant le Tribunal à l'encontre de la décision de rejet de cette demande était recevable.
47 Le moyen étant fondé, il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens.
Sur le fond du recours
48 Conformément à l'article 54 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, l'affaire étant en état d'être jugée, il convient de statuer au fond sur la demande d'annulation de la décision de la Commission du 24 octobre 1996 rejetant la demande de Mme Martínez del Peral Cagigal tendant à obtenir une révision de son classement en grade, confirmée par la décision de la Commission du 29 avril 1997 rejetant la réclamation introduite le 23 janvier 1997.
49 Selon Mme Martínez del Peral Cagigal, ces décisions seraient fondées sur une décision générale entachée d'illégalité. En effet, la décision du 7 février 1996 violerait le principe d'égalité de traitement au motif qu'elle ne s'appliquerait pas aux fonctionnaires nommés avant le 5 octobre 1995.
50 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe d'égalité de traitement, énoncé à l'article 5, paragraphe 3, du statut, est une règle de caractère général, applicable au droit de la fonction publique communautaire. Il existe une discrimination enfreignant cette règle lorsqu'un traitement inégal est appliqué à des situations identiques ou comparables et que cette différenciation n'est pas objectivement justifiée (en ce sens, arrêt du 2 décembre 1982, Micheli e.a./Commission, 198/81 à 202/81,
Rec. p. 4145, points 5 et 6; pour les conditions de recrutement, arrêts du 11 juillet 1985, Hattet e.a./Commission, 66/83 à 68/83 et 136/83 à 140/83, Rec. p. 2459, point 24, et Appelbaum/Commission, 119/83, Rec. p. 2423, point 25).
51 Il convient de constater que, en l'espèce, la décision du 7 février 1996 a traité de manière plus favorable les fonctionnaires nommés après le 5 octobre 1995 que ceux nommés avant cette date puisque ceux qui avaient été nommés après le 5 octobre 1995 pouvaient demander le réexamen de leur classement tandis que ceux qui avaient été nommés avant cette date ne le pouvaient plus.
52 Cette différence de traitement n'est pas objectivement justifiée par le fait que la date du 5 octobre 1995 constitue la date du prononcé de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité. En effet, l'exécution de l'arrêt n'imposait pas, à l'égard des fonctionnaires qui n'étaient pas parties au litige, de retenir cette date pour la prise d'effet de la décision du 7 février 1996. Par ailleurs, si, en adoptant cette décision, la Commission a fait preuve de sollicitude à l'égard des fonctionnaires qui
avaient été nommés après le 5 octobre 1995 et n'avaient pas contesté leur décision de classement dans le délai requis, rien ne permet de justifier ni même d'expliquer pourquoi elle n'a pas étendu cette sollicitude aux fonctionnaires qui avaient été nommés entre 1983 et le 5 octobre 1995 et se trouvaient dans la même situation.
53 Il y a dès lors lieu de constater que, en ce qu'elle traitait de façon inégale des situations comparables sans même énoncer des raisons tendant à justifier objectivement cette différenciation, la décision du 7 février 1996 a violé le principe général d'égalité de traitement énoncé à l'article 5, paragraphe 3, du statut.
54 Il s'ensuit que, en ce qu'elle était fondée sur cette décision générale violant le principe d'égalité de traitement, la décision de la Commission du 24 octobre 1996 rejetant la demande de Mme Martínez del Peral Cagigal tendant à obtenir une révision de son classement en grade, confirmée par la décision de la Commission du 29 avril 1997 rejetant la réclamation introduite le 23 janvier 1997, doit être annulée.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
55 Aux termes de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Mme Martínez del Peral Cagigal ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant
succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, la totalité des dépens exposés par Mme Martínez del Peral Cagigal, tant devant le Tribunal que devant la Cour.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) L'ordonnance du Tribunal de première instance du 14 octobre 1998, Martínez del Peral Cagigal/Commission (T-224/97), est annulée.
2) La décision de la Commission des Communautés européennes du 24 octobre 1996 rejetant la demande de Mme Martínez del Peral Cagigal tendant à obtenir une révision de son classement en grade, confirmée par la décision de la Commission du 29 avril 1997 rejetant la réclamation introduite le 23 janvier 1997, est annulée.
3) La Commission des Communautés européennes est condamnée à l'ensemble des dépens des instances devant le Tribunal et la Cour.