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07/12/2000 | CJUE | N°C-69/99

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord., 07/12/2000, C-69/99


Avis juridique important

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61999J0069

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 7 décembre 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. - Manquement d'Etat - Directive 91/676/CEE - Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources

agricoles - Identification des eaux atteintes par la pollution - Déter...

Avis juridique important

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61999J0069

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 7 décembre 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. - Manquement d'Etat - Directive 91/676/CEE - Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles - Identification des eaux atteintes par la pollution - Détermination des eaux douces superficielles. - Affaire C-69/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-10979

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

États membres - Obligations - Exécution des directives - Manquement non contesté

(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))

Parties

Dans l'affaire C-69/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. R. Wainwright, conseiller juridique principal, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme M. Ewing, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assistée de M. D. Wyatt, QC, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en n'adoptant pas toutes les dispositions nécessaires pour se conformer aux obligations prévues aux articles 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que 5 de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (JO L 375, p. 1), le Royaume Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive et du traité CE,

LA COUR

(troisième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, J.-P. Puissochet et Mme F. Macken (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 juillet 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 février 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en n'adoptant pas toutes les dispositions nécessaires pour se conformer aux obligations prévues aux articles 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que 5 de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à
partir de sources agricoles (JO L 375, p. 1, ci-après la «directive»), le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive et du traité CE.

2 Selon son article 1er, la directive a pour objectif de réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles et de prévenir toute nouvelle pollution de ce type.

3 Aux termes de l'article 2, sous j), de la directive, on entend par «pollution» «le rejet de composés azotés de sources agricoles dans le milieu aquatique, directement ou indirectement, ayant des conséquences de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources vivantes et au système écologique aquatique, à porter atteinte aux agréments ou à gêner d'autres utilisations légitimes des eaux».

4 L'article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

«1. Les eaux atteintes par la pollution et celles qui sont susceptibles de l'être si les mesures prévues à l'article 5 ne sont pas prises sont définies par les États membres en fonction des critères fixés à l'annexe I.

2. Dans un délai de deux ans à compter de la notification de la présente directive, les États membres désignent comme zones vulnérables toutes les zones connues sur leur territoire qui alimentent les eaux définies conformément au paragraphe 1 et qui contribuent à la pollution. Ils notifient cette désignation initiale à la Commission dans un délai de six mois».

5 Aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de la directive, «pour les besoins des objectifs visés à l'article 1er et dans un délai de deux ans à compter de la désignation initiale visée à l'article 3 paragraphe 2 ou d'un an après chaque nouvelle désignation visée à l'article 3 paragraphe 4, les États membres établissent des programmes d'action portant sur les zones vulnérables désignées».

6 Selon l'article 12, paragraphe 1, de la directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci dans un délai de deux ans à compter de sa notification.

7 Il ressort d'une note sous ledit article 12, paragraphe 1, que la directive a été notifiée aux États membres le 19 décembre 1991.

8 L'annexe I, A, points 1 et 2, de la directive prévoit que les eaux visées à l'article 3, paragraphe 1, de celle-ci sont définies en fonction, entre autres, de critères consistant à déterminer si, en ce qui concerne les eaux douces superficielles, notamment celles servant ou destinées au captage d'eau potable, elles contiennent ou risquent de contenir, si les mesures prévues à l'article 5 de ladite directive ne sont pas prises, une concentration de nitrates supérieure à celle prévue par la
directive 75/440/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les États membres (JO L 194, p. 26), et si, en ce qui concerne les eaux souterraines, elles ont, ou risquent d'avoir, une teneur en nitrate supérieure à 50 milligrammes par litre si les mesures prévues à l'article 5 ne sont pas prises.

9 Après avoir reçu notification des mesures prises en application de la directive par le Royaume-Uni, la Commission lui a adressé, le 21 octobre 1996, une lettre de mise en demeure aux fins d'obtenir un complément d'informations au sujet de la mise en oeuvre par cet État membre des articles 3, paragraphes 1 à 4, 4, paragraphe 1, sous a), et 5, paragraphe 4, sous b), de ladite directive.

10 À la suite de l'échange de courriers relatifs aux mesures ainsi adoptées par le Royaume-Uni, la Commission, non satisfaite des réponses fournies, a émis, le 9 juin 1998, un avis motivé dans lequel elle a conclu au non-respect par cet État membre des articles 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que 5 de la directive et l'a invité à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

11 Dans ses réponses communiquées par courriers des 14 octobre, 23 novembre et 7 décembre 1998, ainsi que du 11 janvier 1999, le Royaume-Uni a admis que les griefs exposés par la Commission étaient fondés et il s'est engagé à procéder à la mise en conformité de sa législation nationale avec la directive.

12 C'est dans ces conditions que la Commission a introduit le présent recours.

13 La Commission soutient, tout d'abord, que le Royaume-Uni n'a pas respecté les obligations découlant de l'article 3, paragraphe 1, de la directive. Ce grief s'articule en deux branches.

14 D'une part, elle constate que, au Royaume-Uni, seules les eaux superficielles destinées au captage d'eau potable ont été définies conformément à l'article 3, paragraphe 1, de la directive, alors que celle-ci exige que les eaux douces superficielles qui ne sont pas prévues ou utilisées pour le captage d'eau potable et qui contiennent ou risquent de contenir des concentrations de nitrates excessives soient également identifiées.

15 La Commission en conclut que la définition donnée par le gouvernement du Royaume-Uni aux eaux superficielles, telle que mentionnée à l'article 3, paragraphe 1, de la directive, ne respecte pas les conditions et les critères énoncés par la directive et notamment par son annexe I, A, points 1 et 2.

16 D'autre part, la Commission constate que seules les eaux souterraines destinées à la consommation humaine ont été définies conformément audit article 3, paragraphe 1, alors que la directive exige que la totalité des eaux souterraines qui contiennent ou risquent de contenir, si des mesures ne sont pas prises conformément à son article 5, plus de 50 milligrammes de nitrates par litre soient identifiées.

17 La Commission conclut donc également que le gouvernement du Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, puisque sa définition des eaux souterraines ne tient pas compte de la totalité de ces eaux comme le prévoit l'annexe I, A, point 2, de celle-ci.

18 La Commission reproche ensuite au gouvernement du Royaume-Uni une violation de ses obligations découlant de l'article 3, paragraphe 2, de la directive, en ce qu'il a omis de désigner, conformément à cette disposition, des zones vulnérables en Irlande du Nord. Elle fait valoir que, à la date du 18 décembre 1997, aucune zone vulnérable n'y avait été désignée, bien qu'une zone au moins ait été identifiée, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, comme contenant des eaux atteintes par
la pollution ou susceptibles de l'être. Cette liste aurait dû être dressée le 20 décembre 1995 au plus tard. Elle ajoute que, bien qu'au 11 janvier 1999 trois zones aient été désignées pour l'Irlande du Nord, une telle désignation, comme celle relative à l'ensemble du territoire du Royaume-Uni, se fonde sur une définition incorrecte de ces eaux, telle que celle dénoncée au titre du premier grief, et elle comporte donc nécessairement le risque que la désignation des zones vulnérables imposée par
l'article 3, paragraphe 2, de la directive soit incorrecte.

19 La Commission constate enfin que, au 31 janvier 1997, le gouvernement du Royaume-Uni n'avait pas établi, contrairement aux exigences de l'article 5 de la directive, des programmes d'action portant sur les zones vulnérables désignées au titre de son article 3. Cette obligation aurait dû être remplie dans les quatre ans suivant la notification de la directive, c'est-à-dire pour le 20 décembre 1995 au plus tard.

20 Le gouvernement du Royaume-Uni reconnaît que, en l'espèce, les moyens de la Commission sont fondés et qu'il y a lieu pour la Cour d'y faire droit. Toutefois, il fait valoir qu'il avait initialement retenu une interprétation différente de la portée de la directive en ce qui concerne la définition des «eaux atteintes par la pollution», au titre de l'article 3, paragraphe 1, de cette dernière, et que la transposition de celle-ci dans l'ordre juridique interne était fondée sur cette interprétation.
Par ailleurs, ledit gouvernement fait état des mesures de transposition qu'il a prises ou qui sont en cours d'adoption afin de respecter ses obligations découlant de la directive.

21 Conformément à l'article 189, troisième alinéa, du traité CE (devenu article 249, troisième alinéa, CE), la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre. Cette obligation implique le respect des délais fixés par les directives (voir arrêt du 22 septembre 1976, Commission/Italie, 10/76, Rec. p. 1359, point 12).

22 En outre, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé. Les changements intervenus par la suite ne sauraient donc être pris en compte par la Cour (voir arrêt du 27 octobre 1998, Commission/Irlande, C-364/97, Rec. p. I-6593, point 8).

23 En l'espèce, il ressort du libellé des articles 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que 5 de la directive, lus en combinaison avec l'annexe I, A, points 1 et 2, de celle-ci, que les États membres sont tenus de respecter les obligations suivantes:

- identifier comme eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l'être, si les mesures prévues par l'article 5 de la directive ne sont pas prises, non seulement les eaux destinées à la consommation humaine, mais également la totalité des eaux douces superficielles et des eaux souterraines qui contiennent ou risquent de contenir une concentration de nitrates supérieure à 50 milligrammes par litre (article 3, paragraphe 1);

- désigner, pour le 20 décembre 1993 au plus tard, comme zones vulnérables toutes les zones connues sur leur territoire qui alimentent les eaux ainsi identifiées comme atteintes par la pollution conformément à l'article 3, paragraphe 1 (article 3, paragraphe 2), et

- établir, pour le 20 décembre 1995 au plus tard, des programmes d'action visant à réduire la pollution des eaux par les nitrates et à améliorer la qualité de celles-ci dans les zones vulnérables désignées au titre de l'article 3, paragraphe 2, de la directive ou de remédier à ces problèmes (article 5).

24 Il ressort des pièces de la procédure que, au terme du délai fixé dans l'avis motivé, le Royaume-Uni ne s'est pas conformé à ces obligations, ainsi qu'il le reconnaît lui-même.

25 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer comme fondé le recours introduit par la Commission.

26 Par conséquent, il convient de constater que, en n'adoptant pas toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux obligations prévues aux articles 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que 5 de la directive, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

27 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume-Uni et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(troisième chambre)

déclare et arrête:

1) En n'adoptant pas toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux obligations prévues aux articles 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que 5 de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord est condamné aux dépens.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-69/99
Date de la décision : 07/12/2000
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Directive 91/676/CEE - Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles - Identification des eaux atteintes par la pollution - Détermination des eaux douces superficielles.

Environnement

Pollution


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Macken

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:675

Source

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