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03/10/2000 | CJUE | N°C-458/98

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Industrie des poudres sphériques contre Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, Péchiney électrométallurgie et Chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie., 03/10/2000, C-458/98


Avis juridique important

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61998J0458

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 3 octobre 2000. - Industrie des poudres sphériques contre Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, Péchiney électrométallurgie et Chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie. - Pourvo

i - Antidumping - Règlement (CEE) nº 2423/88 - Calcium-métal - Recevabilité -...

Avis juridique important

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61998J0458

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 3 octobre 2000. - Industrie des poudres sphériques contre Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, Péchiney électrométallurgie et Chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie. - Pourvoi - Antidumping - Règlement (CEE) nº 2423/88 - Calcium-métal - Recevabilité - Reprise d'une procédure antidumping après annulation du règlement instituant un droit antidumping - Droits de la défense. - Affaire C-458/98 P.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-08147

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1 Pourvoi - Moyens - Recevabilité - Conditions - Moyen ne visant pas l'intégralité du raisonnement du Tribunal - Absence d'incidence

(Statut de la Cour de justice CE, art. 51, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, c))

2 Pourvoi - Moyens - Moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi - Irrecevabilité

(Statut de la Cour de justice CE, art. 51)

3 Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Annulation d'un règlement instituant des droits antidumping - Reprise de l'enquête - Période de référence

(Traité CE, art. 174 et 176 (devenus art. 231 CE et 233 CE); règlement du Conseil n_ 2423/88, art. 7, § 1, c), et 13)

4 Droit communautaire - Principes - Droits de la défense - Respect dans le cadre des procédures administratives

Sommaire

1 Il résulte de l'article 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt du Tribunal ainsi que les arguments juridiques au soutien de la demande d'annulation de celui-ci.

Le fait qu'un pourvoi ou le moyen d'un pourvoi ne vise pas toutes les raisons qui ont amené le Tribunal à prendre position sur une question ne conduit pas à l'irrecevabilité de ce moyen. (voir points 65-67)

2 Permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu'elle n'a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l'examen de l'appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui. (voir point 74)

3 En vertu des articles 174 et 176 du traité (devenus articles 231 CE et 233 CE), l'institution ou les institutions dont émane l'acte annulé sont tenues de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour.

Afin de se conformer à un arrêt d'annulation et lui donner pleine exécution, les institutions sont tenues de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu'ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. En effet, ce sont ces motifs qui, d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autre part, font apparaître
les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif et que les institutions concernées doivent prendre en considération en remplaçant l'acte annulé.

La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l'illégalité est intervenue.

S'agissant de l'annulation d'un règlement instituant un droit antidumping définitif, fondée sur des circonstances relatives à la détermination du préjudice survenues au cours de la procédure antidumping et qui ne concernent ni n'affectent l'ouverture de la procédure, la Commission peut approfondir la question de la détermination du préjudice dans le cadre de la procédure antidumping toujours ouverte.

Concernant le choix de la période de référence, la période prévue par l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement antidumping de base n_ 2423/88 est indicative et non impérative. En outre, les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation quant à la détermination de la période à prendre en considération aux fins de la constatation du préjudice dans le cadre d'une procédure antidumping. Enfin, il résulte de l'économie du règlement de base que le préjudice doit être établi par rapport
au moment de l'adoption d'un éventuel acte instituant des mesures de défense. En effet, l'institution des droits antidumping ne constitue pas une sanction d'un comportement antérieur mais une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping. C'est ainsi que les droits antidumping ne peuvent, en règle générale, en vertu de l'article 13 dudit règlement antidumping de base, être institués ni augmentés avec effet rétroactif.

Afin de pouvoir fixer des droits antidumping qui sont propres à protéger l'industrie communautaire contre les pratiques de dumping, il est donc nécessaire de mener l'enquête sur la base d'informations aussi actuelles que possible. L'ouverture d'une enquête, au sens de l'article 7 du règlement antidumping de base n_ 2423/88, que ce soit l'ouverture d'une procédure antidumping ou dans le cadre du réexamen d'un règlement instituant des droits antidumping, est toujours subordonnée à l'existence
d'éléments de preuve suffisants de l'existence d'un dumping et du préjudice qui en résulte. Il en va de même de la réouverture de l'enquête, dans le cadre d'une procédure antidumping toujours ouverte, à la suite d'un arrêt annulant un règlement instituant des droits antidumping. (voir points 80-82, 84-85, 88-92, 94)

4 Dans l'accomplissement de leur devoir d'information, les institutions communautaires doivent agir avec toute la diligence requise en cherchant à donner aux entreprises concernées, dans la mesure où le respect du secret des affaires demeure assuré, des indications utiles à la défense de leurs intérêts et en choisissant, le cas échéant d'office, les modalités appropriées d'une telle communication. Les entreprises intéressées doivent, en tout état de cause, avoir été mises en mesure, au cours de la
procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait. (voir point 99)

Parties

Dans l'affaire C-458/98 P,

Industrie des poudres sphériques, établie à Annemasse (France), représentée par Me C. Momège, avocat au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me A. May, 398, route d'Esch,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (cinquième chambre élargie) du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil (T-2/95, Rec. p. II-3939), et tendant à l'annulation de cet arrêt, les autres parties à la procédure étant: Conseil de l'Union européenne, représenté par M. S. Marquardt, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de M. P. Bentley, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A.
Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer, partie défenderesse en première instance,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. N. Khan et X. Lewis, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

Péchiney électrométallurgie, établie à Courbevoie (France),

et

Chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie, établie à Paris (France),

représentées par Mes O. d'Ormesson et O. Prost, avocats au barreau de Paris,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O Edward, président de chambre, P. J. G. Kapteyn, A. La Pergola, P. Jann et H. Ragnemalm (rapporteur), juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 mars 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 décembre 1998, la société Industrie des poudres sphériques, anciennement Extramet Industrie (ci-après «IPS»), a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil (T-2/95, Rec. p. II-3939, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l'annulation du règlement (CE) n_ 2557/94 du
Conseil, du 19 octobre 1994, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de calcium-métal originaire de la république populaire de Chine et de Russie (JO L 270, p. 27, ci-après le «règlement litigieux»).

Le cadre réglementaire

2 Il ressort du règlement (CEE) n_ 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après le «règlement de base»), que la procédure antidumping comprend plusieurs phases, parmi lesquelles la phase de l'enquête.

3 L'article 7 du règlement de base est intitulé «Ouverture et déroulement de l'enquête».

4 L'article 7, paragraphe 1, du règlement de base prévoit:

«Lorsque, à l'issue des consultations, il apparaît qu'il existe des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure, la Commission doit immédiatement:

a) annoncer l'ouverture d'une procédure au Journal officiel des Communautés européennes; cette annonce indique le produit et les pays concernés, fournit un résumé des informations reçues et précise que toute information utile doit être communiquée à la Commission; elle fixe le délai dans lequel les parties intéressées peuvent faire connaître leur point de vue par écrit et demander à être entendues oralement par la Commission conformément au paragraphe 5;

b) en aviser officiellement les exportateurs et importateurs connus par la Commission comme étant concernés, de même que les représentants du pays d'exportation et les plaignants;

c) commencer l'enquête au niveau communautaire, en coopération avec les États membres; cette enquête porte à la fois sur le dumping ou la subvention et sur le préjudice en résultant et est menée conformément aux paragraphes 2 à 8; l'enquête sur le dumping ou sur l'octroi de subventions couvre normalement une période d'une durée minimale de six mois immédiatement antérieure à l'ouverture de la procédure.»

5 L'article 7, paragraphe 4, du règlement de base dispose:

«a) Le plaignant et les importateurs et exportateurs notoirement concernés, ainsi que les représentants du pays exportateur, peuvent prendre connaissance de tous les renseignements fournis à la Commission par toute partie concernée par l'enquête, à l'exception des documents internes établis par les autorités de la Communauté ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu'ils ne soient pas confidentiels au sens de l'article 8 et
qu'ils soient utilisés par la Commission dans l'enquête. Les personnes concernées adressent, à cet effet, une demande écrite à la Commission en indiquant les renseignements sollicités.

b) Les exportateurs et importateurs du produit faisant l'objet de l'enquête et, en cas de subventions, les représentants du pays d'exportation peuvent demander à être informés des principaux faits et considérations sur la base desquels il est envisagé de recommander l'imposition de droits définitifs ou la perception définitive des montants garantis par un droit provisoire.

c) i) Les demandes d'information présentées au titre du point b) doivent:

aa) être adressées par écrit à la Commission,

...

...»

6 L'article 13 du règlement de base, intitulé «Dispositions générales en matière de droits», indique, en son paragraphe 4, sous a):

«Les droits antidumping et compensateurs ne peuvent être institués ni augmentés avec effet rétroactif. ...»

Les faits à l'origine du litige et la procédure devant le Tribunal

7 IPS est une entreprise spécialisée dans la production, à partir de calcium-métal primaire, de calcium-métal divisé sous forme de granulés de métaux réactifs. Le calcium-métal primaire est produit dans cinq pays: la France (par la société Péchiney électrométallurgie, ci-après «PEM»), la Chine, la Russie, le Canada et les États-Unis d'Amérique.

8 En vue de s'approvisionner en calcium-métal primaire, IPS s'est adressée, dès l'origine, au producteur communautaire, qui est PEM. Elle a également importé le calcium-métal primaire de Chine et d'Union soviétique.

9 À l'issue du dépôt, en 1987, d'une plainte par la Chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie (ci-après la «chambre syndicale»), agissant pour le compte de PEM, la Commission a ouvert une procédure antidumping en application du règlement (CEE) n_ 2176/84 du Conseil, du 23 juillet 1984, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 201, p. 1).

10 La Commission a ensuite, par règlement (CEE) n_ 707/89, du 17 mars 1989, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de calcium-métal originaire de la république populaire de Chine et d'Union soviétique (JO L 78, p. 10), imposé un droit antidumping provisoire de 10,7 % sur les importations en question.

11 À l'issue d'une prorogation du droit antidumping provisoire, le Conseil a, par règlement (CEE) n_ 2808/89, du 18 septembre 1989, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de calcium-métal originaires de la république populaire de Chine et d'Union soviétique et portant perception définitive du droit antidumping provisoire institué sur ces importations (JO L 271, p. 1), imposé des droits antidumping définitifs de 21,8 % et 22 %.

12 Le 27 novembre 1989, la requérante a introduit un recours devant la Cour visant à l'annulation de ce règlement.

13 Le recours a été déclaré recevable par arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil (C-358/89, Rec. p. I-2501, ci-après l'«arrêt Extramet I»).

14 Par arrêt du 11 juin 1992, Extramet Industrie/Conseil (C-358/89, Rec. p. I-3813, ci-après l'«arrêt Extramet II»), la Cour a annulé le règlement n_ 2808/89, au motif que les institutions communautaires, d'une part, n'avaient pas effectivement examiné la question de savoir si le producteur communautaire du produit visé par le règlement en cause, à savoir PEM, n'avait pas lui-même contribué par son refus de vente au préjudice subi et, d'autre part, n'avaient pas établi que le préjudice retenu ne
résultait pas des facteurs allégués par la requérante, de sorte qu'elles n'avaient pas correctement procédé à la détermination du préjudice subi.

15 À l'issue de l'arrêt Extramet II, PEM a adressé le 1er juillet 1992 à la Commission un mémoire à l'appui d'une réouverture de l'enquête ainsi qu'une note de nature technique sur l'appréciation du préjudice subi par l'industrie communautaire (ci-après la «note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992»).

16 Estimant que l'enquête «reprend de jure», la Commission a invité IPS, par lettre du 17 juillet 1992, à formuler ses observations sur l'appréciation du préjudice subi par l'industrie communautaire. Dans ce courrier, elle a précisé qu'elle avait demandé à PEM de présenter ses observations sur la même question.

17 Par lettre du 14 août 1992, IPS a contesté le bien-fondé de l'interprétation retenue par la Commission quant à la possibilité juridique de reprendre l'enquête. Elle a demandé qu'une décision en bonne et due forme, susceptible de recours, lui soit adressée.

18 Par lettre du 21 août 1992, IPS a réitéré cette dernière demande.

19 Le 14 octobre 1992, IPS a reçu de la Commission la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992.

20 Le 14 novembre 1992, la Commission a publié un avis relatif à la procédure antidumping concernant les importations de calcium-métal originaires de la république populaire de Chine et de la Russie (JO C 298, p. 3, ci-après l'«avis relatif à la procédure antidumping»).

21 Par lettre du 18 novembre 1992, la Commission a informé IPS de la publication de l'avis et lui a demandé de lui retourner des questionnaires dans un délai de 30 jours. Elle a indiqué que la nouvelle période d'enquête allait du 1er juillet 1991 au 31 octobre 1992.

22 Par lettre du 23 décembre 1992, IPS a présenté à la Commission ses observations sur la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992.

23 Par lettre du 29 juillet 1993, la Commission a demandé à IPS de porter à sa connaissance tous les faits de nature à éclairer son jugement, notamment en ce qui concerne la question du préjudice. Par lettre du 12 août 1993, IPS a répondu qu'elle n'avait pas de nouvelles informations à apporter sur cette question, la situation n'ayant guère évolué depuis sa lettre du 23 décembre 1992.

24 Le 21 avril 1994, la Commission a adopté le règlement (CE) n_ 892/94, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de calcium-métal originaires de la république populaire de Chine et de Russie (JO L 104, p. 5, ci-après le «règlement provisoire»).

25 Le 31 mai 1994, IPS a déposé ses observations sur le règlement provisoire, émettant de nombreuses réserves à l'encontre de celui-ci. La Commission a répondu à ces observations par lettre du 14 juin 1994.

26 Le 11 août 1994, la Commission a communiqué à IPS les principaux faits et considérations sur la base desquels il était envisagé de proposer l'imposition d'un droit antidumping définitif sur les importations de calcium-métal originaires de la république populaire de Chine et de Russie.

27 Le 19 octobre 1994, sur proposition de la Commission, le Conseil a adopté le règlement litigieux.

28 Le 9 janvier 1995, IPS a introduit devant le Tribunal un recours ayant pour objet l'annulation du règlement litigieux ou, à titre subsidiaire, la déclaration de son inopposabilité à IPS. En outre, IPS a conclu à la condamnation du Conseil aux dépens.

29 Le Conseil a conclu au rejet du recours et à la condamnation d'IPS aux dépens. La Commission, PEM et la chambre syndicale, intervenant au soutien du Conseil, ont conclu au rejet du recours et à la condamnation d'IPS aux dépens, y compris ceux occasionnés par les interventions de PEM et de la chambre syndicale.

L'arrêt attaqué

Sur la recevabilité

30 Devant le Tribunal, le Conseil et la Commission ont soutenu que le recours d'IPS était irrecevable.

31 La Commission a affirmé que les éléments constitutifs d'une situation particulière caractérisant la requérante par rapport à tout autre opérateur économique, tels qu'ils avaient été relevés dans l'arrêt Extramet I, n'étaient pas réunis en l'espèce. En effet, l'élément qui avait distingué la situation de la requérante par rapport à celle d'importateurs indépendants requérants dans d'autres affaires, à savoir les difficultés qu'elle éprouvait à s'approvisionner auprès de PEM, seul producteur
communautaire, aurait été absent en l'espèce.

32 Le Tribunal a indiqué que la Cour, dans l'arrêt Extramet I, n'avait pas fondé la recevabilité du recours exclusivement sur les difficultés éprouvées par la requérante pour s'approvisionner auprès du seul producteur communautaire. La Cour se serait en réalité fondée sur différents éléments constitutifs d'une situation particulière caractérisant la requérante par rapport à tout autre opérateur économique (point 52).

33 Estimant que ces circonstances étaient toujours actuelles, le Tribunal a déclaré le recours recevable en considérant qu'IPS était affectée directement et individuellement par le règlement litigieux (point 54).

Sur le fond

34 À l'appui de son recours devant le Tribunal, la requérante a invoqué sept moyens tirés, premièrement, d'une violation des articles 5 et 7, paragraphe 9, du règlement de base ainsi que d'une méconnaissance de l'autorité de la chose jugée et des conditions de régularisation d'un acte administratif, deuxièmement, d'une violation des articles 7 et 8 du règlement de base ainsi que des droits de la défense, troisièmement, d'une violation des articles 4, paragraphe 4, et 2, paragraphe 12, du règlement
de base et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la similarité des produits, quatrièmement, d'une violation de l'article 4 du règlement de base et d'une erreur manifeste d'appréciation du préjudice de l'industrie communautaire, cinquièmement, d'une violation de l'article 12 du règlement de base et d'une erreur manifeste d'appréciation, sixièmement, d'une violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) et, septièmement, d'un détournement de pouvoir.

Sur le premier moyen

35 IPS a articulé son premier moyen en trois branches. En premier lieu, la reprise de l'enquête n'aurait reposé sur aucun fondement juridique, puisqu'elle n'était pas prévue dans le règlement de base. En second lieu, elle aurait porté atteinte à l'autorité de la chose jugée en aboutissant, contrairement au principe de sécurité juridique, à la régularisation d'une procédure annulée par la Cour. En troisième lieu, à supposer admissible en droit communautaire le principe d'une régularisation, les
conditions d'une reprise de l'enquête, c'est-à-dire d'une régularisation, n'auraient pas été remplies en l'espèce.

36 Le Tribunal a indiqué que l'absence, dans le règlement de base, de dispositions spécifiques concernant les conséquences juridiques d'un arrêt d'annulation ne saurait être interprétée comme excluant toute possibilité pour les institutions de reprendre tant l'enquête que la procédure dans le cadre de laquelle les mesures définitives annulées ont été adoptées. En effet, selon l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE), il appartient à l'institution concernée de tirer les conséquences
adéquates d'un arrêt d'annulation. Dans ces conditions, l'annulation d'un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n'entraîne pas nécessairement l'annulation de toute la procédure précédant l'adoption de l'acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l'arrêt d'annulation (point 91).

37 Le Tribunal a souligné que, dans l'arrêt Extramet II, la Cour avait annulé le règlement n_ 2808/89 au motif que les institutions communautaires n'avaient pas correctement procédé à la détermination du préjudice. Dès lors, les mesures préalables préparatoires à l'enquête, et notamment l'ouverture de la procédure au titre de l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base, n'avaient pas été affectées par l'illégalité relevée par la Cour (point 94). Selon le Tribunal, la Commission pouvait donc
valablement reprendre la procédure en se fondant sur tous les actes de la procédure n'ayant pas été affectés par la nullité prononcée par la Cour. Néanmoins, la Commission ayant décidé de mener une nouvelle enquête qui portait sur une autre période de référence s'est posée la question de savoir si les conditions résultant du règlement de base avaient été respectées en l'espèce (point 95).

38 Le Tribunal a relevé qu'il résulte de l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base que l'existence d'éléments prouvant des pratiques de dumping causant un préjudice à l'industrie communautaire est la condition matérielle nécessaire et suffisante d'une action de la Communauté en matière de dumping (point 97) et que les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer la période à prendre en considération aux fins de la constatation du préjudice subi (point 96).

39 En l'espèce, le Tribunal a constaté qu'aucun élément ne permettait à la Commission de supposer que les pratiques de dumping avaient cessé ni que l'industrie communautaire ne subissait plus de préjudices. Au contraire, la Commission avait reçu un mémoire de PEM à l'appui de la réouverture de l'enquête ainsi que la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992 (point 98). Dans ces conditions, la Commission n'avait pas dépassé sa marge d'appréciation en décidant de continuer la procédure
déjà ouverte en 1989 et en menant une nouvelle enquête sur la base d'une autre période de référence (point 99). Dès lors, le Tribunal a conclu que le premier moyen de la requérante n'était pas fondé (point 100).

40 Le Tribunal a ajouté que la modification de la période de l'enquête n'avait pas porté atteinte aux droits tirés par IPS de l'ouverture de la procédure en 1989 (point 101).

Sur le deuxième moyen et les moyens suivants

41 Le deuxième moyen d'IPS, tiré d'une violation des articles 7 et 8 du règlement de base ainsi que des droits de la défense, a également été formulé en trois branches.

42 La première branche était fondée sur une violation des droits de la défense dans la mesure où la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992 n'aurait été communiquée à la requérante que le 14 octobre 1992.

43 Le Tribunal a constaté qu'IPS avait admis que la connaissance du contenu de la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992 n'était pas indispensable et ne l'avait pas empêchée de faire valoir son point de vue sur la question de savoir si la Commission était en droit de reprendre l'enquête (point 110) et que, en tout état de cause, IPS était, dès le 14 octobre 1992, en mesure de faire valoir son point de vue quant à l'existence des conditions de fond justifiant la reprise de l'enquête
(point 111). Dès lors, la transmission le 14 octobre 1992 de la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992 ne constituait pas une violation des droits procéduraux d'IPS (point 112).

44 Au surplus, le Tribunal a constaté que, en l'absence d'une demande de la requérante, en vertu de l'article 7, paragraphe 4, sous a), du règlement de base, de communication de la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992, la Commission n'avait aucune obligation d'informer IPS du contenu de celle-ci (point 113).

45 S'agissant de la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d'une violation de l'article 7, paragraphe 4, du règlement de base et d'une méconnaissance de l'article 8 du même règlement, IPS a reproché à la Commission de ne pas avoir transmis certains documents déposés par PEM, à savoir, notamment, une note du 5 août 1993 concernant le travail technique effectué à l'usine de PEM de La Roche-de-Rame (ci-après la «note technique du 5 août 1993»).

46 Après avoir indiqué que la Commission ne s'était pas acquittée de ses obligations en matière d'accès au dossier en ce qui concerne la note technique du 5 août 1993 (point 142), le Tribunal a relevé qu'IPS avait pu présenter ses observations sur cette note en temps utile avant l'adoption du règlement litigieux excepté sur trois points confidentiels qui n'avaient pas été communiqués à IPS ni résumés à son intention. Toutefois, IPS ne contestait pas l'impossibilité, invoquée par la Commission, de
procéder à l'élaboration d'un résumé non confidentiel de ces trois éléments confidentiels. En tout état de cause, IPS ne prétendait pas qu'elle n'avait pas été en mesure d'exprimer son point de vue à l'égard de la note technique du 5 août 1993 à cause de la non-communication de ces trois éléments (points 143 et 144). Dans ces conditions, la deuxième branche du moyen a été rejetée.

47 La troisième branche du deuxième moyen ainsi que les autres moyens invoqués par IPS ont également été rejetés par le Tribunal. Le recours ayant été rejeté dans son ensemble, IPS a été condamnée aux dépens.

Le pourvoi

48 IPS conclut qu'il plaise à la Cour annuler l'arrêt attaqué, statuer définitivement sur le litige et condamner le Conseil, la Commission ainsi que toutes les parties intervenantes aux dépens des procédures en référé et au fond devant le Tribunal ainsi qu'aux dépens de la présente procédure.

49 En premier lieu, IPS fait valoir que le Tribunal a violé les articles 174 du traité CE (devenu article 231 CE) et 176 du traité ainsi que le règlement de base en constatant que la Commission pouvait valablement reprendre la procédure sur la base d'une autre période de référence. En outre, selon IPS, le Tribunal a méconnu les principes de proportionnalité et de la confiance légitime dans l'application de l'article 176 du traité.

50 En second lieu, IPS fait valoir que le Tribunal a méconnu le principe fondamental du respect des droits de la défense et, notamment, l'article 7, paragraphe 4, du règlement de base, en considérant que les irrégularités dans le déroulement de la procédure n'avaient pas affecté les droits de la défense d'IPS. Elle fait valoir, en particulier, que ses droits procéduraux ont été violés par la communication tardive de la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992 et de la note technique
du 5 août 1993.

51 Le Conseil demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner IPS aux dépens de la présente procédure.

52 La Commission conclut, à titre reconventionnel, qu'il plaise à la Cour annuler l'arrêt attaqué et déclarer le recours d'IPS devant le Tribunal irrecevable. Subsidiairement, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi. En tout état de cause, la Commission demande à la Cour de condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité du recours d'IPS devant le Tribunal

53 La Commission soutient, à titre reconventionnel, que le recours d'IPS devant le Tribunal aurait dû être déclaré irrecevable. Elle fait valoir que la partie de l'arrêt attaqué concernant la recevabilité est entachée d'une erreur de droit dans son application de l'arrêt Extramet I et qu'elle est fondée sur une motivation contradictoire ou insuffisante.

54 La Commission prétend que la constatation, faite au point 53 de l'arrêt attaqué, selon laquelle «la Commission ne conteste pas que PEM n'est pas en mesure de fournir du calcium-métal primaire de qualité standard présentant les caractéristiques souhaitées par la requérante, ce qui montre bien que celle-ci continue à éprouver effectivement des difficultés pour s'approvisionner auprès de PEM», est en contradiction avec d'autres constatations de fait plus détaillées sur la similarité des produits et
la volonté de PEM de livrer IPS qui figurent aux points 219, 235, 249 à 256 et 308 du même arrêt.

55 En effet, les constatations du Tribunal dans l'arrêt attaqué en ce qui concerne le fond de l'affaire concorderaient parfaitement avec les raisons pour lesquelles la Commission a soulevé l'irrecevabilité de la requête. La Commission estime que, mise à part la question du prix, IPS pouvait en réalité s'approvisionner auprès de PEM, ainsi que l'ont fait d'autres opérateurs. Étant donné que rien ne distinguerait IPS de ces autres opérateurs, le recours devant le Tribunal aurait dû, en vertu d'une
application correcte de l'arrêt Extramet I, être déclaré irrecevable.

56 À cet égard, il convient de relever que la constatation figurant au point 53 de l'arrêt attaqué, selon laquelle IPS éprouvait toujours des difficultés pour s'approvisionner auprès de PEM, n'est pas en contradiction avec les autres parties du même arrêt qui sont visées par la Commission. La constatation relevée au point 53 est notamment confirmée par les points 249 à 256 de l'arrêt attaqué desquels il ressort que PEM n'avait pas réussi à satisfaire les besoins techniques d'IPS relatifs au produit
concerné. Dès lors, il y a lieu de relever que la Commission n'a démontré aucune contradiction entre le point 53 de l'arrêt attaqué et les autres parties du même arrêt.

57 Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans l'arrêt attaqué comme dans l'arrêt Extramet I, la recevabilité du recours n'a pas été fondée exclusivement sur les difficultés éprouvées par la requérante pour s'approvisionner auprès du seul producteur communautaire, mais sur différents éléments, constitutifs d'une situation particulière caractérisant IPS, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique.

58 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n'a pas démontré que le Tribunal aurait commis une erreur en déclarant le recours recevable.

59 Il s'ensuit que la demande reconventionnelle de la Commission doit être rejetée.

Sur la recevabilité du pourvoi

60 Selon la Commission, le premier moyen du pourvoi est irrecevable, au motif qu'il ne vise que les points 91, 95, 97 et 99 de l'arrêt attaqué comme étant ceux entachés d'une erreur de droit, alors que ces points ne contiendraient pas l'expression exhaustive des raisons pour lesquelles le Tribunal a rejeté le premier moyen d'annulation. En effet, au point 101 de l'arrêt attaqué figurerait une raison supplémentaire, à savoir le fait que la procédure suivie par la Commission en reprenant l'enquête a
fourni à IPS toutes les garanties de procédure dont elle aurait bénéficié si la Commission avait ouvert une nouvelle enquête à la suite d'une nouvelle plainte déposée par PEM. La Commission estime qu'il ne ressort pas du pourvoi avec la clarté requise que celui-ci vise le point 101 de l'arrêt attaqué ni, en tout état de cause, les motifs pour lesquels ce point serait visé.

61 IPS lui ayant répliqué sur ce point, la Commission soutient que l'argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait, au point 101 de l'arrêt attaqué, dénaturé les faits a été invoqué pour la première fois au stade de la réplique. Elle conclut donc à l'irrecevabilité de cet argument au motif qu'il n'est pas possible d'introduire de nouveaux moyens en cours d'instance.

62 En outre, la Commission soutient que l'argument avancé par IPS dans le cadre du premier moyen selon lequel le Tribunal aurait méconnu les principes de proportionnalité et de la confiance légitime dans l'application de l'article 176 du traité constitue en réalité un nouveau moyen qui est irrecevable au stade du pourvoi.

63 En ce qui concerne le second moyen, la Commission prétend, d'une part, que la partie du moyen qui concerne la violation de l'article 7, paragraphe 4, du règlement de base en tant que le Tribunal a jugé que la transmission tardive de la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992 n'affectait pas les droits procéduraux d'IPS est irrecevable, au motif que la requête d'IPS devant le Tribunal ne faisait pas référence à cet article s'agissant de la transmission de ladite note.

64 S'agissant, d'autre part, de la note technique du 5 août 1993, la Commission considère qu'IPS cherche à soulever la question de fait de la volonté de PEM de livrer à IPS, laquelle a été tranchée par le Tribunal et est irrecevable au stade du pourvoi.

65 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, conformément à l'article 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l'incompétence du Tribunal, d'irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par le Tribunal. L'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure précise que le pourvoi doit
contenir les moyens et arguments de droit invoqués.

66 Il résulte de ces deux dispositions qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt du Tribunal ainsi que les arguments juridiques au soutien de la demande d'annulation de celui-ci.

67 Or, il convient de constater que le fait qu'un pourvoi ou le moyen d'un pourvoi ne vise pas toutes les raisons qui ont amené le Tribunal à prendre position sur une question ne conduit pas à l'irrecevabilité de ce moyen.

68 L'argument de la Commission selon lequel le premier moyen devrait être déclaré irrecevable au motif qu'il ne vise pas avec la clarté requise le point 101 de l'arrêt attaqué doit, pour cette seule raison, être rejeté.

69 Au surplus, il convient de relever, ainsi que l'indique M. l'avocat général au point 59 de ses conclusions, qu'IPS invoque le point 101 de l'arrêt attaqué avec la précision requise dans la mesure où, d'une part, le premier moyen du pourvoi se réfère au raisonnement contenu dans les points 87 à 102 de l'arrêt attaqué pour estimer que le Tribunal a violé le droit communautaire et, d'autre part, la constatation du Tribunal, qui figure au point 101 de l'arrêt attaqué, selon laquelle la modification
de la période d'enquête n'aurait pas porté atteinte aux droits d'IPS, est critiquée au point 98 du pourvoi.

70 Quant à l'argument d'IPS selon lequel le Tribunal aurait dénaturé les faits au point 101 de l'arrêt attaqué, il y a lieu de constater, ainsi que l'indique la Commission, que, conformément à l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins qu'ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

71 À cet égard, il suffit de relever que la prétendue dénaturation des faits par le Tribunal, invoquée par IPS dans sa réplique, ne se fonde pas sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés entre l'introduction du pourvoi et le dépôt de la réplique. Le premier moyen est donc irrecevable en tant qu'il allègue une prétendue dénaturation des faits par le Tribunal au point 101 de l'arrêt attaqué.

72 Par ailleurs, s'agissant de la prétendue irrecevabilité de l'argumentation d'IPS fondée sur les principes de proportionnalité et de la confiance légitime, il y a lieu de faire les constatations suivantes.

73 S'il est vrai qu'IPS a critiqué la modification de la période de l'enquête devant le Tribunal, elle n'a pas prétendu que cette modification était contraire aux principes de proportionnalité et de la confiance légitime. Bien que le pourvoi prétende que le Tribunal a enfreint ces principes en interprétant l'article 176 du traité, en réalité, ainsi que la Commission l'a relevé, le pourvoi reproche tout simplement au règlement litigieux de les avoir violés.

74 Or, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu'elle n'a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l'examen de l'appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1994,
Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981, point 59, et du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7/95 P, Rec. p. I-3111, point 62).

75 Il convient donc de conclure que le premier moyen est également irrecevable en tant qu'il invoque une prétendue violation des principes de proportionnalité et de la confiance légitime.

76 En ce qui concerne le second moyen, il y a lieu d'indiquer que, si IPS n'a pas explicitement mentionné l'article 7, paragraphe 4, du règlement de base dans son argumentation devant le Tribunal, s'agissant de la transmission de la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992, son argumentation a été interprétée par ce dernier comme visant ladite disposition.

77 S'agissant de la note technique du 5 août 1993, il suffit de constater qu'IPS a invoqué une violation du droit communautaire par le Tribunal - à savoir le non-respect des droits de la défense - qui est recevable au stade du pourvoi.

78 Dès lors, il y a lieu de constater, d'une part, que le premier moyen d'IPS est recevable à l'exception des arguments qui concernent la prétendue violation des principes de proportionnalité et de la confiance légitime ainsi que la prétendue dénaturation des faits par le Tribunal au point 101 de l'arrêt attaqué et, d'autre part, que le second moyen du pourvoi est recevable dans son intégralité.

Sur le premier moyen

79 Par son premier moyen, IPS soutient que le Tribunal a violé les articles 174 et 176 du traité ainsi que le règlement de base en admettant que la Commission pouvait, malgré l'arrêt Extramet II, rouvrir l'enquête sur la base d'une autre période de référence sans pour autant ouvrir une nouvelle procédure antidumping.

80 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu des articles 174 et 176 du traité, l'institution ou les institutions dont émane l'acte annulé sont tenues de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour.

81 Afin de se conformer à un arrêt d'annulation et lui donner pleine exécution, les institutions sont tenues de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu'ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. En effet, ce sont ces motifs qui, d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autre part, font
apparaître les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif et que les institutions concernées doivent prendre en considération en remplaçant l'acte annulé (arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 27).

82 La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l'illégalité est intervenue (arrêt du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C-415/96, Rec. p. I-6993, point 31).

83 Dans l'arrêt Extramet II, la Cour a annulé le règlement n_ 2808/89 après avoir constaté, au point 19 de cet arrêt, que les institutions communautaires n'avaient pas correctement procédé à la détermination du préjudice causé à la production communautaire. La Cour a précisé qu'il n'apparaissait pas que les institutions communautaires eussent effectivement examiné la question de savoir si PEM n'avait pas elle-même contribué par son refus de vente au préjudice subi et établi que le préjudice retenu
ne découlait pas des facteurs allégués par la requérante.

84 L'annulation du règlement n_ 2808/89 était donc fondée sur des circonstances qui se sont produites au cours de la procédure antidumping, plus exactement au cours de l'enquête. Ces circonstances ne concernaient et n'affectaient pas l'ouverture de la procédure.

85 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission pouvait, sans violer le dispositif ou les motifs de l'arrêt Extramet II, approfondir la question de la détermination du préjudice dans le cadre de la procédure antidumping toujours ouverte.

86 Toutefois, la question se pose de savoir si la Commission a satisfait aux dispositions du règlement de base en matière de procédure antidumping, notamment en menant l'enquête sur la base d'une autre période de référence que celle qui avait été choisie pour l'enquête initiale.

87 IPS soutient, notamment, que la modification de la période de référence est contraire à l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement de base, qui prévoit que l'enquête sur le dumping couvre normalement une période d'une durée minimale de six mois immédiatement antérieure à l'ouverture de la procédure.

88 À cet égard, il y a tout d'abord lieu d'indiquer que la période prévue par l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement de base est indicative et non impérative (voir, mutatis mutandis, arrêt du 12 mai 1989, Continentale Produkten-Gesellschaft Erhardt-Renken, 246/87, Rec. p. 1151, point 8).

89 Ensuite, il convient de constater que les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation quant à la détermination de la période à prendre en considération aux fins de la constatation du préjudice dans le cadre d'une procédure antidumping (voir, notamment, arrêt du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, point 86).

90 Il y a enfin lieu de relever qu'il résulte de l'économie du règlement de base que le préjudice doit être établi par rapport au moment de l'adoption d'un éventuel acte instituant des mesures de défense (arrêt du 28 novembre 1989, Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon kai Naftiliakon e.a./Conseil, C-121/86, Rec. p. 3919, point 35).

91 En effet, l'institution des droits antidumping ne constitue pas une sanction d'un comportement antérieur mais une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping. C'est ainsi que les droits antidumping ne peuvent, en règle générale, en vertu de l'article 13 du règlement de base, être institués ni augmentés avec effet rétroactif.

92 Afin de pouvoir fixer des droits antidumping qui sont propres à protéger l'industrie communautaire contre les pratiques de dumping, il est donc nécessaire de mener l'enquête sur la base d'informations aussi actuelles que possible.

93 En l'occurrence, le choix par la Commission d'une période de référence allant du 1er juillet 1991 au 31 octobre 1992 et précédant la publication, le 14 novembre 1992, de l'avis relatif à la procédure antidumping apparaît donc comme justifié et conforme aux objectifs du règlement de base.

94 Concernant ce choix, il convient cependant de rappeler que l'ouverture d'une enquête, au sens de l'article 7 du règlement de base, que ce soit l'ouverture d'une procédure antidumping ou dans le cadre du réexamen d'un règlement instituant des droits antidumping, est toujours subordonnée à l'existence d'éléments de preuve suffisants de l'existence d'un dumping et du préjudice qui en résulte (arrêt du 10 février 1998, Commission/NTN et Koyo Seiko, C-245/95 P, Rec. p. I-401, point 38). Il en va de
même de la réouverture de l'enquête, dans le cadre d'une procédure antidumping toujours ouverte, à la suite d'un arrêt annulant un règlement instituant des droits antidumping.

95 À cet égard, il y a lieu de préciser que le Tribunal a constaté, au point 98 de l'arrêt attaqué, que, postérieurement à l'arrêt Extramet II, PEM a actualisé les données contenues dans sa plainte du mois de juillet 1987 en fournissant une analyse détaillée des différents éléments fondant l'imposition de mesures antidumping, à savoir la valeur normale, le prix à l'exportation, la comparaison de prix, la marge de dumping et le préjudice, pour la période allant de 1987 à décembre 1991, c'est-à-dire
la période la plus récente pour laquelle des données chiffrées étaient disponibles.

96 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le Tribunal n'a pas violé les articles 174 et 176 du traité et les dispositions du règlement de base en constatant, au point 99 de l'arrêt attaqué, que la Commission pouvait continuer la procédure déjà ouverte sur la base d'une autre période de référence, dès lors que la procédure initiale n'avait pas été annulée par l'arrêt Extramet II et que les pratiques de dumping perduraient.

Sur le second moyen

97 IPS fait valoir que le Tribunal a méconnu le principe fondamental du respect des droits de la défense et, notamment, l'article 7, paragraphe 4, du règlement de base, en considérant que les irrégularités dans le déroulement de la procédure n'avaient pas affecté les droits de la défense d'IPS.

98 IPS soutient, notamment, que ses droits de la défense ont été violés par la communication tardive de la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992. En outre, IPS affirme que la note technique du 5 août 1993 ne lui a été transmise que le 21 mai 1994, soit plus d'un mois après l'adoption du règlement provisoire.

99 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans l'accomplissement de leur devoir d'information, les institutions communautaires doivent agir avec toute la diligence requise en cherchant à donner aux entreprises concernées, dans la mesure où le respect du secret des affaires demeure assuré, des indications utiles à la défense de leurs intérêts et en choisissant, le cas échéant d'office, les modalités appropriées d'une telle communication. Les entreprises intéressées doivent, en tout état de cause,
avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (arrêt du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C-49/88, Rec. p. I-3187, point 17).

100 En ce qui concerne, tout d'abord, la note sur l'appréciation du préjudice du 1er juillet 1992, il convient d'indiquer qu'elle a été transmise à IPS un mois avant la publication, le 14 novembre 1992, de l'avis relatif à la procédure antidumping. Ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 111 de l'arrêt attaqué, IPS a donc été en mesure de faire valoir son point de vue quant à l'existence des conditions de fond justifiant la reprise de la procédure. C'est donc à bon droit que le Tribunal a conclu,
au point 112 de l'arrêt attaqué, que les droits de la défense d'IPS n'avaient pas été violés à cet égard.

101 Ensuite, il convient de préciser que, au point 142 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission ne s'était pas acquittée de ses obligations en matière d'accès au dossier en ce qui concerne la note technique du 5 août 1993 et, notamment, que celle-ci n'avait été transmise à IPS que le 21 mai 1994, postérieurement à l'adoption du règlement provisoire, et l'avait été par PEM.

102 Étant donné qu'IPS a été en mesure de faire connaître son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits contenus dans la note technique du 5 août 1993 en temps utile avant l'adoption du règlement litigieux et qu'il n'a pas été établi que la communication tardive avait affecté la défense d'IPS, il y a lieu de constater que c'est à bon droit que le Tribunal a conclu, aux points 143 et 144 de l'arrêt attaqué, que les droits procéduraux d'IPS n'avaient pas été violés à cet égard.

103 Enfin, il y a lieu de relever qu'il n'a pas été établi que les droits de la défense d'IPS auraient été affectés par d'autres irrégularités relatives à l'accès au dossier.

104 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé.

105 Il s'ensuit que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

106 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. L'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure dispose que les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.

107 Le Conseil ayant conclu à la condamnation d'IPS et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux exposés par le Conseil. PEM ainsi que la chambre syndicale, qui n'ont pas conclu en ce sens, supporteront leurs propres dépens. La Commission supportera ses propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

108 Le pourvoi est rejeté.

109 Industrie des poudres sphériques est condamnée aux dépens.

110 Péchiney électrométallurgie, la Chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie ainsi que la Commission des Communautés européennes supportent chacune leurs propres dépens.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-458/98
Date de la décision : 03/10/2000
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Antidumping - Règlement (CEE) nº 2423/88 - Calcium-métal - Recevabilité - Reprise d'une procédure antidumping après annulation du règlement instituant un droit antidumping - Droits de la défense.

Relations extérieures

Politique commerciale

Dumping


Parties
Demandeurs : Industrie des poudres sphériques
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes, Péchiney électrométallurgie et Chambre syndicale de l'électrométallurgie et de l'électrochimie.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cosmas
Rapporteur ?: Ragnemalm

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:531

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