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13/07/2000 | CJUE | N°C-136/99

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Ministre du Budget et Ministre de l'Economie et des Finances contre Société Monte Dei Paschi Di Siena., 13/07/2000, C-136/99


Avis juridique important

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61999J0136

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 13 juillet 2000. - Ministre du Budget et Ministre de l'Economie et des Finances contre Société Monte Dei Paschi Di Siena. - Demande de décision préjudicielle: Conseil d'Etat - France. - Taxe sur le chiffre d'affaires - Système commun de t

axe sur la valeur ajoutée - Remboursement de la taxe aux assujettis non ...

Avis juridique important

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61999J0136

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 13 juillet 2000. - Ministre du Budget et Ministre de l'Economie et des Finances contre Société Monte Dei Paschi Di Siena. - Demande de décision préjudicielle: Conseil d'Etat - France. - Taxe sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Remboursement de la taxe aux assujettis non établis à l'intérieur du pays - Articles 17 de la sixième directive 77/388/CEE ainsi que 2 et 5 de la huitième directive 79/1072/CEE. - Affaire C-136/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-06109

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Remboursement de la taxe aux assujettis non établis à l'intérieur du pays - Assujetti effectuant des opérations taxées et des opérations exonérées dans l'État membre de son établissement - Remboursement partiel de la taxe - Mode de calcul

(Directive du Conseil 79/1072, art. 2 et 5)

Sommaire

$$Les articles 2 et 5 de la huitième directive 79/1072 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays - doivent être interprétés en ce sens que:

- ils ouvrent aux assujettis établis dans un État membre où ils n'effectuent qu'en partie des opérations taxées un droit à remboursement partiel de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé, dans un État membre où ils ne sont pas établis, des biens ou des services qui sont utilisés pour les besoins de leurs opérations dans l'État membre d'établissement;

- le montant de la taxe sur la valeur ajoutée remboursable est calculé, en premier lieu, en déterminant les opérations qui ouvrent droit à déduction dans l'État membre d'établissement et, en second lieu, en tenant compte uniquement des opérations qui ouvriraient également droit à déduction dans l'État membre du remboursement si elles y étaient effectuées ainsi que des dépenses ouvrant droit à déduction dans ce dernier État. (voir point 32 et disp.)

Parties

Dans l'affaire C-136/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Conseil d'État (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Ministre du Budget,

Ministre de l'Économie et des Finances

et

Société Monte Dei Paschi Di Siena,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 2 et 5 de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays (JO L 331, p. 11),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, L. Sevón, P. Jann, H. Ragnemalm (rapporteur) et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour la société Monte Dei Paschi Di Siena, par Mes V. Lenoir et A. Mourre, avocats au barreau de Paris, et A. Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence,

- pour le gouvernement français, par MM. R. Abraham, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, et S. Seam, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement hellénique, par Mme G. Alexaki, auditeur au service juridique spécial - section de droit européen du ministère des Affaires étrangères, et M. M. Apessos, mandataire judiciaire au Conseil juridique de l'État, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. Traversa, conseiller juridique, et Mme H. Michard, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de la société Monte Dei Paschi Di Siena, du gouvernement français, du gouvernement hellénique et de la Commission à l'audience du 17 février 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 avril 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par décision du 5 mars 1999, parvenue à la Cour le 19 avril suivant, le Conseil d'État a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), deux questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 2 et 5 de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à
l'intérieur du pays (JO L 331, p. 11, ci-après la «huitième directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société Monte Dei Paschi Di Siena, établie en Italie, au ministre du Budget et au ministre de l'Économie et des Finances à propos du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») payée par cette société lors de dépenses effectuées en France pour les besoins de ses activités en Italie.

La législation communautaire

La sixième directive

3 La sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), prévoit, en son article 17:

«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

b) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens importés;

c) la taxe sur la valeur ajoutée due conformément à l'article 5 paragraphe 7 sous a) et à l'article 6 paragraphe 3.

3. Les États membres accordent également à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins:

a) de ses opérations relevant des activités économiques visées à l'article 4 paragraphe 2, effectuées à l'étranger, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées à l'intérieur du pays;

b) de ses opérations exonérées conformément à l'article 14 paragraphe 1 sous i), à l'article 15 et à l'article 16 paragraphe 1 sous B, C et D et paragraphe 2;

c) de ses opérations exonérées conformément à l'article 13 sous B sous a) et sous d) points 1 à 5, lorsque le preneur est établi en dehors de la Communauté ou lorsque ces opérations sont directement liées à des biens qui sont destinés à être exportés vers un pays en dehors de la Communauté.

4. Le Conseil s'efforcera d'adopter avant le 31 décembre 1977, sur proposition de la Commission et statuant à l'unanimité, les modalités d'application communautaires selon lesquelles les remboursements doivent être effectués, conformément au paragraphe 3, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis à l'intérieur du pays. Jusqu'à l'entrée en vigueur de ces modalités d'application communautaires, les États membres déterminent eux-mêmes les modalités selon lesquelles le remboursement sera
effectué. Si l'assujetti n'est pas établi sur le territoire de la Communauté, les États membres ont la possibilité d'exclure le remboursement ou de le soumettre à des conditions complémentaires.

5. En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

Ce prorata est déterminé pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti conformément à l'article 19.

...»

4 L'article 19, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:

«Le prorata de déduction, prévu par l'article 17 paragraphe 5 premier alinéa, résulte d'une fraction comportant:

- au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l'article 17 paragraphes 2 et 3,

- au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction. Les États membres ont la faculté d'inclure également dans le dénominateur le montant des subventions autres que celles visées à l'article 11 sous A paragraphe 1 sous a).

Le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l'unité supérieure.»

La huitième directive

5 L'article 2 de la huitième directive est libellé comme suit:

«Chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n'est pas établi à l'intérieur du pays mais qui est établi dans un autre État membre, dans les conditions fixées ci-après, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l'intérieur du pays par d'autres assujettis, ou ayant grevé l'importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l'article 17
paragraphe 3 sous a) et b) de la directive 77/388/CEE ou des prestations de services visées à l'article 1er sous b).»

6 L'article 5 de la huitième directive prévoit:

«Aux fins de la présente directive, le droit au remboursement de la taxe est déterminé conformément à l'article 17 de la directive 77/388/CEE tel qu'il est appliqué dans l'État membre du remboursement.

La présente directive ne s'applique pas aux livraisons de biens exonérées ou qui peuvent être exonérées en vertu de l'article 15 point 2 de la directive 77/388/CEE.»

7 Aux termes de l'article 6 de la huitième directive:

«Les États membres ne peuvent imposer aux assujettis visés à l'article 2, outre les obligations visées aux articles 3 et 4, aucune obligation autre que celle de fournir, dans des cas particuliers, les renseignements nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande de remboursement.»

La législation nationale

8 L'article 271, paragraphe 4, du code général des impôts, dans sa version applicable à la période en cause au principal, dispose:

«Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée:

...

d. les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations; ce décret peut instituer des règles différentes suivant que les assujettis sont domiciliés ou établis dans les États membres de la Communauté économique européenne ou dans d'autres pays;

...»

9 Aux termes de l'article 242 OM, paragraphe 1, de l'annexe II du code général des impôts:

«Les assujettis établis à l'étranger peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a régulièrement été facturée si, au cours du trimestre civil ou de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le siège de leur activité ou un établissement stable ... et n'y ont pas réalisé ... d'opérations entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des articles 256 à 259 C du code général des impôts...»

10 L'article 242 ON de la même annexe énonce:

«Est remboursée aux assujettis établis dans un État membre de la Communauté économique européenne la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les services qui leur ont été rendus et les biens meubles qu'ils ont acquis ou importés en France au cours de l'année ou du trimestre prévus à l'article 242 OM dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour la réalisation ou pour les besoins:

a. d'opérations dont le lieu d'imposition se situe à l'étranger mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était en France...

...»

11 En vertu des articles 212 et 219 C de l'annexe II du code général des impôts, les assujettis utilisateurs de biens et de services concurremment affectés à la réalisation d'opérations dont les unes sont soumises à la TVA et les autres exonérées de celle-ci sont autorisés à déduire une fraction de la taxe qui a grevé ces biens et services, déterminée par application du rapport existant entre le montant des recettes soumises à la TVA et celui de l'ensemble des recettes réalisées.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 La société Monte Dei Paschi Di Siena est un établissement bancaire et financier dont le siège d'activité est en Italie et qui dispose en France d'un bureau de représentation. Sur le fondement des articles 271 du code général des impôts français et 242 OM de l'annexe II de ce code, qui ont transposé les dispositions de la huitième directive dans l'ordre juridique français, elle a demandé le remboursement de la TVA ayant grevé les dépenses qu'elle avait exposées en France pour les besoins de
l'installation de ce bureau au cours des années 1988 et 1989.

13 L'administration fiscale ayant refusé de faire droit à une telle demande, la défenderesse au principal a alors saisi le tribunal administratif de Paris (France) d'un recours tendant aux mêmes fins, lequel a été rejeté par jugement du 24 novembre 1992.

14 Par arrêt du 30 mars 1995, infirmant ledit jugement, la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la société Monte Dei Paschi Di Siena était en droit d'obtenir un remboursement de la TVA en France à hauteur d'une somme de 125 244,60 FRF. Celle-ci a été déterminée en affectant le montant de la TVA supportée par la société en France du pourcentage correspondant à la part taxée de son chiffre d'affaires en Italie.

15 Dans sa décision, la cour administrative d'appel a tenu compte du fait que, en France, le bureau de représentation de la société Monte Dei Paschi Di Siena ne constituait pas un établissement stable et qu'aucune opération bancaire ou financière, de nature à l'exclure du remboursement prévu à l'article 242 OM de l'annexe II du code général des impôts, n'y était effectuée. Elle a également pris en considération la circonstance que, en Italie, la société Monte Dei Paschi Di Siena réalisait à la fois
des opérations soumises à la TVA et des opérations exonérées, les actions menées par son bureau de représentation en France concourant indifféremment aux unes et aux autres.

16 Le ministre de l'Économie et des Finances s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'État contre l'arrêt de la cour administrative d'appel, au motif que l'application qui avait été faite par cette dernière des articles 271 du code général des impôts ainsi que 242 OM et 242 ON de l'annexe II dudit code, examinés à la lumière de la huitième directive, était entachée d'erreur de droit. Il a fait valoir que ces dispositions visent à assurer l'exacte transposition en droit interne français des
règles fixées par la huitième directive et que celle-ci ne définit pas les modalités d'un remboursement partiel de la TVA ayant grevé des biens ou services utilisés pour la réalisation, dans un autre État membre, d'opérations qui n'y sont pas toutes soumises à la TVA.

17 S'interrogeant sur la question de savoir si la société Monte Dei Paschi Di Siena avait droit à un remboursement partiel de la TVA acquittée par elle en France et sur la manière de calculer le montant de ce remboursement éventuel, le Conseil d'État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) [Les articles 2 et 5 de la huitième] directive ont[-ils] ou non pour effet d'ouvrir aux assujettis établis dans un État membre de la Communauté où ils ne sont taxés que sur une partie de leur chiffre d'affaires un droit à remboursement partiel de la taxe qui a grevé dans un autre État membre des biens ou services qu'ils ont utilisés pour la réalisation, dans l'État où ils sont établis, d'opérations dont certaines ne sont pas taxées[?]

2) [D]ans l'affirmative, à quel procédé de détermination de la part de la taxe remboursable renvoient ces dispositions, et notamment cette part doit[-elle] être déterminée selon les règles applicables dans l'État où l'assujetti est établi, ou selon celles en vigueur dans l'État tenu au remboursement[?]»

Sur les questions préjudicielles

18 La juridiction de renvoi demande en substance si les articles 2 et 5 de la huitième directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils ouvrent aux assujettis établis dans un État membre où ils n'effectuent qu'en partie des opérations taxées un droit à remboursement partiel de la TVA qui a grevé, dans un État membre où ils ne sont pas établis, des biens ou des services qui sont utilisés pour les besoins de leurs opérations dans l'État membre d'établissement et, le cas échéant, de quelle manière
le montant de la TVA remboursable doit être calculé.

19 La société Monte Dei Paschi Di Siena, les gouvernements français et hellénique, ainsi que la Commission, considèrent qu'un droit à remboursement partiel en faveur de l'assujetti existe et que les règles de l'État membre du remboursement doivent être prises en compte pour le calcul du remboursement. Cependant, la Commission et le gouvernement français expriment des points de vue divergents quant aux rôles respectifs des règles de l'État membre d'établissement et de l'État membre du remboursement.
Selon la Commission, les règles des deux États sont pertinentes. Celles de l'État membre d'établissement devraient d'abord être prises en compte pour déterminer l'étendue du droit à déduction dans cet État, dont dépend le droit à remboursement dans l'autre État membre. Les règles de l'État membre du remboursement interviendraient ensuite pour préciser les limites du droit à remboursement en fonction des opérations de l'assujetti qui ouvriraient droit à déduction si elles étaient réalisées sur son
territoire et des dépenses que cet État permet de prendre en compte. Selon le gouvernement français, seules les règles de l'État membre du remboursement sont pertinentes pour déterminer le montant de la TVA remboursable.

20 Il y a lieu de relever que la huitième directive vise, conformément aux dispositions de l'article 17, paragraphe 4, de la sixième directive, à établir les modalités de remboursement de la TVA payée dans un État membre par des assujettis établis dans un autre État membre. Son objectif est ainsi d'harmoniser le droit au remboursement tel qu'il résulte de l'article 17, paragraphe 3, de la sixième directive.

21 Aux termes de l'article 5 de la huitième directive, le droit au remboursement de la TVA est déterminé conformément à l'article 17 de la sixième directive, tel qu'il est appliqué dans l'État membre du remboursement.

22 L'article 17 de la sixième directive traite de la naissance et de l'étendue du droit à déduction de la TVA. Celui-ci peut être exercé dans la mesure où les biens et les services qui ont donné lieu au paiement de la TVA sont utilisés pour les besoins des opérations taxées de l'assujetti.

23 La Cour a précisé le lien qui existe entre le droit à déduction dans l'État membre d'établissement et le droit à remboursement dans un autre État membre où les dépenses sont effectuées. En effet, elle a jugé qu'un assujetti bénéficiant d'une exonération et, en conséquence, n'ayant pas droit à déduction de la taxe payée en amont dans l'État membre d'établissement n'a pas non plus droit, conformément à la finalité du système de directive sur la TVA, au remboursement de la TVA payée dans un autre
État membre (voir arrêt du 26 septembre 1996, Debouche, C-302/93, Rec. p. I-4495, point 15).

24 Dans le cas particulier où les biens et les services sont utilisés par l'assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive prévoit que la déduction n'est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations. Ce prorata est déterminé pour l'ensemble des opérations effectuées par l'assujetti conformément à l'article 19
de ladite directive.

25 Dès lors qu'un assujetti effectue des opérations taxées ainsi que des opérations exonérées dans l'État membre d'établissement, il dispose donc d'un droit à déduction partielle dans cet État.

26 Il y a lieu de déduire de ce qui précède que, si cet assujetti effectue des dépenses dans un État membre autre que l'État d'établissement pour les besoins à la fois de ses opérations taxées et de ses opérations exonérées dans ce dernier État, il dispose d'un droit à remboursement partiel dans le premier État.

27 Afin de déterminer le montant du remboursement éventuel dans un cas tel que celui en cause au principal, il convient, conformément aux termes de l'article 2 de la huitième directive, d'appliquer les dispositions de l'article 17, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive et de vérifier que les opérations en cause ouvriraient droit à déduction à l'intérieur de l'État membre du remboursement.

28 Ainsi, dans le cas d'un assujetti effectuant des opérations taxées et des opérations exonérées dans l'État membre où il est établi, il y a lieu d'examiner si les premières ouvriraient également droit à déduction dans l'État membre du remboursement dans l'hypothèse où elles y seraient effectuées. Si tel n'est pas le cas, lesdites opérations taxées ne sauraient être prises en compte pour le calcul du montant du remboursement. Le prorata déterminé conformément aux dispositions de l'article 19 de la
sixième directive doit donc être éventuellement modulé en fonction des opérations qui ouvriraient droit à déduction si elles étaient effectuées dans l'État membre du remboursement.

29 Ayant déterminé le prorata pertinent, il importe d'établir quelles sont les dépenses qui peuvent être prises en compte pour le calcul du remboursement. À cet égard, il convient de se référer aux dispositions de l'article 5 de la huitième directive, qui prévoient que le droit au remboursement est déterminé conformément à l'article 17 de la sixième directive, tel qu'il est appliqué dans l'État membre du remboursement. Il y a lieu de comprendre ces dispositions en ce sens que les dépenses à prendre
en compte sont celles qui ouvrent droit à déduction dans cet État. Le montant du remboursement est déterminé en appliquant le prorata à la TVA acquittée sur ces dépenses.

30 Le gouvernement français fait valoir qu'il n'a pas accès à toute l'information nécessaire et qu'il ne lui est donc pas possible de déterminer le montant d'un remboursement éventuel.

31 À cet égard, il convient de relever que, si la sixième directive ne précise pas toute l'information dont peut avoir besoin l'État membre tenu au remboursement, elle lui impose néanmoins une obligation de remboursement, dès lors que sont remplies les conditions relatives à la déductibilité de la TVA dans l'État membre d'établissement ainsi que dans l'État membre du remboursement et que l'assujetti a effectué des dépenses ouvrant droit à déduction dans ce dernier État pour les besoins de ses
opérations dans l'État membre où il est établi. Afin de satisfaire à cette obligation, l'article 6 de la huitième directive, en particulier, permet à l'État membre du remboursement de demander à l'assujetti les renseignements nécessaires pour apprécier le bien-fondé de sa demande de remboursement.

32 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 2 et 5 de la huitième directive doivent être interprétés en ce sens que:

- ils ouvrent aux assujettis établis dans un État membre où ils n'effectuent qu'en partie des opérations taxées un droit à remboursement partiel de la TVA qui a grevé, dans un État membre où ils ne sont pas établis, des biens ou des services qui sont utilisés pour les besoins de leurs opérations dans l'État membre d'établissement;

- le montant de la TVA remboursable est calculé, en premier lieu, en déterminant les opérations qui ouvrent droit à déduction dans l'État membre d'établissement et, en second lieu, en tenant compte uniquement des opérations qui ouvriraient également droit à déduction dans l'État membre du remboursement si elles y étaient effectuées ainsi que des dépenses ouvrant droit à déduction dans ce dernier État.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

33 Les frais exposés par les gouvernements français et hellénique, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Conseil d'État, par décision du 5 mars 1999, dit pour droit:

Les articles 2 et 5 de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays, doivent être interprétés en ce sens que:

- ils ouvrent aux assujettis établis dans un État membre où ils n'effectuent qu'en partie des opérations taxées un droit à remboursement partiel de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé, dans un État membre où ils ne sont pas établis, des biens ou des services qui sont utilisés pour les besoins de leurs opérations dans l'État membre d'établissement;

- le montant de la taxe sur la valeur ajoutée remboursable est calculé, en premier lieu, en déterminant les opérations qui ouvrent droit à déduction dans l'État membre d'établissement et, en second lieu, en tenant compte uniquement des opérations qui ouvriraient également droit à déduction dans l'État membre du remboursement si elles y étaient effectuées ainsi que des dépenses ouvrant droit à déduction dans ce dernier État.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-136/99
Date de la décision : 13/07/2000
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Conseil d'Etat - France.

Taxe sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Remboursement de la taxe aux assujettis non établis à l'intérieur du pays - Articles 17 de la sixième directive 77/388/CEE ainsi que 2 et 5 de la huitième directive 79/1072/CEE.

Taxe sur la valeur ajoutée

Fiscalité


Parties
Demandeurs : Ministre du Budget et Ministre de l'Economie et des Finances
Défendeurs : Société Monte Dei Paschi Di Siena.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saggio
Rapporteur ?: Ragnemalm

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:408

Source

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