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05/10/1999 | CJUE | N°C-175/98

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Procédures pénales contre Paolo Lirussi (C-175/98) et Francesca Bizzaro (C-177/98)., 05/10/1999, C-175/98


Avis juridique important

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61998J0175

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 5 octobre 1999. - Procédures pénales contre Paolo Lirussi (C-175/98) et Francesca Bizzaro (C-177/98). - Demande de décision préjudicielle: Pretore di Udine - Italie. - Déchets - Directives 75/442/CEE et 91/689/CEE - Notion de stockage tem

poraire, avant collecte, sur le site de production - Notion de gestion d...

Avis juridique important

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61998J0175

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 5 octobre 1999. - Procédures pénales contre Paolo Lirussi (C-175/98) et Francesca Bizzaro (C-177/98). - Demande de décision préjudicielle: Pretore di Udine - Italie. - Déchets - Directives 75/442/CEE et 91/689/CEE - Notion de stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production - Notion de gestion des déchets. - Affaires jointes C-175/98 et C-177/98.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-06881

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1 Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Application des dispositions interprétées par la Cour

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

2 Environnement - Élimination des déchets - Directive 75/442, modifiée par la directive 91/156 - Notion de «stockage temporaire» de déchets - Opération de gestion des déchets au sens de l'article 1er, sous d) - Exclusion

(Directive du Conseil 75/442, telle que modifiée par la directive 91/156, art. 1er, d), annexes II A, point D 15, et II B, point R 13)

3 Environnement - Élimination des déchets - Directive 75/442, modifiée par la directive 91/156 - Obligation pour les États membres d'assurer la valorisation ou l'élimination des déchets - Opérations de stockage temporaire - Inclusion

(Directive du Conseil 75/442, telle que modifiée par la directive 91/156, art. 4)

Sommaire

1 Dans le cadre de la procédure prévue à l'article 177 du traité (devenu article 234 CE), basé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits relève de la compétence du juge national.

La Cour n'est donc pas compétente pour trancher les faits au principal ou pour appliquer à des mesures ou à des situations nationales les règles communautaires dont elle a donné l'interprétation, ces questions relevant de la compétence exclusive de la juridiction nationale.

2 La notion de «stockage temporaire» se distingue de celle de «stockage préalable» de déchets et ne relève pas de la notion d'«opération de gestion» au sens de l'article 1er, sous d), de la directive 75/442, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156.

En effet, en énonçant que les opérations de valorisation ou d'élimination des déchets comprennent le stockage préalable, à l'exclusion du stockage temporaire, les annexes II A, point D 15, et II B, point R 13, de cette directive impliquent nécessairement que le stockage temporaire se distingue du stockage préalable. Ainsi, le stockage préalable fait partie des opérations d'élimination ou de valorisation des déchets, alors que le stockage temporaire avant collecte en est, en revanche, expressément
exclu.

Par conséquent, le stockage temporaire précède une opération de gestion et, notamment, l'opération de collecte de déchets et constitue une opération préparatoire à l'une des opérations de valorisation ou d'élimination énumérées aux annexes II A et II B, points D 1 à D 15 et R 1 à R 13 respectivement, de la directive 75/442. Ainsi, le stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production doit être défini comme l'opération préliminaire à une opération de gestion des déchets, au sens de
l'article 1er, sous d), de la directive.

3 Les autorités nationales compétentes sont tenues, en ce qui concerne les opérations de stockage temporaire de déchets, de veiller au respect des obligations résultant de l'article 4 de la directive 75/442, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156, qui impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer, notamment, la valorisation ou l'élimination des déchets.

A cet égard, dans la mesure où les déchets, même stockés temporairement, peuvent causer des dommages importants à l'environnement, cette disposition, qui vise à mettre en oeuvre le principe de précaution, est également applicable à l'opération de stockage temporaire. Ainsi, alors même que les entreprises qui détiennent des déchets et qui procèdent à leur stockage temporaire ne sont pas soumises à l'obligation d'enregistrement ou d'autorisation prévue par la directive 75/442, il n'en reste pas moins
que toutes les opérations de stockage, qu'elles soient effectuées à titre temporaire ou préalable, ainsi que les opérations de gestion de déchets au sens de l'article 1er, sous d), de cette directive, sont notamment soumises au respect des principes de précaution et d'action préventive que l'article 4 de la directive 75/442 vise à mettre en oeuvre.

Parties

Dans les affaires jointes C-175/98 et C-177/98,

ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Pretore di Udine (Italie) et tendant à obtenir, dans les procédures pénales poursuivies devant cette juridiction contre

Paolo Lirussi (C-175/98)

et

Francesca Bizzaro (C-177/98),

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32), et de la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux (JO L 377, p. 20), telle que modifiée par la directive 94/31/CE du Conseil, du 27 juin 1994 (JO L 168, p. 28),

LA COUR

(quatrième chambre),

composée de MM. J. L. Murray, faisant fonction de président de la quatrième chambre, H. Ragnemalm (rapporteur) et R. Schintgen, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur U. Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de Mme F. Quadri, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement allemand, par MM. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et C.-D. Quassowski, Regierungsdirektor au même ministère, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. J. G. Lammers, conseiller juridique remplaçant au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement autrichien, par M. F. Cede, Botschafter au ministère fédéral des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme L. Ström, membre du service juridique, en qualité d'agent, assistée de Me G. M. Roberti, avocat au barreau de Naples,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement italien et de la Commission à l'audience du 6 mai 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 septembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par deux ordonnances du 20 avril 1998, parvenues à la Cour le 11 mai suivant, le Pretore di Udine a posé à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), quatre questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32, ci-après la «directive 75/442»), et de la directive 91/689/CEE du
Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux (JO L 377, p. 20), telle que modifiée par la directive 94/31/CE du Conseil, du 27 juin 1994 (JO L 168, p. 28, ci-après la «directive 91/689»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de procédures pénales engagées à l'encontre de M. Lirussi et de Mme Bizzaro, prévenus d'avoir stocké des déchets dans des conditions irrégulières.

3 M. Lirussi et Mme Bizzaro sont respectivement gérants d'un atelier mécanique et d'une blanchisserie établis dans la région d'Udine (Italie). Ils ont obtenu chacun, de l'Assessore Regionale all'Ambiente (conseiller régional chargé des questions d'environnement), une autorisation de stockage provisoire de déchets toxiques et dangereux issus de l'activité de leurs entreprises et constitués, pour M. Lirussi, de batteries au plomb et, pour Mme Bizzaro, de boues produites par la distillation d'une
machine de nettoyage à sec.

4 Cette autorisation a été accordée à M. Lirussi pour une durée de validité de cinq ans à compter du 1er avril 1992, et pour une quantité maximale de déchets de 0,1 tonne. L'autorisation a pris fin le 1er avril 1997, puisque l'intéressé, faisant état de l'arrêt imminent du stockage, a demandé le retrait de celle-ci dans la perspective de la mise en location de l'entreprise. À la suite de contrôles effectués dans l'atelier de M. Lirussi, les 8 avril et 21 mai 1997, il est apparu que 160 kg de
batteries au plomb usagées avaient été stockés sur le site de l'entreprise après la date d'expiration de l'autorisation.

5 L'autorisation délivrée à Mme Bizzaro le 9 août 1994 lui donnait le droit de stocker une quantité maximale de 50 kg de déchets. Des contrôles effectués dans sa blanchisserie ont révélé, d'une part, que le stockage provisoire avait débuté le 6 juin 1994, soit environ deux mois avant l'obtention de l'autorisation, et, d'autre part, que Mme Bizzaro avait stocké une quantité de déchets excédant la limite autorisée.

6 Dans le cadre desdites procédures pénales engagées à l'encontre de M. Lirussi et de Mme Bizzaro, le ministère public a relevé que les opérations de stockage non autorisées reprochées aux prévenus pouvaient être considérées, dans les deux cas, comme un «stockage temporaire» au sens de la législation italienne et, à ce titre, dispensées d'autorisation, dans la mesure où lesdites opérations ne dépassaient pas les délais et quantités maximaux prévus pour ce type de stockage.

7 Bien qu'il estimât, en conséquence, que le comportement des prévenus n'est pas passible de sanctions pénales, le ministère public a toutefois requis que la Cour fût saisie d'une question préjudicielle afin de vérifier si la réglementation nationale est compatible avec les dispositions du droit communautaire et si les faits reprochés peuvent être qualifiés de «stockage temporaire».

La réglementation communautaire applicable

La directive 75/442

8 L'article 1er de la directive 75/442 dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) déchet: toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l'annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire.

La Commission, agissant selon la procédure prévue à l'article 18, établira, au plus tard le 1er avril 1993, une liste des déchets appartenant aux catégories énumérées à l'annexe I. Cette liste fera l'objet d'un réexamen périodique, et, au besoin, sera révisée selon la même procédure;

b) producteur: toute personne dont l'activité a produit des déchets (`producteur initial') et/ou toute personne qui a effectué des opérations de prétraitement, de mélange ou autres conduisant à un changement de nature ou de composition de ces déchets;

c) détenteur: le producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets en sa possession;

d) gestion: la collecte, le transport, la valorisation et l'élimination des déchets, y compris la surveillance de ces opérations ainsi que la surveillance des sites de décharge après leur fermeture;

e) limination: toute opération prévue à l'annexe II A;

f) valorisation: toute opération prévue à l'annexe II B;

g) collecte: le ramassage, le tri et/ou le regroupement de déchets en vue de leur transport.»

9 L'article 4 de la directive 75/442 prévoit:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l'environnement, et notamment:

- sans créer de risque pour l'eau, l'air ou le sol, ni pour la faune et la flore,

- sans provoquer d'incommodités par le bruit ou les odeurs,

- sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.

Les États membres prennent, en outre, les mesures nécessaires pour interdire l'abandon, le rejet et l'élimination incontrôlée des déchets.»

10 Aux termes de l'article 6 de la directive 75/442, «Les États membres établissent ou désignent la ou les autorités compétentes chargées de la mise en oeuvre de la présente directive».

11 L'article 8 de la même directive précise:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets:

- les remette à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise qui effectue les opérations visées aux annexes II A ou II B

ou

- en assure lui-même la valorisation ou l'élimination en se conformant aux dispositions de la présente directive.»

12 Conformément à l'article 9 de la directive 75/442 et aux fins de l'application de ses articles 4, 5 et 7, tout établissement ou toute entreprise qui effectue les opérations visées à l'annexe II A de cette directive doit obtenir une autorisation de l'autorité compétente visée à l'article 6.

13 L'annexe II A, relative aux opérations d'élimination des déchets, comportait, dans sa version originale, la définition suivante:

«D 15 Stockage préalable à l'une des opérations de la présente annexe, à l'exclusion du stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production.»

14 Cette définition a été modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996, adaptant les annexes II A et II B de la directive 75/442 (JO L 135, p. 32); elle est désormais libellée ainsi:

«D 15 Stockage préalablement à l'une des opérations numérotées D 1 à D 14 (à l'exclusion du stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production)».

15 L'article 10 de la directive 75/442 prévoit que, aux fins de l'application de l'article 4, tout établissement ou toute entreprise qui effectue les opérations visées à l'annexe II B de cette directive doit obtenir une autorisation.

16 L'annexe II B, relative aux opérations de valorisation des déchets, comportait, dans sa version originale, la définition suivante:

«R 13 Stockage de matériaux en vue de les soumettre à l'une des opérations figurant à la présente annexe, à l'exclusion du stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production».

17 Cette définition a été adaptée par la décision 96/350 et se lit désormais ainsi:

«R 13 Stockage de déchets préalablement à l'une des opérations numérotées R 1 à R 12 (à l'exclusion du stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production)».

18 L'article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 75/442 dispose:

«Sans préjudice de la directive 78/319/CEE du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux, modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, peuvent être dispensés de l'autorisation visée à l'article 9 ou 10:

a) les établissements ou entreprises assurant eux-mêmes l'élimination de leurs propres déchets sur les lieux de production

et

b) les établissements ou entreprises qui valorisent des déchets.»

19 Aux termes de l'article 13 de la directive 75/442, «Les établissements ou entreprises qui assurent les opérations visées aux articles 9 à 12 sont soumis à des contrôles périodiques appropriés des autorités compétentes».

20 L'article 14, premier alinéa, de ladite directive prévoit:

«Tout établissement ou toute entreprise visée aux articles 9 et 10 doit:

- tenir un registre indiquant la quantité, la nature, l'origine et, le cas échéant, la destination, la fréquence de collecte, le moyen de transport et le mode de traitement des déchets visés à l'annexe I et les opérations visées aux annexes II A ou II B,

- fournir sur demande ces indications aux autorités compétentes visées à l'article 6.»

La directive 91/689

21 L'article 11 de la directive 91/689 a abrogé, avec effet au 27 juin 1995, la directive 78/319/CEE du Conseil, du 20 mars 1978, relative aux déchets toxiques et dangereux (JO L 84, p. 43).

22 L'article 1er de la directive 91/689 précise que celle-ci a pour objet le rapprochement des législations des États membres sur la gestion contrôlée des déchets dangereux, que, sous réserve de cette directive, la directive 75/442 s'applique aux déchets dangereux et que les définitions de «déchets» et des autres termes utilisés dans la directive 91/689 sont celles de la directive 75/442.

23 L'article 4, paragraphe 1, de la directive 91/689 prévoit que l'article 13 de la directive 75/442 s'applique également aux producteurs de déchets dangereux.

24 Aux termes de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 91/689, «Les dispositions de l'article 14 de la directive 75/442/CEE s'appliquent également aux producteurs de déchets dangereux ainsi qu'à tous les établissements et entreprises qui effectuent le transport de déchets dangereux».

25 L'article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 91/689 dispose:

«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que, lors de la collecte, du transport et du stockage temporaire, les déchets soient convenablement emballés et étiquetés conformément aux normes internationales et communautaires en vigueur.

2. Dans le cas de déchets dangereux, les contrôles concernant la collecte et le transport, effectués sur la base de l'article 13 de la directive 75/442/CEE, portent plus particulièrement sur l'origine et la destination desdits déchets.»

La réglementation nationale applicable

26 La réglementation italienne en matière de déchets résulte désormais du décret-loi n_ 22/97, du 5 février 1997, portant mise en oeuvre des directives 91/156/CEE relative aux déchets, 91/689/CEE relative aux déchets dangereux et 94/62/CE relative aux emballages et déchets d'emballage (GURI, supplément ordinaire, n_ 38, du 15 février 1997), tel que modifié par le décret-loi n_ 389/97, du 8 novembre 1997 (GURI n_ 261, du 8 novembre 1997, ci-après le «décret-loi n_ 22/97»).

27 Le décret-loi n_ 22/97 reproduit intégralement, en ses annexes B et C, points D 15 et R 13 respectivement, les dispositions correspondantes des annexes II A et II B de la directive 75/442.

28 L'article 6, sous l), du décret-loi n_ 22/97 précise qu'il convient d'entendre par stockage («stoccaggio») «les activités d'élimination consistant dans les opérations de stockage préalable visées à l'annexe B, point D 15, ainsi que les activités de valorisation consistant dans le stockage de matériaux visées à l'annexe C, point R 13».

29 L'article 6, sous m), du décret-loi n_ 22/97 définit le «stockage temporaire» en ces termes:

«l'accumulation de déchets, avant collecte, sur le site de production, dans les conditions suivantes:

1. les déchets stockés ne peuvent pas contenir de polychlorodibenzodioxines, de polychlorodibenzofuranes, de polychlorodibenzophénols en quantité supérieure à 2,5 ppm, ni de polychlorobiphényles ou polychloroterphényles en quantité supérieure à 25 ppm;

2. les déchets dangereux doivent être collectés et soumis aux opérations de valorisation ou d'élimination, selon une périodicité au moins bimestrielle indépendamment des quantités stockées ou, dans l'alternative, lorsque le volume de déchets dangereux stockés atteint 10 mètres cubes; la durée maximale du stockage temporaire est d'un an si le volume des déchets stockés ne dépasse pas 10 mètres cubes au cours de l'année ou si, indépendamment de la quantité, le stockage temporaire est effectué dans des
établissements situés dans les petites îles (`isole minori');

3. les déchets non dangereux doivent être collectés et soumis aux opérations de valorisation ou d'élimination selon une périodicité au moins trimestrielle indépendamment des quantités stockées ou, dans l'alternative, lorsque le volume de déchets non dangereux stockés atteint 20 mètres cubes; la durée maximale du stockage temporaire est d'un an si le volume des déchets stockés ne dépasse pas 20 mètres cubes au cours de l'année ou si, indépendamment de la quantité, le stockage temporaire est effectué
dans des établissements situés dans les petites îles (`isole minori');

4. le stockage temporaire doit être effectué par déchets de nature homogène et en respectant les normes techniques y afférentes et, pour les déchets dangereux, en respectant les règles qui régissent le stockage des substances dangereuses qu'ils contiennent;

5. les normes qui règlent l'emballage et l'étiquetage des déchets dangereux doivent être respectées.»

30 L'article 28 du décret-loi n_ 22/97 dispose notamment que «l'exercice des opérations d'élimination et de valorisation des déchets est autorisé par la région compétente au niveau territorial dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la présentation de la demande par l'intéressé».

31 Toutefois, ce régime d'autorisation visé à l'article 28 ne s'applique pas au «stockage temporaire». En effet, l'article 28, paragraphe 5, du décret-loi n_ 22/97 prévoit que «les dispositions du présent article ne s'appliquent pas au stockage temporaire effectué dans le respect des conditions visées à l'article 6, paragraphe 1, sous m), à l'exception de l'obligation de tenir les registres relatifs à la réception et à la cession des déchets, incombant aux opérateurs visés à l'article 12, et de
l'interdiction de mélanger les déchets».

32 Le non-respect des dispositions de l'article 28 est passible de sanctions pénales, prévues à l'article 51 du décret-loi n_ 22/97.

Les questions préjudicielles

33 Par deux ordonnances du 20 avril 1998, le Pretore di Udine a sursis à statuer et a posé à la Cour quatre questions préjudicielles dans chacune des affaires au principal. Les trois premières questions, communes aux deux procédures, sont ainsi libellées:

«1) Quelle différence existe-t-il (s'il en existe une) entre le stockage temporaire et le stockage préalable de déchets (ou stockage de matériaux) effectués à l'intérieur de l'unité de production et quels sont les critères permettant d'identifier concrètement ces deux types de stockage de déchets?

2) Le stockage temporaire est-il étranger à la notion de `gestion' des déchets, visée à l'article 1er, sous d), de la directive 91/156/CEE, et échappe-t-il à toutes les obligations y afférentes, et notamment à la notification de cette activité aux autorités préposées aux contrôles?

3) Le stockage temporaire est-il soumis à une surveillance et, dans l'affirmative, à quel type de mesures? Les principes visés à l'article 4, premier et deuxième alinéas, de la directive 91/156/CEE s'appliquent-ils au stockage temporaire et, dans l'affirmative, selon quelles modalités?»

34 Dans l'affaire C-175/98, la quatrième question préjudicielle est libellée comme suit:

«4) Les faits imputés au prévenu, soit le stockage de 160 kg de batteries au plomb, au cours d'un laps de temps dépassant un mois, sans notification aux autorités préposées aux contrôles, sont-ils constitutifs d'un stockage temporaire au sens de la directive?»

35 Dans l'affaire C-177/98, la quatrième question préjudicielle est ainsi rédigée:

«4) Les faits imputés à la prévenue, soit le stockage de 87,50 kg de boues contenant des solvants halogènes, au cours d'un laps de temps dépassant deux mois, sont-ils constitutifs d'un stockage temporaire au sens de la directive?»

Sur la compétence de la Cour

36 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par ses quatrièmes questions, qu'il convient d'examiner d'abord, le juge de renvoi demande à la Cour, en substance, si les dispositions des directives dont il sollicite l'interprétation sont applicables aux deux affaires dont il est saisi.

37 Or, dans le cadre d'une procédure visée à l'article 177 du traité, fondé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits relève de la compétence du juge national (arrêts du 15 novembre 1979, Denkavit, 36/79, Rec. p. 3439, point 12, et du 16 juillet 1998, Dumon et Froment, C-235/95, Rec. p. I-4531, point 25).

38 La Cour n'est donc pas compétente pour trancher les faits au principal ou pour appliquer à des mesures ou à des situations nationales les règles communautaires dont elle a donné l'interprétation, ces questions relevant de la compétence exclusive de la juridiction nationale (voir arrêts du 19 décembre 1968, Salgoil, 13/68, Rec. p. 661, 672; du 23 janvier 1975, Van der Hulst, 51/74, Rec. p. 79, point 12, et du 8 février 1990, Shipping and Forwarding Enterprise Safe, C-320/88, Rec. p. I-285, point
11).

39 Dans ces conditions, il convient de constater que la Cour n'est pas compétente pour répondre aux quatrièmes questions.

Sur la notion de «stockage temporaire»

40 Par sa première question et par la première partie de sa deuxième question, qu'il convient d'examiner ensemble, le juge de renvoi demande, en substance, si la notion de «stockage temporaire» se distingue de celle de «stockage préalable» de déchets et si elle relève de la notion d'«opération de gestion» au sens de l'article 1er, sous d), de la directive 75/442.

41 Dans les observations écrites déposées par les gouvernements italien, allemand, néerlandais et autrichien, ainsi que par la Commission, l'ensemble de ceux-ci s'accordent pour considérer, en substance, que les annexes II A, point D 15, et II B, point R 13, de la directive 75/442 doivent être interprétées en ce sens qu'une opération temporaire de regroupement de déchets effectuée, avant collecte, sur le site de production constitue une opération de «stockage temporaire» et non de «stockage
préalable» au sens de la directive.

42 À cet égard, il suffit de constater que, en énonçant que les opérations de valorisation ou d'élimination des déchets comprennent le stockage préalable, à l'exclusion du stockage temporaire, les annexes II A, point D 15, et II B, point R 13, impliquent nécessairement que le stockage temporaire se distingue du stockage préalable. Ainsi, le stockage préalable fait partie des opérations d'élimination ou de valorisation des déchets, alors que le stockage temporaire avant collecte en est, en revanche,
expressément exclu.

43 Les annexes II A et II B précisent en outre, aux points D 15 et R 13 respectivement, que l'opération de stockage temporaire a lieu avant l'opération de collecte qui, aux termes de l'article 1er, sous d), de la directive 75/442, est la première des opérations de gestion des déchets.

44 Par conséquent, le stockage temporaire précède une opération de gestion et, notamment, l'opération de collecte de déchets et constitue une opération préparatoire à l'une des opérations de valorisation ou d'élimination énumérées aux annexes II A et II B, points D 1 à D 15 et R 1 à R 13 respectivement, de la directive 75/442.

45 Ainsi, le stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production doit être défini comme l'opération préliminaire à une opération de gestion des déchets, au sens de l'article 1er, sous d), de la directive 75/442.

46 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question et à la première partie de la deuxième question que la notion de «stockage temporaire» se distingue de celle de «stockage préalable» de déchets et ne relève pas de la notion d'«opération de gestion» au sens de l'article 1er, sous d), de la directive 75/442.

Sur les obligations applicables aux opérations de stockage temporaire de déchets

47 Par la seconde partie de la deuxième question et la troisième question, qu'il convient d'examiner ensemble, le juge de renvoi demande, en substance, si les autorités nationales compétentes sont tenues, en ce qui concerne les opérations de stockage temporaire, de veiller au respect des obligations résultant de l'article 4 de la directive 75/442.

48 Les gouvernements ayant déposé des observations écrites ainsi que la Commission soutiennent que le «stockage temporaire» n'est en principe pas soumis aux dispositions substantielles de la directive 75/442. Cette exclusion serait justifiée par la nécessité d'éviter que les entreprises qui produisent des déchets en exerçant leur activité soient, de ce fait, soumises aux normes rigoureuses de ladite directive.

49 La Commission ajoute toutefois que, en tant que dérogation à des normes qui visent à atteindre des objectifs d'une importance fondamentale, tels que la protection de l'environnement et de la santé, la notion de «stockage temporaire» doit être interprétée de manière stricte et doit respecter les principes mentionnés à l'article 130 R du traité CE (devenu, après modification, article 174 CE). Les États membres, qui sont tenus d'assurer l'effet utile de la directive 75/442, en particulier des
principes généraux énoncés à son article 4, doivent donc adopter des dispositions suffisamment rigoureuses pour éviter que les entreprises puissent faire un usage abusif de la dérogation prévue par cette directive en cas de «stockage temporaire». Selon la Commission, les dispositions de la législation italienne ne semblent pas contrevenir aux finalités de ladite directive.

50 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 4, premier alinéa, de la directive 75/442 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l'environnement, et notamment sans créer de risque pour l'eau, l'air ou le sol, ni pour la faune et la flore, sans provoquer d'incommodités par le bruit ou
les odeurs et sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.

51 L'article 4 de la directive 75/442, adoptée sur le fondement de l'article 130 S du traité CE (devenu, après modification, article 175 CE), vise à mettre en oeuvre les principes de précaution et d'action préventive qui figurent à l'article 130 R, paragraphe 2, deuxième phrase, du traité. En vertu de ces principes, il incombe à la Communauté et aux États membres de prévenir, de réduire et, dans la mesure du possible, de supprimer, dès l'origine, les sources de pollutions ou de nuisances par
l'adoption de mesures de nature à éradiquer les risques connus.

52 Les articles 4, second alinéa, et 8 de la directive 75/442 prévoient, en particulier, des obligations qui doivent être remplies par les États membres pour se conformer aux principes de précaution et d'action préventive. Il s'agit respectivement d'interdire l'abandon, le rejet et l'élimination incontrôlée des déchets et de vérifier que le détenteur de déchets les remette à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise qui effectue les opérations visées aux annexes II A ou II B ou que le
détenteur de déchets en assure lui-même la valorisation ou l'élimination en se conformant aux dispositions de la directive.

53 Dans la mesure où les déchets, même stockés temporairement, peuvent causer des dommages importants à l'environnement, il y a lieu de considérer que les dispositions de l'article 4 de la directive 75/442, qui visent à mettre en oeuvre le principe de précaution, sont également applicables à l'opération de stockage temporaire.

54 Ainsi, s'il est vrai que les entreprises qui détiennent des déchets et qui procèdent à leur stockage temporaire ne sont pas soumises à l'obligation d'enregistrement ou d'autorisation prévue par la directive 75/442, il n'en reste pas moins que toutes les opérations de stockage, qu'elles soient effectuées à titre temporaire ou préalable, ainsi que les opérations de gestion de déchets au sens de l'article 1er, sous d), de cette directive, sont soumises au respect des principes de précaution et
d'action préventive que l'article 4 de la directive 75/442 vise à mettre en oeuvre et, en particulier, aux obligations résultant de cette même disposition ainsi que de l'article 8 de ladite directive.

55 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la deuxième question et à la troisième question que les autorités nationales compétentes sont tenues, en ce qui concerne les opérations de stockage temporaire, de veiller au respect des obligations résultant de l'article 4 de la directive 75/442.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

56 Les frais exposés par les gouvernements italien, allemand, néerlandais et autrichien, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(quatrième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Pretore di Udine, par ordonnances du 20 avril 1998, dit pour droit:

1) La notion de «stockage temporaire» se distingue de celle de «stockage préalable» de déchets et ne relève pas de la notion d'«opération de gestion» au sens de l'article 1er, sous d), de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991.

2) Les autorités nationales compétentes sont tenues, en ce qui concerne les opérations de stockage temporaire, de veiller au respect des obligations résultant de l'article 4 de la directive 75/442.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-175/98
Date de la décision : 05/10/1999
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Pretore di Udine - Italie.

Déchets - Directives 75/442/CEE et 91/689/CEE - Notion de stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production - Notion de gestion des déchets.

Environnement

Déchets

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Procédures pénales
Défendeurs : Paolo Lirussi (C-175/98) et Francesca Bizzaro (C-177/98).

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Ragnemalm

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1999:486

Source

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