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10/06/1999 | CJUE | N°C-376/97

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Bezirksregierung Lüneburg contre Karl-Heinz Wettwer., 10/06/1999, C-376/97


Avis juridique important

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61997J0376

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 10 juin 1999. - Bezirksregierung Lüneburg contre Karl-Heinz Wettwer. - Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine - Obligation de maintenir les bovins

sur l'exploitation du demandeur pendant une période minimale - Transfe...

Avis juridique important

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61997J0376

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 10 juin 1999. - Bezirksregierung Lüneburg contre Karl-Heinz Wettwer. - Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine - Obligation de maintenir les bovins sur l'exploitation du demandeur pendant une période minimale - Transfert de l'exploitation pendant cette période par la voie d'une succession anticipée entre vifs - Effets sur le droit à la prime. - Affaire C-376/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-03449

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Agriculture - Organisation commune des marchés - Viande bovine - Prime spéciale en faveur des producteurs - Engagement du demandeur au maintien des bovins sur son exploitation - Non-respect du fait de la cession de l'exploitation agricole pendant la durée de l'engagement - Cas de force majeure justifiant le maintien du droit à la prime - Absence

(Règlements de la Commission n° 1244/82, art. 5, et n° 714/89, art. 2 et 9, § 3)

2. Agriculture - Organisation commune des marchés - Viande bovine - Prime spéciale en faveur des producteurs - Cession de l'exploitation agricole pendant la durée des engagements souscrits par le cédant - Droit à l'octroi de la prime - Transmission au cessionnaire ayant lui-même rempli les conditions prescrites - Absence

(Règlements du Conseil n° 805/68, art. 4 bis, § 1, tel que modifié par le règlement n° 571/89, et n° 468/87; règlement de la Commission n° 714/89)

Sommaire

1. La cession de l'exploitation au cours de la durée de l'engagement du producteur de maintenir les bovins sur son exploitation prévu à l'article 2 du règlement n° 714/89, portant modalités d'application du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine, ne peut pas être assimilée à un cas de force majeure ni, en particulier, au non-respect dudit engagement en raison du décès ou de l'incapacité professionnelle de longue durée du bénéficiaire, qui figurent parmi les cas de force
majeure justifiant le maintien du droit à la prime visés à l'article 5 du règlement n° 1244/82, portant modalités d'application du régime de prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, auxquels l'article 9, paragraphe 3, dudit règlement n° 714/89 renvoie. En effet, une telle cession ne constitue pas une circonstance étrangère à celui qui l'invoque, anormale et imprévisible, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées.

2. L'article 4 bis, paragraphe 1, du règlement n° 805/68, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, tel que modifié par le règlement n° 571/89, en liaison avec les dispositions des règlements n° 468/87, établissant les règles générales du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine, et n° 714/89, portant modalités d'application de ce régime, doit être interprété en ce sens que, en cas de cession de l'exploitation agricole par voie de
«vorweggenommene Erbfolge» (succession anticipée entre vifs) pendant la durée des engagements contractés par le demandeur de ladite prime, le droit à l'octroi de celle-ci n'est pas transmis au nouveau propriétaire qui a rempli les conditions prescrites quant au maintien et à l'engraissement du cheptel.

Parties

Dans l'affaire C-376/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Bezirksregierung Lüneburg

et

Karl-Heinz Wettwer,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de certaines dispositions du règlement (CEE) n° 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 571/89 du Conseil, du 2 mars 1989 (JO L 61, p. 43), du règlement (CEE) n° 468/87 du Conseil, du 10 février 1987, établissant les règles générales du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine (JO L 48,
p. 4), ainsi que du règlement (CEE) n° 714/89 de la Commission, du 20 mars 1989, portant modalités d'application du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine (JO L 78, p. 38),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de MM. G. Hirsch, président de chambre, G. F. Mancini et R. Schintgen (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. Wettwer, par Me Jürgen Lukanow, avocat à Euskirchen,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Klaus-Dieter Borchardt, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 4 février 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 16 septembre 1997, parvenue à la Cour le 4 novembre suivant, le Bundesverwaltungsgericht a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle relative à l'interprétation de certaines dispositions du règlement (CEE) n° 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 571/89 du Conseil, du 2 mars 1989 (JO L 61, p.
43), du règlement (CEE) n° 468/87 du Conseil, du 10 février 1987, établissant les règles générales du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine (JO L 48, p. 4), ainsi que du règlement (CEE) n° 714/89 de la Commission, du 20 mars 1989, portant modalités d'application du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine (JO L 78, p. 38).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant M. Wettwer, agriculteur, à la Bezirksregierung Lüneburg (ci-après la «Bezirksregierung»), au sujet de la transmission du droit à l'octroi d'une prime spéciale pour l'année 1991 à son fils, à qui il avait cédé son exploitation agricole pendant la durée des engagements qu'il avait contractés en vue de l'obtention d'une telle prime.

Le cadre juridique

3 L'article 4 bis du règlement n° 805/68, tel que modifié par le règlement n° 571/89, prévoit:

«1. Les producteurs de viande bovine peuvent bénéficier d'une prime spéciale. Elle est octroyée, à leur demande, pour les bovins mâles d'au moins neuf mois qui sont engraissés sur leur exploitation.

La prime est limitée à quatre-vingt-dix animaux par année civile et par exploitation; le montant de la prime est fixé à quarante écus par animal.

La prime n'est octroyée qu'une fois pour chaque animal. Elle est versée ou reversée au producteur.

2. Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission à la majorité qualifiée, arrête les règles générales concernant la prime spéciale, et notamment la définition des producteurs bénéficiaires de la prime ainsi que les conditions relatives à son octroi.

3. La Commission, selon la procédure prévue à l'article 27, arrête les modalités d'application du présent article.

...»

4 Conformément à l'article 1er du règlement n° 468/87, arrêté par le Conseil en application de l'article 4 bis, paragraphe 2, du règlement n° 805/68, il convient d'entendre par «producteur, l'exploitant agricole individuel, personne physique ou morale, dont l'exploitation se trouve sur le territoire de la Communauté et qui se livre à l'élevage d'animaux de l'espèce bovine». Cette même disposition définit l'exploitation comme étant «l'ensemble des unités de production gérées par le producteur et
situées sur le territoire d'un même État membre».

5 En vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 468/87, les demandes relatives à l'octroi de la prime sont «déposées une ou plusieurs fois par an auprès des autorités compétentes des États membres» et sont «accompagnées d'une déclaration écrite du producteur attestant qu'il a procédé à l'engraissement des bovins mâles pour lesquels il a demandé l'octroi de la prime».

6 L'article 5 du règlement n° 468/87 précise que les modalités d'application du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine, que la Commission est chargée d'arrêter en application de l'article 4 bis, paragraphe 3, du règlement n° 805/68, portent notamment sur les dispositions concernant le dépôt des demandes et le versement de la prime ainsi que sur les modalités de contrôle du respect des conditions visées à l'article 3, paragraphe 1, en particulier la durée du maintien du
bétail sur l'exploitation afin d'assurer un contrôle suffisant.

7 Aux termes de l'article 2, second tiret, du règlement n° 714/89, qui définit les modalités d'application du régime de prime en vigueur à l'époque des faits de l'affaire au principal, le producteur doit ainsi, lors du dépôt de sa demande, s'engager à «maintenir les bovins mâles, pour lesquels il demande l'octroi de la prime, sur son exploitation pendant la période déterminée en application de l'article 8 paragraphe 2 ... au minimum jusqu'à l'âge de neuf mois».

8 Conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 714/89, il incombe aux États membres de fixer, en vue de permettre l'exercice d'un contrôle suffisant des demandes déposées au titre de l'article 2, une période minimale pendant laquelle les bovins mâles doivent être détenus sur l'exploitation après la date du dépôt de la demande. Cette période ne peut être inférieure à deux mois ni supérieure à cinq mois. En Allemagne, elle est de trois mois.

9 Selon l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 714/89, les autorités nationales, chargées de vérifier si les dispositions du régime de la prime spéciale sont respectées, peuvent procéder à des contrôles administratifs ou à des contrôles sur place. Ces contrôles portent notamment:

«a) sur le nombre de bovins mâles présents sur l'exploitation gérée par le producteur et faisant l'objet de la demande...

b) sur l'exactitude des déclarations prévues et le respect des engagements pris par le producteur;

c) ...».

10 L'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 714/89 prévoit la perte de la prime, sans préjudice des paragraphes 2, 3 et 4 du même article, lorsque le nombre d'animaux effectivement éligibles résultant du contrôle est inférieur à celui pour lequel la demande de primes a été déposée. Afin de renforcer les dispositions visant à prévenir et à sanctionner les irrégularités et les fraudes, le paragraphe 6 de cette même disposition énonce:

«En cas d'application du paragraphe 1, s'il est constaté par l'autorité compétente qu'il s'agit d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave, le producteur en cause est exclu du bénéfice du régime de la prime pour une durée de douze mois, à partir de la date de cette constatation».

11 En vertu de l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 714/89, «Le droit à la prime est maintenu pour le nombre d'animaux effectivement éligibles lorsque le producteur n'a pas pu respecter l'engagement prévu à l'article 2 en raison de cas de force majeure, et notamment de ceux visés à l'article 5 du règlement (CEE) n° 1244/82 de la Commission. Le producteur en informe les autorités compétentes dans un délai de dix jours suivant l'événement en cause».

12 L'article 5 du règlement (CEE) n° 1244/82 de la Commission, du 19 mai 1982, portant modalités d'application du régime de prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (JO L 143, p. 20), prévoit, en son paragraphe 1:

«Sans préjudice de circonstances concrètes à prendre en considération dans les cas individuels, les autorités compétentes peuvent admettre comme justifiant le maintien du droit à la prime, notamment les cas de force majeure suivants:

a) le décès du bénéficiaire;

b) l'incapacité professionnelle de longue durée du bénéficiaire;

c) l'expropriation d'une partie importante de la surface agricole utile de l'exploitation gérée par le bénéficiaire si cette expropriation n'était pas prévisible le jour du dépôt de la demande;

d) une catastrophe naturelle grave qui affecte de façon importante la surface agricole exploitée par le bénéficiaire;

e) la destruction accidentelle des bâtiments du bénéficiaire destinés à l'élevage des bovins;

f) une épizootie touchant tout ou partie du cheptel bovin du bénéficiaire.»

Le litige au principal

13 Le 2 mai 1991, M. Wettwer a sollicité auprès de la Bezirksregierung l'octroi de la prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine prévue à l'article 4 bis, paragraphe 1, du règlement n° 805/68, tel que modifié, pour dix bêtes élevées dans son exploitation agricole.

14 Par acte notarié du 4 juillet 1991, M. Wettwer a, par voie de «vorweggenommene Erbfolge» (succession anticipée entre vifs), cédé son exploitation, y compris les droits et obligations y afférents, à son fils, qui était également agriculteur et gérait une autre exploitation agricole. M. Wettwer en a informé la Bezirksregierung le 23 juillet 1991.

15 Par décision du 17 octobre 1991, celle-ci a rejeté la demande de M. Wettwer aux motifs qu'il n'avait pas maintenu les dix têtes de bétail dans son exploitation pendant au moins trois mois après le dépôt de la demande et que, la prime étant octroyée à une personne et non pas à une exploitation, seul le demandeur de la prime pouvait en être le bénéficiaire.

16 Devant le Verwaltungsgericht, qu'il avait saisi d'un recours afin d'obtenir l'annulation de la décision de refus de la prime spéciale, M. Wettwer a fait valoir que son fils, en sa qualité de successeur, remplissait les obligations, liées à la demande de prime, relatives au maintien des bovins sur l'exploitation et à leur engraissement, de sorte que les conditions d'octroi de la prime étaient réunies.

17 Par jugement du 17 septembre 1992, le Verwaltungsgericht a rejeté le recours de M. Wettwer aux motifs que, selon l'article 4 bis, paragraphe 1, du règlement n° 805/68, tel que modifié par le règlement n° 571/89, la prime est octroyée au producteur qui en a fait la demande et non pas à l'exploitation et que ni M. Wettwer ni son fils n'avait droit à la prime parce que le premier avait perdu sa qualité de producteur avant l'expiration de la période de contrôle de trois mois et que le second n'avait
pas déposé de demande de prime.

18 M. Wettwer a interjeté appel de ce jugement devant le Niedersächsische Oberverwaltungsgericht, qui, par arrêt du 26 mai 1995, a réformé le jugement de première instance, au motif, principalement, que ni les dispositions du droit communautaire ni celles du droit national ne permettaient de conclure que la transmission ante mortem d'une exploitation agricole excluait, au profit du successeur, une succession dans les droits et obligations qui découlent, pour le demandeur, de la demande d'octroi de
la prime spéciale.

19 A la suite de cet arrêt, la Bezirksregierung a introduit un recours en «Revision» devant le Bundesverwaltungsgericht qui, considérant que le silence des textes n'excluait aucune des deux interprétations et thèses en présence, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question suivante:

«Le droit à l'octroi d'une prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine pour 1991 est-il transmis à un producteur à qui le demandeur de la prime a cédé son exploitation agricole par voie de vorweggenommene Erbfolge (succession anticipée entre vifs) pendant la durée des engagements contractés et qui a rempli les conditions prescrites quant au maintien et à l'engraissement du cheptel?»

20 Ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi, la juridiction nationale demande en substance, par cette question, si l'article 4 bis, paragraphe 1, du règlement n° 805/68, tel que modifié par le règlement n° 571/89, en liaison avec les dispositions des règlements n° 468/87 et n° 714/89, doit être interprété en ce sens que, en cas de cession de l'exploitation agricole par voie de «vorweggenommene Erbfolge» (succession anticipée entre vifs) pendant la durée des engagements contractés par le
demandeur, le droit à l'octroi d'une prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine pour l'année 1991 est transmis au nouveau propriétaire qui a rempli les conditions prescrites quant au maintien et à l'engraissement du cheptel.

21 Afin de répondre à la question ainsi reformulée, il convient de souligner en premier lieu que, en vertu de l'article 4 bis, paragraphe 1, du règlement n° 805/68, tel que modifié par le règlement n° 571/89, ce sont les producteurs de viande bovine qui en font la demande qui peuvent bénéficier d'une prime spéciale pour les bovins mâles d'au moins neuf mois qui sont engraissés sur leur exploitation, et ce à concurrence d'un maximum de 90 animaux par année civile et par exploitation.

22 Il importe de relever en second lieu que, aux fins d'assurer le contrôle du respect de ces conditions d'octroi fixées par le Conseil, les dispositions d'application arrêtées tant par celui-ci que par la Commission, à savoir l'article 3 du règlement n° 468/87 et l'article 2 du règlement n° 714/89, prévoient que les demandes de prime doivent être accompagnées de déclarations écrites par lesquelles le producteur, d'une part, atteste qu'il a procédé à l'engraissement des bovins pour lesquels il a
demandé l'octroi de la prime et, d'autre part, s'engage à les maintenir sur son exploitation pendant une période minimale déterminée conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 714/89.

23 Il résulte expressément du troisième considérant du règlement n° 714/89 que c'est au vu des difficultés liées à la présentation des preuves du respect des conditions requises qu'il a été prévu que les demandes soient assorties de déclarations et d'engagements de la part des bénéficiaires et que ces déclarations et ces engagements soient soumis au contrôle administratif ainsi qu'à un contrôle sur place de la part des États membres.

24 Dans ces conditions, il importe de relever que ces déclarations et engagements du demandeur constituent un élément essentiel du système de contrôle du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine, tel qu'il a été institué par le législateur communautaire.

25 Il convient de constater en troisième lieu que, en cas de cession de son exploitation par le demandeur d'une prime, la réglementation communautaire ne prévoit pas l'obligation, ni même la faculté, pour le nouvel exploitant de s'engager à respecter les engagements souscrits, au moment du dépôt de sa demande, par le producteur qui lui a cédé son exploitation.

26 Or, ainsi que la Commission l'a à juste titre indiqué, à défaut d'un tel engagement formel de la part du nouvel exploitant, la sanction de l'exclusion du bénéfice du régime de la prime pour une durée de douze mois, dont est frappé, en vertu de l'article 9, paragraphe 6, du règlement n° 714/89, l'auteur d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave, ne pourrait pas trouver à s'appliquer, ce qui affecterait considérablement l'efficacité du système de contrôle mis en place pour
garantir le respect des conditions d'octroi de la prime.

27 Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de conclure que, en cas de cession d'une exploitation pendant la durée des engagements souscrits par le demandeur d'une prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine, le demandeur perd le droit à la prime et le nouvel exploitant ne peut prétendre à une telle prime qu'en introduisant lui-même, le cas échéant, une demande, accompagnée de toutes les déclarations et de tous les engagements requis. Il en découle que, à défaut
d'une telle demande, le fait que le nouveau propriétaire a lui-même rempli les conditions prescrites quant au maintien et à l'engraissement du cheptel n'est pas suffisant pour le faire bénéficier de la prime.

28 Ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 22 de ses conclusions, lorsque l'exploitation a été cédée à un autre producteur, comme dans l'affaire au principal, cette interprétation est la seule qui puisse garantir, en l'état actuel des textes, que le nombre maximal de 90 bêtes par année civile et par exploitation, pour lesquelles une prime peut être octroyée, ne soit pas dépassé dans le chef du nouveau propriétaire.

29 L'interprétation qui précède est par ailleurs corroborée par la circonstance que l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 714/89, qui vise expressément l'hypothèse dans laquelle le producteur n'a pas pu respecter l'engagement de maintenir les bovins sur son exploitation prévu à l'article 2 du même règlement, ne prévoit le maintien du droit à la prime qu'en cas de force majeure.

30 Or, la cession de l'exploitation au cours de la durée de cet engagement ne peut pas être assimilée à un cas de force majeure ni, en particulier, au non-respect dudit engagement en raison du décès ou de l'incapacité professionnelle de longue durée du bénéficiaire, qui figurent parmi les cas de force majeure visés à l'article 5 du règlement n° 1244/82, auxquels l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 714/89 renvoie. En effet, une telle cession ne constitue pas une circonstance étrangère à celui
qui l'invoque, anormale et imprévisible, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (voir, notamment, s'agissant de la définition de la notion de force majeure, arrêt du 29 septembre 1998, First City Trading e.a., C-263/97, Rec. p. I-5537, point 38).

31 Il convient dès lors de répondre à la question posée que l'article 4 bis, paragraphe 1, du règlement n° 805/68, tel que modifié par le règlement n° 571/89, en liaison avec les dispositions des règlements n° 468/87 et n° 714/89, doit être interprété en ce sens que, en cas de cession de l'exploitation agricole par voie de «vorweggenommene Erbfolge» (succession anticipée entre vifs) pendant la durée des engagements contractés par le demandeur, le droit à l'octroi d'une prime spéciale en faveur des
producteurs de viande bovine pour l'année 1991 n'est pas transmis au nouveau propriétaire qui a rempli les conditions prescrites quant au maintien et à l'engraissement du cheptel.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

32 Les frais exposés par la Commission, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Bundesverwaltungsgericht, par ordonnance du 16 septembre 1997, dit pour droit:

L'article 4 bis, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 571/89 du Conseil, du 2 mars 1989, en liaison avec les dispositions des règlements (CEE) n° 468/87 du Conseil, du 10 février 1987, établissant les règles générales du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine, et (CEE) n° 714/89 de la Commission, du 20 mars 1989,
portant modalités d'application du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine, doit être interprété en ce sens que, en cas de cession de l'exploitation agricole par voie de «vorweggenommene Erbfolge» (succession anticipée entre vifs) pendant la durée des engagements contractés par le demandeur, le droit à l'octroi d'une prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine pour l'année 1991 n'est pas transmis au nouveau propriétaire qui a rempli les conditions prescrites
quant au maintien et à l'engraissement du cheptel.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-376/97
Date de la décision : 10/06/1999
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne.

Prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine - Obligation de maintenir les bovins sur l'exploitation du demandeur pendant une période minimale - Transfert de l'exploitation pendant cette période par la voie d'une succession anticipée entre vifs - Effets sur le droit à la prime.

Agriculture et Pêche

Viande bovine


Parties
Demandeurs : Bezirksregierung Lüneburg
Défendeurs : Karl-Heinz Wettwer.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Schintgen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1999:292

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