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20/02/1997 | CJUE | N°C-166/95

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Frédéric Daffix., 20/02/1997, C-166/95


Avis juridique important

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61995J0166

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 20 février 1997. - Commission des Communautés européennes contre Frédéric Daffix - Fonctionnaires - Révocation - Motivation. - Affaire C-166/95 P.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-00983

Sommaire
Parties
Mo

tifs de l'arrêt
Dispositif

Mots clés

Pourvoi - Moyens - Motifs d'un arrêt entach...

Avis juridique important

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61995J0166

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 20 février 1997. - Commission des Communautés européennes contre Frédéric Daffix - Fonctionnaires - Révocation - Motivation. - Affaire C-166/95 P.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-00983

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Mots clés

Pourvoi - Moyens - Motifs d'un arrêt entachés d'une violation du droit communautaire - Appréciation erronée, par le Tribunal, de la motivation d'une décision infligeant une sanction disciplinaire à un fonctionnaire - Pourvoi fondé

(Traité CE, art. 190; statut des fonctionnaires, art. 25)

Sommaire

Est entaché d'une erreur de droit l'arrêt du Tribunal qui constate l'insuffisance de motivation d'une décision infligeant une sanction disciplinaire à un fonctionnaire alors que ladite décision indique de manière suffisamment précise les faits retenus à la charge de l'intéressé et contient, même si elle ne le précise pas expressément, la raison pour laquelle l'autorité investie du pouvoir de nomination s'est écartée de l'avis du conseil de discipline en adoptant une sanction plus lourde que celle
suggérée par cet organe.

Parties

Dans l'affaire C-166/95 P,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Dimitrios Gouloussis, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Benoît Cambier, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 28 mars 1995, Daffix/Commission (T-12/94, RecFP p. II-233), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Frédéric Daffix, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représenté par Mes Georges Vandersanden et Laure Levi, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de chambre, L. Sevón, D. A. O. Edward, P. Jann (rapporteur) et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. A. La Pergola,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 4 juillet 1996,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 19 septembre 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 mai 1995, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 49 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 28 mars 1995, Daffix/Commission (T-12/94, RecFP p. II-233), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission du 18 mars 1993, infligeant à M. Daffix la sanction disciplinaire de la révocation sans
suppression ni réduction du droit à pension d'ancienneté, prévue par l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»).

2 Il ressort de l'arrêt attaqué que, en avril 1991, une procédure disciplinaire a été engagée par la Commission en application de l'article 87, deuxième alinéa, du statut à l'encontre de M. Daffix, fonctionnaire de grade B 3 à la direction générale Information, communication, culture, audiovisuel (DG X) (point 6).

3 Il était reproché à ce dernier d'avoir établi trois bons de commande à l'attention de la SA Newscom, sous-traitant de la Commission, chargée de la gestion de studios situés au sous-sol du bâtiment Berlaymont à Bruxelles, en vue d'obtenir de celle-ci des avances en espèces, d'un montant total de 450 000 BFR, pour des services prétendument commandés à un prestataire extérieur à l'institution, Mme Lombaerts, dont l'existence demeure encore à ce jour incertaine, et d'avoir en réalité conservé cette
somme d'argent. Il était également fait grief à M. Daffix d'avoir falsifié la signature du chef d'unité adjoint compétent de la DG X sur deux des bons de commande en question (points 3, 4, 9, 12 et 21 de l'arrêt).

4 Saisi d'un rapport émanant de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») et après plusieurs auditions de M. Daffix et plusieurs témoignages de fonctionnaires, le conseil de discipline a, dans un avis du 18 février 1993, considéré que la falsification des bons de commande par M. Daffix n'était pas établie et que, malgré diverses contradictions relevées tant dans les déclarations de ce dernier qu'entre celles-ci et les témoignages, il n'était pas en mesure d'écarter la
possibilité que la somme d'argent en question ait effectivement été remise au prestataire de services indiqué par M. Daffix. Le conseil de discipline a néanmoins conclu que ce dernier, en ne vérifiant pas préalablement l'identité de ce prestataire et en ne s'assurant pas de sa légitimité, avait gravement manqué à ses obligations de fonctionnaire des Communautés européennes. En conséquence, le conseil de discipline a recommandé à l'AIPN d'infliger au requérant la rétrogradation au grade B 5, échelon
1 (point 19).

5 Après l'avoir entendu, l'AIPN a, le 18 mars 1993, pris une décision (ci-après la «décision litigieuse»), qui est motivée dans les termes suivants:

«considérant que le grief retenu à l'encontre de M. Daffix consiste à la fois en l'établissement de manière falsifiée de trois bons de commande destinés à la société Newscom, sous-traitant de la Commission dans le secteur `culture', et à la fois en l'utilisation desdits bons de commande pour amener la société Newscom à lui remettre, au nom et pour compte de la Commission, en trois tranches, aux mois de juin et juillet 1990, une somme importante en liquide;

considérant que M. Daffix a admis lors de l'audition du 10 avril 1991 avoir établi les trois bons de commande, dont un signé par lui personnellement, `pour ordre' de son supérieur hiérarchique sans que celui-ci ait donné une instruction à cet égard;

considérant que M. Daffix a nié lors de la même audition avoir falsifié la signature de son supérieur hiérarchique sur les deux autres bons de commande;

considérant que M. Daffix s'est servi des trois bons de commande pour obtenir le paiement en liquide de la somme précitée par la société Newscom sans avoir obtenu des instructions quelconques à cet égard;

considérant que les déclarations de M. Daffix relatives, d'une part, à la remise à une personne externe à l'institution de la somme qu'il a obtenue auprès de la société Newscom et, d'autre part, quant à l'identité de cette personne, ont été divergentes et souvent contradictoires de sorte qu'elles ne peuvent être prises en considération, notamment au vu des autres témoignages recueillis au cours de la procédure disciplinaire;

considérant qu'il est donc légitime de conclure que M. Daffix a gardé la somme de 450 000 BFR qu'il a reçue en liquide de la société Newscom;

considérant que cette conclusion est d'ailleurs corroborée par la déclaration de M. Daffix lui-même lors de l'audition du 22 juillet 1991;

considérant que M. Daffix a lui-même reconnu devant le conseil de discipline qu'il avait effectivement fait cette déclaration le 22 juillet 1991, même si, par la suite, il a refusé de signer le compte rendu de l'audition;

considérant que les faits reprochés à M. Daffix constituent un manquement extrêmement grave à ses obligations, qui, en effet, mettent en cause les bases mêmes des relations de confiance qui doivent exister entre l'institution et chacun des membres de son personnel et qu'un tel comportement justifie l'imposition d'une sanction allant au-delà de la mesure recommandée par le conseil de discipline» (point 21).

6 Par conséquent, la Commission a décidé de révoquer M. Daffix sans réduction ni suppression du droit à pension d'ancienneté.

7 Pour un plus ample exposé des faits du litige, il est renvoyé aux points 1 à 23 de l'arrêt attaqué.

8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 janvier 1994, M. Daffix a introduit un recours visant à l'annulation de la décision litigieuse.

9 A l'appui de ce recours, M. Daffix invoquait cinq moyens. Le premier était tiré de l'illégalité de la sanction infligée, le deuxième d'un abus, de la part de l'AIPN, de son pouvoir discrétionnaire et d'une erreur manifeste d'appréciation, le troisième d'une violation des droits de la défense, le quatrième d'une violation de l'article 7 de l'annexe IX du statut et le cinquième d'un défaut de motivation de l'acte attaqué (point 29).

L'arrêt du Tribunal

10 Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal a estimé qu'il convenait d'examiner d'abord le dernier moyen.

11 Au point 31 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a tout d'abord admis la recevabilité de ce moyen, soulevé au stade du mémoire en réplique. Soulignant l'importance que revêt, en général, le devoir de motivation incombant aux institutions communautaires dans l'exercice de leurs compétences, le Tribunal a estimé qu'il s'agissait d'un moyen d'ordre public qui, en tant que tel, pouvait, en tout état de cause, être examiné d'office par le juge communautaire.

12 Aux points 35 à 46, le Tribunal a ensuite examiné si la décision litigieuse était dûment motivée, après avoir rappelé, au point 32, que, selon une jurisprudence constante, l'obligation de motivation d'une décision faisant grief a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d'autre part, d'en rendre possible le contrôle juridictionnel (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point
22, et du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 36; arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T-1/90, Rec. p. II-143, point 73).

13 A cet égard, le Tribunal a, en premier lieu, constaté, au point 42 de l'arrêt, que la décision litigieuse n'indiquait pas de manière suffisamment précise les faits qui, retenus à la charge de M. Daffix, avaient amené l'AIPN à lui infliger la sanction de la révocation.

14 Plus particulièrement, le Tribunal a relevé, au point 35, que la décision litigieuse ne contenait aucune indication sur le point de savoir si le grief tiré de la falsification des bons de commande constituait, d'après l'AIPN, un fait établi.

15 Au point 36, il a également relevé que, dans la mesure où M. Daffix avait nié avoir falsifié la signature figurant sur les bons de commande et où l'AIPN n'avait pas expliqué les raisons pour lesquelles elle n'avait pas fait procéder à des mesures d'instruction complètes afin de déterminer qui aurait pu en être le signataire, il incombait à l'AIPN de motiver de manière explicite et circonstanciée sa décision sur ce point.

16 De même, au point 40, le Tribunal a constaté que l'AIPN n'avait pas pu réfuter les déclarations de M. Daffix, selon lesquelles il avait remis la somme litigieuse à une tierce personne, sans motiver, de manière explicite, les raisons pour lesquelles les éléments de preuve apportés par l'intéressé n'étaient pas, selon elle, de nature à étayer ses déclarations, particulièrement compte tenu du fait que l'aveu de M. Daffix avait été rétracté ultérieurement. Le Tribunal a ajouté qu'une indication
précise des faits retenus à la charge de M. Daffix était d'autant plus nécessaire que le conseil de discipline avait quant à lui estimé, d'une part, que la falsification des bons de commande par ce dernier n'était pas établie et, d'autre part, qu'il n'était pas en mesure d'écarter la possibilité que M. Daffix ait remis la somme en question à Mme Lombaerts.

17 En second lieu, le Tribunal a observé, au point 46, que la décision litigieuse ne comportait aucun motif précisant de manière suffisante les raisons pour lesquelles l'AIPN avait adopté une sanction plus lourde que celle suggérée par le conseil de discipline.

18 Au vu de l'ensemble de ces constatations, le Tribunal a estimé, au point 47, que les motifs figurant dans la décision litigieuse ne lui permettaient pas d'exercer effectivement son contrôle sur la légalité de cette dernière, tout en excluant, au point 49, la possibilité pour l'AIPN de la régulariser en cours d'instance, et ce afin d'assurer pleinement le respect des droits de la défense dans le contentieux disciplinaire. Partant, le Tribunal a annulé la décision litigieuse pour insuffisance de
motivation.

Le pourvoi

19 Dans son pourvoi, la Commission considère que le Tribunal a violé le droit communautaire en annulant la décision litigieuse pour insuffisance de motivation. Elle invoque à cet égard trois moyens: tout d'abord, devant le Tribunal, le moyen tiré du défaut de motivation n'aurait été soulevé qu'au stade de la réplique; ensuite, l'appréciation du Tribunal à cet égard serait dépourvue de fondement; enfin, le Tribunal aurait refusé à tort de tenir compte, dans l'appréciation de la motivation, des
explications fournies par la Commission au cours de la procédure qui a eu lieu devant lui.

20 Dans ses observations, M. Daffix estime, pour sa part, que le pourvoi n'est pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi

21 Par son premier moyen, la Commission soutient que c'est à tort que le Tribunal a retenu le défaut de motivation, car ce moyen, du fait qu'il avait été soulevé pour la première fois par M. Daffix dans son mémoire en réplique, et non lors de la phase précontentieuse, était irrecevable.

22 Plus particulièrement, la Commission conteste le raisonnement du Tribunal, figurant au point 31 de son arrêt, selon lequel un moyen tiré du défaut de motivation peut, dans tous les cas, être examiné d'office par le juge communautaire. Elle estime en effet que, si l'absence de toute motivation peut être considérée comme étant de nature à affecter les droits de la défense et le bon fonctionnement des institutions en empêchant le Tribunal et la Cour de remplir leur mission, il n'en va pas de même
lorsque l'acte attaqué contient un début de motivation.

23 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision faisant grief doit permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur sa légalité et de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est bien fondée (arrêt Michel/Parlement, précité, point 22).

24 Par conséquent, un défaut ou une insuffisance de motivation, qui entravent ce contrôle juridictionnel, constituent des moyens d'ordre public qui peuvent, et même doivent, être soulevés d'office par le juge communautaire (arrêts du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité, 18/57, Rec. p. 89, et du 1er juillet 1986, Usinor/Commission, 185/85, Rec. p. 2079, point 19).

25 L'examen de tels moyens pouvant donc avoir lieu à tout stade de la procédure, le requérant ne saurait être forclos à s'en prévaloir au seul motif qu'il ne les a pas soulevés dans sa réclamation.

26 Le premier moyen doit donc être rejeté.

Sur le deuxième moyen du pourvoi

27 Par son deuxième moyen, la Commission soutient que l'appréciation du Tribunal quant à l'insuffisance de la motivation de la décision litigieuse est dépourvue de fondement.

28 A cet égard, elle expose que la décision litigieuse contenait à la fois une motivation expresse et une motivation par renvoi à un certain nombre de pièces et de déclarations. La validité de la motivation aurait donc dû être appréciée au vu de l'ensemble de ces éléments.

29 En particulier, la Commission fait valoir que l'essentiel de la motivation résidait dans sa conclusion selon laquelle M. Daffix avait conservé le montant de 450 000 BFR. Or, elle l'aurait justifiée par les incohérences et les déclarations contradictoires de M. Daffix, tirées de l'ensemble du dossier administratif auquel la décision litigieuse se référait. L'aveu de M. Daffix aurait d'ailleurs été évoqué dans la motivation et suffisait à lui seul à justifier la mesure prise.

30 En outre, la Commission affirme avoir fait connaître les raisons pour lesquelles elle s'était écartée de la proposition du conseil de discipline: à la différence de ce dernier, l'AIPN aurait considéré le fait qu'il avait conservé l'argent comme établi et aurait précisé que la confiance qu'elle devait avoir en ses agents n'existait plus s'agissant de M. Daffix.

31 De même, la décision litigieuse serait suffisamment motivée quant au grief de la falsification des bons de commande. Ce dernier aurait résulté non seulement de l'éventuelle imitation de la signature du supérieur hiérarchique de M. Daffix, mais aussi d'un certain nombre d'autres éléments précisés par la Commission que M. Daffix n'avait pas contestés.

32 En conséquence, la Commission reproche au Tribunal d'avoir méconnu l'article 190 du traité CE ainsi que l'article 25 du statut en posant des exigences qui allaient au-delà de l'objectif poursuivi par l'exigence de motivation, lequel consiste à permettre à l'intéressé et aux juridictions de vérifier si les faits retenus peuvent justifier la sanction prise.

33 S'agissant des faits qui sont à l'origine de la décision litigieuse, il convient de constater que cette dernière se fonde sur les circonstances suivantes:

- l'établissement de manière falsifiée de trois bons de commande destinés à la société Newscom et l'utilisation desdits bons pour amener cette société à remettre à M. Daffix, au nom et pour le compte de la Commission, une somme importante, à savoir 450 000 BFR (premier considérant de la décision);

- la circonstance que M. Daffix a admis au cours d'une audition avoir établi les trois bons de commande, dont un signé par lui personnellement, «pour ordre» de son supérieur hiérarchique sans que celui-ci ait donné une instruction à cet égard (deuxième considérant de la décision);

- la circonstance qu'il se soit servi des trois bons de commande sans avoir obtenu des instructions quelconques à cet égard (quatrième considérant de la décision);

- les contradictions dans les déclarations de M. Daffix quant à la question de savoir s'il a effectivement remis la somme d'argent à une personne externe à l'institution et quant à l'identité de cette personne (cinquième considérant de la décision);

- le fait que M. Daffix a reconnu avoir effectivement gardé la somme, aveu qui a été rétracté par la suite (sixième et septième considérants de la décision).

34 Il y a donc lieu de considérer que, contrairement à ce qui a été jugé par le Tribunal au point 42 de son arrêt, la décision litigieuse indiquait de manière suffisamment précise les faits retenus à la charge du requérant. Il convient d'ajouter à cet égard qu'elle constituait l'aboutissement d'une procédure disciplinaire engagée en 1990, dont les détails étaient suffisamment connus de l'intéressé. En outre, au vu du dossier de l'affaire et des considérants de la décision litigieuse qui s'y
rapportent, tels que repris au point 33 du présent arrêt, il ne saurait être conclu qu'un contrôle juridictionnel de la légalité de cette décision était impossible.

35 En considérant que la décision litigieuse n'indiquait pas de manière suffisamment précise les faits retenus à la charge du requérant de sorte que l'article 190 du traité et l'article 25 du statut avaient été violés, le Tribunal a donc commis une erreur de droit.

36 Quant à la motivation de la sanction contenue dans la décision litigieuse, le Tribunal a jugé, au point 45 de son arrêt, qu'elle était stéréotypée en ce qu'elle n'expliquait nullement les raisons particulières pour lesquelles, dans les circonstances spécifiques de l'espèce, l'AIPN avait retenu la sanction de la révocation et non, comme l'avait suggéré le conseil de discipline, celle de la rétrogradation.

37 Il ressort cependant des circonstances décrites au point 33 du présent arrêt que l'AIPN, à l'opposé du conseil de discipline, était convaincue, du fait que M. Daffix avait gardé la somme litigieuse par-devers lui, qu'il avait falsifié un bon de commande et qu'il s'en était servi, ainsi que de deux autres, pour obtenir un paiement sans avoir reçu d'instructions à cet égard de son supérieur hiérarchique. Alors que le conseil de discipline avait uniquement retenu que M. Daffix n'avait pas vérifié
l'identité de la tierce personne en cause et ne s'était pas assuré de sa légitimité, ce qu'il avait qualifié de manquement grave aux obligations d'un fonctionnaire, l'AIPN a qualifié les griefs qu'elle avait établis de manquement extrêmement grave aux obligations d'un fonctionnaire vis-à-vis de son institution, mettant en cause les bases mêmes des relations de confiance entre l'institution et son personnel (voir le neuvième considérant de la décision litigieuse). Même si elle ne le précise pas
expressément, il résulte donc à suffisance de la décision litigieuse que telle était la raison pour laquelle l'AIPN s'écartait de l'avis du conseil de discipline.

38 Dans ces circonstances, il convient de conclure que le Tribunal a commis une erreur de droit en retenant, au point 46 de son arrêt, que la décision litigieuse ne comportait aucun motif précisant de manière suffisante les raisons pour lesquelles l'AIPN avait adopté une sanction plus lourde que celle suggérée par le conseil de discipline.

39 Sans qu'il soit besoin d'examiner le troisième moyen invoqué à l'appui du pourvoi, il y a donc lieu d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision litigieuse pour insuffisance de motivation et, d'autre part, condamné la Commission aux dépens.

Sur le renvoi de l'affaire au Tribunal

40 Aux termes de l'article 54, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, «Lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue».

41 En l'espèce, la Cour estime qu'elle n'est pas en mesure de juger sur l'affaire et qu'il y a donc lieu de la renvoyer au Tribunal pour qu'il statue sur le fond en examinant les autres moyens invoqués par le requérant en première instance et qui sont énoncés au point 29 de l'arrêt attaqué.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) L'arrêt du Tribunal de première instance du 28 mars 1995, Daffix/Commission (T-12/94), est annulé en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision de la Commission du 18 mars 1993 portant révocation de M. Daffix, pour insuffisance de motivation et, d'autre part, condamné la Commission aux dépens.

2) L'affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance pour qu'il statue sur les autres moyens invoqués par le requérant en première instance et qui sont énoncés au point 29 de l'arrêt attaqué.

3) Les dépens sont réservés.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-166/95
Date de la décision : 20/02/1997
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Fonctionnaires - Révocation - Motivation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Frédéric Daffix.

Composition du Tribunal
Avocat général : La Pergola
Rapporteur ?: Jann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1997:73

Source

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