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21/03/1996 | CJUE | N°C-335/94

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Hans Walter Mrozek et Bernhard Jäger., 21/03/1996, C-335/94


Affaire C-335/94

Recours judiciaire contre une amende administrative formé
par

...

Affaire C-335/94

Recours judiciaire contre une amende administrative formé
par
Hans Walter Mrozek et Bernhard Jäger

(demande de décision préjudicielle, formée par l'Amtsgericht Recklinghausen)

«Dispositions sociales dans le domaine du transport par route – Dérogation pour les véhicules affectés au service de l'enlèvement des immondices»

Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 25 janvier 1996

Arrêt de la Cour (première chambre) du 21 mars 1996

Sommaire de l'arrêt

1..
Transports – Transports par route – Dispositions sociales – Dérogations – Véhicules affectés au service de l'enlèvement des immondices – Notion
(Règlement du Conseil n° 3820/85, art. 4, point 6)

2..
Transports – Transports par route – Dispositions sociales – Domaines exclus du champ d'application du règlement n° 3820/85 – Compétence des États membres pour réglementer le temps de conduite
(Règlement du Conseil n° 3820/85)

1.
L'article 4, point 6, du règlement n° 3820/85, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, doit s'entendre, lorsque, parmi les catégories de transports exclues du champ d'application du réglement, il fait figurer ceux effectués au moyen de véhicules affectés au service de l'enlèvement des immondices, comme visant les véhicules affectés au ramassage de déchets de toutes sortes ne faisant pas l'objet d'une réglementation plus
spécifique ainsi qu'à leur acheminement à proximité, dans le cadre d'un service général d'intérêt public assuré directement par les autorités publiques ou sous leur contrôle par des entreprises privées.

2.
Dans les domaines qui ne relèvent pas du règlement n° 3820/85, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, les États membres restent compétents pour adopter des réglementations en matière d'heures de conduite.

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
21 mars 1996 (1)

«Dispositions sociales dans le domaine du transport par route – Dérogation pour les véhicules affectés au service de l'enlèvement des immondices»

Dans l'affaire C-335/94,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par l'Amtsgericht Recklinghausen (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le recours judiciaire contre une amende administrative formé devant cette juridiction par

Hans Walter Mrozek, Bernhard Jäger,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 4, point 6, du règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route (JO L 370, p. 1),

LA COUR (première chambre),,

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, P. Jann (rapporteur) et L. Sevón, juges,

avocat général: M. P. Léger,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:


pour le gouvernement autrichien, par M. Wolf Okresek, Ministerialrat au Bundeskanzleramt ─ Verfassungsdienst, en qualité d'agent,


pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M lle Lindsey Nicoll, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assistée de M. Nicholas Paines, barrister,


pour la Commission des Communautés européennes, par M. Götz zur Hausen, conseiller juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. Nicholas Green, barrister, et de la Commission, représentée par M. Götz zur Hausen, à l'audience du 30 novembre 1995,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 25 janvier 1996,

rend le présent

Arrêt

1
Par ordonnance du 31 octobre 1994, parvenue à la Cour le 28 décembre suivant, l'Amtsgericht Recklinghausen a posé, en application de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 4, point 6, du règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route (JO L 370, p. 1, ci-après le règlement).

2
Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un recours judiciaire formé contre une amende administrative infligée à MM. Mrozek et Jäger, prévenus d'avoir enfreint la réglementation allemande relative au temps de travail des conducteurs.

3
Le règlement prévoit, dans ses sections IV et V, la durée des temps de conduite et de repos. Cependant, selon l'article 4: Le présent règlement ne s'applique pas aux transports effectués au moyen de:...

6)
véhicules affectés aux services des égouts, de la protection contre les inondations, de l'eau, du gaz, de l'électricité, de la voirie, de l'enlèvement des immondices, des télégraphes, des téléphones, des envois postaux, de la radiodiffusion, de la télévision et de la détection des émetteurs ou récepteurs de télévision ou de radio;

...

4
MM. Mrozek et Jäger sont employés en qualité de fondés de pouvoir de la société Rethmann Entsorgungswirtschaft (ci-après Rethmann) à Marl (Allemagne) et sont responsables de la répartition du travail par équipe des différents chauffeurs de l'entreprise ainsi que des tournées. Des amendes administratives leur ont été infligées par le Staatliches Gewerbeaufsichtsamt Recklinghausen (administration de l'inspection du travail et de la main-d'oeuvre) au motif qu'ils n'avaient pas organisé les
horaires des conducteurs en conformité avec l'Ausführungsverordnung zur Arbeitszeitordnung (règlement pris pour l'application du régime relatif au temps de travail).

5
Les transports en question concernaient, d'une part, des déchets ménagers particuliers, comme des piles sèches et des produits chimiques, et, d'autre part, des déchets industriels. Pour les déchets ménagers, Rethmann a conclu avec certaines communes ou certains districts des contrats à long terme portant sur l'évacuation des déchets. Elle assure non seulement leur ramassage, en mettant, à certaines dates, des conteneurs à la disposition des habitants, mais également leur triage et leur
évacuation définitive.

6
Dans le recours formé contre ces amendes devant l'Amtsgericht Recklinghausen, MM. Mrozek et Jäger ont fait valoir que les transports étaient effectués par des véhicules affectés au service de l'enlèvement des immondices au sens de l'article 4, point 6, du règlement, en sorte qu'ils étaient exemptés des obligations imposées par celui-ci. En outre, ils ont soutenu que l'exception prévue par la réglementation communautaire excluait en même temps la possibilité pour le droit national d'instaurer
des prescriptions en matière de temps de conduite.

7
L'Amtsgericht Recklinghausen a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

1)
Comment convient-il de définir la notion d'enlèvement des immondices visée à l'article 4, point 6, du règlement (CEE) n° 3820/85?

a)
S'agit-il à cet égard uniquement de l'enlèvement d'ordures ménagères ou au contraire également du transport de déchets d'établissements industriels ou commerciaux?

b)
Pour ce qui est des ordures ménagères,

aa)
L'exception figurant à l'article 4, point 6, du règlement (CEE) n° 3820/85 s'étend-elle également aux déchets particuliers provenant de la consommation des ménages, tels que piles, peintures, solvants, etc.?

bb)
L'exception vaut-elle uniquement pour les transports de courte durée à l'intérieur d'une commune, et notamment pour le transport de porte à porte, ou s'étend-elle également aux transports de plus longue durée, par exemple au transport vers des décharges situées en dehors du périmètre de la commune?

cc)
L'article 4, point 6, du règlement réserve-t-il un sort privilégié au transport également lorsque l'enlèvement des immondices est pris en charge par des entreprises privées agissant par délégation de la commune?

c)
Au cas où les transports de déchets industriels seraient également compris dans le champ d'application de cette disposition:

aa)
Cela comprend-il également le transport de tous les déchets industriels, quels qu'ils soient?

bb)
Des transports relativement longs ─ par exemple, jusqu'à des décharges ─ relèvent-ils, également dans cette hypothèse, de l'article 4, point 6, du règlement?

d)
La circulation à vide des véhicules, par exemple au retour des décharges, sans chargement, relève-t-elle de l'article 4, point 6?

e)
Les déplacements servant à la préparation des transports, ayant pour objet, par exemple, de permuter des véhicules ou des semi-remorques entre les différents établissements d'une entreprise, relèvent-ils également de cette disposition?

2)
Quel rapport d'implication existe-t-il entre le régime dérogatoire de l'article 4, point 6, du règlement (CEE) n° 3820/85 et les réglementations nationales en matière de temps de conduite?

a)
Au cas où un trajet relève du régime dérogatoire de l'article 4, point 6, du règlement CEE, une limitation du temps de conduite peut-elle néanmoins continuer de résulter de réglementations nationales?

b)
Ou doit-on tenir pour inapplicables à de tels transports des réglementations nationales telles que l'Arbeitszeitordnung ou l'Ausführungsverordnung zur Arbeitszeitordnung?

Sur la première question

8
Par cette question, le juge national demande en substance une définition de la notion de véhicules affectés aux services de l'enlèvement des immondices, visée à l'article 4, point 6, du règlement.

9
Tout d'abord, il convient de rappeler que l'article 4 du règlement énumère certaines catégories de transports qui sont exclues de son champ d'application. Constituant ainsi une dérogation au régime général, l'article 4 ne saurait être interprété de façon à étendre ses effets au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des intérêts qu'il vise à garantir. De plus, la portée des dérogations qu'il prévoit doit être déterminée en tenant compte des finalités du règlement (voir
arrêt du 25 juin 1992, British Gas, C-116/91, Rec. p. I-4071, point 12).

10
S'agissant des intérêts dont l'article 4, point 6, du règlement vise à garantir la protection, il y a lieu d'observer que les dérogations prévues par cette disposition sont fondées sur la nature des services auxquels les véhicules sont affectés. A cet égard, il ressort de l'énumération figurant à l'article 4, point 6, du règlement que les services visés par cette disposition constituent tous des services généraux d'intérêt public (arrêt British Gas, précité, point 13).

11
Le règlement a pour objectif, ainsi qu'il résulte de son premier considérant, d'harmoniser les conditions de concurrence et d'améliorer les conditions de travail et de la sécurité routière.

12
Eu égard à ces objectifs, principalement celui relatif à l'amélioration de la sécurité routière, il convient d'interpréter la notion d' enlèvement des immondices comme ne visant que le ramassage des immondices d'un endroit où elles ont été déposées. Les véhicules affectés à cette activité se déplacent sur une distance limitée et pendant une courte durée, le transport demeurant accessoire à l'enlèvement. Le transport d'immondices qui ne présente pas ces caractéristiques ne saurait relever de
l'exemption. Il appartient au juge national d'apprécier dans chaque espèce dont il est saisi si tel est le cas.

13
En outre, étant donné que les services visés par l'article 4, point 6, sont d'intérêt général, il convient de définir les immondices pouvant faire l'objet de l'activité en question comme des déchets de nature tant domestique que commerciale ainsi que des déchets spéciaux, dès lors que leur enlèvement répond à l'intérêt général. Cette interprétation est également conforme à l'objectif d'harmonisation des conditions de concurrence, sans faire toutefois obstacle à l'application de dispositions
plus spécifiques relatives à certains types de déchets, telles que l'article 13, paragraphe 1, sous d), du règlement, applicable au transport des déchets d'animaux.

14
Dans les limites ainsi définies, relèvent également de l'article 4, point 6, du règlement la circulation à vide des véhicules ainsi que leur déplacement dans le cadre de la préparation des transports.

15
Enfin, pour que les véhicules en question bénéficient de l'exemption, il n'est pas nécessaire qu'ils soient directement utilisés par les autorités publiques. Le règlement n° 3820/85 vise à assouplir le règlement (CEE) n° 543/69 du Conseil, du 25 mars 1969, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route (JO L 77, p. 49). Contrairement à la disposition qu'il remplace, à savoir l'article 4, point 4, du règlement n° 543/69, tel
que modifié par le règlement (CEE) n° 2827/77 du Conseil, du 12 décembre 1977, modifiant le règlement (CEE) n° 543/69 (JO L 334, p. 1), l'article 4, point 6, du règlement n° 3820/85 ne contient plus de référence aux véhicules utilisés par d'autres autorités publiques pour des services publics. Cette modification du libellé a pour conséquence que la dérogation peut bénéficier tant aux autorités publiques qu'aux entreprises privées assurant, sous le contrôle des premières, un service général
d'intérêt public.

16
Il convient donc de répondre à la première question que la notion de véhicules affectés au service de l'enlèvement des immondices figurant à l'article 4, point 6, du règlement doit être interprétée en ce sens qu'elle vise les véhicules affectés au ramassage de déchets de toutes sortes ne faisant pas l'objet d'une réglementation plus spécifique ainsi qu'à leur acheminement à proximité, dans le cadre d'un service général d'intérêt public assuré directement par les autorités publiques ou sous
leur contrôle par des entreprises privées.

Sur la seconde question

17
Par cette question, la juridiction nationale demande si les réglementations nationales en matière d'heures de conduite peuvent trouver à s'appliquer dans les domaines exclus du champ d'application de la réglementation communautaire, tels que ceux prévus à l'article 4, point 6, du règlement.

18
Il convient de constater que l'article 4 du règlement exclut de manière générale certains transports de la réglementation communautaire. Pour ces transports, le règlement ne vise pas à une harmonisation des dispositions sociales, en sorte que les États membres ont gardé le pouvoir de réglementer ces transports.

19
Cette interprétation est confortée par le quatorzième considérant du règlement, qui prévoit que cette réglementation ne peut pas porter atteinte aux réglementations nationales qui obligent le conducteur à ne conduire de véhicule qu'aussi longtemps qu'il est en mesure de le faire en toute sécurité.

20
Il convient par conséquent de répondre à la seconde question que, dans les domaines qui ne relèvent pas du règlement, les États membres restent compétents pour adopter des réglementations en matière d'heures de conduite.

Sur les dépens

21
Les frais exposés par les gouvernements autrichien et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (première chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par l'Amtsgericht Recklinghausen, par ordonnance du 31 octobre 1994, dit pour droit:

1)
La notion de véhicules affectés au service de l'enlèvement des immondices figurant à l'article 4, point 6, du règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route, doit être interprétée en ce sens qu'elle vise les véhicules affectés au ramassage de déchets de toutes sortes ne faisant pas l'objet d'une réglementation plus spécifique ainsi qu'à leur acheminement à proximité,
dans le cadre d'un service général d'intérêt public assuré directement par les autorités publiques ou sous leur contrôle par des entreprises privées.

2)
Dans les domaines qui ne relèvent pas du règlement n° 3820/85, les États membres restent compétents pour adopter des réglementations en matière d'heures de conduite.

Edward Jann Sevón

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mars 1996.

Le greffier Le président de la première chambre

R. Grass D. A. O. Edward

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1 –
Langue de procédure: l'allemand.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-335/94
Date de la décision : 21/03/1996
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Amtsgericht Recklinghausen - Allemagne.

Dispositions sociales dans le domaine du transport par route - Dérogation pour les véhicules affectés au service de l'enlèvement des immondices.

Transports

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Hans Walter Mrozek et Bernhard Jäger.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Jann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1996:126

Source

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