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09/08/1994 | CJUE | N°C-378/93

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour du 9 août 1994., La Pyramide SARL., 09/08/1994, C-378/93


Avis juridique important

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61993O0378

Ordonnance de la Cour du 9 août 1994. - La Pyramide SARL. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Saint-Omer - France. - Irrecevabilité. - Affaire C-378/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-03999

Sommaire
Parties
Motifs de l'arr

êt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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Questions pré...

Avis juridique important

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61993O0378

Ordonnance de la Cour du 9 août 1994. - La Pyramide SARL. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Saint-Omer - France. - Irrecevabilité. - Affaire C-378/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-03999

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Questions préjudicielles - Recevabilité - Question étrangère au cadre du litige au principal - Question posée sans précision aucune quant au contexte factuel et réglementaire

(Traité CEE, art. 177)

Sommaire

La nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s' insèrent les questions qu' il pose ou qu' à tout le moins il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. Ces exigences valent tout particulièrement dans le domaine de la concurrence qui est caractérisé par des situations de fait et de droit complexes.

Ainsi sont, dans leur ensemble, manifestement irrecevables des questions préjudicielles dont il y a lieu de constater que les unes sont étrangères au cadre du litige que doit trancher le juge national et les autres soit font état de documents qui n' ont pas été communiqués à la Cour, soit omettent d' énoncer les faits qui les justifient.

Parties

Dans l' affaire C-378/93,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le juge-commissaire du redressement judiciaire de la SARL La Pyramide (ci-après "La Pyramide"), au tribunal de commerce de Saint-Omer (France), et tendant à obtenir une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 85 et 86 du traité CEE,

LA COUR,

composée de MM. O. Due, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, M. Diez de Velasco et D. A. O. Edward, présidents de chambre, C. N. Kakouris, R. Joliet (rapporteur), F. A. Schockweiler, G. C. Rodríguez Iglesias, F. Grévisse, M. Zuleeg, P. J. G. Kapteyn et J. L. Murray, juges,

avocat général: M. C. O. Lenz,

greffier: M. R. Grass,

l' avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 30 juillet 1993, parvenue au greffe de la Cour le 3 août suivant, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la SARL La Pyramide, juge au tribunal de commerce de Saint-Omer (France), a posé, en application de l' article 177 du traité CEE, les questions préjudicielles suivantes relatives à l' interprétation des articles 85 et 86 du traité CEE:

"1) Dans deux arrêts rendus le 13 juillet 1989 (Ministère public/Tournier. Affaire 395/87: Lucazeau e.a./SACEM ° Aff. jointes 110/88, 241 et 242/88), la Cour de justice s' est prononcée sur deux critères de l' abus de position dominante d' une société de gestion collective de droits d' auteurs comme la SACEM, à savoir la comparaison des tarifs européens et la structure de coûts de gestion (frais de fonctionnement).

Il est demandé à la Cour d' éclairer le Tribunal appelé à évaluer les droits de créance de la SACEM en répondant aux questions suivantes complémentaires:

a) - Les travaux de la Commission, traduits dans le rapport du 7 novembre 1991 complétant le tableau remis par la Commission à la CJCE, ainsi que les audits COVEC et ERNST et YOUNG réalisés à la demande des discothèques, peuvent-ils être considérés comme correspondant à ses exigences en matière de comparaison de tarifs?

b) - La preuve que la SACEM impose des conditions de transaction non équitables ne se déduit-elle pas de la comparaison avec la moyenne européenne?

c) - La notion du coût unitaire de la musique par client retenu par le Copyright Tribunal anglais en matière de détermination du tarif équitable à payer par les discothèques, ne devrait-elle pas servir de référence pour la détermination du plafond de la rémunération équitable exigible des discothèques et de l' abus de position dominante?

d) - La rémunération équitable que peut exiger une entreprise de gestion collective de droits d' auteurs comme la SACEM, en position de monopole sur une partie substantielle du marché commun, ne doit-elle pas être définie à partir du niveau de la charge économique supportable par chaque entreprise utilisatrice de musique?

2) Le caractère excessif de la rémunération n' est-il pas susceptible d' engager la responsabilité de la société de gestion collective si une procédure collective du type redressement judiciaire est ouverte de ce fait et ne met-il pas obstacle à l' application de la législation nationale en matière de contrefaçon du fait des circonstances la rendant incompatible avec l' article 86 du traité?

3) La concertation entre Sociétés d' auteurs européennes et la création du GESAC, dans la mesure où elles ont pour objet et effet d' aboutir à une élévation du prix à payer par les utilisateurs dans l' intérêt personnel de ces entreprises de prestations de services, ne constituent-elles pas une entente au sens de l' article 85 du traité, dès lors que le cloisonnement par pays, résultat des contrats de représentation réciproque passés entre sociétés d' auteurs nationales, empêche les utilisateurs de
les mettre en concurrence pour le répertoire mondial pour lequel elles sont habilitées à donner l' autorisation d' utilisation de la musique?

Le caractère exceptionnel de la position dominante de la SACEM, empêchant toute négociation avec les utilisateurs, ne conduit-il pas à condamner les accords ou pratiques empêchant les utilisateurs de mettre en concurrence les sociétés d' auteurs en vue d' obtenir les meilleures conditions?

4) - La notion d' intérêt communautaire est-elle laissée sans contrôle à la discrétion de la Commission, et le principe de subsidiarité peut-il être invoqué valablement par la Commission, sans atteinte aux principes généraux du droit communautaire, dans le cas de plaintes sur lesquelles elle est censée instruire depuis 14 années pour se décharger finalement du dossier sur les juridictions nationales invitées à rechercher les infractions aux articles 85 et 86, alors qu' elle n' ignore pas le désordre
de la jurisprudence française et que les moyens d' investigation, sur le plan européen, justifient le maintien du dossier au niveau communautaire?

5) - La Commission, après avoir constaté, au terme de son enquête, traduite dans le rapport du 7 novembre 1991, que les différences sensibles (par multiples) entre le tarif français et les tarifs des autres États membres étaient établies et confirmées (reconnues par la SACEM elle-même dans un document intitulé annexe VII du contre-rapport COVEC), pouvait-elle s' abstenir de prendre position et ne devait-elle pas relever elle-même l' infraction à l' article 86 du traité dès lors que la Cour de
justice des Communautés européennes, dans ses arrêts du 13 juillet 1989, a dit que 'une société nationale de gestion de droit d' auteur se trouvant en position dominante sur une partie substantielle du marché commun impose des conditions de transaction non équitables, lorsque les redevances qu' elle applique aux discothèques sont sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres États membres' ?"

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' une procédure de redressement judiciaire concernant La Pyramide.

3 Il résulte de l' article 14 de la loi française n 85-98, du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises que, dans le cadre de cette procédure, un juge-commissaire est désigné en vue de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence. Selon l' article 101 de cette loi, le juge-commissaire a notamment pour fonction de décider de l' admission ou du rejet des créances.

4 Dans ses observations écrites déposées devant la Cour, La Pyramide considère que les questions posées par le juge-commissaire sont recevables. Elle fait valoir à cet égard que celui-ci doit être considéré comme une juridiction d' un État membre et qu' il est bien saisi d' un litige. Dans le cas d' espèce, il serait chargé de trancher un conflit entre La Pyramide et la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (ci-après la "SACEM") au sujet de la créance de cette dernière. La
Pyramide conteste, en effet, le montant de cette créance au motif que les tarifs pratiqués par la SACEM seraient constitutifs d' un abus de la position dominante, au sens de l' article 86 du traité, que cette société détient, notamment grâce aux ententes avec les sociétés de droits d' auteur établies dans d' autres États membres, ententes qui seraient contraires à l' article 85.

5 La Pyramide estime, par ailleurs, qu' il n' était pas nécessaire que le juge-commissaire motive particulièrement ses questions. En effet, l' institution de la procédure d' admission de créance suffirait à expliquer pourquoi le juge appelé à évaluer la créance de la SACEM, et donc à se prononcer sur le tarif de cette dernière, est amené à demander à la Cour une interprétation des articles 85 et 86. De toute façon, dans le cadre des affaires qui ont abouti aux arrêts du 9 avril 1987, Basset (402/85,
Rec. p. 1747), et du 13 juillet 1989, Tournier (395/87, Rec. p. 2521), et Lucazeau e.a. (110/88, 241/88 et 242/88, Rec. p. 2811), la Cour aurait déjà pris connaissance du problème posé aux juridictions françaises appelées à statuer en matière de droits d' auteur.

6 Dans ses observations écrites, la SACEM estime, tout d' abord, que le présent renvoi en interprétation est inutile dans la mesure où la Cour a déjà été saisie du contentieux opposant la SACEM aux exploitants de discothèques et qu' elle a rendu, dans ces affaires, deux arrêts en date du 13 juillet 1989, Tournier et Lucazeau e.a., précités.

7 La SACEM fait en outre valoir que la décision de renvoi en interprétation doit comporter une motivation exposant les éléments de fait et de droit qui caractérisent le litige dont le juge national est saisi, de manière à faire apparaître le cadre juridique dans lequel doit venir s' inscrire l' interprétation sollicitée et à permettre aux personnes concernées de présenter des observations et de prendre position. Elle rappelle que dans son arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a. (C-320/90,
C-321/90 et C-322/90, Rec. p. I-393), et son ordonnance du 19 mars 1993, Banchero (C-157/92, Rec. p. I-1085), la Cour a estimé qu' étaient irrecevables des questions préjudicielles posées par une ordonnance de renvoi se référant de manière trop imprécise aux éléments de fait et de droit. Selon la SACEM, la généralité d' une question et l' absence d' éléments concrets permettant d' identifier les doutes du juge de renvoi doivent amener la Cour à se déclarer dans l' impossibilité de répondre à la
question posée. Or en l' espèce, le juge-commissaire ne ferait aucune référence au cadre juridique dans lequel doit intervenir l' interprétation sollicitée et à quelque hypothèse factuelle que ce soit sur laquelle ses questions seraient fondées. Les questions feraient en outre état de prétendues pratiques discriminatoires sans en préciser les éléments constitutifs ni la teneur. En raison de l' imprécision des situations de fait et de droit auxquelles le juge national s' est référé, la Cour ne serait
pas en mesure de lui fournir une interprétation du droit communautaire qui lui soit utile. La SACEM estime dès lors que les questions préjudicielles sont irrecevables.

8 Dans ses observations écrites, la Commission admet que le juge-commissaire a bien la qualité de juridiction puisque, en présence d' intérêts opposés, il doit établir l' existence et le montant du droit de chaque créancier à l' issue, le cas échéant, d' un débat contradictoire, et qu' il exerce cette compétence seul. Il résulterait en outre du dossier transmis par le juge-commissaire qu' il est saisi d' un litige, La Pyramide contestant la créance de la SACEM, au motif que les tarifs pratiqués par
cette société de droits d' auteur seraient constitutifs d' un abus de position dominante, au sens de l' article 86 du traité.

9 Toutefois, souligne la Commission, l' ordonnance ne précise pas les raisons qui ont conduit le juge-commissaire à s' interroger sur la compatibilité avec le droit communautaire des comportements de la SACEM et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à cet égard. Or, selon les arrêts du 16 juillet 1992, Meilicke (C-83/91, Rec. p. I-4871), Telemarsicabruzzo e.a., et l' ordonnance Banchero, précités, ainsi que l' ordonnance du 26 avril 1993, Monin Automobiles (C-386/92, Rec. p.
I-2049), le juge-commissaire aurait dû exposer les faits du litige dont il est saisi et dégager, sur le plan de l' interprétation du droit communautaire, les problèmes dont la solution lui paraît nécessaire pour trancher le litige dont il est saisi. Dans le cas d' espèce, le juge-commissaire se serait limité à reproduire les questions préjudicielles suggérées par La Pyramide. La Commission souligne, en outre, que le juge-commissaire n' a même pas transmis à la Cour les audits Covec et Ernst et
Young, ainsi que le rapport de la Commission du 7 novembre 1991 auxquels ses questions se réfèrent. La Commission estime dès lors qu' il n' y a pas lieu pour la Cour de statuer sur ces questions.

10 A cet égard, il est nécessaire de rappeler que la procédure prévue à l' article 177 du traité est un instrument de coopération entre la Cour et les juges nationaux (jurisprudence constante).

11 Ainsi qu' il résulte des arrêts du 16 juillet 1992, Lourenço Dias (C-343/90, Rec. p. I-4673, point 17) et Meilicke, précité (point 25), l' esprit de collaboration qui doit présider au fonctionnement de cette procédure implique que le juge national ait égard à la fonction confiée à la Cour, qui est de contribuer à l' administration de la justice dans les États membres et non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques.

12 C' est en considération de cette mission que la Cour a jugé ne pas pouvoir statuer sur une question préjudicielle soulevée devant une juridiction nationale lorsque l' interprétation du droit communautaire n' avait aucun rapport avec la réalité ou l' objet du litige au principal (voir arrêts du 16 juin 1981, Salonia, 126/80, Rec. p. 1563, point 6, et Lourenço Dias, précité, point 18).

13 C' est pourquoi, en vue de vérifier si l' interprétation du droit communautaire sollicitée présentait un rapport avec la réalité et l' objet du litige au principal, la Cour a estimé, dans le même arrêt Lourenço Días (point 19) indispensable que la juridiction nationale explique les raisons pour lesquelles elle considère qu' une réponse à ses questions est nécessaire à la solution du litige.

14 Il y a lieu de préciser enfin que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s' insèrent les questions qu' il pose ou, qu' à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées (arrêt Telemarsicabruzzo e.a., point 6, et ordonnance Banchero, point 4, précités; ordonnance Monin, point 6, précitée).

15 Comme l' a relevé la Cour dans ces décisions, ces exigences valent tout particulièrement dans certains domaines, comme celui de la concurrence, qui sont caractérisés par des situations de fait et de droit complexes.

16 L' ordonnance de renvoi ne comporte que l' énoncé des questions préjudicielles.

17 A supposer que le juge de renvoi ait compétence pour statuer sur le caractère équitable des tarifs de la SACEM, il convient d' observer que soit certaines de ses questions sont étrangères au cadre du litige ainsi défini [questions 2, 3, 4 et 5], soit elles font état de documents qu' il n' a pas communiqués à la Cour [question 1, sous a) et c)], soit elles omettent d' énoncer les faits qui les justifient [question 1, sous b) et d)].

18 Dans ces conditions, il convient de constater, en application de l' article 92 du règlement de procédure, que les questions préjudicielles posées à la Cour sont, dans leur ensemble, manifestement irrecevables.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

19 Les frais exposés par le gouvernement italien et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant le caractère d' un incident soulevé par le juge-commissaire national, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

ordonne:

La demande de décision préjudicielle présentée par le juge-commissaire du redressement judiciaire de la SARL La Pyramide, par ordonnance du 30 juillet 1993, est irrecevable.

Fait à Luxembourg, le 9 août 1994


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-378/93
Date de la décision : 09/08/1994
Type de recours : Recours préjudiciel - irrecevable

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Saint-Omer - France.

Irrecevabilité.

Position dominante

Ententes

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Concurrence

Contrats d'exclusivité


Parties
Demandeurs : La Pyramide SARL.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Joliet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1994:316

Source

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