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16/05/1994 | CJUE | N°C-428/93

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour du 16 mai 1994., Liquidation Monin Automobiles-Maison du deux roues., 16/05/1994, C-428/93


Avis juridique important

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61993O0428

Ordonnance de la Cour du 16 mai 1994. - Liquidation Monin Automobiles-Maison du deux roues. - Demande de décision préjudicielle: Juge-commissaire au Tribunal de commerce de Romans - France. - Incompétence. - Affaire C-428/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-01707
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©dition spéciale suédoise page I-00105
édition spéciale finnoise page I-...

Avis juridique important

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61993O0428

Ordonnance de la Cour du 16 mai 1994. - Liquidation Monin Automobiles-Maison du deux roues. - Demande de décision préjudicielle: Juge-commissaire au Tribunal de commerce de Romans - France. - Incompétence. - Affaire C-428/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-01707
édition spéciale suédoise page I-00105
édition spéciale finnoise page I-00139

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question ne répondant pas à un besoin objectif de la procédure au principal

(Traité CEE, art. 177)

Sommaire

Dans le cadre de la procédure prévue à l' article 177 du traité, la Cour n' est manifestement pas compétente pour se prononcer sur des questions qui ne portent pas sur une interprétation du droit communautaire qui réponde à un besoin objectif pour la décision que la juridiction nationale doit prendre dans la procédure dont elle est saisie.

Tel est le cas lorsque la Cour est saisie par un juge-commissaire, chargé des opérations de liquidation d' une société, de questions portant sur des règles et principes du droit communautaire dont il n' a pas à faire application dans le cadre de la procédure de liquidation.

Parties

Dans l' affaire C-428/93,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le juge-commissaire de la liquidation Monin Automobiles - Maison du deux-roues (ci-après "Monin"), au tribunal de commerce de Romans (France), et tendant à obtenir une décision, à titre préjudiciel, sur l' interprétation des articles 30, 85 et 169 du traité CEE ainsi que des principes de proportionnalité et de libre circulation de marchandises,

LA COUR,

composée de MM O. Due, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, M. Diez de Velasco et D. A. O. Edward, présidents de chambre, C. N. Kakouris, R. Joliet, F. A. Schockweiler, G. C. Rodríguez Iglesias (rapporteur), F. Grévisse, M. Zuleeg, P. J. G. Kapteyn et J. L. Murray, juges,

avocat général: M. C. O. Lenz,

greffier: M. R. Grass,

l' avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 1er juillet 1993, parvenue au greffe de la Cour le 25 octobre suivant, le juge-commissaire de la liquidation Monin, juge au tribunal de commerce de Romans, a posé, en application de l' article 177 du traité CEE, les questions préjudicielles suivantes:

"1) L' évolution de la politique commune en matière d' importation de véhicules automobiles d' origine asiatique fait-elle perdre tout 'intérêt communautaire' à poursuivre un État membre qui, par l' instauration d' obstacles illicites aux importations parallèles de véhicules de certaines marques asiatiques, admis en libre pratique dans d' autres États membres, a conduit les entreprises victimes de telles pratiques à la liquidation judiciaire?

Le droit communautaire permet-il de couvrir une attitude infractionnelle d' un État membre, se matérialisant notamment par des doubles contrôles techniques ayant pour finalité de retarder de façon déraisonnable l' immatriculation des véhicules de marques exclues de l' accord dit d' autolimitation, par des poursuites pénales illicites à l' encontre des acquéreurs de tels véhicules, etc., au seul regard de l' accord dénommé 'CEE Japon' ?

2) Un État membre qui, afin de protéger son système, non prévu par le traité, de régulation du marché des voitures d' origine asiatique, organise ce marché de façon anticoncurrentielle, en favorisant une entente contraire à l' article 85, n' est-il pas susceptible de voir sa responsabilité engagée, indépendamment de la procédure en manquement de l' article 169, notamment à l' égard des entreprises qui ont été réduites, par le comportement infractionnel adopté par cet État membre, à déposer leur
bilan, alors que les autorités et juridictions nationales ont l' obligation d' assurer la protection des droits que le traité confère aux particuliers?

3) L' instauration d' obstacles aux importations de véhicules japonais ou coréens en provenance d' États membres où ils sont admis en libre pratique peut-elle être justifiée par l' existence sur le marché de l' État membre concerné d' un système d' autolimitation dans lequel cinq entreprises se sont engagées à ne pas dépasser un quota global qu' elles se partagent sans concurrence, à la condition que ce marché leur soit réservé, si ce régime a pour objet et pour effet d' exclure totalement les
importations parallèles en provenance des autres États membres et d' empêcher l' exercice de l' activité commerciale de mandataires?

4) Le retard dans l' immatriculation de véhicules présentés à titre isolé, faute d' une réception par type à l' état neuf due aux seules exigences et aux seuls obstacles administratifs, peut-il être imputé à faute à l' importateur par les tribunaux nationaux, sans constituer un obstacle supplémentaire à la libre circulation des marchandises et aux dispositions des directives régissant le secteur automobile, dans la mesure où le trouble apporté et les conséquences financières sont dissuasives pour
les consommateurs désireux d' importer ces véhicules admis en libre pratique dans un autre État membre, et privés de la possibilité de bénéficier du marché unique, leur choix étant, contre leur gré, détourné vers d' autres marques?

5) La politique de régulation d' un État membre dans le domaine des importations de voitures en provenance de pays asiatiques se matérialisant par l' instauration d' un quota réservé à cinq entreprises privilégiées, qui y ont acquiescé et en bénéficient, permet-elle de couvrir les infractions à l' article 85?

Autrement dit, des entreprises bénéficiaires d' un régime dit d' autolimitation peuvent-elles se prévaloir de l' approbation de l' État membre sur le territoire duquel se développe leur entente pour la légitimer lorsque le régime adopté aboutit notamment à leur réserver le marché qu' elles se partagent sans concurrence et à interdire les importations parallèles?

6) Afin de respecter les principes de proportionnalité et de libre circulation des marchandises, les formalités de réception à titre isolé et d' immatriculation prévues dans l' État membre importateur ne doivent-elles pas être réduites au minimum quand les véhicules sont reçus par type dans un autre État membre?"

2 Ces questions sont pour partie les mêmes que celles qui avaient été déférées à la Cour par le même juge-commissaire dans l' affaire qui a donné lieu à l' ordonnance du 26 avril 1993, Monin Automobiles (C-386/92, Rec. p. I-2049). Dans cette ordonnance, la Cour a déclaré irrecevable la demande de décision à titre préjudiciel au motif que l' ordonnance de renvoi se bornait à poser les questions préjudicielles sans fournir quelque indication que ce soit sur leur fondement.

3 Dans l' ordonnance de renvoi relative à la présente affaire, le juge-commissaire décrit tout d' abord la situation de la société Monin. Cette société est spécialisée dans la distribution de véhicules asiatiques dont les marques n' ont pas été accréditées dans le cadre du système dit d' autolimitation, en vertu duquel l' entrée en France de véhicules d' origine japonaise a été plafonnée à 3 % des immatriculations annuelles. Monin a dès lors été contrainte de recourir à la voie des importations
parallèles. Les véhicules importés d' autres États membres, du fait qu' ils avaient déjà été immatriculés, étaient considérés comme des véhicules d' occasion et, partant, devaient faire l' objet d' une réception de manière isolée. Les autorités administratives françaises n' ont pas procédé à ces réceptions dans des délais raisonnables de sorte que des automobilistes, n' ayant pu faire immatriculer leur véhicule dans le délai de deux mois légalement prévu, ont fait l' objet de poursuites par les
services de police. Face à la multiplication des demandes des acheteurs en résolution de vente, en restitution du prix et en dommages et intérêts, Monin a été contrainte de cesser son activité. Ce sont ces difficultés qui sont à l' origine de l' ouverture de la procédure de redressement judiciaire, décidée par jugement du 7 mars 1990 du tribunal de commerce de Romans.

4 Le juge-commissaire souligne ensuite qu' il constitue une juridiction et qu' il est bien saisi d' un litige concernant l' application du droit communautaire. Ce litige oppose Monin à ses créanciers. D' un côté, Monin prétend que le juge-commissaire ne peut effectuer sa liquidation "... sans attendre que soit tranchée la question de savoir si la cessation des paiements a pour cause le comportement infractionnel de l' administration française et des cinq importateurs privilégiés au regard de l'
application respective des articles 85 et 30 du traité, comportement permettant d' envisager une indemnisation de l' État et/ou des membres de l' entente..." De l' autre côté, les créanciers soutiennent que "... la survie artificielle de la société a suffisamment perduré et qu' il faut, sans attendre, procéder à la liquidation". Le juge-commissaire est ainsi appelé à trancher ce litige par décision juridictionnelle.

5 Enfin, le juge-commissaire fait observer qu' il existe un lien juridique entre les questions préjudicielles et le litige dont il est saisi, car l' interprétation demandée doit lui fournir le moyen d' apprécier la pertinence de l' argumentation présentée par Monin pour obtenir son maintien artificiel jusqu' à la clôture définitive de la liquidation. Elle lui permettra de vérifier si les moyens relatifs au droit communautaire n' ont pas un caractère dilatoire. S' il est vrai que la réponse aux
questions peut servir à la juridiction administrative saisie de ce problème, elle présente également un intérêt certain pour l' application des règles de procédure collective qui lui incombe. Si, faute d' obtenir une interprétation des règles communautaires en cause, le juge-commissaire décide la liquidation de la société, sa décision aura pour conséquence de mettre un terme définitif aux procédures en cours, de sorte que Monin liquidée n' aura plus d' existence juridique et ne pourra plus invoquer
une quelconque violation du traité ou obtenir la réparation du préjudice subi.

6 Dans ses observations écrites déposées devant la Cour, le gouvernement français suggère, en premier lieu, de s' interroger sur le point de savoir si, en l' espèce, le juge-commissaire doit être considéré comme une juridiction au sens de l' article 177 du traité CEE. En effet, la liquidation de l' entreprise ayant été décidée, le 4 avril 1990, par jugement définitif du tribunal de commerce de Romans, le rôle du juge-commissaire se limite, à ce stade, à collecter et à centraliser les informations,
ce tribunal étant seul compétent pour prononcer le jugement de clôture de la procédure.

7 En second lieu, le gouvernement français conteste l' existence en l' espèce d' un litige au sens de l' article 177 du traité puisque, d' une part, il n' y a pas eu d' acte de procédure saisissant le juge-commissaire d' une demande précise et que, d' autre part, selon cette disposition, le juge-commissaire ne peut interroger la Cour que si cela est nécessaire pour rendre son jugement dans un litige dont il est lui-même saisi.

8 Quant à la Commission, elle relève, en premier lieu, que, dans son rôle de surveillance de la procédure, le juge-commissaire détient deux sortes de pouvoirs, les uns de nature juridictionnelle et les autres de pure administration judiciaire. Or, aucun des éléments de l' ordonnance de renvoi n' indique que, en l' occurrence, le juge-commissaire est appelé à rendre une décision relevant de la première catégorie de pouvoirs.

9 En deuxième lieu, la Commission estime qu' il est nécessaire, pour que la demande soit recevable, d' une part, que le juge national soit saisi d' un litige et, d' autre part, que la solution du problème d' interprétation soit nécessaire à la solution de ce litige. La Commission conteste l' existence en l' espèce d' un véritable litige tel qu' il a été décrit par le juge-commissaire dans l' ordonnance de renvoi. En effet, cette dernière ne fournit aucune indication permettant d' identifier les
créanciers auxquels il est fait référence, l' objet de leur demande ainsi que la teneur de leurs arguments.

10 En troisième lieu, la Commission soutient qu' on se trouve en présence d' un véritable détournement de procédure. La Cour a en effet précisé qu' une demande de décision préjudicielle doit être rejetée lorsqu' il apparaît de manière manifeste que l' interprétation demandée n' a aucun rapport avec l' objet du litige au principal, ou ne répond pas à un besoin objectif pour la solution du litige (voir ordonnance du 26 janvier 1990, Falciola, C-286/88, Rec. p. I-191).

11 Enfin, la Commission fait valoir que, à tout le moins, les éléments du litige au principal ne sont pas suffisamment précisés, et ce malgré l' ordonnance d' irrecevabilité du 26 avril 1993, précitée. Cette exigence ne saurait en effet être considérée comme remplie par la description du cadre factuel et réglementaire de litiges dont le juge de renvoi n' est pas saisi.

12 Les questions posées concernent l' interprétation des articles 30, 85 et 169 du traité CEE ainsi que des principes de proportionnalité et de libre circulation des marchandises.

13 Il convient de constater d' emblée que, bien qu' il fasse état d' un lien juridique entre les questions préjudicielles et l' affaire dont il est saisi, le juge-commissaire n' a pas à appliquer ces règles de droit dans le cadre de la procédure de liquidation.

14 L' intérêt attaché par le juge-commissaire à la réponse aux questions posées est lié à l' appréciation des perspectives de succès d' une action en responsabilité de la partie Monin contre l' administration française et d' une action devant le conseil de la concurrence. Mais aucune de ces actions n' a été intentée devant ce juge et ne peut d' ailleurs être intentée devant lui.

15 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les questions préjudicielles soumises à la Cour ne portent pas sur une interprétation du droit communautaire qui réponde à un besoin objectif pour la décision que le juge-commissaire doit prendre.

16 Par conséquent, en application d' une jurisprudence bien établie (voir arrêt du 16 juin 1981, Salonia, 126/80, Rec. p. 1563, et ordonnance Falciola, précitée), la Cour n' est manifestement pas compétente pour se prononcer sur les questions que lui a soumises le juge-commissaire au tribunal de commerce de Romans.

17 Il y a lieu, dès lors, de faire application de l' article 92 du règlement de procédure et de constater l' incompétence de la Cour.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

18 Les frais exposés par le gouvernement français et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant le caractère d' un incident soulevé par le juge-commissaire national, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

ordonne:

La Cour n' est pas compétente pour répondre aux questions posées par le juge-commissaire au tribunal de commerce de Romans.

Fait à Luxembourg, le 16 mai 1994.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-428/93
Date de la décision : 16/05/1994
Type de recours : Recours préjudiciel - irrecevable

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Juge-commissaire au Tribunal de commerce de Romans - France.

Incompétence.

Concurrence

Restrictions quantitatives

Mesures d'effet équivalent

Libre circulation des marchandises

Relations extérieures

Politique commerciale

Ententes


Parties
Demandeurs : Liquidation Monin Automobiles-Maison du deux roues.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1994:192

Source

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