Avis juridique important
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61991J0243
Arrêt de la Cour (première chambre) du 8 juillet 1992. - État belge contre Noushin Taghavi. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Belgique. - Sécurité sociale - Prestations pour handicapés - Droit propre - Libre circulation des travailleurs - Avantage social. - Affaire C-243/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-04401
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
++++
Sécurité sociale des travailleurs migrants - Réglementation communautaire - Champ d' application personnel - Membres de la famille d' un travailleur - Prestation attribuée à un autre titre que celui de membre de la famille d' un travailleur - Inapplicabilité du règlement n 1408/71
(Règlement du Conseil n 1408/71, art. 2 et 3)
Sommaire
Les articles 2 et 3 du règlement n 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu' ils ne peuvent pas être invoqués par un ressortissant d' un État tiers, conjoint d' un ressortissant d' un État membre, pour prétendre à une allocation pour handicapé prévue par la législation nationale en tant que droit propre et non en raison de la qualité de membre de la famille d' un travailleur.
En effet, les membres de la famille d' un travailleur ne sauraient prétendre, au titre dudit règlement, qu' aux droits dérivés, c' est-à-dire à ceux acquis en qualité de membre de la famille d' un travailleur.
Parties
Dans l' affaire C-243/91,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par la Cour de cassation de Belgique et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
État belge
et
Noushin Taghavi,
une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 2 et 3 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6),
LA COUR (première chambre),
composée de MM. R. Joliet, président de chambre, G. C. Rodríguez Iglesias et D. A. O. Edward, juges,
avocat général: M. W. Van Gerven
greffier f.f.: Mme L. Hewlett, administrateur
considérant les observations écrites présentées:
- pour l' État belge, par Me Georges van Hecke, avocat à la Cour de cassation;
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Dimitrios Gouloussis, conseiller juridique, en qualité d' agent;
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 24 juin 1992,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par arrêt du 9 septembre 1991, parvenu à la Cour le 20 septembre suivant, la Cour de cassation de Belgique a posé, en application de l' article 177 du traité CEE, une question préjudicielle sur l' interprétation des articles 2 et 3 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, tel que modifié
et mis à jour par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d' un pourvoi formé par l' État belge contre un arrêt de la cour du travail de Bruxelles, qui avait confirmé le droit de Mme Taghavi à des allocations pour handicapés, sur la base de la loi belge du 27 juin 1969.
3 Cette loi réservait le bénéfice de ces allocations, sauf dérogation, aux Belges résidant en Belgique.
4 Mme Noushin Taghavi, de nationalité iranienne, est mariée à M. Filippo Iannino, de nationalité italienne. Le couple réside en Belgique.
5 Estimant que le litige soulève un problème d' interprétation du règlement n 1408/71, la Cour de cassation a sursis à statuer et a posé à la Cour de justice la question préjudicielle suivante:
"Les articles 2 et 3 du règlement (CEE) n 1408/71 doivent-ils être interprétés en ce sens qu' est admis au bénéfice de la législation nationale d' un État membre prévoyant un droit propre légalement protégé à une allocation pour handicapés le handicapé qui, sans être un ressortissant de l' un des États membres et sans faire valoir la qualité de travailleur salarié, réside sur le territoire de l' État membre prévoyant le droit propre précité et est le conjoint d' un travailleur salarié qui est soumis
à la législation de ce même État membre et qui est un ressortissant de l' un des autres États membres?"
6 Pour un plus ample exposé du cadre juridique et des antécédents du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport du juge rapporteur. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
7 Selon l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 1408/71, les dispositions de celui-ci s' appliquent aux "travailleurs qui sont ou ont été soumis à la législation d' un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l' un des États membres ... ainsi qu' aux membres de leur famille et à leurs survivants". Comme la Cour l' a indiqué dans l' arrêt du 23 novembre 1976, Kermaschek (40/76, Rec. p. 1669), les membres de la famille d' un travailleur ne sauraient prétendre, au titre du
règlement n 1408/71, qu' aux droits dérivés, c' est-à-dire à ceux acquis en qualité de membre de la famille d' un travailleur.
8 Il ressort du dossier que l' allocation pour handicapés, prévue par la loi belge du 27 juin 1969, n' est pas accordée en raison de la qualité de membre de la famille d' un travailleur. En effet, d' une part, la juridiction de renvoi l' a qualifiée de droit propre dans le libellé de la question préjudicielle. D' autre part, l' État belge a indiqué, à la demande de la Cour, qu' une personne répondant à toutes les conditions prévues par la loi de 1969, si ce n' est qu' elle n' est pas ressortissante
d' un État membre de la Communauté, ne peut pas prétendre aux allocations du seul fait que son conjoint est de nationalité belge.
9 Il s' ensuit que le ressortissant d' un État tiers, conjoint d' un travailleur ressortissant d' un État membre, ne saurait invoquer le règlement n 1408/71, et notamment ses articles 2 et 3, pour prétendre à une allocation pour handicapés, telle que celle prévue par la loi belge précitée.
10 Toutefois, la Commission a fait valoir dans ses observations devant la Cour que l' allocation en question est un "avantage social" au sens de l' article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), et qu' une personne se trouvant dans la situation de Mme Taghavi peut donc y prétendre.
11 A cet égard, il suffit de constater que, ainsi qu' il a été relevé ci-avant, le conjoint d' un travailleur belge, qui n' est pas ressortissant d' un État membre de la Communauté, ne peut pas prétendre à l' allocation en cause. Dans ces conditions, en l' absence d' "avantage social" pour les travailleurs nationaux, l' article 7, paragraphe 2, du règlement n 1612/68 ne peut pas trouver application.
12 Il convient donc de répondre à la question posée que les articles 2 et 3 du règlement n 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu' ils ne peuvent pas être invoqués par un ressortissant d' un État tiers, conjoint d' un travailleur ressortissant d' un État membre, pour prétendre à une allocation pour handicapés prévue par la législation nationale en tant que droit propre et non en raison de la qualité de membre de la famille d' un travailleur.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
13 Les frais exposés par la Commission, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (première chambre),
statuant sur la question à elle soumise par la Cour de cassation de Belgique, par un arrêt du 9 septembre 1991, dit pour droit:
Les articles 2 et 3 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doivent être interprétés en ce sens qu' ils ne peuvent pas être invoqués par un ressortissant d' un État tiers, conjoint d' un travailleur
ressortissant d' un État membre, pour prétendre à une allocation pour handicapés prévue par la législation nationale en tant que droit propre et non en raison de la qualité de membre de la famille d' un travailleur.