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13/02/1992 | CJUE | N°C-210/90

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Roquette Frères SA contre Direction générale des impôts., 13/02/1992, C-210/90


Avis juridique important

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61990J0210

Arrêt de la Cour (première chambre) du 13 février 1992. - Roquette Frères SA contre Direction générale des impôts. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Paris - France. - Organisations communes des marchés dans les secteurs des céréales et du

sucre - Méthode de constatation de la production d'isoglucose - Isomérisation...

Avis juridique important

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61990J0210

Arrêt de la Cour (première chambre) du 13 février 1992. - Roquette Frères SA contre Direction générale des impôts. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Paris - France. - Organisations communes des marchés dans les secteurs des céréales et du sucre - Méthode de constatation de la production d'isoglucose - Isomérisations successives. - Affaire C-210/90.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-00731

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Céréales - Sucre - Isoglucose - Détermination des quantités produites aux fins, d' une part, du calcul des montants à rembourser au titre des restitutions à la production d' amidon, et, d' autre part, de l' application du régime de quotas de production et de cotisations dans le secteur du sucre - Recours à des méthodes de calcul différentes justifié par l' existence de procédés de transformation de l' isoglucose par isomérisations successives

( Règlements de la Commission n 1761/77, tel que modifié par le règlement n 3609/84, et n 1443/82, tel que modifié par le règlement n 434/84 )

2 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Sucre - Quotas de production - Production d' isoglucose - Notion - Isomérisations successives de l' isoglucose - Inclusion - Condition - Accroissement du pouvoir sucrant

( Règlement du Conseil n 1785/81; règlement de la Commission n 1443/82, art . 2, § 1, tel que modifié par le règlement n 434/84 )

3 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Sucre - Quotas de production - Champ d' application - Isoglucose utilisé comme produit intermédiaire - Inclusion

( Règlement du Conseil n 1785/81, art . 24 et 31 )

Sommaire

1 . La détermination de la quantité d' isoglucose produite répond à des finalités différentes dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur des céréales et dans le cadre de celle du sucre . En effet, dans le secteur des céréales, cette quantité n' est qu' un élément qui permet de retrouver la quantité de céréales transformées en amidon et de déterminer, par voie de conséquence, le montant de la restitution à la production avancée dont le règlement n 1761/77 prévoit le
remboursement en cas de transformation de cet amidon en isoglucose . Dès lors, la production qu' il importe de connaître est celle correspondant à la première transformation des produits céréaliers, sans qu' il soit tenu compte des quantités obtenues ultérieurement par isomérisations successives . En revanche, dans le secteur du sucre, le régime de quotas de production et de cotisations visant à financer l' écoulement des édulcorants excédentaires requiert la détermination de la quantité d'
isoglucose à la suite de chaque isomérisation . Il y a en effet lieu d' éviter que les producteurs d' isoglucose à haute teneur en fructose ne participent au financement des excédents qu' en fonction des seules quantités obtenues à l' issue du processus d' isomérisations successives, alors que le produit final a un pouvoir sucrant fortement accru par rapport à celui du sucre et qu' il suscite ainsi des excédents supplémentaires dans ce secteur .

Il s' ensuit que la production d' isoglucose ne doit pas être constatée au moyen de la même méthode de calcul, d' une part pour établir le montant des restitutions à la production que les producteurs d' isoglucose doivent rembourser, en vertu du règlement n 1761/77, fixant certaines modalités d' application du règlement n 2742/75, modifié par le règlement n 3609/84, et d' autre part pour garantir le respect des quotas et déterminer les cotisations à payer dans le cadre du règlement n 1443/82,
établissant les modalités d' application du régime des quotas dans le secteur du sucre, modifié par le règlement n 434/84 .

2 . L' article 2, paragraphe 1, du règlement n 1443/82, tel qu' il a été modifié par le règlement n 434/84, doit être interprété en ce sens que lors de chaque opération successive d' isomérisation d' un sirop de glucose contenant en poids à l' état sec, après une première isomérisation, au moins 10 % de fructose, il y a production d' isoglucose devant être imputée sur les quotas prévus par le règlement n 1785/81, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, pour autant que ces
opérations aient pour effet d' accroître la teneur en fructose du produit final .

3 . L' article 24 du règlement n 1785/81, instaurant un régime de quotas de production dans le secteur du sucre, doit être interprété en ce sens que les quotas d' isoglucose recouvrent également l' isoglucose utilisé en tant que produit intermédiaire, c' est-à-dire en tant que produit qui sert à l' élaboration d' un autre produit destiné à la vente et qui disparaît au terme du processus .

Parties

Dans l' affaire C-210/90,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le tribunal de grande instance de Paris, et tendant à obtenir dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Roquette frères SA

et

Direction générale des impôts,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation du règlement ( CEE ) n 1761/77 de la Commission, du 29 juillet 1977, fixant certaines modalités d' application du règlement ( CEE ) n 2742/75 ( JO L 191, p . 90 ), tel que modifié par le règlement ( CEE ) n 3609/84 de la Commission, du 20 décembre 1984 ( JO L 333, p . 38 ), du règlement ( CEE ) n 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ( JO L 177, p . 4 ) et du règlement ( CEE ) n
1443/82 de la Commission, du 8 juin 1982, établissant les modalités d' application du régime des quotas dans le secteur du sucre ( JO L 158, p . 17 ), tel que modifié par le règlement ( CEE ) n 434/84 de la Commission, du 9 février 1984 ( JO L 51, p . 13 ),

LA COUR ( première chambre ),

composée de Sir Gordon Slynn, président de chambre, MM . R . Joliet et G . C . Rodríguez Iglesias, juges,

avocat général : M . G . Tesauro

greffier : M . J . A . Pompe, greffier adjoint

considérant les observations écrites présentées :

- pour la société Roquette frères, par Me Jacques Dutat, avocat au barreau de Lille,

- pour le gouvernement français, par MM . Philippe Pouzoulet, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Géraud de Bergues, secrétaire adjoint principal des Affaires étrangères à ce même ministère, en qualité d' agents,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Rosemary Caudwell, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agent,

- pour la Commission, par M . Patrick Hetsch, membre de son service juridique, en qualité d' agent,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de la société Roquette frères et de la Commission, à l' audience du 14 novembre 1991,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 13 décembre 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par jugement du 6 juin 1990, parvenu à la Cour le 13 juillet suivant, le tribunal de grande instance de Paris a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, trois questions préjudicielles sur l' interprétation du règlement ( CEE ) n 1761/77 de la Commission, du 29 juillet 1977, fixant certaines modalités d' application du règlement ( CEE ) n 2742/75 ( JO L 191, p . 90 ) tel que modifié par le règlement ( CEE ) n 3609/84 de la Commission, du 20 décembre 1984 ( JO L 333, p . 38 ), du règlement (
CEE ) n 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ( JO L 177, p . 4 ) et du règlement ( CEE ) n 1443/82 de la Commission, du 8 juin 1982, établissant les modalités d' application du régime des quotas dans le secteur du sucre ( JO L 158, p . 17 ), tel que modifié par le règlement ( CEE ) n 434/84 de la Commission, du 9 février 1984 .

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant le seul producteur d' isoglucose en France, la société Roquette frères ( ci-après "Roquette "), à la direction générale des impôts .

3 L' isoglucose est un édulcorant liquide, fabriqué à partir du glucose présent dans l' amidon . Cet amidon est lui-même obtenu à partir de céréales, le plus souvent du maïs . Le glucose présent dans l' amidon peut être transformé, au moyen d' un procédé appelé "isomérisation", en une solution contenant à parts presque égales des molécules de glucose et des molécules de fructose - l' isoglucose . L' isoglucose ainsi produit possède une composition chimique et un pouvoir sucrant proches du sucre
liquide extrait de la betterave ou de la canne à sucre .

4 Ainsi qu' il ressort du dossier, Roquette est parvenue à améliorer le rendement de cette opération . Lorsqu' après l' isomérisation décrite plus haut elle a obtenu de l' isoglucose, elle en sépare d' abord les molécules de glucose et de fructose . Ensuite, elle recycle le glucose ainsi récupéré en le soumettant à une nouvelle isomérisation . Elle obtient de la sorte un nouvel isoglucose où la part de fructose est plus importante que celle de glucose . Ce procédé de séparation et d' isomérisation
subséquente est ensuite répété plusieurs fois, ce qui contribue à la production d' un isoglucose à très haute teneur en fructose .

5 A partir du 1er octobre 1985, ce processus de fabrication a été modifié . Roquette s' est mise à fabriquer de l' isoglucose à haute teneur en fructose au moyen d' isomérisations successives, non plus de glucose recyclé, mais d' un mélange composé de glucose et d' au moins 10 % de fructose .

6 Le pouvoir sucrant de l' isoglucose à haute teneur en fructose que Roquette élabore par l' un ou l' autre de ces procédés est presque le double de celui du sucre .

7 Par avis de recouvrement du 16 septembre 1987, la direction générale des impôts a exigé de Roquette le paiement d' une somme de 397 528 FF au titre de cotisations imposées sur la production d' isoglucose par différents règlements pris dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur du sucre . Cette administration affirme que Roquette a produit entre le 1er juillet 1985 et le 30 septembre 1986 plus d' isoglucose qu' elle n' en a déclaré . Elle considère, en effet, que ces
cotisations doivent frapper non seulement la production finale d' isoglucose à haute teneur en fructose, mais également les productions intermédiaires d' isoglucose qui ont été nécessaires pour parvenir à sa fabrication . Elle ajoute que ces cotisations doivent également être appliquées sur l' isoglucose qui n' est pas vendu comme tel, mais qui entre dans la préparation d' autres produits que Roquette commercialise, par exemple le lévulose et le mannitol .

8 Roquette, qui conteste cette façon de calculer, a introduit contre la décision de la direction générale des impôts une réclamation qui a été rejetée . Roquette a alors saisi le tribunal de grande instance de Paris pour voir annuler la décision de rejet ainsi que l' avis de mise en recouvrement et ordonner le dégrèvement des impositions mises à sa charge et des indemnités de retard .

9 Le tribunal de grande instance de Paris a décidé de surseoir à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1 ) Dans quelle mesure l' application du règlement ( CEE ) n 1761/77 modifié par le règlement ( CEE ) n 3609/84, relatif au calcul de la restitution à la production à récupérer auprès des fabricants d' isoglucose, est-elle liée à celle du règlement ( CEE ) n 1443/82 modifié par le règlement ( CEE ) n 434/84, article 2, fixant la méthode de constatation de la production d' isoglucose?

2 ) Un sirop de glucose contenant en poids à l' état sec, après une première isomérisation, au moins 10 % de fructose, et qui est soumis successivement à une ou plusieurs opérations d' isomérisation, tombe-t-il, à chaque isomérisation, dans le champ d' application du règlement ( CEE ) n 434/84, à savoir y a-t-il lors de chaque opération d' isomérisation, production d' isoglucose imputable au régime des quotas prévu par le règlement ( CEE ) n 1785/81?

3 ) La production d' isoglucose en tant que produit intermédiaire, c' est-à-dire en tant que produit qui sert à l' élaboration d' un autre produit destiné à la vente et qui disparaît au terme du processus, relève-t-elle des quotas d' isoglucose tels qu' ils sont définis par l' article 24 du règlement ( CEE ) n 1785/81?"

10 Pour un plus ample exposé du cadre juridique et des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la question relative au lien entre les règlements pris dans le secteur des céréales et ceux pris dans le secteur du sucre, en ce qui concerne la méthode de constatation de la production d' isoglucose

11 Par sa première question, la juridiction nationale vise en substance à savoir si la production d' isoglucose doit être constatée au moyen de la même méthode de calcul, d' une part, pour établir le montant des restitutions à la production que les producteurs d' isoglucose doivent rembourser dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur des céréales et, d' autre part, pour garantir le respect des quotas et déterminer les cotisations à payer dans le cadre de l' organisation
commune des marchés dans le secteur du sucre .

12 Cette question doit être comprise à la lumière de la position de Roquette, qui estime indispensable d' établir la production d' isoglucose de la même manière dans les deux secteurs . Or, comptabiliser la production intermédiaire d' isoglucose, comme le voudrait la direction générale des impôts, aboutirait, dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, à pénaliser les fabricants .

13 Pour répondre à cette question, il y a lieu d' examiner si la constatation de la production d' isoglucose répond aux mêmes besoins dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur des céréales et dans celui de l' organisation commune des marchés dans le secteur du sucre .

14 A cet égard, il convient de rappeler tout d' abord que l' article 11 du règlement ( CEE ) n 2727/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales ( JO L 281, p . 1 ), prévoit l' octroi de restitutions à la production en faveur notamment "du maïs et du froment tendre utilisés dans la Communauté pour la fabrication d' amidon", ainsi que "pour les gruaux et semoules de maïs utilisés dans la Communauté pour la fabrication de glucose par le
procédé dit d' hydrolyse directe ." En vertu du règlement n 2742/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, relatif aux restitutions à la production dans le secteur des céréales et du riz ( JO L 281, p . 57 ), ces restitutions sont payées sous forme d' avances avant toute transformation des céréales . Toutefois, par le règlement ( CEE ) n 1665/77, du 20 juillet 1977, modifiant le règlement n 2742/75 relatif aux restitutions à la production dans le secteur des céréales et du riz ( JO L 186, p . 15 ), le
Conseil a supprimé ces restitutions en ce qui concerne les produits destinés à la fabrication d' isoglucose . Par son règlement n 1761/77, précité, la Commission a prévu les modalités selon lesquelles les États membres doivent récupérer auprès des producteurs d' isoglucose les restitutions à la production qui leur auraient été avancées . En vertu de l' article 3 de ce règlement, tel qu' il a été modifié par le règlement n 3609/84, précité, les montants à recouvrer sont établis en multipliant la
quantité d' isoglucose produite d' abord par un coefficient représentant la quantité de céréales nécessaires pour la fabrication d' une tonne d' isoglucose, et ensuite par le taux de la restitution applicable à ces céréales .

15 Il en résulte que, dans le cadre du règlement n 1761/77, précité, modifié par le règlement n 3609/84, précité, la quantité d' isoglucose produite n' est qu' un élément qui permet, grâce au jeu d' un coefficient forfaitaire et différencié suivant les produits céréaliers de base mis en oeuvre, de retrouver la quantité de céréales qui ont été transformées en amidon, puis en glucose, et de déterminer par voie de conséquence le montant de la restitution avancée .

16 Or, il convient de rappeler que les isomérisations subséquentes auxquelles procèdent les entreprises telles que Roquette ne portent pas sur le glucose extrait de l' amidon, mais sur le glucose tiré de l' isoglucose produit à un stade antérieur . Si, pour le calcul du montant des restitutions à la production à récupérer, on retenait comme quantités d' isoglucose, non seulement celles produites à partir du glucose extrait de l' amidon, mais également celles produites à partir du glucose tiré de l'
isoglucose produit à un stade antérieur, la quantité de glucose initialement mise en oeuvre serait surestimée, et avec elle, les quantités d' amidon et de céréales initialement transformées . Une telle prise en considération conduirait, dès lors, à exiger de ces producteurs le remboursement de restitutions supérieures à celles qui leur ont été avancées . Il en découle que, dans l' hypothèse d' isomérisations successives, il n' y a lieu de prendre en considération pour ce calcul que la quantité d'
isoglucose issue de la première isomérisation, c' est-à-dire la quantité d' isoglucose qui provient directement du glucose extrait de l' amidon .

17 Il convient, dès lors, d' apprécier si cette méthode peut s' appliquer également dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur du sucre .

18 A cet effet, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de cette organisation commune des marchés, la production d' isoglucose est soumise, tout comme celle du sucre, à un régime de quotas, instauré par l' article 24 du règlement n 1785/81, précité . Ce régime est assorti d' un système de cotisations destiné à permettre le financement de l' écoulement des édulcorants excédentaires . Dans le but de permettre une application harmonieuse et efficace de ce régime, une méthode de constatation de la
production tant pour le sirop de saccharose que pour l' isoglucose a été instaurée par le règlement n 1443/82, précité . Aux termes de l' article 2, paragraphe 2, de ce règlement, tel qu' il a été modifié par le règlement n 434/84, précité, la production d' isoglucose doit être constatée par :

"a ) comptage physique du volume du produit tel quel

immédiatement à la sortie du processus d' isomérisation et avant toute opération de séparation de ses composants de glucose et de fructose ou toute opération de mélange ".

19 Cet article impose ainsi de comptabiliser, au titre des quotas d' une entreprise, les quantités d' isoglucose constatées à la suite de chaque processus d' isomérisation et avant toute séparation ou mélange des composants de l' isoglucose avec d' autres produits . Il implique donc la prise en compte de toutes les quantités d' isoglucose produites, y compris celles qui, dans le processus de fabrication d' isoglucose à haute teneur en fructose, sont fabriquées à un stade intermédiaire, notamment à
partir du glucose recyclé .

20 Cette interprétation s' impose également au regard des objectifs mêmes de la réglementation prise dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur du sucre .

21 Comme la Cour l' a déjà reconnu dans ses arrêts du 29 octobre 1980, Roquette/Conseil ( 138/79, Rec . p . 3333 ), et du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil ( 108/81, Rec . p . 3107 ), la réglementation relative aux quotas a été prise, dans le cadre de la politique agricole, en tenant compte de la similarité et de l' interdépendance des marchés du sucre et de l' isoglucose . Il résulte, en effet, du deuxième considérant du règlement n 1785/81, précité, que l' isoglucose est un produit de substitution
directe du sucre liquide issu de la transformation de la betterave ou de la canne à sucre .

22 Il convient cependant de souligner que cette substitution ne peut jouer, aux conditions d' égalité que vise à assurer le régime des quotas, que pour autant que ces deux produits possèdent des propriétés similaires .

23 Tel est le cas du sucre liquide et de l' isoglucose issu de la première isomérisation du glucose . Ainsi qu' il a été dit plus haut, ces deux produits ont, en effet, les mêmes caractéristiques physiques et chimiques, et notamment le même pouvoir sucrant .

24 Par contre, ainsi qu' il a également été dit plus haut, l' isoglucose à haute teneur en fructose possède, à la fin du recyclage, une teneur en fructose, et partant un pouvoir sucrant, proche du double de celui du sucre .

25 Dès lors, si seule la production finale d' isoglucose à haute teneur en fructose devait être comptabilisée aux fins de l' imputation sur les quotas, les producteurs de cet isoglucose disposeraient, à quantités égales, d' un produit au pouvoir sucrant plus élevé . Or, puisque la production d' isoglucose contribue à accroître les excédents de sucre, comme la Cour l' a déjà reconnu dans ses arrêts du 29 octobre 1980, Roquette, précité, et du 30 septembre 1982, Amylum, précité, cela ne manquerait pas
de susciter des excédents supplémentaires dans le secteur du sucre, sans que les producteurs d' isoglucose à haute teneur en fructose participent au financement de leur écoulement . Ce mode de calcul fausserait donc la concurrence entre leur produit et le sucre . De même, la concurrence entre les producteurs d' isoglucose serait affectée, selon qu' ils recourent ou non au procédé de recyclage .

26 Il s' ensuit que, dans le cadre de l' application de l' article 2, paragraphe 2, du règlement n 1443/82, précité, tel qu' il a été modifié par le règlement n 434/84, précité, la constatation de la production de l' isoglucose doit être faite après chaque opération d' isomérisation et avant tout traitement ultérieur du produit .

27 Il découle de ces considérations que la détermination de la production d' isoglucose répond à des finalités différentes dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur des céréales et dans celle du sucre . Il ne s' impose dès lors pas de comptabiliser cette production de la même manière dans ces deux secteurs .

28 Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que la production d' isoglucose ne doit pas être constatée au moyen de la même méthode de calcul, d' une part, pour établir le montant des restitutions à la production que les producteurs d' isoglucose doivent rembourser, en vertu du règlement ( CEE ) n 1761/77 de la Commission, du 29 juillet 1977, fixant certaines modalités d' application du règlement ( CEE ) n 2742/75, modifié par le règlement ( CEE ) n 3609/84 de la Commission, du 20
décembre 1984, et, d' autre part, pour garantir le respect des quotas et déterminer les cotisations à payer dans le cadre du règlement ( CEE ) n 1443/82 de la Commission, du 8 juin 1982, établissant les modalités d' application du régime des quotas dans le secteur du sucre, modifié par le règlement ( CEE ) n 434/84 de la Commission, du 9 février 1984 .

Sur la question relative au calcul de la production d' isoglucose imputable sur le régime des quotas, en cas d' isomérisations successives de l' isoglucose

29 Par sa deuxième question, la juridiction nationale vise en substance à savoir si le régime des quotas s' applique également aux isomérisations intermédiaires telles que celles que Roquette fait subir à l' isoglucose en vue d' obtenir un isoglucose à pouvoir sucrant plus élevé .

30 Cette question se réfère au processus de fabrication mis en place par Roquette à partir du 1er octobre 1985 . Cette société considère que le mélange de glucose et de 10 % de fructose constitue un isoglucose au sens de l' article 2 du règlement n 1443/82, précité, modifié par le règlement n 434/84, précité . Or, comme cet isoglucose a déjà été comptabilisé au moment de sa production, Roquette estime qu' il y a lieu de le déduire de l' assiette des cotisations, afin d' éviter toute double taxation
.

31 Il convient de rappeler, à cet égard, que l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 1443/82, précité, modifié par le règlement n 434/84, précité, dispose : "Au sens des articles 26 à 29 du règlement ( CEE ) n 1785/81, on entend par production d' isoglucose, la quantité de produit obtenu à partir de glucose ou de ses polymères ayant une teneur en poids à l' état sec d' au moins 10 % de fructose, quelle que soit la teneur en fructose au-delà de cette limite, exprimée en matière sèche et constatée
conformément au paragraphe 2 ."

32 Il y a lieu de relever d' emblée que cette définition n' exige pas que l' isoglucose soit produit à partir de glucose pur . Elle recouvre, dès lors, l' isoglucose produit à partir de glucose mélangé à d' autres substances, et donc à du fructose .

33 Cette interprétation est, par ailleurs, la seule qui réponde à la finalité de la réglementation sur les quotas prise dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur du sucre . L' isomérisation d' un mélange de glucose et de fructose aboutit, en effet, à la production d' un isoglucose à haute teneur en fructose, tout comme l' isomérisation du glucose recyclé . S' il était permis à un producteur d' isoglucose à haute teneur en fructose de déduire des quantités qu' il
commercialise les quantités d' isoglucose intermédiaire qu' il fabrique, ne serait plus imputé sur son quota que de l' isoglucose à très grand pouvoir sucrant, ce qui romprait l' équilibre que le législateur communautaire a voulu établir entre les différents producteurs d' édulcorants .

34 Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 1443/82 de la Commission, du 8 juin 1982, tel qu' il a été modifié par le règlement n 434/84 de la Commission, doit être interprété en ce sens que lors de chaque opération successive d' isomérisation d' un sirop de glucose contenant en poids à l' état sec, après une première isomérisation, au moins 10 % de fructose, il y a production d' isoglucose imputable au régime des quotas prévus par le
règlement n 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, pour autant que ces opérations ont pour effet d' accroître la teneur en fructose du produit final .

Sur la question relative à l' imputation sur le régime des quotas de l' isoglucose entrant comme produit intermédiaire dans la fabrication d' autres produits

35 Par sa troisième question, la juridiction nationale cherche à savoir si l' isoglucose utilisé comme produit intermédiaire pour la fabrication d' autres produits, comme le lévulose ou le mannitol, relève des quotas instaurés par le règlement n 1785/81, précité .

36 A cet égard, il suffit de rappeler que ce règlement soumet le sucre au régime des quotas, sans qu' aucune distinction ne soit faite quant à sa destination, selon que ce sucre est utilisé comme produit intermédiaire ou comme produit final . L' identité de régime auquel le sucre et l' isoglucose sont soumis impose de ne pas introduire de telles distinctions en ce qui concerne l' isoglucose .

37 Au demeurant, comme le souligne avec raison la Commission, puisque l' article 31 du règlement n 1785/81, précité, réserve au Conseil, au terme d' une procédure spécifique, la faculté de soustraire au régime des quotas l' isoglucose utilisé pour la fabrication de certains produits, tout isoglucose qui n' a pas fait l' objet d' une réglementation du Conseil en ce sens, relève du régime des quotas même s' il est destiné à entrer dans l' élaboration d' une autre substance .

38 Il y a donc lieu de répondre à la juridiction nationale que l' article 24 du règlement n 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, doit être interprété en ce sens que les quotas d' isoglucose recouvrent également l' isoglucose utilisé en tant que produit intermédiaire, c' est-à-dire en tant que produit qui sert à l' élaboration d' un autre produit destiné à la vente et qui disparaît au terme du processus .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

39 Les frais exposés par les gouvernements français et du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR ( première chambre ),

statuant sur les questions à elle soumises par le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 6 juin 1990, dit pour droit :

1 ) La production d' isoglucose ne doit pas être constatée au moyen de la même méthode de calcul, d' une part, pour établir le montant des restitutions à la production que les producteurs d' isoglucose doivent rembourser, en vertu du règlement ( CEE ) n 1761/77 de la Commission, du 29 juillet 1977, fixant certaines modalités d' application du règlement ( CEE ) n 2742/75, modifié par le règlement ( CEE ) n 3609/84 de la Commission, du 20 décembre 1984, et, d' autre part, pour garantir le respect des
quotas et déterminer les cotisations à payer dans le cadre du règlement ( CEE ) n 1443/82 de la Commission, du 8 juin 1982, établissant les modalités d' application du régime des quotas dans le secteur du sucre, modifié par le règlement ( CEE ) n 434/84 de la Commission, du 9 février 1984 .

2 ) L' article 2, paragraphe 1, du règlement ( CEE ) n 1443/82 de la Commission, du 8 juin 1982, tel qu' il a été modifié par le règlement ( CEE ) n 434/84 de la Commission, doit être interprété en ce sens que, lors de chaque opération successive d' isomérisation d' un sirop de glucose contenant en poids à l' état sec, après une première isomérisation, au moins 10 % de fructose, il y a production d' isoglucose imputable au régime des quotas prévus par le règlement ( CEE ) n 1785/81 du Conseil, du 30
juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, pour autant que ces opérations ont pour effet d' accroître la teneur en fructose du produit final .

3 ) L' article 24 du règlement ( CEE ) n 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, doit être interprété en ce sens que les quotas d' isoglucose recouvrent également l' isoglucose utilisé en tant que produit intermédiaire, c' est-à-dire en tant que produit qui sert à l' élaboration d' un autre produit destiné à la vente et qui disparaît au terme du processus .


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-210/90
Date de la décision : 13/02/1992
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Paris - France.

Organisations communes des marchés dans les secteurs des céréales et du sucre - Méthode de constatation de la production d'isoglucose - Isomérisations successives.

Céréales

Agriculture et Pêche

Sucre


Parties
Demandeurs : Roquette Frères SA
Défendeurs : Direction générale des impôts.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Joliet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1992:70

Source

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