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15/10/1991 | CJUE | N°C-302/90

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Caisse auxiliaire d'assurance maladie-invalidité et Institut national d'assurance maladie-invalidité contre Napoléon et Jocelyne Faux., 15/10/1991, C-302/90


Avis juridique important

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61990J0302

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 octobre 1991. - Caisse auxiliaire d'assurance maladie-invalidité et Institut national d'assurance maladie-invalidité contre Napoléon et Jocelyne Faux. - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Mons - Belgique. - SécuritÃ

© sociale des travailleurs frontaliers - Règlement CEE no 36/63. - Affaire...

Avis juridique important

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61990J0302

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 15 octobre 1991. - Caisse auxiliaire d'assurance maladie-invalidité et Institut national d'assurance maladie-invalidité contre Napoléon et Jocelyne Faux. - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Mons - Belgique. - Sécurité sociale des travailleurs frontaliers - Règlement CEE no 36/63. - Affaire C-302/90.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-04875

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Sécurité sociale des travailleurs migrants - Travailleur frontalier - Notion au sens de l' article 1er, paragraphe 1, sous c ), du règlement n 36/63 - Travailleur frontalier au chômage complet - Inclusion

(( Règlement du Conseil n 36/63, art . 1er, § 1, sous c ) ))

2 . Sécurité sociale des travailleurs migrants - Assurance maladie - Assurance invalidité - Travailleur frontalier au chômage complet - Régime du règlement n 36/63 puis du règlement n 1408/71, avant sa modification par le règlement n 2793/81 - Prestations à charge de l' institution compétente de l' État membre du dernier emploi

( Règlements du Conseil n 36/63, art . 6, § 1, et n 1408/71, art . 39, § 1 et 2, avant la modification introduite par le règlement n 2793/81 )

3 . Sécurité sociale des travailleurs migrants - Périodes d' assurance - Périodes assimilées - Travailleur frontalier au chômage complet tenu de faire valoir ses droits aux prestations de chômage dans l' État membre de résidence - Période de chômage non reconnue comme période d' assurance dans l' État membre de résidence - Législation de l' État membre du dernier emploi assimilant les périodes de chômage accomplies sur son territoire à des périodes d' assurance maladie - Obligation de l' État membre
du dernier emploi d' assimiler la période de chômage accomplie dans l' État membre de résidence à une période d' assurance

(( Traité CEE, art . 48 à 51; règlements du Conseil n 3, art . 1er, sous p ), n 36/63, art . 19, § 1, et n 1408/71, art . 1er, sous r ) ))

Sommaire

1 . L' article 1er, paragraphe 1, sous c ), du règlement n 36/63, concernant la sécurité sociale des travailleurs frontaliers, doit être interprété en ce sens qu' un travailleur frontalier ne perd pas cette qualité du fait qu' il se trouve en état de chômage complet .

2 . Sous le régime du règlement n 36/63, puis du règlement n 1408/71, avant sa modification par le règlement n 2793/81, un travailleur frontalier qui se trouvait en état de chômage complet pouvait prétendre aux prestations d' incapacité de travail, en vertu de l' article 6, paragraphe 1, du règlement n 36/63, puis aux prestations d' invalidité, en vertu de l' article 39, paragraphes 1 et 2, du règlement n 1408/71, à charge de l' institution compétente de l' État membre du dernier emploi .

3 . La période de chômage complet d' un travailleur frontalier tenu, en vertu de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63, d' exercer ses droits aux prestations de chômage dans l' État membre de résidence, bien que non reconnue dans celui-ci comme période d' assurance ou assimilée, doit être considérée comme une telle période dans l' État du dernier emploi, dont la législation assimile les périodes de chômage accomplies sur son territoire à des périodes d' assurance maladie .

Cette solution s' impose nonobstant les dispositions des règlements n s 3 et 1408/71 spécifiant que les "périodes d' assurance" désignent les périodes définies ou admises comme telles par la législation sous laquelle elles ont été accomplies, dont l' application en pareille hypothèse, en aboutissant à priver un travailleur migrant des avantages auxquels il aurait pu prétendre au titre de la seule législation d' un État membre, irait à l' encontre du but poursuivi par les articles 48 à 51 du traité .

Parties

Dans l' affaire C-302/90,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par la cour du travail de Mons ( Belgique ) et visant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Caisse auxiliaire d' assurance maladie-invalidité ( CAAMI ) et

Institut national d' assurance maladie-invalidité ( INAMI )

partie intervenante

et

Napoléon et Jocelyne Faux,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation du règlement n 36/63/CEE du Conseil, du 2 avril 1963, concernant la sécurité sociale des travailleurs frontaliers ( JO 1963, 62, p . 1314 ),

LA COUR ( cinquième chambre ),

composée de Sir Gordon Slynn, président de chambre, faisant fonction de président, MM . F . Grévisse, J . C . Moitinho de Almeida, G . C . Rodríguez Iglesias et M . Zuleeg, juges,

avocat général : M . C . O . Lenz

greffier : M . J . A . Pompe, greffier adjoint

considérant les observations écrites présentées :

- pour l' INAMI, intervenant au principal, par Mes A . Wattier et J . Saint-Ghislain, avocats au barreau de Mons;

- pour M . et Mme Faux, intimés au principal, par Mes Gaston Dramaix et José Chevalier, avocats au barreau de Mons;

- pour la Commission des Communautés européennes, par M . Dimitrios Gouloussis, membre du service juridique, en qualité d' agent;

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de la Commission à l' audience du 4 juin 1991,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 3 juillet 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par arrêt du 28 septembre 1990, parvenu à la Cour le 5 octobre suivant, la cour du travail de Mons a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, quatre questions préjudicielles relatives à l' interprétation du règlement n 36/63/CEE du Conseil, du 2 avril 1963, concernant la sécurité sociale des travailleurs frontaliers ( JO 1963, 62, p . 1314 ) et du règlement ( CEE ) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à
leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté ( JO L 149, p . 2 ).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant Napoléon et Jocelyne Faux, en leur qualité d' héritiers de Mme Desse, qui est décédée au cours de la procédure, à la caisse auxiliaire d' assurance maladie-invalidité ( ci-après "CAAMI ") et à la partie intervenante, l' Institut national d' assurance maladie-invalidité ( ci-après "INAMI ").

3 Mme Desse, ressortissante française qui a travaillé en Belgique en tant que travailleur frontalier du 25 février 1957 au 4 décembre 1970, date de son licenciement, a bénéficié des prestations de chômage en France au titre de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63, jusqu' au 11 octobre 1971, avec une seule interruption entre le 2 et le 21 février 1971, période au cours de laquelle elle a bénéficié des indemnités de maladie de l' organisme assureur belge .

4 Mme Desse a été reconnue inapte au travail par la CAAMI du 12 octobre 1971 au 30 septembre 1980, date de sa retraite . Néanmoins, la CAAMI lui a refusé le bénéfice des prestations d' assurance maladie-invalidité par décision du 11 mai 1973 . Mme Desse s' est pourvue contre cette décision devant le tribunal du travail de Tournai qui a fait droit à sa requête par jugement du 4 juin 1976 .

5 La CAAMI, soutenue par l' INAMI, a fait appel de ce jugement devant la cour du travail de Mons, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1 ) Si une travailleuse salariée française, résidant en France ayant travaillé uniquement en Belgique pendant près de 14 ans comme salariée, perd la qualité de frontalière au sens de l' article 1er, sous c ), du règlement n 36/63/CEE ( qualité qui lui était encore reconnue au moment du licenciement du 4 décembre 1970 );

si cette perte de la qualité de frontalier est la conséquence du fait qu' elle s' est trouvée en état de chômage complet et a été indemnisée à ce titre par l' institution française du lieu de sa résidence pendant la période du 24 février 1971 au 11 octobre 1971 dans le cadre de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63/CEE, du 2 avril 1963, alors qu' elle paraît conserver cette qualité au vu des articles 2, paragraphe 1, et 19, paragraphe 1, dudit règlement;

2 ) si, en cas de maladie et d' incapacité de travail, d' invalidité ensuite reconnue selon la législation belge sur l' assurance maladie-invalidité ( loi du 9 août 1963 ) à partir du 12 octobre 1971 jusqu' à l' âge de la retraite ( soit le 30 septembre 1980 ) elle peut prétendre ou non aux indemnités d' incapacité primaire ( durant un an ) puis d' invalidité à charge de l' institution compétente belge, dans le cadre de l' article 6 du même règlement n 36/63;

3 ) s' il faut - dans l' esprit du règlement n 36/63 et des dispositions particulières complémentaires qu' il a nécessitées ( voir cinquième considérant du préambule du règlement ) - admettre que la période de chômage en France - bien que non reconnue en ce pays de résidence comme période d' assurance ou assimilée ou équivalant à une période d' assurance, doit être considérée en Belgique, pays du lieu de travail antérieur, comme une période d' assurance ou assimilée à une période d' assurance (
notamment pour l' application de la loi nationale du 9 août 1963 sur l' assurance maladie-invalidité ( articles 66 à 68 et 75 );

la réponse à cette question étant liée au prescrit de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63 qui impose implicitement au travailleur frontalier devenu chômeur complet d' exercer son droit aux allocations de chômage et donc de s' inscrire comme demandeur d' emploi dans le pays du lieu de sa résidence ( en l' occurrence la France ) plutôt que dans le pays du lieu de travail et d' assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés où il a perdu son emploi;

4 ) subsidiairement enfin, dans l' hypothèse d' une réponse négative aux trois premières questions et de l' application du règlement n 3 à partir du 1er octobre 1971 et du règlement ( CEE ) n 1408/71 à dater du 1er octobre 1972, en matière d' assurance maladie-invalidité :

si l' institution du pays du lieu de travail et d' assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés ( ici la Belgique ) doit admettre que la période de chômage indemnisée en France selon l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63/CEE ( même si elle n' est pas reconnue en ce pays comme période d' assurance ou assimilée ou équivalente ) vaut période d' assurance ou assimilée ou équivalente au sens des articles 66 ( période de stage ) à 68 et 75 ( en raison du maintien de la
qualité du titulaire ) de la loi du 9 août 1963 en matière d' assurance maladie-invalidité ."

6 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la première question

7 Par sa première question, la juridiction de renvoi vise en substance à savoir si l' article 1er, paragraphe 1, sous c ), du règlement n 36/63, doit être interprété en ce sens qu' un travailleur frontalier perd cette qualité du fait qu' il se trouve en état de chômage complet .

8 L' INAMI fait valoir que, pour l' application à un travailleur des dispositions du règlement n 36/63, il faudrait que ce travailleur réponde à la définition du frontalier donnée par l' article 1er, paragraphe 1, sous c ), de ce règlement, et en particulier à la condition d' être occupé sur le territoire d' un État membre autre que celui de la résidence . Or, cette condition ferait défaut lorsque le travailleur se trouve en état de chômage complet . A l' appui de sa thèse, l' INAMI invoque l'
interprétation des termes "est occupé" donnée par la commission administrative instituée en vertu de l' article 43 du règlement n 3 du Conseil, du 25 septembre 1958, concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants ( JO 1958, 30, p . 597 ). Cette commission avait estimé que l' expression avait une portée très large comprenant, notamment, les "travailleurs en chômage partiel ou accidentel, bénéficiaires de l' article 19, paragraphe 2, du règlement n 36/63 ". L' INAMI tire de cette
interprétation la conclusion que les travailleurs au chômage complet, dont l' article 19, paragraphe 1, du même règlement définit les droits à prestations de chômage, ne sont plus des travailleurs frontaliers .

9 Il convient de relever que, si l' interprétation soutenue par l' INAMI peut trouver un certain appui dans la lettre de l' expression "est occupé sur le territoire d' un autre État membre", employée à l' article 1er, paragraphe 1, sous c ), du règlement n 36/63, elle est en contradiction avec le contenu et avec les termes mêmes d' autres dispositions de ce même règlement, à savoir celles des articles 19, paragraphe 1, et 10 .

10 En effet, l' article 19, paragraphe 1, de ce règlement vise les prestations auxquelles a droit un "travailleur frontalier qui se trouve en état de chômage complet ". L' article 10, pour sa part, prévoit que "un travailleur frontalier qui, conformément aux dispositions du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de l' article 19, bénéficie de prestations de chômage prévues par la législation d' un État membre, a droit pendant la même période, ainsi que les membres de sa famille, aux prestations en nature
de la part de l' institution du lieu de sa résidence ". Il résulte de ces dispositions qu' un travailleur frontalier au chômage conserve sa qualité de travailleur frontalier .

11 En ce qui concerne l' argument tiré de l' interprétation de la commission administrative visée à l' article 43 du règlement n 3, il suffit de relever que, comme l' indiquent les pièces versées au dossier, le problème qui a donné lieu à cette interprétation concernait exclusivement la question de savoir si les travailleurs frontaliers, bénéficiant des prestations de chômage partiel ou accidentel, devaient être considérés ou non comme "occupés" au sens de l' article 1er, paragraphe 1, sous c ), du
règlement n 36/63, précité . La situation des travailleurs au chômage complet n' a pas été, en revanche, prise en considération .

12 Il convient donc de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi que l' article 1er, paragraphe 1, sous c ), du règlement n 36/63, doit être interprété en ce sens qu' un travailleur frontalier ne perd pas cette qualité du fait qu' il se trouve en état de chômage complet .

Sur la deuxième question

13 Par sa deuxième question, la juridiction nationale vise en substance à savoir si un travailleur frontalier qui se trouve en état de chômage complet peut prétendre aux prestations d' incapacité de travail, puis d' invalidité, à charge de l' institution compétente de l' État membre du dernier emploi .

14 En ce qui concerne d' abord les prestations d' incapacité de travail, il suffit de relever, dès lors que le travailleur frontalier en état de chômage complet conserve sa condition de frontalier, que l' article 6 du règlement n 36/63, qui mettait à la charge de l' État membre d' emploi les prestations en espèces de maladie auxquelles un travailleur frontalier pourrait prétendre s' il résidait sur le territoire dudit État, est applicable dans la présente affaire .

15 En ce qui concerne les prestations d' invalidité du travailleur frontalier au chômage complet, il résulte de l' article 39, paragraphe 5, du règlement n 1408/71, qu' elles sont servies par l' institution compétente de l' État membre sur le territoire duquel il réside . Cependant, comme la Commission l' a souligné, cette disposition n' est pas applicable en l' espèce au principal . En effet, cette disposition a été introduite dans ce dernier règlement en vertu du règlement ( CEE ) n 2793/81 du
Conseil, du 17 septembre 1981, modifiant le règlement n 1408/71 ( JO L 275, p . 1 ), et celui-ci n' est entré en vigueur que le jour de sa publication, à savoir le 29 septembre 1981 .

16 Il y a donc lieu de prendre en considération l' article 39 du règlement n 1408/71, dans la version en vigueur lors de la période couverte par le litige au principal . Or, il résulte des paragraphes 1 et 2 de cette disposition que les prestations d' invalidité sont à la charge de l' institution de l' État membre dont la législation était applicable au moment où est survenue l' incapacité de travail suivie d' invalidité, à condition que l' intéressé satisfasse aux conditions requises par cette
législation .

17 Dans une situation telle que celle visée en l' espèce au principal, il y a lieu d' admettre que l' État membre dont la législation était applicable au moment où est survenue l' incapacité d' un travailleur frontalier en état de chômage complet ne pouvait être, en application des dispositions du règlement n 36/63 et notamment de son article 6, que l' État du dernier emploi .

18 Il convient donc de répondre à la deuxième question posée par la juridiction nationale que, selon le droit applicable en l' espèce au principal, un travailleur frontalier qui se trouve en état de chômage complet peut prétendre aux prestations d' incapacité de travail en vertu de l' article 6, paragraphe 1, du règlement n 36/63, puis aux prestations d' invalidité en vertu de l' article 39, paragraphes 1 et 2, du règlement n 1408/71, à charge de l' institution compétente de l' État membre du
dernier emploi .

Sur la troisième question

19 Par sa troisième question, la juridiction nationale vise en substance à savoir si la période de chômage complet d' un travailleur frontalier tenu, en vertu de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63, d' exercer ses droits aux prestations de chômage dans l' État membre de résidence, bien que non reconnue dans celui-ci comme période d' assurance-maladie ou assimilée, doit être considérée comme une telle période dans l' État du dernier emploi, dont la législation, applicable à l' époque
prise en considération, assimilait les périodes de chômage accomplies sur son territoire à des périodes d' assurance-maladie .

20 En vue de répondre à cette question, il convient de prendre en considération certains éléments de droit national et de droit communautaire qui sont à l' origine du problème posé en l' espèce au principal .

21 Il résulte du dossier que, à l' époque prise en considération, la législation belge, applicable à titre de législation de l' État du dernier emploi ( voir point 17 ci-avant ), subordonnait l' octroi des prestations d' incapacité de travail notamment à la condition d' une période minimale de travail et d' assurance ( articles 66 et 68 de la loi belge du 9 août 1963, instituant et organisant un régime d' assurance obligatoire contre la maladie et l' invalidité, Moniteur belge des 1 - 2.11.1963 ).
En vertu des articles 21, 3 et 45, paragraphe 1, 1 , sous c ), de cette loi, les travailleurs au chômage étaient reconnus comme bénéficiaires du droit aux prestations d' incapacité de travail, la période de chômage étant ainsi assimilée à une période d' assurance .

22 Il résulte de l' ordonnance de renvoi que l' institution belge compétente a refusé à Mme Desse les prestations litigieuses, au motif que la période pendant laquelle l' intéressée a perçu les prestations de chômage en France, État de résidence, n' a pas été reconnue dans ce dernier État comme une période d' assurance .

23 Or, le fait que Mme Desse ait perçu les prestations de chômage en France et non en Belgique a été une conséquence nécessaire de l' application du droit communautaire . En effet, il ressort des termes mêmes de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63, que le travailleur frontalier au chômage complet ne peut prétendre qu' aux prestations de chômage de l' État membre de résidence ( voir arrêt du 12 juin 1986, Miethe, point 10, 1/85, Rec . p . 1837, relatif à l' interprétation de l' article
71, paragraphe 1, sous a ), ii ), du règlement n 1408/71, dont les termes sont sensiblement identiques à ceux de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63 ).

24 Compte tenu de l' ensemble de ces éléments, la question posée par la juridiction nationale visant le point de savoir si la période pendant laquelle l' intéressée a perçu en France des prestations de chômage doit être ou non assimilée à une période d' assurance aux fins de l' octroi des prestations d' incapacité de travail en application de la législation belge, ne peut recevoir qu' une réponse affirmative .

25 Il est vrai, comme l' a relevé la Cour à plusieurs reprises ( voir par exemple arrêt du 5 décembre 1967, Welchner, 14/67, Rec . p . 427 ) et comme l' a fait valoir l' INAMI, que tant le règlement n 3 (( article 1er, sous p ) )) que le règlement n 1408/71 (( article 1er, sous r ) )), applicables en l' espèce au principal, spécifient que les "périodes d' assurance" désignent les périodes définies ou admises comme telles par la législation sous laquelle elles ont été accomplies .

26 Il y a lieu de constater toutefois que, dans une situation comme celle de l' espèce au principal, cette interprétation aboutirait à ce qu' un travailleur frontalier, qui s' est inscrit comme chômeur dans l' État membre de résidence conformément à l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63, se voie refuser, dans l' État membre du dernier emploi, le bénéfice des indemnités d' incapacité de travail auquel il aurait pu prétendre s' il s' était inscrit comme demandeur d' emploi dans cet État
membre et si, par conséquent, sa période de chômage y avait été assimilée à une période d' assurance-maladie .

27 Or, il est de jurisprudence constante de la Cour ( voir arrêts du 5 juillet 1967, Colditz, 9/67, Rec . p . 298, du 21 octobre 1975, Petroni, point 13, 24/75, Rec . p . 1149, et du 7 mars 1991, Masgio, point 18, C-10/90, Rec . p . I-1119 ), que le but des articles 48 à 51 du traité ne serait pas atteint si, par suite de l' exercice de leur droit à la libre circulation, les travailleurs migrants devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure la seule législation d' un État membre
.

28 Il résulte de ce qui précède que les dispositions relatives à la définition des périodes d' assurance des règlements n 3 et 1408/71 ne sauraient être interprétées en ce sens qu' elles aboutissent à priver les travailleurs migrants des avantages auxquels ils auraient pu prétendre au titre de la seule législation d' un État membre et faire ainsi obstacle au but poursuivi par les articles 48 à 51 du traité ( voir arrêts du 5 juillet 1967, Colditz, précité, du 6 mars 1979, Rossi, 100/78, Rec . p .
831, et du 12 juin 1980, Laterza, 733/79, Rec . p . 1915 ).

29 Il convient donc de répondre à la troisième question que la période de chômage complet d' un travailleur frontalier tenu, en vertu de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63, d' exercer ses droits aux prestations de chômage dans l' État membre de résidence, bien que non reconnue dans celui-ci comme période d' assurance ou assimilée, doit être considérée comme une telle période dans l' État du dernier emploi, dont la législation, applicable à l' époque prise en considération, assimilait
les périodes de chômage accomplies sur son territoire à des périodes d' assurance-maladie .

30 Eu égard la réponse donnée à la troisième question, il n' y a pas lieu de statuer sur la quatrième question .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

31 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR ( cinquième chambre ),

statuant sur les questions à elle soumises par la cour du travail de Mons, par arrêt du 28 septembre 1990, dit pour droit :

1 ) L' article 1er, paragraphe 1, sous c ), du règlement n 36/63/CEE du Conseil, du 2 avril 1963, concernant la sécurité sociale des travailleurs frontaliers, doit être interprété en ce sens qu' un travailleur frontalier ne perd pas cette qualité du fait qu' il se trouve en état de chômage complet .

2 ) Selon le droit applicable en l' espèce au principal, un travailleur frontalier qui se trouve en état de chômage complet peut prétendre aux prestations d' incapacité de travail en vertu de l' article 6, paragraphe 1, du règlement n 36/63/CEE du Conseil, du 2 avril 1963, concernant la sécurité sociale des travailleurs frontaliers, puis aux prestations d' invalidité en vertu de l' article 39, paragraphes 1 et 2 du règlement ( CEE ) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des
régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté .

3 ) La période de chômage complet d' un travailleur frontalier tenu, en vertu de l' article 19, paragraphe 1, du règlement n 36/63/CEE, du Conseil, du 2 avril 1963, concernant la sécurité sociale des travailleurs frontaliers, d' exercer ses droits aux prestations de chômage dans l' État membre de résidence, bien que non reconnue dans celui-ci comme période d' assurance ou assimilée, doit être considérée comme une telle période dans l' État du dernier emploi, dont la législation, applicable à l'
époque prise en considération, assimilait les périodes de chômage accomplies sur son territoire à des périodes d' assurance-maladie .


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-302/90
Date de la décision : 15/10/1991
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Mons - Belgique.

Sécurité sociale des travailleurs frontaliers - Règlement CEE no 36/63.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Caisse auxiliaire d'assurance maladie-invalidité et Institut national d'assurance maladie-invalidité
Défendeurs : Napoléon et Jocelyne Faux.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:385

Source

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