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11/07/1991 | CJUE | N°C-31/90

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Elsie Rita Johnson contre Chief Adjudication Officer., 11/07/1991, C-31/90


Avis juridique important

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61990J0031

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 juillet 1991. - Elsie Rita Johnson contre Chief Adjudication Officer. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal of Social Security Commissioners - Royaume-Uni. - Egalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité

sociale - Articles 2 et 4, directive 79/7/CEE. - Affaire C-31/90.
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Avis juridique important

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61990J0031

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 juillet 1991. - Elsie Rita Johnson contre Chief Adjudication Officer. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal of Social Security Commissioners - Royaume-Uni. - Egalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Articles 2 et 4, directive 79/7/CEE. - Affaire C-31/90.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-03723

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Champ d' application personnel de la directive 79/7 - Population active au sens de l' article 2 de la directive - Personne se trouvant empêchée, par une maladie, de reprendre un emploi après avoir interrompu son activité professionnelle pour s' occuper de l' éducation de ses enfants - Inclusion - Condition

( Directive du Conseil 79/7, art . 2 )

2 . Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Directive 79/7 - Article 4, paragraphe 1 - Effet direct - Portée

( Directive du Conseil 79/7, art . 4 )

Sommaire

1 . L' article 2 de la directive 79/7, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens que celle-ci ne s' applique à une personne qui a interrompu son activité professionnelle pour s' occuper de l' éducation de ses enfants et qui se trouve empêchée par une maladie de reprendre un emploi qu' à la condition que cette personne ait été à la recherche d' un emploi, dont la prospection a
été interrompue par la survenance de l' un des risques visés à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), de la directive, sans qu' il y ait lieu de distinguer selon le motif pour lequel cette personne a quitté un précédent emploi . Il appartient au juge national de constater que la personne qui invoque le bénéfice de la directive 79/7 recherchait effectivement un emploi au moment de la survenance de l' un des risques visés à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), de la directive .

2 . L' article 4 de la directive 79/7 peut être invoqué, depuis l' expiration du délai de transposition de celle-ci, pour écarter une législation nationale qui subordonne le droit à une prestation au fait d' avoir formé auparavant une demande concernant une autre prestation, désormais abrogée, laquelle comportait une condition discriminatoire à l' encontre des travailleurs féminins . En l' absence de mesures d' application adéquates de l' article 4 de la directive 79/7, les femmes défavorisées par
la persistance de la discrimination ont le droit d' être traitées de la même façon et de se voir appliquer le même régime que les hommes se trouvant dans la même situation, régime qui reste, à défaut d' exécution de ladite directive, le seul système de référence valable .

Parties

Dans l' affaire C-31/90,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par un tribunal des Social Security Commissioners et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Elsie Rita Johnson,

et

Chief Adjudication Officer,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 2 et 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ( JO 1979, L 6, p . 24 ),

LA COUR ( cinquième chambre ),

composée de MM . J . C . Moitinho de Almeida, président de chambre, G . C . Rodríguez Iglesias, Sir Gordon Slynn, MM . R . Joliet et M . Zuleeg, juges,

avocat général : M . M . Darmon

greffier : M . H . A . Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées :

- pour Mme Elsie Rita Johnson, par Mme Vicki Chapman, Solicitor à Londres,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M . H . A . Kaya, Treasury Solicitor, en qualité d' agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Karen Banks, membre de son service juridique, en qualité d' agent,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de la requérante, représentée par M . Richard Drabble, Barrister, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M . Hussein Kaya, en qualité d' agent, M . Robert Jay, barrister et M . John Laws, barrister, et de la Commission, à l' audience du 5 février 1991,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 5 mars 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par décision du 25 janvier 1990, parvenue à la Cour le 31 janvier suivant, the Social Security Commissioners a posé, en application de l' article 177 du traité CEE, quatre questions préjudicielles sur l' interprétation des articles 2 et 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ( JO 1979, L 6, p . 24 ).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant devant cette juridiction Mme Johnson et l' Adjudication Officer, et portant sur le refus par ce dernier d' accorder à Mme Johnson l' allocation pour invalidité grave ( Severe Disablement Allowance, ci-après "SDA ").

3 Il ressort du dossier que Mme Johnson a quitté son emploi vers 1970 pour s' occuper de l' éducation de sa fille, qui avait alors 6 ans et avec laquelle elle vivait seule . En 1980, elle a souhaité reprendre un travail, mais n' a pas pu le faire à cause d' une affection du dos . En raison de son incapacité de travailler, elle a, en 1981, obtenu une pension d' invalidité non liée à des cotisations ( Non Contributory Invalidity Pension, ci-après "NCIP ") en application de la section 36, paragraphe 2,
du Social Security Act de 1975, alors en vigueur . Le versement de la NCIP a été cependant interrompu dès que Mme Johnson a commencé à cohabiter avec son compagnon actuel au motif qu' elle ne pouvait pas établir qu' elle remplissait la condition supplémentaire imposée par la section 36, paragraphe 2, précitée, aux femmes vivant maritalement, à savoir l' inaptitude à s' acquitter des tâches ménagères normales .

4 Par la section 11 du Health and Social Security Act ( loi sur la santé et la sécurité sociale ) de 1984, la NCIP a été supprimée à compter du 20 novembre 1984 et la nouvelle prestation, la SDA, à laquelle les demandeurs des deux sexes peuvent prétendre dans les mêmes conditions a été instituée avec effet à compter du 29 novembre 1984 . Toutefois, l' article 20, paragraphe 1, des Social Security ( Severe Disablement Allowance ) Regulations de 1984 permettait aux personnes qui pouvaient prétendre à
l' ancienne NCIP de bénéficier automatiquement, à partir du 29 novembre 1984, de la nouvelle SDA, sans avoir à démontrer qu' elles remplissaient les nouvelles conditions .

5 Le 17 août 1987, Mme Johnson a formé, par le biais du Citizen Advice Bureau, une demande d' octroi de la SDA, basée sur l' article 20, paragraphe 1, des Social Security Regulations de 1984 . Elle soutient qu' elle aurait eu droit à la NCIP pendant la période précédant immédiatement le 29 novembre 1984, n' eût été la condition d' inaptitude aux tâches ménagères, qui constituait une condition supplémentaire pour les femmes mariées ou vivant maritalement et qui, comme la Cour de justice l' a constaté
dans l' arrêt du 24 juin 1987, Borrie Clarke ( 384/85, Rec . p . 2865 ), doit être considérée comme discriminatoire .

6 L' Adjudication Officer et, sur recours, le Sutton Social Security Appeal Tribunal ont, respectivement par décision du 13 novembre 1987 et par jugement du 24 octobre 1988, rejeté cette demande .

7 Devant the Social Security Commissioners, saisi en appel, l' Adjudication Officer a fait valoir, en premier lieu, que Mme Johnson n' entrait pas dans le champ d' application personnel de la directive 79/7, tel qu' il est défini par son article 2 . Il a soutenu, en faisant référence à l' arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Achterberg-te Riele ( 48/88, 106/88 et 107/88, Rec . p . 1963 ), que Mme Johnson ne pouvait pas être considérée comme une personne dont l' activité a été interrompue par la maladie
ou par l' un quelconque des autres risques visés à l' article 3 de la directive puisqu' elle avait volontairement cessé de travailler pour s' occuper de sa fille . En second lieu, l' Adjudication Officer a fait valoir que, même si elle était entrée dans le champ d' application personnel de la directive 79/7, Mme Johnson, dans la mesure où elle n' avait jamais demandé la NCIP avant le 29 novembre 1984, ne pouvait pas remplir les conditions pour obtenir la SDA puisqu' elle ne prouvait pas qu' elle
était titulaire de la NCIP ou, à tout le moins, qu' elle en avait sollicité le bénéfice .

8 Estimant qu' une interprétation de la directive lui était nécessaire pour trancher le litige, the Social Security Commissioners a sursis à statuer et a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1 ) L' article 2 de la directive 79/7/CEE doit-il être interprété en ce sens qu' il inclut dans son champ d' application personnel une femme ( ou un homme ) qui a été un travailleur, mais qui a quitté son emploi afin de s' occuper d' un enfant, et qui a ensuite été empêchée par la maladie de reprendre un emploi?

i ) un État membre avait accordé une prestation d' invalidité ( telle que la prestation pour invalidité non liée à des cotisations examinée dans l' affaire Clarke, ( ci-après "prestation A ") qui était assortie d' une condition empêchant les femmes mariées ou vivant maritalement d' en bénéficier si elles ne satisfaisaient pas à une condition supplémentaire qui n' était appliquée à aucun homme;

ii ) la prestation A a été abolie et remplacée par la prestation B;

iii ) le droit à la prestation B est, du moins dans certains cas, fonction du droit antérieur à la prestation A abolie;

iv ) la femme en question n' a pas établi son droit à la prestation A conformément au droit interne, en la demandant avant son abolition, et une demande présentée actuellement ne lui ouvrirait pas droit à la prestation puisque ce droit ne peut être reconnu pour une période remontant à plus de douze mois avant la date à laquelle la demande de prestation est présentée?"

9 Pour un plus ample exposé des faits et du cadre juridique du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

10 Les questions préjudicielles posées par the Social Security Commissioners soulèvent deux problèmes distincts : d' une part, celui de l' interprétation du champ d' application personnel de la directive 79/7 ( première, deuxième et troisième questions ) et, d' autre part, la portée du principe de l' égalité de traitement visé à l' article 4 de la directive 79/7 au regard des conditions d' obtention d' une prestation de sécurité sociale ( quatrième question ).

11 Aux termes de l' article 1er de la directive 79/7, celle-ci

"... vise la mise en oeuvre progressive, dans le domaine de la sécurité sociale et autres éléments de protection sociale prévus à l' article 3, du principe de l' égalité de traitement, entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, ci-après dénommé 'principe de l' égalité de traitement' ".

12 Elle s' applique, selon l' article 2,

"à la population active, y compris les travailleurs indépendants, les travailleurs dont l' activité est interrompue par une maladie, un accident ou un chômage involontaire et les personnes à la recherche d' un emploi, ainsi qu' aux travailleurs retraités et aux travailleurs invalides ".

13 Selon le paragraphe 1 de son article 3, la directive s' applique :

"a ) aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants :

- maladie,

- invalidité,

- vieillesse,

- accident du travail et maladie professionnelle,

- chômage;

b ) aux dispositions concernant l' aide sociale, dans la mesure où elles sont destinées à compléter les régimes visés sous a ) ou à y suppléer ".

14 L' article 4 énonce que :

"Le principe de l' égalité de traitement implique l' absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l' état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne :

- le champ d' application des régimes et les conditions d' accès aux régimes;

- l' obligation de cotiser et le calcul des cotisations;

- le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations ."

15 Selon le paragraphe 1 de son article 7, la directive

"... ne fait pas obstacle à la faculté qu' ont les États membres d' exclure de son champ d' application :

a ) ...

b ) ...; l' acquisition de droits aux prestations à la suite de périodes d' interruption d' emploi dues à l' éducation des enfants ;".

Sur le champ d' application personnel de la directive 79/7

16 Par les trois premières questions, qu' il convient d' examiner ensemble, the Social Security Commissioners vise, en substance, à savoir si une personne qui a interrompu son activité professionnelle pour s' occuper de l' éducation de ses enfants et qui se trouve empêchée par une maladie de reprendre un emploi relève ou non du champ d' application personnel de la directive 79/7 .

17 Plus particulièrement, il est demandé, par les deuxième et troisième questions, de préciser à cet égard :

- si une personne qui, en l' absence de maladie, travaillerait ou serait à la recherche d' un emploi doit, pour entrer dans le champ d' application de la directive 79/7, avoir quitté sa précédente activité professionnelle en raison de la réalisation d' un des risques visés à l' article 3 de la directive;

- si le fait que cette personne était ou non à la recherche d' un emploi lors de la survenance de l' un des risques mentionnés à l' article 3 de la directive est déterminant quant à la question de savoir si cette personne entre dans le champ d' application de la directive 79/7 .

18 Il découle de la combinaison des articles 2 et 3 de la directive 79/7 que celle-ci ne s' applique qu' aux personnes qui sont disponibles sur le marché du travail ou qui ont cessé de l' être à cause de la survenance d' un des risques visés par la directive .

19 Il en résulte, en premier lieu, qu' une personne qui a quitté son activité professionnelle pour s' occuper de l' éducation de ses enfants n' entre pas dans le champ d' application de la directive 79/7 en tant que travailleur dont l' activité est interrompue par un des risques visés par la directive, étant donné que l' interruption d' emploi due à l' éducation des enfants ne figure pas parmi les risques énumérés à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), de la directive .

20 Il en résulte, en second lieu, que cette personne peut, néanmoins, être considérée comme entrant dans le champ d' application de la directive 79/7 en tant que personne à la recherche d' un emploi dont la prospection est rendue désormais impossible par la réalisation d' un des risques visés par l' article 3, paragraphe 1, sous a ), de la directive .

21 En effet, la qualité de demandeur d' emploi suffit pour faire partie de la population active au sens de l' article 2 de la directive, et ce sans qu' il y ait lieu de distinguer selon le motif pour lequel l' intéressé a quitté un précédent emploi ou même selon qu' il a ou non exercé auparavant une activité professionnelle .

22 L' intéressé doit, cependant, prouver sa qualité de demandeur d' emploi lors de la survenance de l' un des risques mentionnés à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), de la directive . A cet égard, il appartient au juge national de déterminer, en ayant égard notamment à l' existence d' une inscription à un organisme d' emploi chargé de prospecter les offres d' emploi ou d' aider les demandeurs d' emploi dans leurs démarches, de lettres de candidature envoyées par l' intéressé à des employeurs, ou
d' attestations d' entreprises certifiant que l' intéressé s' est présenté à des entretiens d' embauche, si l' intéressé était effectivement à la recherche d' un emploi au moment où il a été atteint par l' un des risques visés par la directive .

23 Il s' ensuit que la protection garantie par la directive 79/7 aux personnes qui ont quitté leur activité professionnelle pour s' occuper de l' éducation de leurs enfants ne bénéficie qu' à celles d' entre elles qui ont été atteintes d' une incapacité de travail au cours d' une période où elles étaient à la recherche d' un emploi .

24 Certes, ainsi que le Royaume-Uni et la Commission l' ont exposé, ce sont surtout les femmes qui interrompent leur activité professionnelle pour s' occuper de l' éducation des enfants et qui, de ce fait, subissent un désavantage lorsqu' elles tombent malades ou deviennent invalides avant même d' avoir recherché à nouveau un emploi .

25 Il y a cependant lieu d' observer que, selon le premier considérant et l' article 1er de la directive 79/7, celle-ci ne vise que la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale . Pour ce qui est de la protection sociale des mères au foyer, il découle de l' article 7, paragraphe 1, sous b ), de la directive 79/7 que la réglementation concernant l' acquisition de droits aux prestations à la suite de périodes d' interruption
d' emploi dues à l' éducation des enfants relève encore de la compétence des États membres .

26 Dans ces circonstances, c' est au législateur communautaire qu' il appartient de prendre les mesures nécessaires qu' il estime appropriées pour écarter les discriminations qui subsistent encore à cet égard dans certaines législations nationales .

27 Il y a donc lieu de répondre aux trois premières questions que l' article 2 de la directive 79/7 doit être interprété en ce sens que celle-ci ne s' applique à une personne qui a interrompu son activité professionnelle pour s' occuper de l' éducation de ses enfants et qui se trouve empêchée par une maladie de reprendre un emploi qu' à la condition que cette personne ait été à la recherche d' un emploi, dont la prospection a été interrompue par la survenance de l' un des risques visés à l' article
3, paragraphe 1, sous a ), de la directive, sans qu' il y ait lieu de distinguer selon le motif pour lequel cette personne a quitté un précédent emploi . Il appartient au juge national de constater que la personne qui invoque le bénéfice de la directive 79/7 recherchait effectivement un emploi au moment de la survenance de l' un des risques visés à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), de la directive .

Sur le principe d' égalité de traitement visé à l' article 4 de la directive 79/7

28 Par la quatrième question, la juridiction nationale vise à savoir si l' article 4 de la directive 79/7 s' oppose aux effets d' une législation nationale qui subordonne le droit à une prestation au fait d' avoir formé auparavant une demande pour une autre prestation, désormais abrogée, laquelle comportait une condition discriminatoire à l' encontre des travailleurs féminins et, dans l' affirmative, quelles conséquences s' attacheraient à l' incompatibilité de la législation nationale en cause avec
l' article 4 de la directive .

29 Il ressort du dossier que la section 165 A du Social Security Act de 1975, qui détermine les conditions dans lesquelles l' intéressé peut réclamer le bénéfice d' une prestation, a pour effet qu' une personne qui n' a pas sollicité le versement de la NCIP avant la suppression de cette prestation ne peut pas prétendre bénéficier automatiquement de la SDA au titre de l' article 20, paragraphe 1, des Social Security ( Severe Disablement Allowance ) Regulations de 1984 .

30 A cet égard, il y a lieu de rappeler que l' octroi de la NCIP aux femmes mariées ou vivant maritalement était soumis, entre autres, à la condition que l' intéressée fût inapte aux tâches ménagères, condition dont le caractère discriminatoire n' est pas contesté .

31 En exigeant de ces femmes qu' elles aient sollicité la NCIP pour pouvoir bénéficier de la SDA, la section 165 A, précitée, combinée avec l' article 20, paragraphe 1, précité, laisse subsister cette discrimination puisque la quasi-totalité des femmes qui furent victimes de la discrimination que constituait le critère de l' inaptitude aux tâches ménagères ne peuvent désormais prétendre au versement automatique de la SDA, alors que les hommes placés dans une situation comparable bénéficient de cette
automaticité . En effet, ces derniers avaient droit à la NCIP et ont donc pu raisonnablement en solliciter le bénéfice, tandis que les femmes n' avaient pas de raison d' entreprendre une telle demande puisqu' elles savaient qu' elles n' y avaient pas droit .

32 Or, comme la Cour l' a jugé dans l' arrêt du 24 juin 1987, Borrie Clarke, précité, point 10, la directive ne prévoit aucune dérogation au principe de l' égalité de traitement prévu par l' article 4, paragraphe 1, de la directive pour autoriser la prolongation des effets discriminatoires de dispositions nationales antérieures . Un État membre ne peut donc pas laisser subsister après le 22 décembre 1984, date de l' expiration du délai prescrit par la directive pour la mise en conformité des
législations nationales, des inégalités de traitement .

33 Dans ces conditions, il convient de constater qu' une législation nationale telle que celle qui résulte de la combinaison de la section 165 A du Social Security Act de 1975 et de l' article 20, paragraphe 1, des Social Security ( Severe Disablement Allowance ) Regulations de 1984, qui subordonne le droit à une prestation au fait d' avoir formé une demande pour une autre prestation, laquelle comportait une condition discriminatoire à l' encontre des travailleurs féminins, doit être considérée
comme incompatible avec l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 .

34 Il y a lieu, enfin, d' observer, comme la Cour l' a jugé dans l' arrêt du 24 juin 1987, Borrie Clarke, précité, point 9, que, considéré en lui-même et compte tenu de la finalité de la directive 79/7 et de son contenu, l' article 4, paragraphe 1, est suffisamment précis pour être invoqué par un justiciable devant une juridiction nationale afin d' amener celle-ci à écarter toute disposition nationale non conforme à cet article .

35 Il ressort également de cet arrêt ( point 12 ) que, depuis le 23 décembre 1984, les femmes ont le droit d' être traitées de la même façon et de se voir appliquer le même régime que les hommes se trouvant dans la même situation, régime qui reste, à défaut d' exécution correcte de la directive, le seul système de référence valable .

36 Il y a lieu, dès lors, de répondre à la quatrième question que l' article 4 de la directive 79/7 peut être invoqué, depuis le 23 décembre 1984, pour écarter une législation nationale qui subordonne le droit à une prestation au fait d' avoir formé auparavant une demande concernant une autre prestation, désormais abrogée, laquelle comportait une condition discriminatoire à l' encontre des travailleurs féminins . En l' absence de mesures d' application adéquates de l' article 4 de la directive 79/7,
les femmes défavorisées par la persistance de la discrimination ont le droit d' être traitées de la même façon et de se voir appliquer le même régime que les hommes se trouvant dans la même situation, régime qui reste, à défaut d' exécution de ladite directive, le seul système de référence valable .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

37 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR ( cinquième chambre ),

statuant sur la question à elle soumise par the Social Security Commissioners, par décision du 25 janvier 1990, dit pour droit :

1 ) L' article 2 de la directive 79/7 du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens que celle-ci ne s' applique à une personne qui a interrompu son activité professionnelle pour s' occuper de l' éducation de ses enfants et qui se trouve empêchée par une maladie de reprendre un emploi qu' à la condition que cette personne ait été à la recherche d'
un emploi, dont la prospection a été interrompue par la survenance de l' un des risques visés à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), de la directive, sans qu' il y ait lieu de distinguer selon le motif pour lequel cette personne a quitté un précédent emploi . Il appartient au juge national de constater que la personne qui invoque le bénéfice de la directive 79/7 recherchait effectivement un emploi au moment de la survenance de l' un des risques visés à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), de la
directive .

2 ) L' article 4 de la directive 79/7 peut être invoqué, depuis le 23 décembre 1984, pour écarter une législation nationale qui subordonne le droit à une prestation au fait d' avoir formé auparavant une demande concernant une autre prestation, désormais abrogée, laquelle comportait une condition discriminatoire à l' encontre des travailleurs féminins . En l' absence de mesures d' application adéquates de l' article 4 de la directive 79/7, les femmes défavorisées par la persistance de la
discrimination ont le droit d' être traitées de la même façon et de se voir appliquer le même régime que les hommes se trouvant dans la même situation, régime qui reste, à défaut d' exécution de ladite directive, le seul système de référence valable .


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-31/90
Date de la décision : 11/07/1991
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal of Social Security Commissioners - Royaume-Uni.

Egalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Articles 2 et 4, directive 79/7/CEE.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Elsie Rita Johnson
Défendeurs : Chief Adjudication Officer.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Zuleeg

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:311

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