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18/01/1990 | CJUE | N°C-295/88

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, SA Nicolas Corman & Fils contre Etat belge et Grand-Duché de Luxembourg., 18/01/1990, C-295/88


Avis juridique important

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61988J0295

Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 janvier 1990. - SA Nicolas Corman & Fils contre Etat belge et Grand-Duché de Luxembourg. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Bruxelles - Belgique. - Agriculture - Restitutions à l'exportation et montants compensatoir

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Avis juridique important

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61988J0295

Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 janvier 1990. - SA Nicolas Corman & Fils contre Etat belge et Grand-Duché de Luxembourg. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Bruxelles - Belgique. - Agriculture - Restitutions à l'exportation et montants compensatoires monétaires - Marchandise importée sous position tarifaire incorrecte. - Affaire C-295/88.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-00129

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Agriculture - Produits ne relevant pas de l' annexe II du traité - Détermination en fonction du tarif douanier commun - Assimilation à un produit de base compris dans l' annexe II aux fins de l' application de restitutions à l' exportation et de montants compensatoires monétaires à un produit en ayant été extrait par transformation - Inadmissibilité

( Traité CEE, annexe II )

2 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l' exportation - Exclusion des marchandises hors annexe II du traité importées et mises en libre pratique puis exportées en l' état ou après transformation - Limites - Produits de base résultant de la transformation d' une marchandise hors annexe II préalablement importée

( Règlement du Conseil n 2682/72, art . 9 )

3 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Restitutions à l' exportation - Exclusion des produits d' origine extracommunautaire - Exceptions - Produits ayant acquitté le prélèvement à l' importation et réexportés à l' identique

( Règlement du Conseil n 876/68, art . 7 )

4 . Agriculture - Montants compensatoires monétaires - Octroi -Exportation hors de la Communauté d' un produit d' origine extracommunautaire issu d' une marchandise hors annexe II du traité - Conditions - Calcul

( Règlement du Conseil n 974/71; règlement de la Commission n 1380/75, art . 12, § 1 )

Sommaire

1 . La qualification d' une marchandise au regard de l' annexe II du traité dépend exclusivement de sa position tarifaire selon la nomenclature de Bruxelles . Il s' ensuit que ni la classification erronée d' une marchandise lors de son importation dans la Communauté, ni l' erreur commise de bonne foi par l' acquéreur quant à l' origine de cette marchandise, ni la nature du produit qui en a été extrait par transformation, ni le fait que ce produit ne puisse être considéré comme ayant une origine
communautaire à cause du caractère non substantiel de la transformation réalisée ne peuvent avoir pour effet qu' une marchandise qui ne relève pas de l' annexe II du traité soit considérée comme un produit de base compris dans ladite annexe aux fins de l' application ultérieure des règles relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et des montants compensatoires extracommunautaires lors de l' exportation hors de la Communauté des matières extraites par transformation de cette marchandise
.

2 . L' article 9 du règlement n 2682/72 doit être interprété en ce sens qu' il n' exclut l' octroi des restitutions à l' exportation que pour les marchandises hors annexe II du traité, exportées en l' état ou après transformation, qui ont été préalablement importées, comme telles, de pays tiers et mises en libre pratique dans la Communauté . Il ne vise pas, en revanche, l' exportation d' un produit de base résultant de la transformation d' une marchandise hors annexe II préalablement importée .

3 . Conformément au principe fondamental en la matière, qui veut que seuls les produits originaires de la Communauté bénéficient d' un droit à restitution, le règlement n 876/68 établissant, dans le secteur du lait et des produits laitiers, les règles générales relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et aux critères de fixation de leur montant exclut le droit à restitution pour l' exportation hors de la Communauté d' un produit de base extrait par transformation d' une marchandise
hors annexe II du traité et qui ne peut pas être considéré comme ayant une origine communautaire . A cette exclusion, l' article 7 du règlement n' apporte qu' une exception, celle visant les produits d' origine extracommunautaire ayant acquitté le prélèvement à l' importation et qui sont réexportés à l' identique .

4 . L' exportation hors de la Communauté d' un produit de base extrait par transformation d' une marchandise hors annexe II, et qui ne peut pas être considéré comme ayant une origine communautaire, est susceptible de donner lieu, dans les conditions fixées par le règlement n 974/71 et par l' article 12, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement n 1380/75, à l' octroi de montants compensatoires monétaires . Les montants compensatoires monétaires éventuellement dus ne doivent être limités ni en
fonction des droits effectivement perçus à l' importation dans la Communauté de la marchandise concernée ni en fonction des droits qui auraient dû être perçus à cette occasion selon la position tarifaire correcte .

Parties

Dans l' affaire C-295/88,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par la cour d' appel de Bruxelles, septième chambre, et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

SA Nicolas Corman et fils

et

État belge et grand-duché de Luxembourg,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des règles relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et des montants compensatoires monétaires extracommunautaires, et notamment de l' article 9 du règlement ( CEE ) n° 2682/72 du Conseil, du 12 décembre 1972, établissant, pour certains produits agricoles exportés sous forme de marchandises ne relevant pas de l' annexe II du traité, les règles générales à l' octroi des restitutions à l' exportation et les critères de fixation de
leur montant ( JO L 289, p . 13 ), de l' article 12 du règlement ( CEE ) n° 1380/75 de la Commission, du 29 mai 1975, portant modalités d' application des montants compensatoires monétaires ( JO L 139, p . 37 ) et du règlement ( CEE ) n° 1059/69 du Conseil, du 28 mai 1969, déterminant le régime d' échanges applicable à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles ( J0 L 141, p . 1 ), tel que modifié par le règlement ( CEE ) n° 2670/76 du Conseil, du 25 octobre 1976 (
JO L 302, p . 1 ).

LA COUR ( première chambre ),

composée de Sir Gordon Slynn, président de chambre, MM . R . Joliet et G . C . Rodríguez Iglesias, juges,

avocat général : M . C . O . Lenz

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

considérant les observations présentées :

-pour le gouvernement belge et le gouvernement luxembourgeois, par Mes Pierre Legros et Serge Dufrene, avocats au barreau de Bruxelles,

-pour la Commission des Communautés européennes par M . Patrick Hetsch, membre de son service juridique, en qualité d' agent,

-pour la société anonyme Nicolas Corman et fils, par Mes Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation belge, et Bernard van de Walle de Ghelcke, avocat au barreau de Bruxelles,

vu le rapport d' audience et à la suite de la procédure orale du 27 septembre 1989,

ayant entendu les conclusions de l' avocat général présentées à l' audience du 9 novembre 1989,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par arrêt interlocutoire du 29 septembre 1988, parvenu à la Cour le 11 octobre suivant, la cour d' appel de Bruxelles a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, quatre questions préjudicielles concernant l' interprétation de plusieurs dispositions communautaires relatives à l' octroi de restitutions à l' exportation et de montants compensatoires monétaires .

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige qui oppose la SA Nicolas Corman et fils ( ci-après "Corman ") à l' État belge et au grand-duché de Luxembourg au sujet du droit de Corman au paiement de restitutions et de montants compensatoires monétaires pour l' exportation hors de la Communauté d' un produit de base, le "butteroil", provenant de la transformation d' une marchandise appelée "nutrix" qui ne relève pas de l' annexe II du traité CEE .

3 Le "nutrix", considéré initialement comme d' origine française, s' est avéré, après enquête menée par les autorités douanières belges et françaises, provenir d' Autriche, d' où il avait été importé en France sous une position tarifaire erronée, ce qui avait entraîné la perception d' un prélèvement inférieur à celui résultant de sa classification tarifaire correcte .

4 Dans le litige pendant devant la juridiction nationale, celle-ci a décidé qu' il n' était pas établi que la transformation par Corman du "nutrix" en "butteroil" eût été constitutive d' une fraude aux règles communautaires ni que Corman eût connu l' origine extracommunautaire de ce produit . Elle a également décidé que le "butteroil" ne pouvait être considéré comme d' origine communautaire au sens de l' article 5 du règlement ( CEE ) n° 802/68 du Conseil, du 27 juin 1968, relatif à la définition
commune de la notion d' origine des marchandises ( JO L 148, p . 1 ). Elle a, enfin, reconnu le droit de Corman aux montants compensatoires monétaires intracommunautaires et aux montants compensatoires "adhésion" que cette société réclamait .

5 C' est en vue de statuer sur le droit de Corman au paiement de restitutions et de montants compensatoires monétaires pour l' exportation hors de la Communauté du "butteroil" que la juridiction nationale a saisi la Cour, à titre préjudiciel, des questions suivantes :

"1 ) Dans un cas où,

i)une marchandise, non énumérée dans l' annexe II prévue par l' article 38, paragraphe 1, du traité, composée de 84 % de matières grasses butyriques, de 2 % de cacao dégraissé et de 12 % de farine de blé, a été importée dans la CEE - État membre A - sous une position tarifaire incorrecte (( 19.02 B II b ), alors que sa position tarifaire correcte aurait été 18.06 ) )), et que cette marchandise a été, à l' occasion de cette importation, taxée par application du règlement n° 1059/69,

ii)cette marchandise a été ensuite importée dans un autre État membre ( État membre B ) sous sa position tarifaire correcte, et qu' elle a été acquise sans fraude par une entreprise de cet État membre B, comme étant d' origine de l' État membre A et en libre pratique dans la CEE,

iii)cette marchandise a ensuite fait l' objet, par cette entreprise, d' une transformation, en extrayant notamment, de cette marchandise, une matière grasse dénommée 'butteroil' , soit un produit de base visé par l' annexe II du traité, et que ce produit a ensuite été réexporté pour partie à l' extérieur de la CEE,

iv)il a été jugé que ce traitement n' a pas eu le caractère d' une transformation ou ouvraison substantielle et n' a pas donné naissance à un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important au sens de l' article 5 du règlement n° 802/68, en sorte que ce produit ne peut pas être considéré comme produit d' origine de l' État membre B,

ces circonstances sont-elles de nature à conférer à la marchandise hors annexe II initialement importée la nature d' un produit de base, notamment pour l' application ultérieure des règles relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et des montants compensatoires, notamment extracommunautaires, lors de l' exportation du produit de base extrait de cette marchandise par transformation?

2 ) Dans l' hypothèse où la réponse à la première question est qu' il faut considérer les marchandises concernées comme des marchandises hors annexe II et où ces marchandises ont été mises en libre pratique dans la CEE, puis exportées, après transformation, quel est le régime applicable au produit de base issu de cette transformation; en d' autres termes, quelle est, parmi les interprétations suivantes, celle qu' il faut retenir pour l' application du règlement n° 2682/72, du 12 décembre 1972 :

i)l' article 9 de ce règlement exclut le bénéfice de la restitution visée à l' article 1er, paragraphe 1, aussi bien pour les marchandises que pour les produits de base issus de la transformation décrite ci-dessus,

ii)ou bien cet article 9 n' exclut le bénéfice de la restitution que pour les marchandises 'hors annexe II' issues d' une telle transformation?

3 ) Dans l' hypothèse où la réponse à la deuxième question est qu' il faut considérer que l' article 9 du règlement n° 2682/72 n' exclut pas le bénéfice d' une restitution à l' exportation pour le produit de base résultant de la transformation d' une marchandise hors annexe II, préalablement importée, sur base de quels principes ou règles de droit communautaire doivent être établis :

i)les restitutions aux exportations hors de la Communauté, éventuellement dues à l' exportateur de ce produit de base,

ii)les montants compensatoires devant être payés, dans l' hypothèse d' exportation des produits vers des pays tiers?

4 ) Dans l' hypothèse où les paiements compensatoires ou les restitutions qui seraient dus par application des règles formulées en réponse à la troisième question devraient subir une limitation, notamment dans les conditions prévues par l' article 12 du règlement n° 1380/75, faut-il considérer, s' agissant de produits en libre pratique dans la Communauté, au sens de l' article 10 du traité, que les droits et prélèvements devant être pris en compte pour limiter le montant des restitutions et des
montants compensatoires extracommunautaires sont les droits fixes et mobiles, tels que prévus par le règlement n° 1059/69, tels qu' ils eussent dû être prélevés à l' entrée dans la Communauté, selon la position tarifaire correcte, ou la limitation doit-elle être calculée par rapport aux drois effectivement perçus - serait-ce sur une base erronée - lors de l' importation dans la Communauté?"

6 Pour un plus ample exposé du cadre juridique et des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur la première question

7 La juridiction nationale a constaté, à juste titre, que le "nutrix", composé de 84 % de matières grasses, de 2 % de cacao dégraissé et de 12 % de farine de blé, ne faisait pas partie de la liste de produits assujettis aux dispositions des articles 39 à 46 du traité CEE, qui font l' objet de l' annexe II du traité, ce qui est confirmé par l' annexe du règlement ( CEE ) n° 804/68, du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (
JO L 148, p . 13 ), qui contient une liste de marchandises ne relevant pas de l' annexe II du traité, parmi lesquelles se trouvent "le chocolat et autres préparations alimentaires contenant du cacao ".

8 La juridiction nationale s' est toutefois demandée si, en raison de certaines circonstances - à savoir que, lors de l' importation initiale du "nutrix" dans la Communauté, il a été classé sous une position tarifaire erronée, qu' il a été acquis sans fraude par l' entreprise transformatrice comme étant d' origine communautaire, que la transformation de cette marchandise a donné naissance à un produit de base relevant de l' annexe II du traité, que ce produit ne peut pas être assimilé à un produit
nouveau ou représentant un stade de fabrication important au sens de l' article 5 du règlement n° 802/68, précité, et ne peut donc se voir reconnaître une origine communautaire -, le "nutrix" pourrait être assimilé à un produit de base aux fins de l' application ultérieure des règles relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et des montants compensatoires extracommunautaires lors de l' exportation hors de la Communauté des matières extraites par transformation de cette marchandise .

9 Les gouvernements belge et luxembourgeois font observer à cet égard que la marchandise initialement introduite dans la Communauté n' a pas de valeur en tant que telle . Son seul mérite serait de receler les produits de base qu' elle contient et, par conséquent, elle devrait être assimilée à un produit de base .

10 Il y a lieu de souligner que les circonstances relevées ci-dessus n' ont aucune incidence sur la qualification d' une marchandise au regard de l' annexe II du traité . En effet, indépendamment des fins auxquelles cette qualification intervient, elle dépend exclusivement de la position tarifaire de la marchandise en cause selon la nomenclature de Bruxelles à laquelle se réfère l' annexe II du traité .

11 Il convient donc de répondre à la première question que ni la classification erronée d' une marchandise lors de son importation dans la Communauté, ni l' erreur commise de bonne foi par l' acquéreur quant à l' origine de cette marchandise, ni la nature du produit qui en a été extrait par transformation, ni, enfin, le fait que ce produit ne puisse pas être considéré comme ayant une origine communautaire à cause du caractère non substantiel de la transformation réalisée ne peut avoir pour effet qu'
une marchandise qui ne relève pas de l' annexe II du traité soit considérée comme un produit de base compris dans ladite annexe aux fins de l' application ultérieure des règles relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et des montants compensatoires extracommunautaires lors de l' exportation hors de la Communauté des matières extraites par transformation de cette marchandise .

Sur la deuxième question

12 La deuxième question préjudicielle concerne l' interprétation de l' article 9 du règlement n° 2682/72 du Conseil, du 12 décembre 1972, établissant, pour certains produits agricoles exportés sous forme de marchandises ne relevant pas de l' annexe II du traité, les règles générales à l' octroi des restitutions à l' exportation et les critères de fixation de leur montant ( JO L 289, p . 13 ).

13 Ainsi qu' il ressort de son article 1er, paragraphe 1, ce règlement ne vise que l' octroi des restitutions à l' exportation des produits de base figurant à l' annexe A, des produits issus de leur transformation ou des produits "dont l' assimilation à l' une de ces deux catégories résulte des dispositions du paragraphe 2, lorsque ces différents produits sont exportés sous forme de marchandises ne relevant pas de l' annexe II du traité ". L' exportation de produits de base en tant que tels ne
relève donc pas du domaine d' application de ce règlement .

14 Aux termes de l' article 9, "la restitution visée à l' article 1er, paragraphe 1, n' est pas accordée pour les marchandises préalablement mises en libre pratique au sens de l' article 10, paragraphe 1, du traité et exportées soit en l' état, soit après transformation ".

15 Étant donné le champ d' application du règlement, il y a lieu de constater que l' article susvisé n' exclut le bénéfice de la restitution que pour l' exportation de marchandises hors annexe II qui ont été préalablement importées, comme telles, de pays tiers et mises en libre pratique dans la Communauté . Il ne trouve donc pas à s' appliquer à l' exportation d' un produit de base tel que le "butteroil", même si celui-ci a été extrait par transformation d' une marchandise hors annexe II importée d'
un pays tiers .

16 Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que l' article 9 du règlement n° 2682/72 du Conseil, du 12 décembre 1972, doit être interprété en ce sens qu' il n' exclut les restitutions à l' exportation que pour les marchandises hors annexe II, exportées en l' état ou après transformation, qui ont été préalablement importées, comme telles, de pays tiers et mises en libre pratique dans la Communauté . Il ne vise pas, en revanche, l' exportation d' un produit de base résultant de la
transformation d' une marchandise hors annexe II préalablement importée .

Sur la troisième question

17 La troisième question concerne les règles de droit communautaire sur la base desquelles doivent être respectivement établis, d' une part, les restitutions à l' exportation hors de la Communauté d' un produit de base tel que le "butteroil" et, d' autre part, les montants compensatoires monétaires éventuellement dus à l' exportateur .

18 En ce qui concerne le premier point, il convient de rappeler que, comme la Cour l' a jugé dans son arrêt du 1er octobre 1974, Norddeutsches Vieh-und Fleischkontor GmbH ( 14/74, Rec . p . 899 ), le principe fondamental en matière de restitutions à l' exportation est que seuls les produits originaires de la Communauté bénéficient d' un droit à restitution, celle qui est accordée aux produits importés des pays tiers et réexportés vers des pays tiers n' étant qu' un "remboursement" du prélèvement
perçu .

19 En effet, l' organisation des marchés agricoles a institué des mécanismes de prix destinés à assurer aux producteurs agricoles certaines garanties de revenus prévoyant, en cas d' exportation vers des pays tiers, des restitutions accordées à l' aide des ressources communautaires, mais le bénéfice de ces mesures est réservé, en principe, aux produits de la Communauté .

20 Dans le secteur spécifique du lait et des produits laitiers, dont le "butteroil" fait partie, la condition d' origine communautaire a été posée par l' article 6, paragraphe 1, du règlement ( CEE ) n° 876/68 du Conseil, du 28 juin 1968, établissant, dans le secteur du lait et des produits laitiers, les règles générales relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et aux critères de fixation de leur montant ( JO L 155, p . 1 ).

21 Aux termes de cette disposition, "la restitution est payée lorsque la preuve est apportée que les produits :

-ont été exportés hors de la Communauté, et

-sont d' origine communautaire, sauf en cas d' application des dispositions de l' article 7 ".

22 La juridiction nationale ayant constaté que le "butteroil" exporté en l' espèce ne pouvait pas être considéré comme d' origine communautaire, l' exportation de ce produit hors de la Communauté ne pourrait bénéficier de restitutions que sur la base de l' article 7 du règlement n° 876/68, qui subordonne le droit à restitution à la preuve de l' identité entre le produit à exporter et le produit importé préalablement et de la perception du prélèvement lors de l' importation de ce produit .

23 Il résulte de la réponse donnée à la première question que cette condition d' identité ne peut être considérée comme remplie dans une situation telle que celle de l' espèce, où le produit exporté est un produit de base extrait par transformation d' une marchandise hors annexe II .

24 Il convient d' ajouter que, contrairement à ce qui a été soutenu par Corman, aucune restitution ne peut être accordée à l' exportation d' un produit d' origine extracommunautaire en appliquant par analogie les règlements qui prévoient le paiement de restitutions dans d' autres hypothèses . En effet, le droit à restitution ne peut être reconnu que dans les conditions prévues par la réglementation communautaire . Par ailleurs, ainsi qu' il a été rappelé ci-dessus, le principe fondamental en cette
matière est que seuls les produits originaires de la Communauté bénéficient d' un droit à restitution .

25 En ce qui concerne le deuxième point, la question posée par la juridiction nationale doit être analysée à la lumière des dispositions du règlement qui forme la base et le cadre général de l' institution des montants compensatoires monétaires, à savoir le règlement ( CEE ) n° 974/71 du Conseil, du 12 mai 1971, relatif à certaines mesures de politique de conjoncture à prendre dans le secteur agricole à la suite de l' élargissement temporaire des marges de fluctuation des monnaies de certains États
membres ( JO L 106, p . 1 ).

26 Aux termes de l' article 1er, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres sont autorisés à "... b ) octroyer à l' exportation vers les États membres et les pays tiers, des montants compensatoires pour les produits déterminés ci-dessous et dans les conditions fixées ci-après ".

27 Le paragraphe 2 du même article précise que cette disposition s' applique tant aux "produits pour lesquels des mesures d' intervention sont prévues dans le cadre de l' organisation commune des marchés agricoles" qu' aux "produits dont le prix est dépendant de celui des produits visés ... et qui relèvent de l' organisation commune des marchés ".

28 Ces dispositions comportent ainsi un renvoi global aux règles relatives à l' organisation commune des marchés agricoles en ce qui concerne la détermination des "produits" soumis au mécanisme des montants compensatoires monétaires ( arrêt du 4 juillet 1978, Milchfutter GmbH & Co KG, 5/78, Rec . p . 1597 ). L' exportation d' un produit laitier tel que le "butteroil" peut donc donner lieu à l' octroi de montants compensatoires monétaires, dans les conditions fixées par le règlement n° 974/71 .

29 S' agissant d' un produit exporté vers des pays tiers, l' article 6 du règlement n° 1380/75 de la Commission, du 29 mai 1975, portant modalités d' application des montants compensatoires monétaires ( JO L 139, p . 37 ), prévoit l' application à ces derniers des dispositions en matière d' octroi de restitutions à l' exportation .

30 Cependant, ainsi qu' il a été jugé par l' arrêt du 4 juillet 1978 ( point 11 ), ce renvoi n' a d' autre portée que de rattacher le versement des montants compensatoires monétaires aux autres opérations ayant lieu à la frontière en vertu du tarif douanier et des réglementations agricoles dans les échanges avec les pays tiers .

31 Si ce renvoi vise donc l' application des règles à caractère administratif et financier qui régissent lesdites opérations, il ne permet pas, en revanche, de subordonner l' octroi des montants compensatoires aux conditions de fond, notamment celle de l' origine communautaire, dont dépend le paiement des restitutions .

32 Contrairement aux restitutions à l' exportation, les montants compensatoires peuvent, en conséquence, être versés tant pour les produits d' origine communautaire que pour les produits d' origine extracommunautaire mis en libre pratique . La finalité des montants compensatoires monétaires étant d' éviter des entraves monétaires aux échanges, la condition déterminante pour leur octroi est l' existence d' une variation du taux de change de la monnaie de l' État membre d' exportation supérieure à la
limite de fluctuation autorisée par la réglementation internationale, ainsi qu' il ressort de l' article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 974/71 .

33 Il convient de relever, enfin, que, aux termes de l' article 12, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement n° 1380/75, précité, "si, à la suite de l' exportation d' un État membre vers un autre État membre, un produit est réexporté vers un pays tiers ou vers un autre État membre, le montant compensatoire n' est applicable à la sortie de l' État membre de réexportation que s' il a été appliqué à l' entrée dans cet État membre ou s' il a été fait usage pour le compte de cet État membre de la
faculté prévue à l' article 2 bis du règlement n° 974/71 ".

34 En l' espèce, la juridiction nationale a constaté que le "butteroil", exporté hors de la Communauté par Corman, provient du "nutrix" préalablement importé d' un autre État membre et qu' un montant compensatoire monétaire avait été appliqué lors de cette importation . Dans de telles circonstances, la condition exigée par l' article 12, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement n° 1380/75, apparaît comme remplie .

35 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que le règlement n° 876/68 du Conseil, du 28 juin 1968, établissant, dans le secteur du lait et des produits laitiers, les règles générales relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et aux critères de fixation de leur montant, exclut le droit à restitution pour les exportations hors de la Communauté d' un produit de base extrait par transformation d' une marchandise hors annexe II et qui ne peut pas être considéré comme d' origine
communautaire . L' exportation hors de la Communauté de ce produit peut donner lieu, cependant, dans les conditions fixées par le règlement n° 974/71 du Conseil et l' article 12, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement n° 1380/75 de la Commission, à l' octroi de montants compensatoires monétaires .

Sur la quatrième question

36 La quatrième question concerne les limites applicables, d' une part, aux restitutions à l' exportation et, d' autre part, aux montants compensatoires monétaires éventuellement dus à l' exportation d' un produit de base tel que le "butteroil ".

37 Compte tenu de la réponse donnée à la troisième question, la première branche de la quatrième question, relative aux restitutions à l' exportation, est sans objet .

38 En ce qui concerne la deuxième branche, relative aux montants compensatoires monétaires, il suffit de constater que la réglementation communautaire applicable ne comporte aucune restriction du type de celle prévue, par exemple, en ce qui concerne l' octroi de restitutions à l' exportation dans le secteur du lait et des produits laitiers, à l' article 7, paragraphe 2, du règlement n° 876/68, précité, selon lequel, en cas d' identité entre le produit à exporter et le produit importé préalablement,
la restitution est limitée au montant du prélèvement perçu lors de l' importation .

39 Dans une situation telle que celle de l' espèce, où un produit est réexporté vers un pays tiers à la suite d' une exportation d' un État membre vers un autre État membre, l' article 12 du règlement n° 1380/75, précité, se borne à subordonner le versement d' un montant compensatoire à la condition qu' un montant compensatoire ait été appliqué à l' entrée dans l' État membre de réexportation ou qu' il ait été fait usage pour le compte de cet État de la faculté prévue à l' article 2 bis du règlement
n° 974/71 . Dès lors que cette condition est remplie, la disposition susvisée ne contient, en revanche, aucune limitation quant au montant des sommes dues à titre de montant compensatoire monétaire .

40 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que les montants compensatoires monétaires éventuellement dus à l' exportation d' un produit de base tel que le "butteroil" ne doivent être limités ni en fonction des droits effectivement perçus à l' importation dans la Communauté, ni en fonction des droits qui auraient dû être perçus selon la position tarifaire correcte .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

41 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR ( première chambre ),

statuant sur les questions à elle soumises par la cour d' appel de Bruxelles, par arrêt interlocutoire du 29 septembre 1988, dit pour droit :

1)Ni la classification erronée d' une marchandise lors de son importation dans la Communauté, ni l' erreur commise de bonne foi par l' acquéreur quant à l' origine de cette marchandise, ni la nature du produit qui en a été extrait par transformation, ni, enfin, le fait que ce produit ne puisse pas être considéré comme ayant une origine communautaire à cause du caractère non substantiel de la transformation réalisée ne peut avoir pour effet qu' une marchandise qui ne relève pas de l' annexe II du
traité soit considérée comme un produit de base compris dans ladite annexe aux fins de l' application ultérieure des règles relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et des montants compensatoires extracommunautaires lors de l' exportation hors de la Communauté des matières extraites par transformation de cette marchandise .

2 ) L' article 9 du règlement ( CEE ) n° 2682/72 du Conseil, du 12 décembre 1972, doit être interprété en ce sens qu' il n' exclut les restitutions à l' exportation que pour les marchandises hors annexe II, exportées en l' état ou après transformation, qui ont été préalablement importées, comme telles, de pays tiers et mises en libre pratique dans la Communauté . Il ne vise pas, en revanche, l' exportation d' un produit de base résultant de la transformation d' une marchandise hors annexe II
préalablement importée .

3 ) Le règlement ( CEE ) n° 876/68 du Conseil, du 28 juin 1968, établissant, dans le secteur du lait et des produits laitiers, les règles générales relatives à l' octroi des restitutions à l' exportation et aux critères de fixation de leur montant, exclut le droit à restitution pour les exportations hors de la Communauté d' un produit de base extrait par transformation d' une marchandise hors annexe II et qui ne peut pas être considéré comme d' origine communautaire . L' exportation hors de la
Communauté de ce produit peut donner lieu, cependant, dans les conditions fixées par le règlement ( CEE ) n° 974/71 du Conseil et l' article 12, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement ( CEE ) n° 1380/75 de la Commission, à l' octroi de montants compensatoires monétaires .

4 ) Les montants compensatoires monétaires éventuellement dus à l' exportation d' un produit de base tel que le "butteroil" ne doivent être limités ni en fonction des droits effectivement perçus à l' importation dans la Communauté, ni en fonction des droits qui auraient dû être perçus selon la position tarifaire correcte .


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : C-295/88
Date de la décision : 18/01/1990
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Bruxelles - Belgique.

Agriculture - Restitutions à l'exportation et montants compensatoires monétaires - Marchandise importée sous position tarifaire incorrecte.

Produits laitiers

Produits hors annexe II du traité CEE

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : SA Nicolas Corman & Fils
Défendeurs : Etat belge et Grand-Duché de Luxembourg.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:21

Source

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