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02/06/1988 | CJUE | N°292/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 2 juin 1988., Adriano Pizziolo contre Commission des Communautés européennes., 02/06/1988, 292/87


Avis juridique important

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61987C0292

Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 2 juin 1988. - Adriano Pizziolo contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Congé de convenance personnelle - Réintégration du requérant. - Affaire 292/87.
Recueil de jurisprudence 1988

page 05165

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Présiden...

Avis juridique important

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61987C0292

Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 2 juin 1988. - Adriano Pizziolo contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Congé de convenance personnelle - Réintégration du requérant. - Affaire 292/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 05165

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

M . Pizziolo a travaillé au Centre commun de recherche à Karlsruhe en République fédérale d' Allemagne jusqu' au 1er mars 1970; à partir de cette date, il a bénéficié d' un congé de convenance personnelle devant aller jusqu' au 28 février 1971 . Il souhaitait être réintégré à la fin de cette période mais la Commission ne l' a pas réintégré . Dans un premier temps, il a saisi la Cour en demandant sa réintégration avec effet au 1er mars 1971 mais la Cour a rejeté cette demande ( affaire 785/79, Rec .
1981, p . 969 ).

En revanche, la Cour a demandé une expertise sur la question de savoir si M . Pizziolo avait les qualifications correspondant, notamment, à un avis de vacance publié sous la référence COM/1531/76 . Les experts ont estimé que M . Pizziolo était qualifié pour le poste visé par cet avis de vacance et l' intéressé est revenu devant la Cour . Cette fois ( affaire 785/79, Rec . 1983, p . 1343 ), la Cour a estimé qu' il aurait dû être réintégré avec effet au 1er janvier 1977 . En conséquence, la Cour a
ordonné à la Commission de le réintégrer avec effet à cette date . Elle a également ordonné à la Commission de payer au requérant les sommes équivalant aux rémunérations nettes qu' il aurait reçues jusqu' à sa réintégration effective s' il avait été réintégré le 1er janvier 1977, sous déduction des revenus professionnels nets acquis pour la même période dans l' exercice d' une autre activité .

En même temps, la Cour avait précisé à l' attendu 13 de l' arrêt que le requérant devait faire preuve de diligence raisonnable en vue de réduire ses pertes, le cas échéant en cherchant d' autres emplois . En fait, M . Pizziolo s' est rendu en Italie pour y travailler pour une société italienne, AGIP Nucleare . Du 1er janvier 1977 au 30 septembre 1983 il a perçu de la Commission un montant, en lires italiennes, équivalant à la différence entre ce qu' il aurait reçu s' il avait été réintégré le 1er
janvier 1977 et ce qu' il recevait d' AGIP Nucleare sous forme de salaire . La rémunération qu' il aurait reçue de la Communauté était calculée sur la base du coefficient correcteur applicable en Italie .

Le 24 septembre 1983, M . Pizziolo a informé la Commission qu' il cesserait de travailler chez AGIP Nucleare le 30 septembre 1983 . Il semble que la Commission ne lui ait pas répondu avant le 24 février 1984, date à laquelle elle lui a adressé un télégramme confirmé ensuite par une lettre du 27 février . Ce télégramme lui offrait sa réintégration sur un poste au Centre commun de recherche de Petten aux Pays-Bas . La Commission lui demandait de prendre cet emploi aussitôt que cela serait
raisonnablement possible . En fait, il est entré en fonctions le 7 mars 1984 .

Du 1er octobre 1983, date à laquelle il a cessé de travailler pour AGIP Nucleare, jusqu' au 7 mars 1984, la Commission a continué de lui payer la différence entre les rémunérations qu' il aurait perçues de la Commission et ce qu' il aurait gagné s' il avait continué de travailler pour AGIP Nucleare pendant cette période . La Commission a estimé qu' il aurait été raisonnable que M . Pizziolo continue à travailler, pour réduire ses pertes, jusqu' à ce qu' elle lui offre effectivement un emploi et le
réintègre .

Le requérant n' étant pas d' accord avec cette solution, il a entamé la présente procédure devant la Cour . Ses conclusions comportent une série de points mais elles se réduisent en substance à demander d' abord à recevoir l' intégralité de l' indemnisation pour la période pertinente, c' est-à-dire la totalité des rémunérations qu' il aurait reçues de la Commission s' il avait été réintégré et, en second lieu, à recevoir ses paiements en marks allemands et affectés du coefficient correcteur
applicable pour la République fédérale d' Allemagne .

C' est manifestement le premier point qui est le plus important . La thèse de M . Pizziolo est qu' il ne pouvait attendre le 24 février 1984 pour aviser AGIP Nucleare de sa démission, de telle sorte que c' est à bon droit qu' il a quitté AGIP Nucleare plus tôt, après avoir donné sa démission, pour attendre la vacance de poste à la Commission .

Il convient de remarquer que ce n' est pas la Commission qui a précisé la date à laquelle il devait prendre son nouveau travail . C' est M . Pizziolo qui a fixé le 7 mars 1984 comme étant une date qui lui convenait pour prendre ses nouvelles fonctions . D' après les preuves dont dispose la Cour, il ne nous semble pas possible d' affirmer avec certitude que, lorsqu' il a présenté sa démission à AGIP Nucleare, le requérant connaissait l' existence du poste vacant spécifique qui lui a été offert par la
suite . Il n' y a certainement aucun élément indiquant que la Commission lui ait dit que ce poste vacant lui serait offert, pas plus qu' il n' a reçu d' indication quant à la date à laquelle il devrait commencer .

Même s' il peut légitimement critiquer les délais après lesquels la Commission lui a finalement offert un poste, le point effectif en l' espèce est de savoir s' il a droit à une indemnisation intégrale pour cette période .

A notre avis, non seulement il lui incombait, conformément à l' attendu 13 de l' arrêt de la Cour de 1983, de chercher un autre emploi, mais, ayant trouvé un travail raisonnablement approprié compte tenu de ses qualifications, il était tenu de conserver ce travail jusqu' à ce qu' il reçoive une offre, pour autant que la Commission n' ait pas fait traîner déraisonnablement les choses .

Si M . Pizziolo avait attendu jusqu' à ce qu' il reçoive une offre, la Commission aurait été dans l' obligation de lui accorder un délai raisonnable pour présenter sa démission à AGIP Nucleare et prendre ses nouvelles fonctions . Il n' a été fait état d' aucune circonstance indiquant que quelque chose n' allait pas dans le travail exercé par le requérant et qui eût justifié son départ parce que cet emploi ne lui convenait pas . Il ne nous semble pas qu' au moment où il a donné sa démission le 24
septembre, compte tenu du fait qu' il était toujours entièrement indemnisé, les délais avaient cessé d' être raisonnables .

Nous ne sommes pas entièrement convaincus que les griefs du requérant selon lesquels la Commission a exagérément tardé sont totalement justifiés . La Cour n' a pas ordonné sa réintégration immédiate : elle a ordonné qu' il soit réintégré conformément à l' article 40, paragraphe 4, sous d ), du statut . Cela impliquait nécessairement la mise en oeuvre de la procédure prévue au statut et il fallait lui offrir le premier emploi vacant de sa catégorie ou de son cadre correspondant à son grade, à
condition qu' il possède les aptitudes requises pour cet emploi .

En conséquence, il ne saurait prétendre à notre avis que la totalité des rémunérations qu' il aurait perçues pour le poste dans lequel la Cour a ordonné de le réintégrer lui étaient dues; il n' a droit qu' à la différence entre ce qu' il aurait gagné s' il était resté chez AGIP et ce qu' il aurait reçu de la Commission .

La seconde demande du requérant, à savoir d' être payé en marks allemands et en fonction du coefficient correcteur applicable en République fédérale d' Allemagne, est fondée sur l' affirmation selon laquelle, après avoir renoncé à son travail en Italie, il a été vivre à Bad Herrenalb près de Karlsruhe .

La Commission nie en tant que tel le fait qu' il ait vécu à cet endroit pendant la période pertinente . La Cour a reçu un certificat de domicile portant la date du 18 octobre 1983 . En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à admettre qu' il a vécu en Allemagne au cours de cette période . Il semble qu' il ait eu un logement à cet endroit et la Commission n' a fourni aucune preuve démontrant l' absence de bien-fondé de son allégation, sauf à indiquer que ses enfants fréquentaient encore l'
université de Bologne . Cette circonstance ne nous paraît pas concluante et nous sommes prêt à étudier la deuxième partie de l' affaire en admettant que M . Pizziolo a vécu là où il le prétend .

D' un autre côté il nous semble que, si nos conclusions sur le premier point sont correctes et que le requérant succombe sur le premier moyen, le requérant ne peut en aucune hypothèse obtenir gain de cause sur le second . S' il n' a pas réduit ses pertes, s' il n' a pas agi raisonnablement en quittant son travail en Italie, il ne peut à notre avis être indemnisé pour une quelconque différence en matière de monnaies, de taux de change ou de coefficient correcteur résultant de sa décision personnelle
de se rendre en République fédérale d' Allemagne pour y vivre .

Le requérant affirme toutefois que, en dehors de cette solution - qu' il n' admet pas -, il peut prétendre à un paiement affecté du coefficient correcteur allemand, sur la base de l' application par analogie d' un certain nombre de dispositions du statut . Il admet que l' article 40 ne contient aucun élément en sa faveur mais il invoque un certain nombre d' autres articles . Le premier d' entre eux est l' article 41 qui traite des fonctionnaires de la Communauté en disponibilité, qui sont des
personnes en surnombre en raison d' une réduction du nombre des emplois dans leur institution . Il est clair que le requérant n' appartient pas directement à cette catégorie . Il fait fond ensuite sur l' article 63 qui prévoit la rémunération et le coefficient correcteur approprié pour les fonctionnaires qui doivent être payés dans la monnaie du pays dans lequel ils exercent leurs fonctions . Il est clair que le requérant n' est pas quelqu' un qui exerce des fonctions dans un tel pays . L' article
64 traite des rémunérations des fonctionnaires exprimées en francs belges, qui doivent être affectées d' un certain coefficient correcteur en fonction des conditions de vie dans les différents lieux d' affectation . A l' époque pertinente, le requérant n' était pas employé par les Communautés et même, pour autant que nous le sachions, pas employé du tout en Allemagne . En conséquence, il est manifeste que ces articles ne lui sont pas directement applicables .

Le requérant déclare alors qu' il peut se fonder, non seulement sur une application par analogie de ces articles, mais également sur l' arrêt de la Cour dans l' affaire 156/78, Newth/Commission ( Rec . 1979, p . 1941 ). Dans cette espèce, un fonctionnaire s' était vu retirer son emploi au titre de l' article 50 du statut et devait donc percevoir des indemnités dégressives . La Cour a estimé que le requérant, qui avait exercé ses fonctions en Italie et était retourné en Belgique mais était toujours
payé selon le coefficient correcteur applicable à l' Italie, recevait nettement moins qu' un fonctionnaire dans une situation similaire qui aurait travaillé en Belgique et y aurait pris sa retraite . La Cour a estimé qu' il y avait là une discrimination .

A notre avis, aucune de ces situations, que ce soit celles visées par les articles du statut ou celle visée par l' arrêt dans l' affaire Newth, ne peut réellement être invoquée en faveur de M . Pizziolo . Nous n' estimons pas que sa situation est analogue à l' une quelconque d' entre elles . Il appartient à une catégorie particulière : la Cour lui a reconnu le droit d' obtenir une indemnisation et ce à quoi il a droit est un montant suffisant pour compenser la différence entre les rémunérations qu'
il aurait dû percevoir et les salaires qu' il a réellement reçus ou qu' il aurait pu raisonnablement recevoir . La Cour n' a précisé ni selon quelles modalités ni par référence à quel pays particulier devait être calculée la somme compensatrice . Il nous semble toutefois que, puisque les parties ont accepté, apparemment sans litige, qu' on devait appliquer le coefficient correcteur italien pendant qu' il était employé en Italie, c' est à juste titre que la Commission a continué à lui payer son
indemnisation sur les mêmes bases que par le passé et comme il aurait continué à la percevoir s' il avait satisfait à son obligation de réduire ses pertes .

En conséquence, nous estimons qu' il convient également de rejeter la deuxième partie des prétentions du requérant . En ce qui nous concerne, nous rejetterions la requête et ordonnerions à chaque partie de supporter ses dépens au titre de l' article 70 du règlement de procédure .

(*) Traduit de l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 292/87
Date de la décision : 02/06/1988
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Congé de convenance personnelle - Réintégration du requérant.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Adriano Pizziolo
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:281

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