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19/12/2012 | CANADA | N°2012_CSC_71

Canada | Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2012 CSC 71, [2012] 3 R.C.S. 660
Date : 20121219
Dossier : 33968

Entre :
Institut professionnel de la fonction publique du Canada, Guilde de la Marine Marchande du Canada, Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est), Fraternité internationale des ouvriers en électricité, Association des chefs d'équipes des chantiers maritimes du gouvernement fédéral, Association des employés du Conse

il de recherches, Association des gestionnaires financiers de la fonction publique,...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2012 CSC 71, [2012] 3 R.C.S. 660
Date : 20121219
Dossier : 33968

Entre :
Institut professionnel de la fonction publique du Canada, Guilde de la Marine Marchande du Canada, Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est), Fraternité internationale des ouvriers en électricité, Association des chefs d'équipes des chantiers maritimes du gouvernement fédéral, Association des employés du Conseil de recherches, Association des gestionnaires financiers de la fonction publique, Association professionnelle des agents du Service extérieur, Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (ouest), Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio, Association canadienne du contrôle du trafic aérien, Association des professeurs(es) des collèges militaires du Canada et Association nationale des retraités fédéraux
Appelants
et
Procureur général du Canada
Intimé
ET ENTRE :
Alliance de la Fonction publique du Canada
Appelante
et
Procureur général du Canada
Intimé
ET ENTRE :
Association canadienne des pensionnés et rentiers militaires, Association des Membres de la Police Montée du Québec, British Columbia Mounted Police Professional Association, Association de la police montée de l'Ontario et Association canadienne des employés professionnels
Appelantes
et
Procureur général du Canada
Intimé
- et -
Procureur général de la Colombie-Britannique
Intervenant


Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis

Motifs de jugement :
(par. 1 à 165)
Le juge Rothstein (avec l'accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis)




Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2012 CSC 71, [2012] 3 R.C.S. 660
Institut professionnel de la fonction publique du Canada,
Guilde de la Marine Marchande du Canada, Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est),
Fraternité internationale des ouvriers en électricité,
Association des chefs d'équipe des chantiers maritimes du gouvernement fédéral, Association des employés du Conseil de recherches,
Association des gestionnaires financiers de la fonction publique, Association professionnelle des agents du Service extérieur, Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (ouest),
Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio,
Association canadienne du contrôle du trafic aérien, Association des professeurs(es) des collèges militaires du Canada et
Association nationale des retraités fédéraux Appelants
c.
Procureur général du Canada Intimé
‑ et ‑
Alliance de la Fonction publique du Canada Appelante
c.
Procureur général du Canada Intimé
‑ et ‑
Association canadienne des pensionnés et rentiers militaires,
Association des Membres de la Police Montée du Québec, British Columbia Mounted Police Professional Association, Association de la police montée de l'Ontario et Association canadienne des employés professionnels Appelantes
c.
Procureur général du Canada Intimé
et
Procureur général de la Colombie‑Britannique Intervenant
Répertorié : Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général)
2012 CSC 71
N o du greffe : 33968.
2012 : 9 février; 2012 : 19 décembre.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis.
en appel de la cour d'appel de l'ontario
Pensions ― Régimes de pension ― Surplus ― Régimes de pension du secteur public administrés par le gouvernement ― Amortissement par le gouvernement de surplus actuariels dans les comptes de pension de retraite ― Lois sur les pensions modifiées par de nouvelles dispositions législatives entrées en vigueur le 1 er avril 2000 ― Gouvernement ayant porté plus de 28 milliards de dollars directement au débit des comptes de pension de retraite en application des nouvelles dispositions ― Les comptes de pension de retraite contiennent‑ils des éléments d'actif? ― Le gouvernement a‑t‑il une obligation fiduciaire envers les membres des régimes? ― Une fiducie par interprétation devrait‑elle être imposée relativement aux soldes des comptes de pension de retraite au 31 mars 2000? ― Les nouvelles dispositions législatives autorisaient‑elles le gouvernement à porter les surplus actuariels au débit des comptes de pension de retraite? ― Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-36 ― Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. 1985, ch. C-17 ― Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-11 ― Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 .
Trois régimes de pension sont en cause dans le pourvoi (les « régimes »). Ils ont été créés par le législateur pour chacun des trois groupes suivants : essentiellement tous les membres de la fonction publique fédérale; les membres de la GRC; les membres de la force régulière des Forces canadiennes (les « membres des régimes »). Les trois régimes sont administrés par le gouvernement du Canada et sont des régimes contributifs à prestations déterminées. Les lois régissant ces régimes prévoient pour chacun la constitution d'un « compte de pension de retraite », où sont inscrits les montants versés dans le régime et ceux qui en sont retirés. Pendant les années 1990, ces comptes ont commencé à afficher des surplus actuariels (c'est‑à‑dire que les montants portés à leur crédit excédaient les coûts estimatifs du versement des prestations). Au mois de mars 1999, le total des surplus accumulés par les trois régimes atteignait plus ou moins 30,9 milliards de dollars. Deux périodes sont visées par le pourvoi . La première va jusqu'au 31 mars 2000 inclusivement, soit la période précédant l'entrée en vigueur de la Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public , L.C. 1999, ch. 34 (le « projet de loi C‑78 »), qui a modifié les lois sur les pensions ( LPFP ; LPRFC et LPRGRC ) et, par conséquent, les régimes . La seconde commence le 1 er avril 2000, date d'entrée en vigueur du projet de loi C‑78.
Dans les Comptes publics (les rapports financiers annuels du Canada) de 1990‑1991, le gouvernement a commencé à « amortir » les surplus actuariels des comptes de pension de retraite. Cet « amortissement » a eu un double effet : il a réduit le déficit budgétaire annuel du gouvernement (ou accru le surplus budgétaire annuel), en abaissant les charges de retraite annuelles, et il a ramené à un niveau inférieur la dette nette du gouvernement en rabaissant le montant net du passif au titre des pensions de retraite à un niveau plus près des estimations actuarielles des engagements à venir du gouvernement au titre des pensions .
En 1999, le gouvernement a présenté le projet de loi C‑78 , entré en vigueur le 1 er avril 2000, qui a apporté des changements substantiels aux lois sur les pensions et changé le mode de perception, de gestion et de distribution des contributions aux régimes . En remplacement de chacun des comptes de pension de retraite prévus par les lois sur les pensions, il a établi une caisse de retraite à l'égard du service postérieur au 31 mars 2000 . Depuis le 1 er avril 2000, les contributions des employés et du gouvernement relativement au service courant sont versées aux caisses de retraite. Les prestations afférentes au service ouvrant droit à pension antérieur au 1 er avril 2000 sont payées sur le compte de pension de retraite approprié, mais les prestations afférentes au service postérieur à cette date sont imputées à la caisse de retraite appropriée . Le projet de loi C‑78 obligeait le ministre à débiter les comptes de pension de retraite de certains montants excédant le plafond établi pour les surplus actuariels. En application du projet de loi C‑78, qui produisait des effets différents de la méthode d'amortissement antérieure, le gouvernement a porté plus de 28 milliards de dollars directement au débit des comptes de pension de retraite, réduisant ainsi leurs surplus actuariels.
Des syndicats et des associations ont poursuivi le gouvernement pour obtenir la restitution des 28 milliards de dollars aux régimes de pension. Le juge de première instance a rejeté leurs demandes et la Cour d'appel de l'Ontario a confirmé sa décision. Dans leur pourvoi, ils demandent à notre Cour de rendre un jugement déclaratoire portant que les membres des régimes possèdent un intérêt en equity dans le solde des comptes de pension de retraite au 31 mars 2000 . Ils demandent également à la Cour de déclarer que le projet de loi C‑78 ne permet pas de réduire sans indemnisation quelque montant que ce soit des comptes de pension de retraite dans lequel les membres des régimes ont un intérêt en equity . Ils demandent aussi que soient portés au crédit des comptes de pension de retraite tout montant dans lequel les membres des régimes ont un intérêt en equity et qui en a été retiré à la suite du projet de loi C‑78, ainsi que les intérêts y afférents .
Arrêt : Le pourvoi est rejeté.
Les comptes de pension de retraite sont des livres comptables prescrits par la loi, et ils ne contiennent pas d'éléments d'actif dans lesquels les appelants possèderaient un intérêt en common law ou en equity . L'intérêt des membres des régimes ne va pas au‑delà de leur droit aux prestations déterminées prévues par les régimes . Les lois sur les pensions ont établi ces comptes pour suivre les opérations effectuées dans le Trésor à l'égard des régimes et pour estimer les engagements du gouvernement envers les membres des régimes au titre des pensions. Ils constituent donc des documents comptables, et non des portefeuilles d'éléments d'actif capitalisés et distincts. Le mot « actif », employé dans les dispositions législatives à l'égard des comptes de pension de retraite, s'entend simplement du solde créditeur des comptes, et non d'une chose de valeur dans laquelle les appelants pourraient posséder un intérêt. Même si le recours à des moyens extrinsèques était approprié pour déterminer si, en l'espèce, les comptes de pension de retraite contiennent des éléments d'actif, la preuve extrinsèque n'est pas concluante. Elle ne nous éclaire pas non plus sur l'intention que poursuivait le législateur en créant les comptes de pension de retraite.
C'est à bon droit que les juridictions inférieures ont rejeté la théorie selon laquelle le gouvernement avait emprunté aux comptes contre des promesses de remboursement (les éléments d'actif censés s'y trouver). Cette théorie ne cadre pas avec les dispositions législatives, car elle postule que le gouvernement était tenu de contribuer aux comptes en y plaçant des biens. Les comptes n'étant que des documents comptables, cela aurait été impossible. Avant le 1 er avril 2000, les fonds réels liés au système de pension du gouvernement étaient indistinctement incorporés au Trésor, jusqu'au paiement — sur le Trésor — des prestations aux membres des régimes. On ne peut parler d'« emprunt interne » à l'égard du régime de pension qu'au sens où le régime, tel qu'il est conçu, évite le recours aux emprunts externes qui seraient autrement nécessaires pour financer les obligations du gouvernement au titre des pensions. Les comptes de pension de retraite ne sont que des documents comptables et non des caisses et ils ne s'« apparente[nt] » pas à des fiducies, de sorte qu'il n'est pas possible d'emprunter à ces comptes.
Comme les comptes de pension de retraite ne contiennent pas d'éléments d'actif, il n'existait aucun bien dans lequel les membres des régimes peuvent avoir un intérêt en common law ou en equity . Toutefois, même en supposant que les comptes contiennent des éléments d'actif , il n'a pas été établi que les membres des régimes ont un intérêt propriétal dans les contributions qu'ils ont versées ou les crédits gouvernementaux prévus par les lois sur les pensions . Selon le sens ordinaire des lois sur les pensions, celles‑ci n'indiquent pas que les membres des régimes possèdent un intérêt propriétal dans leurs contributions. Les fonctionnaires qui ont contribué aux régimes ne peuvent revendiquer aucun intérêt propriétal toujours existant dans ces montants. En contrepartie de leurs contributions, et de chacune de leurs années de service ouvrant droit à pension, ils acquièrent le droit à des prestations futures. On a soutenu que les employés possèdent un intérêt dans leurs contributions et celles de l'employeur, ainsi que dans les intérêts qu'elles produisent, car ces sommes font partie de leur rémunération totale . Même en supposant qu'un tel intérêt existe à la date où les employés doivent toucher leur salaire, il ne saurait survivre à l'exigence établie dans les lois sur les pensions que ces contributions soient versées au Trésor et portées au crédit des comptes . En fait, les contributions représentent le « coût » assumé par les employés pour leur droit futur aux prestations déterminées prévues par la loi. Les lois sur les pensions n'établissent pas non plus que les employés ont un intérêt en equity dans les sommes portées au crédit des comptes. Elles confèrent uniquement un droit aux prestations déterminées qui y sont prévues .
Le gouvernement n'avait aucune obligation fiduciaire envers les membres des régimes à l'égard des surplus actuariels. La relation en cause en l'espèce ne fait partie d'aucune des catégories de relations fiduciaires par nature. On affirme que le gouvernement, en tant qu'administrateur des régimes, exerce des fonctions fiduciaires reconnues. Il n'est toutefois pas nécessaire de déterminer quelle serait l'étendue précise d'une obligation fiduciaire susceptible d'exister entre le gouvernement, en qualité d'administrateur des régimes de pension, et les bénéficiaires des régimes, ni si leur relation emporte intrinsèquement certaines obligations fiduciaires . I l est clair que le gouvernement n'avait aucune obligation fiduciaire envers les membres des régimes à l'égard des surplus actuariels . Il n'existait pas de relation fiduciaire ad hoc entre le gouvernement et les membres des régimes à l'égard des surplus actuariels qu'affichaient les comptes de pension de retraite. Point plus important, le gouvernement ne s'est pas engagé, de façon expresse ni implicite, à agir dans l'intérêt des membres relativement aux surplus actuariels. Le devoir du gouvernement, en l'absence d'un tel engagement de loyauté envers ce groupe particulier, consistait à agir dans l'intérêt de la société en général, ce qui n'est pas compatible avec l'existence d'une obligation fiduciaire. De plus, bien que le gouvernement ait exercé un pouvoir discrétionnaire à l'égard du traitement comptable des surplus des comptes de pension de retraite, les membres des régimes n'étaient pas en position de vulnérabilité face à ce pouvoir et ils n'avaient aucun intérêt juridique ou pratique en jeu. L'amortissement avait pour effet de présenter avec plus d'exactitude à combien se chiffraient les engagements réels du Canada au titre des pensions, et non de modifier les droits conférés par la loi aux membres des régimes.
De plus, il n'y a pas lieu d'imposer une fiducie par interprétation relativement aux soldes des comptes de pension de retraite au 31 mars 2000. Il n'y a pas eu enrichissement et appauvrissement corrélatif, et la preuve prima facie de l'enrichissement injustifié n'a pas été établie. Les comptes de pension de retraite étant de simples documents comptables qui ne contiennent pas d' éléments d'actif dans lesquels les appelants pourraient avoir un intérêt, ni (1) la décision prise par le gouvernement avant le 1 er avril 2000 d'amortir les surplus à des fins comptables, ni (2) la décision du législateur d'édicter le projet de loi C‑78 exigeant qu'une partie des surplus soit portée directement au débit des comptes ne peuvent donner lieu à un enrichissement et à un appauvrissement corrélatif .
Le projet de loi C‑78 autorisait le gouvernement à porter les surplus actuariels au débit des comptes de pension de retraite . Les juridictions inférieures n'ont pas commis d'erreur en statuant que les membres des régimes n'avaient pas d'intérêt en equity dans les surplus des comptes de pension de retraite. Il s'ensuit que le projet de loi C‑78 ne peut avoir exproprié les membres d'un bien. En outre, les lois sur les pensions établissent de façon non équivoque que le ministre peut porter un surplus actuariel au débit des comptes et qu'il doit porter au débit tout montant dépassant 110 pour 100 du passif estimatif au titre des pensions . Qui plus est, il est « très clair » que le législateur ne prévoyait pas que ces débits, qu'ils constituent ou non une expropriation, donnent lieu au versement d'une indemnité aux membres des régimes. Il serait absurde de considérer que le projet de loi C‑78 exige que le gouvernement porte les sommes excédentaires au débit des comptes et lui impose ensuite de verser une indemnité aux membres des régimes pour les montants ainsi débités . Une telle interprétation convertirait les dispositions pertinentes du projet de loi C‑78 en un mécanisme de distribution — pourvoyant à la réduction des surplus et à une forme d'indemnisation des membres des régimes pour remplacer les surplus — alors que cela n'était clairement pas l'intention du législateur .
Jurisprudence
Arrêt appliqué : Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society , 2011 CSC 24, [2011] 2 R.C.S. 261; distinction d'avec les arrêts : Burke c. Cie de la Baie d'Hudson , 2010 CSC 34, [2010] 2 R.C.S. 273; Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada , 2009 CSC 9, [2009] 1 R.C.S. 222; arrêts mentionnés : Schmidt c. Air Products Canada Ltd. , [1994] 2 R.C.S. 611; Nolan c. Kerry (Canada) Inc. , 2009 CSC 39, [2009] 2 R.C.S. 678; Monsanto Canada Inc. c. Ontario (Surintendant des services financiers) , 2004 CSC 54, [2004] 3 R.C.S. 152; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex , 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général) , [1999] 1 R.C.S. 743; États‑Unis d'Amérique c. Dynar , [1997] 2 R.C.S. 462; Galambos c. Perez , 2009 CSC 48, [2009] 3 R.C.S. 247; Guerin c. La Reine , [1984] 2 R.C.S. 335; Bande indienne Wewaykum c. Canada , 2002 CSC 79, [2002] 4 R.C.S. 245; Frame c. Smith , [1987] 2 R.C.S. 99; Hodgkinson c. Simms , [1994] 3 R.C.S. 377; Gladstone c. Canada (Procureur général) , 2005 CSC 21, [2005] 1 R.C.S. 325; Soulos c. Korkontzilas , [1997] 2 R.C.S. 217; Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville) , 2004 CSC 75, [2004] 3 R.C.S. 575; Peter c. Beblow , [1993] 1 R.C.S. 980; Sorochan c. Sorochan , [1986] 2 R.C.S. 38; Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville) , 2000 CSC 64, [2000] 2 R.C.S. 919.
Lois et règlements cités
Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension , L.R.C. 1985, ch. 32 (2 e suppl .), art. 4 .
Loi modifiant la Loi de la pension du service civil , S.C. 1944‑45, ch. 34, art. 6.
Loi modifiant la Loi de la Royale gendarmerie à cheval du Canada , S.C. 1947‑48, ch. 28, art. 10.
Loi modifiant la Loi des pensions de la milice , S.C. 1946, ch. 59, art. 6.
Loi sur l'administration financière , S.C. 1951, ch. 12, art. 2 e ) « Fonds du revenu consolidé ».
Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public , L.C. 1999, ch. 34 , art. 4 .
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada , S.R.C. 1952, ch. 241.
Loi sur la gestion des finances publiques , L.R.C. 1985, ch. F‑11 , art. 2 « effet de commerce », « fonds », « fonds publics », « Trésor », 17, 63, 64.
Loi sur la modernisation de la fonction publique , L.C. 2003, ch. 22, art. 2 .
Loi sur la pension de la fonction publique , L.R.C. 1985, ch. P‑36 , art. 3(1) « Loi sur la pension de retraite », 4, 43, 44, 45.
Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada , L.R.C. 1985, ch. R‑11 , art. 29(9) à (13) .
Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada , S.C. 1959, ch. 34.
Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes , L.R.C. 1985, ch. C‑17 , art. 55(9) à (13) .
Loi sur la pension de retraite des forces canadiennes , S.C. 1959, ch. 21.
Loi sur la pension du service civil , S.R.C. 1952, ch. 50, art. 21.
Loi sur la pension du service public , S.C. 1952‑53, ch. 47, art. 33.
Loi sur les pêches , L.R.C. 1985, ch. F‑14 .
Loi sur les pensions des services de défense , S.R.C. 1952, ch. 63.
Loi sur les rapports relatifs aux pensions publiques , L.R.C. 1985, ch. 13 (2 e suppl .), art. 5 , 7 , 8 , 9(1) .
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , L.C. 2003, ch. 22 [éd. par la Loi sur la modernisation de la fonction publique , L.C. 2003, ch. 22, art. 2 ] art. 2(1) « fonction publique », « fonctionnaire », 113.
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , L.R.C. 1985, ch. P-35 [abr. 2003, ch. 22, art. 285 ], art. 2 « fonctionnaire », 57.
Doctrine et autres documents cités
Canada. Chambre des communes. Débats de la Chambre des communes , vol. VI, 3 e sess., 34 e lég., 24 février 1992, p. 7486.
Canada. Receveur général du Canada. Comptes publics du Canada 1996 , vol. I, Revue et États financiers . Ottawa : Conseil du Trésor, 1996.
Canada. Receveur général du Canada. Comptes publics du Canada 1997 , vol. I, Revue et États financiers . Ottawa : Conseil du Trésor, 1997.
Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes , 5th ed. Markham, Ont. : LexisNexis, 2008.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (les juges Laskin, Gillese et Juriansz), 2010 ONCA 657, 102 O.R. (3d) 241, 275 O.A.C. 40, 84 C.C.P.B. 161, [2010] O.J. No. 4248 (QL), 2010 CarswellOnt 7532, qui a confirmé une décision du juge Panet (2007), 66 C.C.P.B. 54, 2007 CanLII 50603, [2007] O.J. No. 4577 (QL), 2007 CarswellOnt 7541. Pourvoi rejeté.
Paul J. J. Cavalluzzo , Hugh O'Reilly et Amanda Darrach , pour les appelants l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada et autres.
James Cameron , Andrew Raven et Andrew Astritis , pour les appelantes l'Alliance de la Fonction publique du Canada, l'Association canadienne des pensionnés et rentiers militaires et autres.
Peter Southey , Dale Yurka et Christine Mohr , pour l'intimé.
Argumentation écrite seulement par J. Gareth Morley , pour l'intervenant.
Version française du jugement de la Cour rendu par
Le juge Rothstein —
I. Introduction
[1] Le pourvoi concerne trois régimes de pension du secteur public, établis par une loi, dont les participants sont des fonctionnaires fédéraux et des membres des Forces canadiennes ou de la GRC. Les trois régimes sont administrés par le gouvernement du Canada et sont des régimes contributifs à prestations déterminées.
[2] Les lois régissant ces régimes prévoient pour chacun la constitution d'un « compte de pension de retraite », où sont inscrits les montants versés dans le régime et ceux qui en sont retirés. Pendant les années 1990, ces comptes ont commencé à afficher des surplus actuariels (c'est‑à‑dire que les montants portés à leur crédit excédaient les coûts estimatifs du versement des prestations). Au mois de mars 1999, le total des surplus accumulés par les trois régimes atteignait plus ou moins 30,9 milliards de dollars.
[3] Dans les Comptes publics (les rapports financiers annuels du Canada) de 1990‑1991, le gouvernement a commencé à « amortir » les surplus actuariels des comptes de pension de retraite. Le 1 er avril 2000, la Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public , L.C. 1999, ch. 34 (le « projet de loi C‑78 »), est entrée en vigueur. Ce projet de loi changeait le mode de perception, de gestion et de distribution des contributions. Il obligeait aussi le ministre à débiter les comptes de pension de retraite de certains montants excédant le plafond établi pour les surplus actuariels. En application du projet de loi C‑78, qui produisait des effets différents de la méthode d'amortissement antérieure, le gouvernement a porté plus de 28 milliards de dollars au débit des comptes de pension de retraite, réduisant ainsi leurs surplus actuariels.
[4] Les appelants (des syndicats et des associations d'employés ou de retraités) ont poursuivi le gouvernement pour obtenir la restitution des 28 milliards de dollars aux régimes de pension. Le juge de première instance a rejeté leurs demandes, et la Cour d'appel de l'Ontario a confirmé sa décision ((2007), 66 C.C.P.B. 54 (C.S.J. Ont.), conf. par 2010 ONCA 657, 102 O.R. (3d) 241).
[5] Pour obtenir gain de cause, les membres des régimes doivent établir qu'ils ont un droit en equity sur les surplus actuariels, sinon leur droit se limite aux prestations déterminées prévues par les lois applicables. À cet égard, la question de la nature des comptes de pension de retraite revêt une importance capitale. Les appelants ont soutenu que ces comptes étaient des caisses contenant des éléments d'actif dans lesquels ils pouvaient revendiquer un intérêt en equity. Ils affirment que leur intérêt en equity est protégé par un devoir fiduciaire du gouvernement ou, subsidiairement, par une fiducie par interprétation résultant d'un enrichissement injustifié. Le gouvernement rétorque que les comptes de pension de retraite sont de simples documents comptables ne contenant aucun élément d'actif susceptible d'être grevé d'un intérêt en equity. Le pourvoi soulève en outre la question de savoir si, dans le cas où les membres des régimes auraient effectivement eu un intérêt dans les surplus actuariels, le projet de loi C‑78 a éteint cet intérêt.
[6] C'est à bon droit, selon moi, que les juridictions inférieures ont conclu que les comptes de pension de retraite n'étaient pas des caisses distinctes contenant des éléments d'actif, mais plutôt des livres comptables servant au suivi des paiements relatifs aux pensions et à l'estimation du passif futur au titre des pensions dans les Comptes publics. Le droit des membres des régimes se limite donc aux prestations déterminées définies dans les lois sur les pensions.
[7] J'estime également que le gouvernement n'avait aucune obligation fiduciaire envers les membres des régimes à l'égard des surplus actuariels. Rien dans les lois sur les pensions, ni dans quelque autre loi que ce soit, ne permet d'affirmer que le gouvernement s'est engagé, relativement à ces surplus actuariels, à renoncer aux intérêts de toutes les autres parties (et notamment des contribuables) en faveur de ceux des membres des régimes. Il n'y a pas eu non plus d'enrichissement injustifié et, partant, il n'existe aucun fondement à une fiducie par interprétation. Les comptes de pension de retraite ne contenant pas d'éléments d'actif dans lesquels les appelants avaient un intérêt, le traitement comptable appliqué à ces comptes par le gouvernement n'a pas appauvri les appelants. Pour la même raison, le projet de loi C‑78 n'a pas eu pour effet d'exproprier quelque bien que ce soit des membres des régimes. Je suis donc d'avis de rejeter le pourvoi.
II. Les faits
A. Les régimes de pension
[8] Le résumé des faits qui suit correspond étroitement aux conclusions tirées par la Cour d'appel. Trois régimes de pension (les « régimes ») sont en cause. Ils ont été créés par le législateur pour chacun des trois groupes concernés : essentiellement tous les membres de la fonction publique fédérale, de la GRC et de la force régulière des Forces canadiennes (les « membres des régimes »). Les lois applicables sont la Loi sur la pension de la fonction publique , L.R.C. 1985, ch. P‑36 (« LPFP »); la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes , L.R.C. 1985, ch. C‑17 (« LPRFC »); et la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada , L.R.C. 1985, ch. R‑11 (« LPRGRC ») (désignées collectivement comme les « lois sur les pensions »).
[9] Chacune des lois sur les pensions procède d'une lignée de lois remontant à la fin du 19 e ou au début du 20 e siècle. Sous leur forme actuelle, elles datent de leur entrée en vigueur respective — le 1 er janvier 1954, pour la LPFP , S.C. 1952‑53, ch. 47 (« LPFP de 1954 »), le 1 er mars 1960, pour la LPRFC , S.C. 1959, ch. 21; et le 1 er avril 1960, pour la LPRGRC , S.C. 1959, ch. 34.
[10] Les régimes sont identiques pour tous les points pertinents en l'espèce. Par souci de commodité, je mentionnerai généralement la LPFP , mais mon analyse et mes conclusions s'appliquent aussi bien à la LPRFC et la LPRGRC .
[11] Les lois sur les pensions définissent les modalités des régimes. Elles établissent des régimes contributifs à prestations déterminées. Les fonctionnaires, les membres de la force régulière des Forces canadiennes et les membres de la GRC admissibles sont tous tenus d'y adhérer.
[12] Deux périodes sont visées par le pourvoi. La première va jusqu'au 31 mars 2000 inclusivement, soit la période précédant l'entrée en vigueur du projet de loi C‑78 qui a modifié les lois sur les pensions et, par conséquent, les régimes. La seconde commence le 1 er avril 2000, date d'entrée en vigueur du projet de loi C‑78.
[13] Les employés sont tenus de contribuer à leur régime respectif par des retenues salariales. Les taux de contribution varient, mais ils se situent en général entre 5 et 7,5 pour 100 du salaire.
[14] La prestation déterminée à laquelle un employé a droit à la retraite est établie au moyen d'une formule. La pension de base correspond à 2 pour 100 du salaire moyen des cinq années consécutives les mieux payées pour chaque année de service ouvrant droit à pension (jusqu'à concurrence de 35 ans de service).
[15] Les modalités des régimes ne sont pas soumises à la négociation collective. Le régime institué par la L PFP en est exclu aux termes de l' al. 113 b ) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , édictée par la Loi sur la modernisation de la fonction publique , L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (« LRTFP ») (auparavant l' al. 57(2) b ) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , L.R.C. 1985, ch. P‑35 (abrogée par L.C., 2003, ch. 22 , art. 285 )). Le régime institué par la LPRGRC n'est pas soumis à la négociation collective, car les membres de la GRC sont expressément exclus à l'al. d ) de la définition du terme « fonctionnaire » au par. 2 (l) de la LRTFP (auparavant l'al. e ) de la définition de ce terme au par. 2(1) de l'ancienne LRTFP ) et ne jouissent donc pas de droits de négociation collective. Le régime institué par la LPRFC n'est pas non plus soumis à la négociation collective parce que les membres des Forces canadiennes ne sont pas des employés de l'État et qu'ils ne font pas non plus partie de la fonction publique au sens de la LRTFP , de sorte qu'ils ne possèdent pas de droits de négociation collective. Les régimes ne sont pas non plus assujettis à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension , L.R.C. 1985, ch. 32 (2 e suppl .) (voir l' art. 4 ).
[16] Les contributions des employés aux régimes devaient être versées au Trésor, défini comme le « t otal des fonds publics en dépôt au crédit du receveur général » dans la Loi sur la gestion des finances publiques , L.R.C. 1985, ch. F‑11 (« LGFP »), art. 2 . Avant le 1 er avril 2000, les contributions aux régimes figuraient au crédit des « comptes de pension de retraite » (ou « comptes ») créés par la loi pour chaque régime. Les fonds payables en application des lois sur les pensions (les prestations de retraite) étaient prélevés sur le Trésor et portés au débit du compte de pension de retraite visé.
[17] Outre les contributions des membres des régimes, les fonds qui devaient être portés au crédit des comptes de pension de retraite conformément à la loi, avant le 1 er avril 2000, étaient : (1) les contributions des organismes de la fonction publique, (2) les contributions du gouvernement, (3) les fonds supplémentaires afférents au passif actuariel (pour couvrir ce passif), (4) les fonds transférés d'autres régimes et de comptes de prestations de retraite supplémentaires, et (5) l'intérêt sur le solde des comptes de pension de retraite, au taux réglementaire applicable.
[18] Les contributions du gouvernement à porter au crédit des comptes de pension de retraite ont varié. S'agissant du compte créé pour le régime établi par la LPFP , par exemple, le gouvernement devait verser un montant correspondant aux contributions des employés pour la période de service courant : selon le montant versé l'année précédente pour les années 1954 à 1991, et mensuellement pour les années 1991 à 2000. Des montants supplémentaires étaient exigés pour le service passé ou « rachat » de service, et pour couvrir le coût des prestations acquises au cours du mois au titre du service courant.
[19] Les rapports relatifs au passif des régimes de retraite administrés par le gouvernement sont régis par la LGFP , la loi sur les pensions applicable et la Loi sur les rapports relatifs aux pensions publiques , L.R.C. 1985, ch. 13 (2 e suppl .) (« LRRPP »). Suivant l' art. 64 de la LGFP , le receveur général établit pour chaque exercice un rapport, appelé « Comptes publics », que le président du Conseil du Trésor dépose devant la Chambre des communes et qui présente la valeur de l'actif et du passif de Sa Majesté du chef du Canada. Il s'agit du principal document d'information financière du gouvernement du Canada.
[20] Les deux principaux états des Comptes publics sont l'état de la situation financière, qui présente l'actif et le passif du gouvernement, et l'état des résultats et du déficit accumulé, qui présente ses recettes et dépenses.
[21] Les opérations effectuées dans les comptes de pension de retraite et leurs soldes sont présentés annuellement dans les Comptes publics. Les sommes annuellement portées au crédit de ces comptes par le gouvernement en application des lois sur les pensions sont inscrites comme dépenses à l'état des résultats et du déficit accumulé du gouvernement, et les sommes figurant aux comptes de pension de retraite sont inscrites comme passif à l'état de la situation financière du gouvernement. Depuis l'exercice 1980‑1981, les comptes de pension de retraite sont classés comme « comptes à fins déterminées » dans la section du passif de l'état de la situation financière.
[22] Comme l'exigent les lois sur les pensions et la LRRPP , des rapports actuariels ont été présentés, à différents moments, pour chacun des régimes. Suivant la LRRPP , l'actuaire en chef du Bureau du surintendant des institutions financières doit procéder à une estimation périodique du coût des engagements à venir du gouvernement au titre des pensions et faire « certifier l'actif » des régimes ( art. 5 , par. 8(1) et 9(1) ). Lorsque le coût estimatif des engagements au titre des pensions est supérieur à la valeur certifiée de l'actif figurant aux comptes de pension de retraite, il y a « déficit actuariel ». À l'inverse, lorsque la valeur certifiée de l'actif inscrit aux comptes de pension de retraite excède le montant estimatif des engagements au titre des pensions, il y a « surplus actuariel ».
[23] Dans les années 1990, les rapports d'évaluation actuarielle indiquaient que le coût estimatif des obligations actuelles et à venir au titre de chacun des trois régimes était inférieur au total des montants figurant aux comptes de pension de retraite. Ces surplus résultaient d'une combinaison de facteurs, dont une faible inflation, des taux d'intérêt élevés, des restrictions salariales imposées par le gouvernement, l'établissement d'un plafond d'indexation des prestations dans les années 1980 et la modification des hypothèses de calcul du passif actuariel des régimes. Le surplus des trois comptes de pension de retraite s'établissait à 16,6 milliards de dollars en décembre 1992, et il a atteint 23,4 milliards de dollars en mars 1996 et 30,9 milliards de dollars en mars 1999.
B. Amortissement du surplus actuariel
[24] Durant l'exercice financier 1990‑1991, le gouvernement a commencé à « amortir » le surplus actuariel des comptes de pension de retraite. Le terme « amortir » est employé en l'espèce pour décrire les mesures, échelonnées sur plusieurs années, prises par le gouvernement pour réduire progressivement les répercussions des surplus actuariels sur les Comptes publics. L'amortissement a pris la forme des opérations suivantes : le gouvernement a continué de porter ses contributions au crédit des comptes de pension de retraite conformément aux lois sur les pensions, mais le montant des charges de retraite annuelles nettes inscrit dans les Comptes publics était réduit. Pour réaliser cet objectif, le gouvernement a inscrit dans les Comptes publics des charges négatives qui correspondaient au montant du surplus amorti durant l'exercice, ce qui a eu pour effet de réduire le total des charges de retraite du gouvernement. Il a donc fallu rajuster à la baisse le montant total du passif au titre des pensions de retraite dans l'état de la situation financière du gouvernement pour tenir compte de ces rajustements négatifs et faire en sorte que les livres s'équilibrent. Pour ce faire, on a inscrit les montants amortis chaque année au débit des comptes de sens contraire passif (c'est‑à‑dire des comptes de passif ayant un solde débiteur) créés dans les Comptes publics. Ces comptes ont eu différentes appellations au fil des ans — par exemple, « provision pour redressement au titre des régimes de retraite » — mais leur fonction a toujours été la même, à savoir permettre au gouvernement de réduire le montant net du passif au titre des pensions de retraite inscrit dans les Comptes publics d'un montant équivalent à l'amortissement, sans débiter les comptes de pension de retraite eux‑mêmes. Ceux‑ci conservaient leur solde créditeur, qui n'était pas affecté par l'amortissement, tandis que les soldes débiteurs des comptes de provision distincts compensaient partiellement ces soldes créditeurs dans les Comptes publics. Ainsi, le montant net du passif au titre des pensions de retraite inscrit dans les états financiers du gouvernement s'est rapproché graduellement de l'évaluation actuarielle du passif du régime (c'est‑à‑dire que le surplus a diminué graduellement), sans que les soldes des comptes de pension de retraite ne soient affectés.
[25] Cet « amortissement » a donc eu un double effet : il a réduit le déficit budgétaire annuel du gouvernement (ou accru le surplus budgétaire annuel) en abaissant les charges de retraite annuelles, et il a ramené à un niveau inférieur la dette nette du gouvernement en rabaissant le montant net du passif au titre des pensions de retraite à un niveau plus près des estimations actuarielles des engagements à venir du gouvernement au titre des pensions.
[26] Au cours de la décennie 1990, le gouvernement a amorti au total un montant de 18,6 milliards de dollars; des sommes additionnelles ont été amorties après l'an 2000.
C. Le projet de loi C-78
[27] En 1999, le gouvernement a présenté le projet de loi C-78. Ce projet de loi, entré en vigueur le 1 er avril 2000, a apporté des changements substantiels aux lois sur les pensions. En remplacement de chacun des comptes de pension de retraite prévus par les lois sur les pensions, il a établi une caisse de retraite à l'égard du service postérieur au 31 mars 2000 (les « caisses de retraite »). Depuis le 1 er avril 2000, les contributions des employés et du gouvernement relativement au service courant sont versées aux caisses de retraite.
[28] Sous le régime du projet de loi C‑78, les fonds des caisses de retraite sont investis sur le marché externe, et un office a été créé pour gérer l'actif des caisses de retraite. L'Office d'investissement a notamment pour mission de gérer les sommes qui lui sont transférées en application des lois sur les pensions ainsi modifiées « dans l'intérêt des contributeurs et des bénéficiaires des régimes en cause » (al. 4(1) a )).
[29] Le projet de loi C‑78 a ajouté les par. 44(9) à (13) à la LPFP . En gros, ces dispositions confèrent au ministre à la fois le pouvoir discrétionnaire et l'obligation de débiter les comptes de pension de retraite afin de réduire le surplus actuariel. En effet, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de porter au débit de ces comptes tout surplus se situant entre 100 et 110 pour 100 du montant estimatif nécessaire pour couvrir le coût des prestations payables, établi par les rapports actuariels, mais il est tenu de débiter ces comptes lorsqu'un surplus actuariel dépasse 110 pour 100 des sommes requises pour payer les prestations futures.
[30] Le projet de loi C‑78 prévoyait qu'après le 1 er janvier 2004, le taux de contribution des employés ne serait plus établi par le législateur, mais relèverait du pouvoir discrétionnaire du Conseil du Trésor, sous réserve de certaines restrictions. De 2000 à 2003, le taux de contribution des employés, établi par la loi, a connu des augmentations de 15 à 33 pour 100. En 2005, le Conseil du Trésor a annoncé d'autres augmentations.
[31] Le projet de loi C‑78 a également modifié la façon d'établir la contribution annuelle du gouvernement. Le gouvernement n'a plus à égaler les contributions des employés; c'est le président du Conseil du Trésor qui détermine à présent les contributions qu'il doit verser, en fonction du rapport d'évaluation actuarielle de chaque régime.
[32] Les prestations afférentes au service ouvrant droit à pension antérieur au 1 er avril 2000 sont payées sur le compte de pension de retraite approprié, mais les prestations afférentes au service postérieur à cette date sont imputées à la caisse de retraite appropriée.
[33] Entre 2001 et 2004, le gouvernement a porté plus de 28 milliards de dollars au débit des comptes de pension de retraite en application du projet de loi C‑78. Étant donné que l'amortissement antérieur avait eu pour effet de réduire le déficit annuel ou d'accroître le surplus annuel, et de réduire la dette nette du gouvernement, l'inscription au débit de tout montant déjà amorti n'avait aucun effet sur la situation financière du Canada.
D. L'action des appelants
[34] Les appelants ont intenté une action pour obtenir la restitution des surplus actuariels des comptes de pension de retraite, soutenant que le gouvernement avait manqué à ses obligations fiduciaires et à ses devoirs relativement à une fiducie en amortissant et en débitant les surplus. Ils ont affirmé en outre que le projet de loi C‑78 n'avait pas éteint l'intérêt des membres des régimes dans les surplus, car il ne s'en dégageait pas d'intention non équivoque d'expropriation sans indemnisation. Les appelants ont été déboutés en première instance, et la Cour d'appel a rejeté leur appel.
[35] Dans le présent pourvoi, les appelants demandent à notre Cour de rendre un jugement déclaratoire portant que les membres des régimes possèdent un intérêt en equity dans le solde des comptes de pension de retraite au 31 mars 2000. Selon eux, cet intérêt en equity comprend le droit à ce que la totalité des fonds de ces comptes serve exclusivement au versement de prestations aux membres. À titre subsidiaire, ils demandent un jugement déclaratoire portant que l'intérêt en equity des membres des régimes consiste en un droit à ce qu'une part du surplus actuariel des comptes de pension de retraite serve au versement de prestations aux membres. Ils ont établi la part ainsi demandée au prorata des contributions respectives des employés et de l'employeur au 31 mars 2000. Les contributions des membres des régimes équivalaient à 42,2 pour 100 des surplus actuariels à cette date. Les appelants demandent également un jugement déclaratoire portant que les par. 44(9) et 44(10) du projet de loi C‑78 ne permettent pas de réduire sans indemnisation quelque montant que ce soit des comptes de pension de retraite dans lequel les membres des régimes ont un intérêt en equity. Ils sollicitent aussi une ordonnance prescrivant de porter au crédit des comptes de pension de retraite tout montant dans lequel les membres des régimes ont un intérêt en equity et qui en a été retiré à la suite du projet de loi C‑78, ainsi que les intérêts y afférents.
E. Les dispositions législatives applicables
[36] Les dispositions législatives applicables sont reproduites dans l'Annexe à la fin des présents motifs.
III. Les décisions des juridictions inférieures
A. La Cour supérieure de justice de l'Ontario (le juge Panet) (2007), 66 C.C.P.B. 54
[37] Les appelants ont intenté une action pour violation de fiducie et pour manquement à une obligation fiduciaire relativement au solde des comptes de pension de retraite au 31 mars 2000.
[38] Après avoir examiné les lois et d'autres documents, le juge Panet a conclu que la certitude d'intention nécessaire pour qu'il existe une fiducie faisait défaut. Il a tiré la même conclusion relativement à la certitude de matière. Selon lui, il n'existait pas de caisse distincte ou séparée. Il a par ailleurs rejeté le moyen du manquement à une obligation fiduciaire vu l'absence d'un élément nécessaire à l'existence d'une relation fiduciaire, soit la possibilité d'exercer un certain pouvoir discrétionnaire. Le juge Panet a conclu que le gouvernement n'avait aucun pouvoir discrétionnaire, parce que la LPFP établissait un code exhaustif.
[39] Les appelants contestaient également l'amortissement du surplus. Le juge Panet n'a pas retenu cet argument, parce que le régime de pension de la fonction publique n'était pas un régime par capitalisation et que les montants amortis n'étaient pas des éléments d'actif qui avaient été retirés des comptes de pension de retraite.
[40] Selon le juge Panet, les comptes de pension de retraite ne contenaient aucun élément d'actif. Il s'agissait plutôt de comptes tenus par le gouvernement conformément à la LGFP , pour comptabiliser et divulguer le passif estimatif au titre des pensions (le coût des engagements à ce titre).
[41] Le juge Panet a examiné si le gouvernement avait emprunté aux comptes de pension de retraite la différence entre le montant des contributions aux régimes, majoré des intérêts, et celui des prestations prélevées sur les régimes. Il a jugé que le gouvernement n'était débiteur d'aucun montant envers ces comptes.
[42] Selon lui, l'obligation du gouvernement au titre des pensions tire son origine des lois sur les pensions et non des comptes. Les comptes de pension de retraite sont en fait une estimation des coûts de l'engagement du gouvernement au titre des pensions. Le juge Panet a examiné les rapports actuariels périodiques soumis au Parlement, qui font mention de l'actif et du passif des régimes, mais il a jugé que l'utilisation du mot « actif » dans ces rapports ne correspondait pas au sens ordinaire de ce mot. Le terme « actif » était employé pour désigner le montant des contributions des employés et du gouvernement, réduit des prestations versées, inscrit dans les états financiers, c'est‑à‑dire le solde des comptes de pension de retraite.
[43] En dépit de sa conclusion que les comptes de pension de retraite ne contenaient pas d'éléments d'actif, le juge Panet a examiné la question de savoir si le projet de loi C‑78 avait exproprié un intérêt quelconque des membres des régimes dans les surplus. Il a estimé que le projet de loi obligeait le ministre, en termes clairs et non équivoques, à porter au débit des comptes de pension de retraite tout montant excédant 110 pour 100 du montant estimatif nécessaire à l'exécution des obligations au titre des pensions et qu'il lui conférait le pouvoir discrétionnaire de débiter tout autre surplus de ces comptes.
[44] Enfin, le juge Panet a écarté la prétention des appelants que le projet de loi C‑78 portait atteinte aux droits des membres des régimes garantis par la Charte .
[45] Le juge Panet a conclu qu'il n'y avait pas lieu de rendre le jugement déclaratoire demandé.
B. La Cour d'appel de l'Ontario (la juge Gillese, avec l'accord des juges Laskin et Juriansz) , 2010 ONCA 657, 102 O.R. (3d) 241
[46] La juge Gillese a estimé qu'en dépit de l'emploi du mot « actif » dans la LPFP , le juge de première instance n'avait pas fait erreur en affirmant que les comptes de pension de retraite ne contenaient pas d'éléments d'actif. Selon elle, ces comptes étaient des [ traduction ] « livres comptables prescrits par la loi », servant à comptabiliser les montants portés au crédit des régimes et le passif estimatif afférent au versement des prestations aux membres des régimes. Les [ traduction ] « fonds réels » retenus sur le salaire des employés étaient déposés (conservés) au Trésor et devenaient partie intégrante des fonds publics, tandis qu'une inscription correspondante était portée au crédit du compte de pension de retraite concerné (par. 49 à 52).
[47] Selon la juge Gillese, bien que des documents gouvernementaux fassent état de régimes à [ traduction ] « capitalisation intégrale », ces mots signifiaient simplement, dans le contexte, que la valeur des contributions portées au crédit des comptes de pension de retraite était suffisante pour permettre au gouvernement de s'acquitter de son engagement au titre des prestations promises (par. 55).
[48] La juge Gillese a cependant conclu que le juge de première instance avait commis une erreur en considérant la LPFP comme un code exhaustif. Certes, cette loi énumérait maints droits et obligations des parties, avant le 1 er avril 2000, mais elle ne traitait pas des surplus actuariels des comptes de pension de retraite et, de ce fait, elle ne constituait pas un code exhaustif avant l'entrée en vigueur du projet de loi C‑78.
[49] Cette conclusion n'impliquait pas cependant que les membres des régimes jouissaient de droits en equity sur les surplus actuariels. Ils ne pouvaient prétendre à aucun intérêt dans les surplus, que ce soit en raison de la LPFP , de la relation d'emploi, des principes en matière de fiducie ou des obligations fiduciaires du gouvernement en qualité d'administrateur des régimes.
[50] Selon la juge Gillese, avant le 1 er avril 2000, le gouvernement n'était pas un fiduciaire en sa qualité d'administrateur des régimes. Elle a toutefois estimé que la conclusion du juge de première instance selon laquelle le gouvernement ne disposait d'aucun pouvoir discrétionnaire pouvant donner naissance à une obligation fiduciaire était erronée. Le gouvernement possédait selon elle un pouvoir discrétionnaire dans la gestion des montants portés au crédit des comptes de pension de retraite. Et le gouvernement a, en fait, exercé ce pouvoir discrétionnaire lorsqu'il a décidé de gérer les surplus actuariels en les amortissant.
[51] La juge Gillese a statué que l'exercice du pouvoir discrétionnaire du gouvernement n'avait pas eu d'effet sur un bien quelconque appartenant aux membres des régimes, mais qu'il en avait eu sur les intérêts pratiques des membres, car il avait entraîné une augmentation de leur contribution au coût des pensions. Toutefois, la question fondamentale en cause, selon elle, était de savoir si, [ traduction ] « compte tenu de l'ensemble des circonstances, il était raisonnable pour une partie de s'attendre à ce que ses intérêts guident la conduite de l'autre partie » (par. 94). Elle a estimé que les membres des régimes ne pouvaient pas raisonnablement s'attendre, en l'espèce, à ce que le gouvernement exerce son pouvoir discrétionnaire en fonction de leur intérêt. Il était peu probable qu'il existe un devoir fiduciaire, car l'État serait placé dans une situation de conflit entre son obligation d'agir dans l'intérêt des bénéficiaires et sa responsabilité d'agir dans l'intérêt public.
[52] La juge Gillese a statué également qu'il n'y avait pas lieu d'imposer une fiducie par interprétation. À son avis, il n'était pas nécessaire d'appliquer cette doctrine pour satisfaire à l'exigence de la bonne conscience, compte tenu de l'absence d'obligation du gouvernement en equity. En outre, l'amortissement et le retrait des surplus actuariels (en application du projet de loi C‑78) n'avaient pas enrichi le gouvernement. Selon elle, si l'amortissement avait produit un avantage, celui‑ci avait profité à tous les contribuables canadiens et, de toute manière, le projet de loi C‑78 constituait un motif juridique justifiant tout retrait.
[53] La juge Gillese a donc rejeté l'appel. Les juges Laskin et Juriansz ont souscrit à ses motifs.
IV. Les questions en litige
[54] Le pourvoi soulève les questions suivantes :
a. Les comptes de pension de retraite contenaient‑ils des éléments d'actif?
b. Le gouvernement avait‑il une obligation fiduciaire envers les membres des régimes?
c. Une fiducie par interprétation devrait‑elle être imposée relativement aux soldes des comptes de pension de retraite au 31 mars 2000?
d. Le projet de loi C‑78 autorisait‑il le gouvernement à porter les surplus actuariels au débit des comptes de pension de retraite?
V. Analyse
[55] Notre Cour a examiné plusieurs fois le droit applicable aux surplus de régimes de pension, mais toujours dans le contexte de régimes du secteur privé. En l'espèce, elle doit les analyser dans le contexte de régimes du secteur public établis par une loi.
[56] L'arrêt de principe en matière de surplus d'un régime de pension est Schmidt c. Air Products Canada Ltd. , [1994] 2 R.C.S. 611. Il pose qu'en l'absence de dispositions législatives contraires, la première étape à entreprendre pour statuer sur des revendications opposées relativement à un surplus consiste à déterminer si la caisse de retraite est assujettie à une fiducie, conformément aux principes ordinaires du droit des fiducies. S'il y a fiducie, celle‑ci est soumise à tous les principes applicables du droit des fiducies. Dans le cas contraire, le droit au surplus est déterminé en fonction des principes d'interprétation des contrats.
[57] Dans Burke c. Cie de la Baie d'Hudson , 2010 CSC 34, [2010] 2 R.C.S. 273, notre Cour a confirmé l'arrêt Schmidt , ainsi que les arrêts Nolan c. Kerry (Canada) Inc. , 2009 CSC 39, [2009] 2 R.C.S. 678, et Monsanto Canada Inc. c. Ontario (Surintendant des services financiers) , 2004 CSC 54, [2004] 3 R.C.S. 152, selon lesquels le droit au surplus d'un régime de pension est « déterminé en fonction du libellé des documents pertinents, des principes du droit des contrats et du droit des fiducies et des textes législatifs applicables » (par. 26).
[58] En première instance, les appelants ont fait valoir que les lois sur les pensions ont créé des fiducies expresses au profit des membres des régimes, mais le juge a écarté cet argument et les appelants ne l'ont pas invoqué en appel.
[59] Dans le présent pourvoi, les appelants n'invoquent pas la fiducie expresse mais la fiducie par interprétation. Ils soutiennent que les comptes de pension de retraite contiennent des éléments d'actif et que le gouvernement a une obligation en equity (fiduciaire) relativement à leur gestion. Selon eux, le gouvernement a manqué à son obligation fiduciaire en amortissant les surplus et il en a résulté une fiducie par interprétation en faveur des membres des régimes relativement à l'actif des comptes de pension de retraite. Ils affirment en outre qu'une fiducie par interprétation devrait être imposée sur le fondement de l'enrichissement injustifié. Rappelons que ces deux arguments sont fondamentalement liés à la question de savoir si les comptes de pension de retraite contenaient des éléments d'actif; s'ils n'en contenaient pas, il ne pouvait exister ni intérêt en equity à l'égard duquel il aurait existé un devoir fiduciaire, ni enrichissement injustifié sur lequel fonder une fiducie par interprétation. Il faut donc déterminer d'abord si les comptes de pension de retraite contenaient des éléments d'actif.
A. Les comptes de pension de retraite contenaient‑ils des éléments d'actif?
[60] Les deux juridictions inférieures ont conclu qu'aucun élément d'actif n'était détenu dans les comptes de pension de retraite. Le juge Panet, en première instance, a rejeté le témoignage d'expert présenté par les appelants, selon lequel le principal élément d'actif de chaque compte est une créance sur le gouvernement, estimant que le gouvernement n'avait pas emprunté aux comptes de pension de retraite et qu'il n'avait aucune dette envers ces comptes. Les comptes de pension de retraite servaient simplement à comptabiliser et à divulguer le passif estimatif au titre des pensions. En appel, la juge Gillese n'a relevé aucune erreur dans cette conclusion, estimant que [ traduction ] « [l]es comptes de pension de retraite sont essentiellement des livres comptables prescrits par la loi » (par. 50).
[61] Bien qu'il ne fasse aucun doute que les comptes de pension de retraite ne sont pas des portefeuilles de titres négociables, les appelants affirment qu'il était erroné, pour les juridictions inférieures, de ne pas conclure que les comptes contiennent des éléments d'actif, à savoir des créances sur le gouvernement. Ils soutiennent que des fonds réels étaient versés aux comptes chaque année, mais que le gouvernement, parce qu'il ne les plaçait pas sur le marché externe, empruntait en fait de ces comptes pour son propre usage — y laissant des promesses de paiement. Selon eux, ces promesses constituent des éléments d'actif, qui s'apparentent aux obligations négociables du Canada.
[62] Comme je l'expliquerai maintenant, je partage l'opinion de l'intimé et des juridictions inférieures que les comptes de pension de retraite ne contiennent pas d'éléments d'actif. Ces comptes ne sont que des documents comptables visant à suivre le fonctionnement des régimes et à estimer les engagements à venir du gouvernement au titre des pensions.
(1) Les lois sur les pensions
[63] Les comptes de pension de retraite étant tous d'origine législative, l'analyse de leur nature doit partir des textes de loi. L'actuel compte du régime de pension de retraite de la fonction publique est le prolongement du compte établi lors de la révision, en 1952, de la Loi sur la pension du service civil , S.R.C. 1952, ch. 50 ( LPFP , définition de « Loi sur la pension de retraite », par. 3(1) et 4(2) ). Les Statuts révisés du Canada de 1952 édictaient de nouveau une disposition qui figurait initialement dans la Loi modifiant la Loi de la pension du service civil, S.C. 1944-45, ch. 34, art. 6, édictée en 1944.
[64] L'article 21 de la Loi sur la pension du service civil prévoyait que les sommes perçues en application de cette loi étaient versées au Trésor (alors le Fonds du revenu consolidé (« FRC »)), sur lequel étaient également payées les sommes exigibles :
21. (1) Les deniers reçus sous le régime des dispositions de la présente loi font partie du Fonds du revenu consolidé, et les deniers payables en vertu desdites dispositions sont payables à même ledit Fonds du revenu consolidé.
À l'époque pertinente, la Loi sur l'administration financière , S.C. 1951 (2 e sess.), ch. 12, al. 2 e ) , sanctionnée le 21 décembre 1951, définissait ainsi le FRC : « . . . l'ensemble de tous les deniers publics qui sont en dépôt au crédit du receveur général ». L'article 21 de la Loi sur la pension du service civil prévoyait en outre la tenue d'un compte spécial dans le FRC, appelé le compte de pension, réservé aux deniers reçus ou payables sous le régime de la Loi :
(2) Est tenu au Fonds du revenu consolidé un compte spécial, appelé le compte de pension, de tous les deniers ainsi reçus ou payables, et il doit être ajouté chaque année audit compte un montant représentant l'intérêt, au taux et calculé de la manière que le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement, sur le montant au crédit dudit compte.
[65] La description du compte de pension comme un « compte spécial », « tenu au Fonds du revenu consolidé », « de tous les deniers ainsi reçus ou payables » décrit des écritures comptables — l'enregistrement des opérations se rapportant aux régimes de pension gouvernementaux sous forme de crédits et de débits. Le libellé de la loi indique que, dans l'esprit du législateur, le compte devait faire état des opérations ― versements et prélèvements — reliées au régime qui étaient effectuées sur le FRC. Considéré avec la directive de verser les contributions au FRC et de payer les pensions sur le FRC, ce libellé correspond à la notion d'écritures comptables, et non à une directive selon laquelle des éléments d'actif devaient être conservés dans une caisse distincte et identifiable.
[66] Puisque le compte de pension de retraite actuel est le prolongement du compte établi par les Statuts révisés du Canada de 1952 (initialement créé par le législateur en 1944), il continue d'être un registre comptable faisant état, sous forme de crédits et de débits, des opérations reliées au régime de retraite effectuées sur le Trésor.
[67] Je rappelle, à cet égard, que le compte de pension de retraite existe toujours, malgré la création de la caisse de retraite par le projet de loi C‑78, en 2000. Les prestations se rapportant au service ouvrant droit à pension antérieur au 1 er avril 2000 sont généralement imputées au compte de pension de retraite et payées sur le Trésor ( LPFP , art. 43 ).
[68] La LGFP actuelle étaye la position selon laquelle toutes les opérations relatives aux pensions sont effectuées sur le Trésor, et qu'aucun montant n'est déposé dans les comptes de pension de retraite eux‑mêmes, ni prélevé sur ces comptes. La LGFP prévoit que « les fonds publics sont déposés au crédit du receveur général » et la définition des « fonds publics » qui y figure inclut « les fonds perçus ou reçus par un fonctionnaire public sous le régime [. . .] d'une loi [. . .] et affectés à une fin particulière précisée dans l'acte en question ou conformément à celui‑ci » ( art. 17 et 2 ). Ainsi, bien que la LPFP n'énonce plus expressément que le compte de pension de retraite est un compte du Trésor, la LGFP prévoit que les fonds perçus conformément aux dispositions de la LPFP font partie du Trésor. Par conséquent, le maintien du compte de pension créé en 1944, un compte du FRC, concorde avec les dispositions législatives actuellement en vigueur en matière de gestion financière.
[69] Lorsqu'il a institué le compte de pension, le législateur a voulu créer un livre comptable pour suivre les opérations liées au régime de pension. Non seulement les sommes versées dans le Trésor et prélevées sur le Trésor sont inscrites dans le compte, comme je l'ai expliqué, mais le solde créditeur qui y est inscrit représente le montant estimatif de l'engagement à venir du Canada au titre des pensions sous le régime de la LPFP . En atteste le fait que, en cas de déficit du compte (c'est-à-dire si son solde est inférieur à l'estimation actuarielle du passif au titre des pensions), la LPFP oblige le gouvernement à porter au crédit du compte — au moyen de versements annuels, pour échelonner les répercussions sur les Comptes publics — les montants nécessaires pour ramener son solde créditeur au niveau de l'estimation actuarielle du passif futur au titre des pensions ( LPFP , par. 44(6) à (8) ). De cette façon, l'utilité du compte de pension de retraite s'inscrit dans une perspective d'information financière. Et cela explique pourquoi il figure en tant que passif aux Comptes publics.
[70] Bien que cette analyse se rapporte au compte de pension de retraite du régime de pension de la fonction publique, ses conclusions valent également pour les deux autres régimes en cause. Le compte de pension de retraite des Forces canadiennes est le prolongement du Compte de pension des services permanents établi dans les comptes du Canada en application de la Loi sur les pensions des services de défense , S.R.C. 1952, ch. 63, dans sa version antérieure au 1 er mars 1960. Le Compte de pension des services permanents avait initialement été créé par la Loi modifiant la Loi des pensions de la milice , S.C. 1946, ch. 59, art. 6, où il était décrit comme un « compte spécial », « tenu au Fonds du revenu consolidé ». De la même façon le compte de pension de retraite de la GRC est le prolongement du Compte de pension de la Gendarmerie royale du Canada établi dans les comptes du Canada en application de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada , S.R.C. 1952, ch. 241, dans sa version antérieure au 1 er avril 1960. Ce compte avait initialement été créé par la Loi modifiant la Loi de la Royale gendarmerie à cheval du Canada , S.C. 1947‑48, ch. 28, art. 10, qui le décrivait également comme un « compte spécial », « tenu au Fonds du revenu consolidé ».
[71] Les textes de loi étayent la conclusion que les comptes de pension de retraite sont des écritures comptables et non des portefeuilles capitalisés d'actifs.
(2) La « théorie de l'emprunt »
[72] L'argument des appelants selon lequel le compte de pension de retraite contenait des éléments d'actif ne repose pas sur la prétention que des biens identifiables pouvant être liquidés ou vendus étaient détenus dans le compte. (Le témoin expert des appelants, John Christie, a reconnu à tout le moins cela en contre‑interrogatoire au procès : d.a., vol. III, p. 142.) La thèse de ce témoin (la « théorie de l'emprunt ») était plutôt que [ traduction ] « [l']actif du régime est une promesse du gouvernement du Canada de payer une dette qu'il a contractée » (d.a., vol. III, p. 142‑143). Selon lui, l'actif consiste en la [ traduction ] « promesse de verser au compte le montant que lui doit le gouvernement du Canada » (p. 147).
[73] M. Scott Milne (le comptable des appelants) a exprimé une opinion analogue. Il a affirmé au procès que le gouvernement a
[ traduction ] effectivement versé l'argent dans le compte et l'a ensuite emprunté. Cela a pour résultat [. . .] que le compte de pension comporte une créance sur le gouvernement et que le gouvernement a une dette envers le compte de pension. [d.a., vol. IV, p. 48]
[74] Le juge de première instance n'a pas retenu les témoignages d'expert présentés à l'appui de la théorie de l'emprunt, et la Cour d'appel lui a donné raison. Je ne vois rien qui justifie de modifier cette conclusion.
[75] Les appelants soutiennent, à tort selon moi, que [ traduction ] « si le gouvernement n'a pas emprunté les fonds aux comptes de pension de retraite, la seule conclusion possible est qu'il a contrevenu à la LPFP en omettant de contribuer en fait aux comptes » (m.a., par. 57). Ils affirment que, selon le témoignage des experts, seule la théorie de l'emprunt permet de conclure, en l'absence de transfert effectif de fonds aux comptes, que le gouvernement s'est acquitté de son obligation légale. Cet argument procède toutefois d'une interprétation erronée des dispositions législatives applicables. Comme on l'a vu, les comptes de pension de retraite étaient — et sont — des livres comptables prescrits par la loi pour le suivi des opérations relatives aux régimes dans le Trésor et pour l'estimation des engagements du gouvernement envers les membres des régimes au titre des pensions. Bref, ces comptes sont des documents comptables — c'est‑à‑dire des renseignements —, et non des réserves d'éléments d'actif dans lesquels des biens peuvent être détenus.
[76] Pour que la théorie de l'emprunt avancée par les appelants tienne, il faut pouvoir affirmer que le gouvernement était tenu de faire un apport en biens aux comptes de pension de retraite et qu'il a, en fait, emprunté les biens apportés pour les déposer dans le Trésor à des fins publiques. Toutefois, si les comptes de pension de retraite sont des registres comptables informatifs, ainsi que je l'ai conclu, cela est évidemment impossible. Aucun bien ne peut être réellement transféré — ni emprunté — à un document informatif. Les biens sont et ont toujours été ailleurs : avant le 1 er avril 2000, la loi exigeait que tous les biens liés au fonctionnement des régimes soient conservés dans le Trésor et prélevés sur le Trésor. Pendant toute la période d'activité des comptes de pension de retraite, aucune étape intermédiaire ne faisait en sorte que des biens y étaient transférés pour être aussitôt empruntés par le gouvernement. Non seulement les textes de loi ne prévoyaient pas de tels [ traduction ] « chèques de compensation » (d.a., vol. IV, p. 51), mais le juge de première instance a aussi tiré la conclusion factuelle que ce n'était pas ainsi que le gouvernement utilisait les comptes. Selon la loi, les comptes étaient des documents informatifs qui ne pouvaient renfermer des éléments d'actif, et c'est ainsi qu'ils étaient traités en pratique. Aucun emprunt n'était effectué sur ces comptes; rien ne leur était dû; ils ne contenaient aucun bien.
[77] Comme je l'ai indiqué, les lois sur les pensions obligeaient le gouvernement à enregistrer les crédits et les débits comptables pour suivre le fonctionnement des régimes, et à payer sur le Trésor les prestations déterminées prévues par la loi. Par contre, elles n 'exigeaient pas que le gouvernement transfère des éléments d'actif aux comptes, ni qu'il « emprunte » sur les comptes ou qu'il y inscrive, pour refléter cet « emprunt », des créances sur le gouvernement non étayées par des pièces justificatives. Aucune de ces supposées exigences imposées par la loi ne se retrouve dans la législation pertinente. Les comptes de pension de retraite étaient censés faire partie et faisaient partie du système comptable du gouvernement. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, ils ne pouvaient renfermer des éléments d'actif.
[78] Les appelants ont soumis à la Cour divers documents et rapports gouvernementaux faisant état d'« emprunts » aux comptes de pension de retraite. On peut ainsi lire dans le rapport du vérificateur général présenté à la Chambre des communes en 1991 qu'une
partie importante du déficit budgétaire du gouvernement est financée au moyen d'emprunts internes hors caisse sur les comptes à fins déterminées. [. . .] Ces emprunts ne sont pas en liquidités, mais constituent plutôt un report du paiement des contributions et des intérêts dus par le gouvernement à des tiers pour le compte desquels les comptes à fins déterminées sont administrés. [d.a., vol. IV, p. 233]
[79] On peut également lire dans un rapport préparé en 1994 par la Division de l'analyse et des prévisions économiques, intitulé « Public Service Pension Review : The Macroeconomic Impacts of Investing in A Diversified Portfolio of Market Assets » :
[ traduction ] À l'heure actuelle, les caisses de retraite sont détachées des marchés financiers. Elles constituent une réserve de fonds à laquelle seul le gouvernement a accès. Le gouvernement « emprunte » à la caisse et porte des intérêts à son crédit comme si l'emprunt s'effectuait uniquement au moyen d'obligations du gouvernement du Canada à 20 ans. [d.a., vol. V, p. 167]
[80] Il importe cependant de placer ces mentions d'« emprunts » dans leur contexte. Dans sa réponse au rapport du vérificateur général de 1991, le Secrétariat du Conseil du Trésor a précisé que le gouvernement n'empruntait pas directement des fonds des comptes de pension de la fonction publique pour financer d'autres activités. Il a expliqué que le gouvernement n'avait emprunté à ces comptes que dans le sens où, parce qu'il n'avait pas rassemblé des fonds pour investir les contributions exigées des employés et de l'employeur dans des titres négociables, il n'avait pas eu besoin d'emprunter sur les marchés financiers (d.a., vol. IV, p. 237).
[81] Il y a une différence entre expliquer — comme le fait le Secrétariat du Conseil du Trésor — que le régime de pension fonctionne comme si le gouvernement empruntait sur les marchés financiers, sans contracter effectivement de tels emprunts, et affirmer que le gouvernement emprunte effectivement des fonds aux comptes de pension de retraite, en ce sens qu'il contracte une dette envers les comptes (de sorte que les comptes contiennent une créance sur le gouvernement). L'argument des appelants qu'il y a eu emprunt dans les comptes ne trouve pas appui dans les textes de loi. On ne peut parler d'« emprunt interne » à l'égard du régime de pension qu'au sens où le régime, tel qu'il est conçu, évite le recours aux emprunts externes qui seraient autrement nécessaires pour financer les obligations du gouvernement au titre des pensions.
[82] Ne reste donc que l'argument des appelants fondé sur Bande et nation indiennes d'Ermineskin c. Canada , 2009 CSC 9, [2009] 1 R.C.S. 222. Cette affaire portait sur les obligations du Canada à l'égard des redevances d'exploitation de ressources pétrolières et gazières perçues pour le compte de bandes indiennes. La Couronne avait versé les redevances au Trésor et crédité des intérêts à un taux lié au rendement sur le marché des obligations à long terme du gouvernement. L'examen qui y est fait de l'« emprunt » des redevances par l'État recèle quelque pertinence superficielle pour le présent pourvoi. Les bandes ont soutenu que l'État avait manqué à son obligation fiduciaire parce que : (1) un fiduciaire n'est pas autorisé à emprunter des fonds à la fiducie et (2) le versement des redevances au Trésor et leur mise à la disposition de la Couronne équivalait à un « prêt forcé » de l'actif de la fiducie (par. 126). Notre Cour a convenu que la « Couronne emprunte l'argent des bandes déposé dans le Trésor » (par. 127), mais elle a conclu qu'elle ne contrevenait pas à son obligation fiduciaire en procédant ainsi parce que l'« emprunt » était exigé par la loi (par. 127).
[83] Il est possible de voir un type analogue d'« emprunt » en l'espèce. Le gouvernement avait des obligations futures envers les membres des régimes (le versement des prestations déterminées prévues par la loi), mais il avait l'usage des fonds alors déposés dans le Trésor, y compris des contributions retenues sur le salaire des employés. De la même façon, en n'ayant pas à retirer de fonds du Trésor pour s'acquitter de sa propre obligation de contribuer aux régimes, le gouvernement a continué à disposer de fonds qu'il aurait autrement dû réserver pour les placer dans des titres négociables. Cependant, comme nous l'avons vu, il ne résulte pas d'un tel « emprunt interne » que les comptes de pension de retraite contiennent une créance sur le gouvernement. Ces comptes ne sont que des livres comptables prescrits par la loi. L'arrêt Ermineskin n'indique par qu'il en est autrement.
[84] En outre, dans l'affaire Ermineskin , les redevances étaient reçues « en fiducie » pour les bandes, et la Cour a conclu que la relation entre la Couronne et les bandes « s'apparent[ait] » à celle établie par une fiducie (par. 74). La Couronne était légalement tenue de verser au Trésor les redevances qu'elle percevait « en fiducie » (par. 127). Autrement dit, la loi imposait à la Couronne l'obligation de prendre un bien assujetti à une obligation fiduciaire « s'apparent[ant] » à celle établie par une fiducie, perçu pour le compte de bénéficiaires, et de le verser au Trésor pour utilisation à des fins publiques. Il est exact de parler d'« emprunt » public à une « fiducie » pour décrire ce régime légal. Ce n'est toutefois pas le cas en l'espèce : non seulement le gouvernement ne s'est pas engagé, expressément ou implicitement, à agir dans l'intérêt des membres des régimes à l'égard des surplus actuariels (comme on le verra plus loin), mais les comptes de pension de retraite ne sont que des documents comptables. Ce ne sont pas des caisses et ils ne s'« apparente[nt] » pas à des fiducies, de sorte qu'il n'est pas possible d'emprunter à ces comptes.
[85] Par conséquent, les juridictions inférieures ont eu raison de rejeter la théorie de l'emprunt. Le juge Panet a conclu à bon droit que [ traduction ] « [e]n fait, il n'y a pas eu d'emprunt, et le gouvernement ne doit rien au compte de pension de retraite de chacun des régimes » (par. 222).
(3) Le mot « actif »
[86] Les appelants soulignent que les lois sur les pensions et la LRRPP emploient le mot « actif » en rapport avec les comptes de pension de retraite.
[87] La LPFP de 1954 exigeait la présentation d'un rapport renfermant « une estimation de la mesure où l'actif dudit compte suffit à couvrir le coût des prestations payables en vertu de la présente loi » (art. 33). La LRRPP énonce que le « ministre fait certifier l'actif d'un régime de pensions établi en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes , [. . .] la Loi sur la pension de la fonction publique [et] la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada [. . .] et exige qu'un rapport à ce sujet lui soit présenté » ( art. 8 ). Elle fait aussi mention de l'« actif à long terme » des régimes ( art. 7 ).
[88] Ces dispositions sont antérieures au projet de loi C‑78, qui a modifié les lois sur les pensions afin que la LRRPP y soit expressément mentionnée. Depuis le 14 septembre 1999, par exemple, la LPFP prévoit :
45. Un certificat de coût, un rapport d'évaluation actuarielle et un rapport sur l'actif relatifs à l'état du compte de pension de retraite et à la situation du Fonds de placement du compte de pension de retraite de la fonction publique et de la Caisse de retraite de la fonction publique doivent, conformément à la Loi sur les rapports relatifs aux pensions publiques , être préparés, déposés auprès du ministre désigné au titre de la même loi et déposés devant le Parlement.
[89] Selon les appelants, de telles mentions dans les textes de loi signifient que les comptes de pension de retraite contiennent des éléments d'actif, en ce sens qu'il y aurait dans ces comptes une chose de valeur dans lequel les membres des régimes pourraient avoir un intérêt en equity.
[90] Dans les lois sur les pensions et la LRRPP , le mot « actif », lorsqu'il est employé en liaison avec les comptes de pension de retraite, se rapporte selon moi aux soldes créditeurs des comptes. Comme je l'ai expliqué plus tôt, l'argent des contributions au titre des pensions était conservé dans le Trésor jusqu'au versement des prestations aux membres, et les comptes ne contenaient pas de créance sur le gouvernement. Les comptes de pension de retraite eux‑mêmes sont l'expression comptable des crédits et des débits. Avant le projet de loi C‑78, il n'existait dans les lois sur les pensions, ni dans d'autres lois, aucun mécanisme pourvoyant au versement de sommes dans une caisse de retraite distincte.
[91] Par conséquent, le mot « actif », dans les lois, ne peut pas signifier que les comptes de pension de retraite renferment quelque bien que ce soit dans lequel les membres des régimes pourraient avoir un intérêt. Je ne suis par contre pas d'accord avec la Cour d'appel lorsqu'elle avance que l'emploi du mot « actif » relève d'une [ traduction ] « rédaction approximative » (par. 49). Je suis plutôt d'avis que, dans les lois sur les pensions et la LRRPP , le mot « actif » est utilisé dans un autre sens : comme le juge Panet l'a indiqué au sujet des rapports actuariels périodiques soumis au Parlement, le terme « actif » renvoie aux soldes créditeurs des comptes de pension de retraite (par. 228). Selon moi, il en est de même pour les dispositions législatives. Il s'agit simplement d'une question de définition.
(4) Moyens extrinsèques
[92] Les appelants citent de nombreuses déclarations du gouvernement indiquant que les comptes de pension de retraite renferment des éléments d'actif. L'arrêt Schmidt est la décision qui fait autorité relativement à l'utilisation de tels écrits. Le juge Cory explique ce qui suit :
Les documents qui ne sont pas considérés normalement comme ayant un effet juridique peuvent néanmoins faire partie de la structure juridique dans laquelle les droits des employeurs et des employés cotisant à un régime de retraite doivent être déterminés. La question de savoir s'ils en font partie dépend du texte des documents, des circonstances dans lesquelles ils ont été rédigés et de l'incidence qu'ils ont eue sur les parties, particulièrement sur les employés. [p. 669]
[93] Dans Burke , toutefois, notre Cour a statué que, lorsque les dispositions pertinentes des régimes ne sont pas ambiguës, il n'est pas nécessaire de recourir à d'autres documents (dans cette affaire, des brochures de l'employeur au sujet du régime) comme outils d'interprétation.
[94] Les décisions Schmidt et Burke ont été rendues dans un contexte de droit privé. Les régimes en l'espèce étant d'origine législative, les éléments à considérer ne sont pas les mêmes. Plus précisément, il faut examiner le droit relatif à la preuve extrinsèque dans l'interprétation des lois.
[95] Comme notre Cour l'a répété dans Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex , 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, « [c]'est uniquement lorsque deux ou plusieurs interprétations plausibles, qui s'harmonisent chacune également avec l'intention du législateur, créent une ambiguïté véritable que les tribunaux doivent recourir à des moyens d'interprétation externes » (par. 29 (soulignement omis), citant CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général) , [1999] 1 R.C.S. 743, par. 14).
[96] J'ai conclu que les lois sur les pensions exigent que les comptes de pension de retraite servent de documents comptables pour le suivi des sommes qui sont déposées au Trésor ou en sont retirées au titre des pensions. Elles n'exigent pas qu'ils constituent des comptes distincts capitalisés dans lesquels des fonds sont effectivement versés ou prélevés; les lois n'exigent donc pas qu'ils contiennent des éléments d'actif. Le libellé des textes législatifs est très cohérent : le terme « actif » revêt simplement un sens particulier dans les lois, celui de solde créditeur des comptes. Toutefois, même en supposant qu'il convienne de recourir à des moyens extrinsèques, ceux‑ci ne seraient d'aucun secours aux appelants pour les raisons qui suivent.
[97] Les appelants ont soumis des documents qui ont été préparés des années après la création des comptes de pension de retraite. Ils n'ont pas cité de documents dont la date correspond ou est antérieure à celle de la création des comptes qui, comme nous l'avons vu, ont été maintenus par les lois sur les pensions actuellement en vigueur.
[98] Par conséquent, les documents soumis par les appelants exposent l'interprétation attribuée postérieurement par des gouvernements à des travaux parlementaires antérieurs ( États‑Unis d'Amérique c. Dynar , [1997] 2 R.C.S. 462, par. 45). Toutefois, comme l'ont écrit les juges Cory et Iacobucci en rapport avec l'évolution législative subséquente, « en matière d'interprétation de la loi, c'est le jugement des tribunaux, et non celui des législateurs, qui importe. Il appartient aux juges de déterminer quelle était l'intention du législateur qui a adopté la loi » (par. 45). La prudence s'impose donc à l'égard du recours aux nombreux documents gouvernementaux postérieurs cités par les appelants.
[99] Il faut en outre faire la distinction entre le législateur, qui a créé les comptes de pension de retraite, et l'exécutif, qui les administre. Bien qu'il ne soit pas impossible que des documents gouvernementaux puissent servir à l'interprétation de textes de loi, les propos de ministres ou de fonctionnaires subséquents ne sont guère utiles pour déterminer quelle était l'intention du législateur au sujet des comptes de pension de retraite.
[100] Les appelants se reportent à un débat parlementaire antérieur à l'édiction du projet de loi C‑78. Au mois de février 1992, le président du Conseil du Trésor a indiqué, au sujet du projet de loi C‑55, qu'il « prévoit notamment que la gestion de tous les régimes [de pension] devrait dorénavant être axée sur une capitalisation intégrale » ( Débats de la Chambre des communes , vol. VI, 3 e sess., 34 e lég., 24 février 1992, p. 7486). Il a ajouté que les lois sur les pensions seraient modifiées de façon à « consolider ainsi l'actif et le passif concernant chaque [secteur] » (p. 7486).
[101] Or, le projet de loi C‑55 a été adopté ( L.C. 1992, ch. 46 ), mais il n'a en rien modifié la nature de l'un ou l'autre des comptes de pension de retraite. Ces comptes ne contenaient pas d'éléments d'actif avant 1992, et la modification législative n'a rien changé à cela.
[102] L'idée que le projet de loi C‑55 a instauré la « capitalisation intégrale » des comptes de pension de retraite se trouve également dans un document de 1993, intitulé « Treasury Board Secretariat and Department of Finance Study of the Implications of the Current and Alternative Methods of Financing Federal Public Service Pensions ». Au sujet de la « capitalisation intégrale », ce document indique ce qui suit : [ traduction ] « Le projet de loi C‑55 modifie notamment les lois sur les pensions pour exiger qu'à compter du mois d'avril 1991, les régimes soient entièrement capitalisés; c'est‑à‑dire que le gouvernement fasse chaque mois des contributions qui, ajoutées à celles des employés et aux crédits d'intérêt, sont suffisantes pour financer le coût des prestations acquises relativement à ce mois » (d.a., vol. V, p. 221). En d'autres termes, la « capitalisation intégrale », dans ce contexte, renvoie aux contributions du gouvernement qui doivent être portées au crédit des comptes pour refléter le coût des prestations acquises chaque mois. Elle ne s'entend pas d'une caisse d'éléments d'actif identifiable, réservée pour couvrir les engagements du gouvernement au titre des pensions.
[103] Les appelants ont également produit un document du Conseil du Trésor daté du 18 octobre 1976, intitulé « Quelques données de base sur les pensions dans la fonction publique ». Le Conseil du Trésor a expressément nié que les régimes (sauf pour ce qui est de l'indexation des prestations) étaient financés « “au jour le jour” (pay as you go) ». Il a plutôt indiqué que « les pensions de base sont entièrement capitalisées dans un compte du gouvernement » (d.a., vol. V, p. 11). Le document sur les « données de base » explique ainsi ce que signifient des pensions « entièrement capitalisées » : « [c]ela veut dire que les pensions sont financées de façon telle que si on mettait subitement fin au régime, le compte pourrait, sans contributions additionnelles mais avec les intérêts éventuels, rencontrer les paiements de pension . . . » (d.a., vol. V, p. 10‑11).
[104] Une brochure non datée distribuée aux fonctionnaires fédéraux décrit également les comptes comme [ traduction] « entièrement capitalisés » (d.a., vol. V, p. 83). De plus, les termes « actif » et « assets », employés dans les versions française et anglaise des lois sur les pensions, figurent dans divers documents internes et externes (voir, p. ex., « Public Service Pensions », janvier 1970 (d.a., vol. V, p. 5)).
[105] Bien que le texte des documents gouvernementaux soumis par les appelants indique que les comptes contiennent des éléments d'actif, d'autres documents gouvernementaux, déposés par le gouvernement, étayent l'argument qu'ils n'en contiennent pas. Le vérificateur général a souvent exposé — dans ses observations officielles relatives aux Comptes publics — que les comptes de pension de retraite sont des « régimes non capitalisés, au sens où le gouvernement n'a pas mis de côté des actifs pour les pensions qu'il aura un jour à payer » (« Information supplémentaire : Observations du vérificateur général sur les états financiers du gouvernement du Canada et l'état des opérations du compte de service et de réduction de la dette », Comptes publics du Canada 1997 (1997), vol. I, 1.26, p. 1.29; voir aussi « Information supplémentaire : Observations du vérificateur général sur les états financiers du gouvernement du Canada, l'état exigé en vertu de la Loi limitant les dépenses publiques et l'état des opérations du compte de service et de réduction de la dette », Comptes publics du Canada 1996 (1996), vol. I, 1.25, p. 1.28) .
[106] Le rapport de consultation Towers Perrin, « Return Expectations for the Public Service Superannuation Fund », préparé à la demande du ministère des Finances et du Conseil du Trésor en 1993, explique que [ traduction ] « [s]'agissant de la CRFP [la Caisse de retraite de la fonction publique], le régime n'est pas « capitalisé » au sens où des fonds en fiducie seraient investis sur le marché externe, mais, sur les plans comptable et actuariel, il est traité comme si c'était le cas » (d.a., vol. V, p. 145 (je souligne)). Ce document décrit les régimes comme [ traduction ] « théoriquement capitalisés ».
[107] Je suis d'avis que, même si le recours à des moyens extrinsèques était approprié, les éléments de preuve extrinsèques ne sont pas concluants et ils ne nous éclairent pas sur l'intention que poursuivait le législateur en créant les comptes de pension de retraite. Je ne puis donc accorder beaucoup de poids aux documents présentés par les appelants à l'appui de leur argumentation. Il semble que des représentants du gouvernement aient parfois décrit les comptes de pension de retraite de façon inexacte dans des documents internes ou destinés au public.
(5) Conclusion sur la question de savoir si les comptes de pension de retraite contiennent des éléments d'actif
[108] Pour les motifs exposés précédemment, je souscris à l'opinion des juridictions inférieures selon laquelle les comptes de pension de retraite ne contiennent pas d'éléments d'actif — pas même les créances sur le gouvernement qu'ils sont censés contenir selon les appelants. Les lois sur les pensions ont établi ces comptes pour suivre les opérations effectuées dans le Trésor à l'égard des régimes et pour estimer les engagements du gouvernement envers les membres des régimes au titre des pensions. Il s'ensuit qu'il s'agit de documents comptables, et non de portefeuilles d'éléments d'actif capitalisés et distincts. Le mot « actif », employé dans les dispositions législatives à l'égard des comptes de pension de retraite, s'entend simplement du solde créditeur des comptes, et non d'une chose de valeur dans laquelle les appelants pourraient posséder un intérêt.
[109] C'est à bon droit que les juridictions inférieures ont rejeté la théorie selon laquelle le gouvernement avait emprunté aux comptes contre des promesses de remboursement (les éléments d'actif censés s'y trouver). Cette théorie ne cadre pas avec les dispositions législatives, car elle postule que le gouvernement était tenu de contribuer aux comptes en y plaçant des biens. Ces comptes n'étant que des documents comptables, cela aurait été impossible. Avant le 1 er avril 2000, les fonds réels liés au système de pension du gouvernement étaient indistinctement incorporés au Trésor, jusqu'au paiement — sur le Trésor — des prestations aux membres des régimes.
[110] J'ai conclu que les comptes de pension de retraite ne contiennent pas d'éléments d'actif. En conséquence, il n'existait aucun bien dans lequel les membres des régimes pouvaient avoir un intérêt en common law ou en equity. Et, même en supposant que les comptes contiennent des éléments d'actif , les appelants n'ont pas établi que les membres des régimes pouvaient revendiquer un intérêt propriétal dans les contributions qu'ils ont versées ou les crédits gouvernementaux prévus par les lois sur les pensions.
[111] Selon le sens ordinaire des lois sur les pensions, celles‑ci n'indiquent pas que les membres des régimes posséderaient un intérêt propriétal dans leurs contributions. Les fonctionnaires qui ont contribué aux régimes ne peuvent revendiquer aucun intérêt propriétal toujours existant dans ces montants. En contrepartie de leurs contributions, ils acquièrent le droit à des prestations futures, en fonction des années de service ouvrant droit à pension qu'ils accumulent. C'est là l'essence du régime de pension à prestations déterminées en cause.
[112] Les appelants soutiennent que les employés possèdent un intérêt dans leurs contributions et celles de l'employeur, ainsi que dans les intérêts qu'elles produisent, car ces sommes font partie de leur rémunération totale. Même en supposant qu'un tel intérêt existe à la date où les employés doivent toucher leur salaire, il ne saurait survivre à l'exigence établie dans les lois sur les pensions que ces contributions soient versées au Trésor et portées au crédit des comptes. En fait, les contributions représentent le « coût » assumé par les employés pour leur droit futur aux prestations déterminées prévues par la loi. Les lois sur les pensions n'établissent pas non plus que les employés ont un intérêt en equity dans les sommes portées au crédit des comptes. Elles confèrent uniquement un droit aux prestations déterminées qui y sont prévues.
B. Le gouvernement avait‑il une obligation fiduciaire envers les membres des régimes?
(1) Existait‑ il une relation fiduciaire entre le gouvernement et les membres des régimes?
[113] Les relations fiduciaires peuvent être soit des relations fiduciaires en soi, c'est‑à‑dire par nature, soit des relations fiduciaires ad hoc . Dans le premier cas, il s'agit de relations qui, en droit, sont présumées être des relations fiduciaires — et qualifiées ainsi ( Galambos c. Perez , 2009 CSC 48, [2009] 3 R.C.S. 247, par. 36‑37). Ces types de relations font naître des obligations fiduciaires « en raison de leur fin inhérente ou des particularités factuelles ou juridiques qui leur sont attribuées » (par. 36). L'existence d'une relation fiduciaire ad hoc , par contre, s'établit au cas par cas. Les relations fiduciaires par nature regroupent celles dont le caractère fiduciaire est « inhérent », alors que les relations fiduciaires ad hoc découlent des circonstances particulières propres à une relation donnée ( Galambos , par. 48).
[114] Les appelants soutiennent que la Cour d'appel a commis une erreur en ne concluant pas que le gouvernement, en agissant comme administrateur des régimes, exerçait des fonctions fiduciaires par nature. À titre subsidiaire, ils font valoir qu'elle aurait dû conclure à l'existence d'une relation fiduciaire ad hoc dans les circonstances : [ traduction] « le gouvernement s'était engagé à agir dans l'intérêt des membres des régimes à l'égard des contributions qu'ils versaient; les membres des régimes se trouvaient dans une situation de vulnérabilité dans leur rapport avec le gouvernement, qui jouissait d'un pouvoir discrétionnaire important; l'exercice du pouvoir discrétionnaire du gouvernement pouvait avoir des répercussions sur les intérêts des membres » (m.a., par. 67). Selon les appelants, la réception des prestations et l'assurance que leurs contributions étaient conservées pour servir aux fins des régimes faisaient partie de ces intérêts.
[115] Dans l'arrêt récent Alberta c. Elder Advocates of Alberta Society , 2011 CSC 24, [2011] 2 R.C.S. 261, la juge en chef McLachlin a fait l'énumération suivante des relations fiduciaires par nature : la relation entre le fiduciaire et le cestui que trust , l'exécuteur et le bénéficiaire, l'avocat et son client, le mandataire et le mandant, l'administrateur et la société, le tuteur et le pupille et le parent et l'enfant.
[116] La relation en cause en l'espèce ne fait partie d'aucune de ces catégories. La catégorie de relation qui s'en rapproche le plus (entre le fiduciaire et le cestui que trust ) ne peut être retenue parce que le gouvernement n'est pas un véritable fiduciaire en equity à l'égard de biens quelconques détenus en fiducie au profit des membres des régimes. Les appelants affirment toutefois que le gouvernement, en tant qu'administrateur des régimes, exerce des fonctions fiduciaires reconnues.
[117] Notre Cour a examiné la relation entre l'administrateur et les membres d'un régime de pension dans Burke et elle a conclu qu'elle présentait les caractéristiques d'une relation fiduciaire ad hoc .
[118] Cet arrêt ne fait toutefois autorité que pour les régimes du secteur privé. Les membres de régimes du secteur public ne se trouvent pas dans la même situation de vulnérabilité et ne sont pas exposés aux mêmes risques. Le gouvernement garantit les régimes qu'il a établis pour ses employés, et il n'est pas exposé aux mêmes risques de crédit que les entités privées. En outre, notre Cour a reconnu dans Elder Advocates que, bien que les exigences relatives à l'existence d'une relation fiduciaire ad hoc s'appliquent à la Couronne, « les caractéristiques précises des responsabilités et des fonctions du gouvernement signifient que le gouvernement aura des obligations fiduciaires seulement dans des circonstances restreintes et particulières » (par. 37). La juge en chef McLachlin a cité, à cet égard, le passage suivant des motifs que le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a rédigés pour la majorité dans Guerin c. La Reine , [1984] 2 R.C.S. 335, p. 385 :
Il nous faut remarquer que, de façon générale, il n'existe d'obligations de fiduciaire que dans le cas d'obligations prenant naissance dans un contexte de droit privé. Les obligations de droit public dont l'acquittement nécessite l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire ne créent normalement aucun rapport fiduciaire. Comme il se dégage d'ailleurs des décisions portant sur les « fiducies politiques », on ne prête pas généralement à Sa Majesté la qualité de fiduciaire lorsque celle‑ci exerce ses fonctions législatives ou administratives. [Soulignement ajouté par la juge en chef McLachlin; par. 37.]
[119] Le juge Binnie a exprimé un point de vue semblable, au nom de la Cour, dans Bande indienne Wewaykum c. Canada , 2002 CSC 79, [2002] 4 R.C.S. 245, par. 96 : « La Couronne ne saurait être un fiduciaire ordinaire; elle agit en plusieurs qualités et représente de nombreux intérêts, dont certains sont immanquablement opposés . . . » Ce principe dicte également que la Couronne ne saurait être présumée agir à titre fiduciaire du seul fait que son rôle s'apparente à celui d'une catégorie classique de fonctions fiduciaires.
[120] Il n'est pas nécessaire de déterminer quelle serait l'étendue précise d'une obligation fiduciaire susceptible d'exister entre le gouvernement, en qualité d'administrateur des régimes de pension, et les bénéficiaires des régimes, ni si leur relation emporte intrinsèquement certaines obligations fiduciaires. En effet, il est clair que le gouvernement n'avait aucune obligation fiduciaire envers les membres des régimes à l'égard des surplus actuariels, et le modèle fourni par les arrêts Frame c. Smith , [1987] 2 R.C.S. 99, et Elder Advocates pour établir l'existence d'obligations fiduciaires ad hoc le démontre.
[121] Les caractéristiques des relations dans lesquelles des obligations fiduciaires ont été imposées ont d'abord été définies dans l'opinion dissidente de la juge Wilson dans Frame , puis adoptées par la majorité de la Cour (voir, p. ex., Hodgkinson c. Simms , [1994] 3 R.C.S. 377) :
(1) le fiduciaire peut exercer un certain pouvoir discrétionnaire.
(2) le fiduciaire peut unilatéralement exercer ce pouvoir discrétionnaire de manière à avoir un effet sur les intérêts juridiques ou pratiques du bénéficiaire.
(3) le bénéficiaire est particulièrement vulnérable ou à la merci du fiduciaire qui détient le pouvoir discrétionnaire. [p. 136]
[122] Plus récemment, la juge en chef McLachlin a reconnu l'utilité de ces caractéristiques, dans Elder Advocates , mais elle a précisé qu'elles ne constituaient pas un code complet. Notre Cour a adopté les facteurs énumérés dans Hodgkinson , mais leur a ajouté une autre exigence, soit un engagement de la part du fiduciaire à agir au mieux des intérêts du bénéficiaire ou des bénéficiaires.
[123] En l'espèce, les juridictions inférieures ont toutes deux appliqué le test antérieur à l'arrêt Elder Advocates , puisqu'elles ont statué avant que celui‑ci soit rendu.
(2) Engagement à agir dans l'intérêt du présumé bénéficiaire
[124] Il est maintenant bien établi que l'engagement exprès ou implicite du fiduciaire à agir dans le respect d'un devoir de loyauté constitue un élément essentiel d'une relation fiduciaire ad hoc . Il est indispensable que le bénéficiaire présumé puisse démontrer que, relativement à l'intérêt particulier en jeu, le fiduciaire a renoncé aux intérêts de toute autre partie en faveur de ceux du bénéficiaire .
[125] Je ne vois rien dans les lois sur les pensions, la LGFP ou la LRRPP qui puisse étayer l'affirmation que le gouvernement s'est engagé à renoncer aux intérêts de toute autre partie (contribuables inclus) en faveur des membres des régimes relativement aux surplus actuariels — l'intérêt particulier en cause ici.
[126] Par contre, le projet de loi C‑78 renferme un engagement légal de l'Office d'investissement (l'administrateur des nouvelles caisses de retraite) à agir dans l'intérêt des contributeurs, mais uniquement à l'égard des contributions postérieures au 1 er avril 2000. L'alinéa 4(1) a ) du projet de loi C‑78 énonce que l'Office a pour mission « de gérer, dans l'intérêt des contributeurs et des bénéficiaires des régimes en cause, les sommes transférées ». Les lois sur les pensions ne comportent aucun énoncé analogue à l'égard des comptes de pension de retraite.
[127] Le commentaire formulé par la Juge en chef dans Elder Advocates , selon lequel la condition de l'engagement à agir dans l'intérêt du bénéficiaire fait généralement défaut lorsque l'exercice du pouvoir discrétionnaire du gouvernement est en cause, me confirme dans l'opinion qu'il n'y a pas d'engagement en l'espèce. Comme la Juge en chef l'a indiqué, au par. 44, l'engagement du gouvernement à faire preuve de loyauté envers le bénéficiaire
va naturellement à l'encontre de son obligation d'agir au mieux des intérêts de la société dans son ensemble et de répartir les ressources limitées entre les groupes opposés dont les demandes d'aide sont tout aussi valables : Sagharian (Litigation Guardian of) c. Ontario (Minister of Education) , 2008 ONCA 411, 172 C.R.R. (2d) 105, par. 47-49. Cela ne se produira que dans de rares circonstances. Vu la responsabilité générale de l'État d'agir dans l'intérêt public, son obligation de loyauté envers une personne ou un groupe en particulier ne sera démontrée que dans de rares cas : voir Harris c. Canada , 2001 CFPI 1408, [2002] 2 C.F. 484, par. 178.
Elle a ajouté : « S'il est allégué que l'engagement découle d'une loi, le libellé de la loi doit manifestement l'appuyer » (par. 45). Or, ce n'est pas le cas du libellé des lois sur les pensions. J'en conclurais donc à l'absence d'engagement à agir dans le respect d'un devoir de loyauté relativement aux surplus actuariels visés en l'espèce. En conséquence, il n'existe pas de relation fiduciaire entre le gouvernement et les membres des régimes. Par souci d'exhaustivité, j'examinerai les autres éléments du test applicable.
(3) Les membres des régimes étaient‑ils en situation de vulnérabilité par rapport à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du gouvernement ?
[128] Suivant Elder Advocates (par. 33), le deuxième élément d'une relation fiduciaire ad hoc est l'existence (1) d' une personne ou un groupe de personnes définies (c'est-à-dire le ou les bénéficiaires), qui sont (2) vulnérables par rapport au fiduciaire , (3) du fait que le fiduciaire exerce un pouvoir discrétionnaire sur eux .
[129] Il existe incontestablement en l'espèce un groupe de personnes définies pouvant être bénéficiaires dans le cadre de la relation fiduciaire alléguée. Il s'agit des employés, anciens et actuels, qui ont contribué ou contribuent aux régimes, ainsi que de leurs bénéficiaires. Il faut se demander si le gouvernement exerçait un pouvoir discrétionnaire sur ce groupe en rapport avec les comptes de pension de retraite. Après l'adoption du projet de loi C‑78, l'Office d'investissement et le Conseil du Trésor disposaient clairement de pouvoirs discrétionnaires en matière de gestion des nouvelles caisses de retraite, notamment celui d'établir (seulement depuis le 1 er janvier 2004) les taux de contribution des employés. Comme les appelants revendiquent un intérêt en equity dans les comptes de pension de retraite tels qu'ils existaient le 31 mars 2000, il faut établir si le gouvernement exerçait un pouvoir discrétionnaire à l'égard de l'administration de ces comptes avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-78 (le 1 er avril 2000).
[130] Si les lois sur les pensions constituaient un code exhaustif à l'égard des surplus actuariels, comme le juge de première instance l'a affirmé, alors le gouvernement n'aurait, sur ces surplus, aucun pouvoir discrétionnaire pouvant avoir un effet sur un intérêt éventuel quelconque des membres des régimes dans les surplus. Notre Cour a examiné la notion de « code exhaustif » dans Gladstone c. Canada (Procureur général) , 2005 CSC 21, [2005] 1 R.C.S. 325. Dans cette affaire, le ministère des Pêches et des Océans avait saisi puis vendu de la drogue que Donald et William Gladstone étaient accusés d'avoir tenté de vendre en contravention de la Loi sur les pêches , L.R.C. 1985, ch. F‑14 . Conformément à cette loi, le ministère avait versé le produit de la vente au Trésor. Par la suite, il y a eu arrêt des procédures contre les Gladstone, et le produit net de la vente leur a été versé, mais le procureur général a refusé de leur payer des intérêts.
[131] Notre Cour a conclu que la Loi sur les pêches constitue un « code exhaustif » en matière de restitution de biens saisis ( Gladstone , par. 9). Suivant le raisonnement du juge Major, cette loi « établit [. . .] un cadre exhaustif qui régit les questions soulevées par les saisies » (par. 10). Par conséquent, elle n'imposait pas à la Couronne d'obligation de payer des intérêts sur le produit de la vente de biens saisis.
[132] Je partage l'opinion de la juge Gillese selon laquelle, avant les modifications introduites le 1 er avril 2000 par le projet de loi C-78, les lois sur les pensions n'étaient pas des [ traduction ] « codes exhaustifs » au sens de Gladstone . Avant l'entrée en vigueur de ce projet de loi, les lois sur les pensions ne traitaient pas de la question du surplus des comptes de pension de retraite. Elles comportaient des dispositions régissant le traitement comptable des déficits, mais ne faisaient pas mention des surplus. C'est pourquoi l'on recourait à la LGFP — conférant au président du Conseil du Trésor et au ministre des Finances le pouvoir discrétionnaire d'inclure des comptes de redressement dans les Comptes publics — pour compléter les règles comptables établies par les lois sur les pensions ( LGFP , al. 64(2) d )). En raison de l'absence de disposition sur les surplus actuariels dans les lois sur les pensions, le gouvernement pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire d'amortir ces surplus. La juge Gillese a conclu à bon droit que les lois sur les pensions ne formaient pas un code exhaustif avant le 1 er avril 2000.
[133] Comme je l'ai expliqué, toutefois, le traitement comptable (l'amortissement) des surplus à l'égard desquels le gouvernement a exercé son pouvoir discrétionnaire n'a pas modifié le solde des comptes de pension de retraite; il n'a modifié que la présentation de la situation financière du gouvernement du Canada dans les Comptes publics.
[134] Avant le projet de loi C‑78, comme nous l'avons vu, le gouvernement exerçait un pouvoir discrétionnaire sur les surplus dans les Comptes publics. Le paragraphe 63(2) de la LGFP énonce que le receveur général « fait tenir des comptes retraçant les actifs, les passifs et les passifs éventuels de l'État, ainsi que les provisions constituées à cet égard, qui, selon le président du Conseil du Trésor et le ministre, sont nécessaires à une présentation fidèle de la situation financière du Canada ». De plus, l' al. 64(2) d ) de la LGFP prévoit que les Comptes publics comprennent « les autres comptes et renseignements relatifs à l'exercice que le président du Conseil du Trésor et le ministre jugent nécessaires à une présentation fidèle des opérations et de la situation financières du Canada ».
[135] Bien que la LGFP oblige le receveur général à présenter fidèlement la situation financière du Canada, le président du Conseil du Trésor et le ministre des Finances jouissent d'une certaine latitude relativement à l'établissement des comptes et redressements nécessaires. L'amortissement, qui s'accompagnait de la création des « provisions pour redressements au titre des régimes de retraite » en compensation des passifs surévalués (le surplus actuariel) des comptes de pension de retraite, peut être considéré comme un exemple de décision discrétionnaire prise pour parvenir à une présentation fidèle dans les Comptes publics.
[136] Avant le projet de loi C‑78, les surplus des comptes de pension de retraite demeuraient intacts. Ce n'est que lorsque le projet de loi C‑78 l'a exigé, après le 1 er avril 2000, que des inscriptions au débit ont été effectuées. Pendant la décennie 1990, l'amortissement ne figurait que dans les Comptes publics et visait à présenter fidèlement le véritable déficit ou surplus du Canada et sa dette nette. Il s'agissait d'une décision comptable, et non d'une décision portant sur la substance des droits ou intérêts des membres des régimes. Ainsi que l'expert comptable des appelants l'a déclaré en contre‑interrogatoire, la comptabilité ne définit pas la substance d'une opération.
[137] Je conviens que l'amortissement des surplus des comptes de pension de retraite, au cours des années 1990, a donné lieu à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire avait trait à la présentation des comptes publics et a été exercé à cette fin; il ne se rapportait pas à l'administration des pensions de retraite des membres. Le droit des membres aux prestations déterminées prévues par la loi est demeuré inchangé et a continué de relever de la prérogative du législateur, et non du pouvoir discrétionnaire du gouvernement. Par conséquent, le pouvoir discrétionnaire que le gouvernement a exercé relativement aux Comptes publics n'est pas pertinent quant à l'existence d'une obligation fiduciaire envers les membres des régimes. Je conclus que les appelants ne peuvent établir leur vulnérabilité par rapport à l'exercice du pouvoir discrétionnaire gouvernemental.
(4) Les membres des régimes avaient‑ils un intérêt juridique ou pratique important dans le surplus actuariel ?
[138] Pour établir l'existence d'une relation fiduciaire ad hoc , il faut que le prétendu bénéficiaire ait un « intérêt juridique ou un intérêt pratique essentiel identifiable [. . .] en jeu » ( Elder Advocates , par. 35) . Dans Elder Advocates , la Juge en chef a donné les exemples suivants d'intérêts suffisants : « . . . les droits de propriété, les intérêts analogues aux droits de propriété et les intérêts humains fondamentaux ou personnels du genre de ceux qui entrent en jeu lorsque l'État assume la tutelle d'un enfant ou d'une personne incapable » (par. 51). Dans certaines circonstances, il peut également s'agir d'un intérêt d'origine législative : « . . . une loi créant un droit absolu pourrait également donner naissance à une obligation fiduciaire de l'État relativement à l'administration de l'intérêt » (par. 51).
[139] Il découle de ma conclusion selon laquelle les comptes de pension de retraite ne contiennent pas d' éléments d'actif que l'amortissement des surplus n'a pas pu mettre en péril un intérêt quelconque, en common law ou en equity, des membres des régimes. Toutefois, la Cour d'appel a exprimé l'avis qu'un intérêt pratique essentiel des membres était en jeu. Selon elle, [ traduction ] « l'exercice du pouvoir discrétionnaire a créé une situation dans laquelle les employés ont dû contribuer davantage au coût des pensions » (par. 90).
[140] Bien que la Cour d'appel n'ait pas statué de façon définitive sur cette question, je suis d'avis que la preuve n'étayait pas sa perception de l'effet de l'exercice du pouvoir discrétionnaire sur les taux de contribution. Je ne puis souscrire à l'opinion que l'amortissement ou les débits portés aux comptes de pension de retraite ont fait augmenter les taux de contribution. Le gouvernement déclare qu'en 2006, le ministre a commencé à exercer le pouvoir discrétionnaire que lui avait conféré le projet de loi C-78 d'élever le taux de contribution des employés jusqu'à concurrence de 40 pour 100 du total des contributions exigées des employés et du gouvernement. Le gouvernement a indiqué à l'audience que, lors des débats parlementaires relatifs au projet de loi C‑78, il avait expliqué que ce pouvoir discrétionnaire serait conféré au ministre parce que le partage traditionnel 60/40 de la contribution du gouvernement et des membres des régimes était passé à 70/30 et devait atteindre 80/20 selon les projections. Le gouvernement voulait rétablir le partage traditionnel 60/40.
[141] Quoi qu'il en soit, la Juge en chef a expliqué, dans Elder Advocates , que l'intérêt en jeu doit être un intérêt de droit privé précis et que le droit en cause « ne doit pas dépendre d'une mesure ultérieure de l'État » (par. 51). Les employés fédéraux n'ont pas droit à un taux de contribution précis, que sa fixation relève du législateur (comme c'était le cas avant le 1 er janvier 2004) ou du Conseil du Trésor (depuis le 1 er janvier 2004). Les membres des régimes n'avaient pas d' intérêt de droit privé précis à des taux de cotisation déterminés, pouvant fonder une obligation fiduciaire.
(5) Conclusion relative à la relation fiduciaire
[142] Pour ces motifs, je suis d'avis qu'il n'existait pas de relation fiduciaire ad hoc entre le gouvernement et les membres des régimes à l'égard des surplus actuariels qu'affichaient les comptes de pension de retraite. Point plus important, le gouvernement ne s'est pas engagé, de façon expresse ni implicite, à agir dans l'intérêt des membres relativement aux surplus actuariels. Le devoir du gouvernement, en l'absence d'un tel engagement de loyauté envers ce groupe particulier, consistait à agir dans l'intérêt de la société en général, ce qui n'est pas compatible avec l'existence d'une obligation fiduciaire. De plus, bien que le gouvernement ait exercé un pouvoir discrétionnaire à l'égard du traitement comptable des surplus des comptes de pension de retraite, les membres des régimes n'étaient pas en position de vulnérabilité face à ce pouvoir et ils n'avaient aucun intérêt juridique ou pratique en jeu. L'amortissement avait pour effet de présenter avec plus d'exactitude à combien se chiffraient les engagements réels du Canada au titre des pensions, et non de modifier les droits conférés par la loi aux membres des régimes.
C. Une fiducie par interprétation devrait-elle être imposée relativement aux soldes des comptes de pension de retraite au 31 mars 2000?
(1) Obligation en equity
[143] Pour avoir gain de cause, les appelants doivent établir qu'ils ont un intérêt en equity dans le surplus actuariel des comptes de pension de retraite, étant donné que leur intérêt en common law se limite à leur droit aux prestations déterminées prévues par la loi. Ils ont abandonné, en appel, leur argument fondé sur la fiducie expresse et n'ont pas invoqué l'existence d'une fiducie par déduction. Par conséquent, le seul fondement sur lequel un « intérêt en equity » peut leur être reconnu dans les surplus actuariels est la fiducie par interprétation (m.a., par. 142).
[144] Depuis l'arrêt Soulos c. Korkontzilas , [1997] 2 R.C.S. 217, un tribunal peut imposer une fiducie par interprétation pour deux raisons : (1) le manquement à une obligation en equity et (2) l'enrichissement injustifié. Les appelants ont invoqué ces deux moyens en l'espèce.
[145] Dans Soulos , la juge McLachlin (plus tard Juge en chef) a écrit qu'une fiducie par interprétation « peut être imposée lorsque la conscience l'exige » (par. 34). Selon elle, la conscience peut l'exiger dans deux situations : (1) lorsqu'il y a acquisition irrégulière de biens par le défendeur (notamment par suite d'un manquement à une obligation fiduciaire ou à un devoir de loyauté) ou (2) lorsqu'il y a enrichissement injustifié du défendeur.
[146] S'agissant de la première situation, la juge McLachlin a indiqué que quatre conditions doivent généralement être réunies pour qu'on impose une fiducie par interprétation pour un comportement fautif :
(1) le défendeur doit avoir été assujetti à une obligation en equity , c'est‑à‑dire une obligation du type de celles dont les tribunaux d' equity ont assuré le respect, relativement aux actes qui ont conduit à la possession des biens;
(2) il faut démontrer que la possession des biens par le défendeur résulte des actes qu'il a ou est réputé avoir accomplis à titre de mandataire, en violation de l'obligation que l' equity lui imposait à l'égard du demandeur;
(3) le demandeur doit établir qu'il a un motif légitime de solliciter une réparation fondée sur la propriété, soit personnel soit lié à la nécessité de veiller à ce que d'autres personnes comme le défendeur s'acquittent de leurs obligations;
(4) il ne doit pas exister de facteurs qui rendraient injuste l'imposition d'une fiducie par interprétation eu égard à l'ensemble des circonstances de l'affaire; par exemple, les intérêts des créanciers intervenants doivent être protégés. [ Soulos , par. 45]
[147] J'ai conclu que le gouvernement n'avait aucune obligation fiduciaire en rapport avec l'administration des régimes, et les appelants n'ont pas invoqué de manquement à une autre obligation en equity du gouvernement envers les membres des régimes. La première condition du test élaboré dans Soulos faisant défaut, leur argument ne peut être retenu. Il faut en conséquence examiner l'autre fondement possible de la fiducie par interprétation : l'enrichissement injustifié.
(2) Enrichissement injustifié
[148] Comme notre Cour l'a indiqué dans Elder Advocates , le gouvernement peut être poursuivi pour enrichissement injustifié (dans la mesure où l'on ne demande pas la restitution de taxes perçues en vertu d'une loi ultra vires ).
[149] Pour établir l'enrichissement injustifié, le demandeur doit démontrer qu'il y a eu : (1) enrichissement du défendeur, (2) appauvrissement corrélatif du demandeur et (3) absence de tout motif juridique justifiant l'enrichissement ( Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville) , 2004 CSC 75, [2004] 3 R.C.S. 575 (« Pacific National »), par. 14). Lorsque ces conditions sont remplies, la fiducie par interprétation peut s'appliquer si (1) « le versement de dommages‑intérêts n'est pas suffisant » et (2) « il existe un lien entre la contribution à la base de l'action et le bien qui serait grevé d'une fiducie par interprétation » ( Peter c. Beblow , [1993] 1 R.C.S. 980, p. 988).
[150] Comme le juge Binnie l'a expliqué au par. 15 de Pacific National , « [l] 'enrichissement peut “connote[r] un avantage tangible” [. . .] ou être “négatif”, par exemple en épargnant au défendeur une dépense à laquelle il aurait été tenu » (italiques dans l'original).
[151] Depuis l'arrêt Peter c. Beblow de notre Cour, l'enrichissement doit correspondre à un appauvrissement du demandeur. Bien que l'on considère généralement que le test applicable comporte trois éléments, il faut reconnaître que les éléments d'enrichissement et d'appauvrissement rendent compte du même phénomène, mais sous des angles différents. Se reportant aux motifs du juge en chef Dickson dans Sorochan c. Sorochan , [1986] 2 R.C.S. 38, le juge Cory a indiqué, dans les motifs concourants qu'il a rédigés dans l'affaire Peter c. Beblow , au par. 1012, que l'enrichissement et l'appauvrissement sont « essentiellement comme les deux côtés d'une pièce de monnaie ».
[152] Bien comprise, l'« analyse économique simple » décrite dans Pacific National en matière d'enrichissement et d'appauvrissement suppose un transfert de richesse du demandeur vers le défendeur (par. 20). Comme cette doctrine vise l'annulation des transferts injustifiés, il faut d'abord établir s'il y a eu transport de richesse du demandeur au défendeur.
[153] Par conséquent, la première question qui se pose en l'espèce n'est pas de savoir si l'amortissement ou le retrait des surplus des comptes de pension de retraite a enrichi le gouvernement ou lui a procuré un quelconque avantage, mais bien s'il a eu cet effet au détriment des appelants. Même s'il pouvait être démontré que le gouvernement a tiré un avantage de la réduction des obligations financières déclarées du Canada, les appelants ne peuvent en tirer argument que si cet avantage correspond à une perte qu'ils ont subie.
[154] Les comptes de pension de retraite étant de simples documents comptables qui ne contiennent pas d' éléments d'actif dans lesquels les appelants pourraient avoir un intérêt, ni (1) la décision prise par le gouvernement avant le 1 er avril 2000 d'amortir les surplus à des fins comptables en vertu de la LGFP ni (2) la décision du législateur d'édicter le projet de loi C-78 exigeant qu'une partie des surplus soit portée au débit des comptes ne peuvent donner lieu à un enrichissement et à un appauvrissement corrélatif.
[155] La Cour d'appel a conclu qu'il n'y avait pas eu d'enrichissement parce que [ traduction ] « quel qu'ait été l'avantage découlant de ces actions, il a profité à l'ensemble des contribuables canadiens » (par. 106). Je ne pense pas que la question se pose en ces termes. Il faut se demander si l'enrichissement et l'appauvrissement corrélatif procèdent d'un transfert de richesse du demandeur au défendeur. Le fait que le défendeur soit un organisme public est sans rapport avec l'existence d'un tel transfert de richesse. En fait, appliquer ce raisonnement aurait pour effet de mettre le gouvernement à l'abri de toute action pour enrichissement injustifié.
[156] Selon la Cour d'appel, il pouvait y avoir eu appauvrissement, car les actes du gouvernement [ traduction ] « ont causé préjudice aux membres des régimes ne serait‑ce que parce qu'ils ont apparemment entraîné des augmentations de leur taux de contribution » (par. 107). Comme je l'ai indiqué à l'égard de la question relative à la présence d'éléments d'actif dans les comptes de pension de retraite, la preuve n'étaye pas l'existence d'un tel appauvrissement.
[157] Au surplus, si appauvrissement il y avait du fait de l'augmentation du taux de contribution, l'enrichissement corrélatif ne pourrait être constitué que des retenues supplémentaires sur le salaire consécutives à cette hausse, et non du montant des surplus amortis et retirés. Les appelants ont cependant demandé un jugement déclaratoire portant qu'ils possèdent un intérêt en equity sur les soldes des comptes de pension de retraite au 31 mars 2000, et non la restitution des contributions accrues qu'ils ont versées après l'entrée en vigueur du projet de loi C‑78. Par conséquent, s'agissant de l'argument de l'appauvrissement causé par l'augmentation des taux de contribution, il n'existe pas de lien entre l'appauvrissement allégué et le droit de propriété qu'ils revendiquent, soit la restitution des surplus amortis et portés au débit.
[158] Je conclus à l'absence d'enrichissement et d'appauvrissement corrélatif, et j'estime que les appelants n'ont pas fait la preuve prima facie qu'il y avait eu enrichissement injustifié. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner le troisième volet du test, soit l'absence de motif juridique justifiant l'enrichissement.
D. Le projet de loi C-78 autorisait-il le gouvernement à porter les surplus actuariels au débit des comptes de pension de retraite?
[159] Les juridictions inférieures ont statué que le projet de loi C‑78 avait éteint tout intérêt que les membres des régimes pouvaient posséder sur les soldes et les surplus des comptes de pension de retraite. Les appelants soutiennent que ce projet de loi n'exprime pas d'intention explicite du législateur d'exproprier leur intérêt, invoquant à cet égard la présomption, en matière d'interprétation législative, suivant laquelle il ne saurait y avoir expropriation sans indemnisation (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5 e éd. 2008), p. 478‑482).
[160] Dans Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville) , 2000 CSC 64, [2000] 2 R.C.S. 919, notre Cour a confirmé le principe voulant que « l'on interprète avec prudence une mesure législative potentiellement spoliatrice afin d'éviter que des individus ne soient dépouillés de leurs droits en l'absence d'une intention claire en ce sens dans la mesure législative en cause » (par. 26). Pour confisquer un intérêt, il faut que le législateur « exprime très clairement » son intention d'« opérer une expropriation sans indemnité ou une confiscation » (par. 26).
[161] J'ai conclu que les juridictions inférieures n'ont pas commis d'erreur en statuant que les membres des régimes n'avaient pas d'intérêt en equity dans les surplus des comptes de pension de retraite. Il s'ensuit que le projet de loi C-78 ne peut avoir exproprié les membres d'un bien. Je conclus en outre, comme les juridictions inférieures, que les par. 44(9) à (13) de la LPFP établissent de façon non équivoque que le ministre peut porter un surplus actuariel au débit des comptes et qu'il doit porter au débit tout montant dépassant 110 pour 100 du passif estimatif au titre des pensions.
[162] En outre, il est « très clair » que le législateur ne prévoyait pas que ces débits, qu'ils constituent ou non une expropriation, donnent lieu au versement d'une indemnité aux membres des régimes. Il serait absurde de considérer que le projet de loi C-78 exige que le gouvernement porte les sommes excédentaires au débit des comptes et lui impose ensuite de verser une indemnité aux membres des régimes pour les montants ainsi débités. Une telle interprétation convertirait les dispositions pertinentes du projet de loi C‑78 en un mécanisme de distribution — pourvoyant à la réduction des surplus et à une forme d'indemnisation des membres des régimes pour remplacer les surplus — alors que cela n'était clairement pas l'intention du législateur. Si les par. 44(9) à (13) ont une portée spoliatrice, alors il y avait intention de confisquer sans indemnité.
[163] Les modifications correspondantes apportées à la LPRFC ( par. 55(9) à (13) ) et à la LPRGRC ( par. 29(9) à (13) ) vont dans le même sens et sont tout aussi claires.
VI. Conclusion
[164] Les comptes de pension de retraite sont des livres comptables prescrits par la loi, et ils ne contiennent pas d'éléments d'actif dans lesquels les appelants posséderaient un intérêt en common law ou en equity. L'intérêt des membres des régimes n'allait pas au‑delà de leur droit aux prestations déterminées prévues par les régimes. Le gouvernement n'avait aucune obligation fiduciaire envers les membres des régimes, et il ne s'est pas non plus enrichi de façon injustifiée en amortissant et retirant les surplus. Enfin, les membres des régimes ne possédaient pas, dans les surplus qu'affichaient les comptes de pension de retraite, d'intérêt en common law ou en equity pouvant être exproprié par le projet de loi C‑78.
[165] Je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
ANNEXE
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique , L.C. 2003, ch. 22
2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
. . .
« fonctionnaire » Sauf à la partie 2, personne employée dans la fonction publique, à l'exclusion de toute personne :
a ) nommée par le gouverneur en conseil, en vertu d'une loi fédérale, à un poste prévu par cette loi;
b ) recrutée sur place à l'étranger;
c ) qui n'est pas ordinairement astreinte à travailler plus du tiers du temps normalement exigé des personnes exécutant des tâches semblables;
d ) qui est membre ou gendarme auxiliaire de la Gendarmerie royale du Canada, ou y est employée sensiblement aux mêmes conditions que ses membres;
e ) employée par le Service canadien du renseignement de sécurité et n'exerçant pas des fonctions de commis ou de secrétaire;
f ) employée à titre occasionnel;
g ) employée pour une durée déterminée de moins de trois mois ou ayant travaillé à ce titre pendant moins de trois mois;
h ) employée par la Commission;
i ) occupant un poste de direction ou de confiance;
j ) employée dans le cadre d'un programme désigné par l'employeur comme un programme d'embauche des étudiants.
« fonction publique » Sauf à la partie 3, l'ensemble des postes qui sont compris dans les entités ci-après ou qui en relèvent :
a ) les ministères figurant à l'annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques ;
b ) les autres secteurs de l'administration publique fédérale figurant à l'annexe IV de cette loi;
c ) les organismes distincts figurant à l'annexe V de la même loi.
. . .
113. La convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir :
a ) une condition d'emploi de manière que cela nécessiterait l'adoption ou la modification d'une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;
b ) une condition d'emploi qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique , la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État .
Loi sur la pension de la fonction publique , L.R.C. 1985, ch. P-36
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, une pension ou autre prestation spécifiée dans la présente partie doit être versée à toute personne qui, étant tenue de contribuer au compte de pension de retraite ou à la Caisse de retraite de la fonction publique d'après la présente partie, décède ou cesse d'être employée dans la fonction publique, ou relativement à cette personne; sous réserve des autres dispositions de la présente partie, cette pension ou prestation est basée sur le nombre d'années de service ouvrant droit à pension au crédit de cette personne.
(2) Le Compte de pension, ouvert parmi les comptes du Canada selon la Loi sur la pension de retraite , est maintenu sous le nom de compte de pension de retraite.
. . .
43. (1) Tous les montants nécessaires au paiement des prestations que prévoient la présente partie et la partie III doivent être payés sur le compte de pension de retraite si elles sont payables en ce qui touche le service ouvrant droit à pension qui est au crédit du contributeur avant le 1 er avril 2000.
(2) Les montants déposés auprès du Fonds de placement du compte de pension de retraite de la fonction publique au titre du paragraphe 44.1(2) sont transférés à l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, au sens de la Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public , pour être gérés conformément à cette loi.
(3) Si les montants portés au crédit du compte de pension de retraite ne permettent pas de payer les prestations visées au paragraphe (1), les montants nécessaires au paiement de celles‑ci doivent être portés au débit du Fonds de placement du compte de pension de retraite de la fonction publique et payés sur l'actif de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public.
44. (1) Lors de chaque exercice, sont portés au crédit du compte de pension de retraite :
a ) [Abrogé, 1999, ch. 34, art. 95]
b ) pour chaque mois, le montant que le ministre détermine en fonction de la somme globale versée au compte pendant le mois précédent sous forme de contributions à l'égard d'un service passé;
c ) le montant qui représente l'intérêt sur le solde figurant au crédit du compte, calculé de la manière et selon les taux et porté au crédit aux moments fixés par règlements. Toutefois, le taux applicable à un trimestre donné au cours d'un exercice doit être au moins égal à celui qui serait obtenu pour le même trimestre par la méthode de calcul prévue à l'article 46 du Règlement sur la pension de la fonction publique , dans sa version du 31 mars 1991.
(2) à (5) [Abrogés, 1999, ch. 34, art. 95]
(6) À la suite du dépôt au Parlement du rapport d'évaluation actuarielle visé à l'article 45 concernant l'état du compte de pension de retraite et la situation du Fonds de placement du compte de pension de retraite de la fonction publique, est porté au crédit du compte, selon les modalités de temps et autres prévues au paragraphe (7), le montant que, de l'avis du ministre, il faudra ajouter, à la fin du quinzième exercice suivant le dépôt du rapport ou de la période plus courte que détermine le ministre, au solde créditeur que devrait alors, suivant l'estimation de celui‑ci, avoir le compte et le fonds pour couvrir le coût des prestations payables en application de la présente partie et de la partie III au titre du service ouvrant droit à pension qui est au crédit des contributeurs avant le 1 er avril 2000.
(7) Sous réserve du paragraphe (8), le montant qu'il faudra ajouter au solde créditeur du compte de pension de retraite, en application du paragraphe (6), est porté au crédit du compte par versements annuels égaux échelonnés sur une période de quinze ans ou sur la période plus courte que détermine le ministre, le premier versement devant être porté au crédit du compte au cours de l'exercice où le rapport d'évaluation actuarielle est déposé au Parlement.
(8) Lorsqu'un nouveau rapport d'évaluation actuarielle est déposé au Parlement avant la fin de la période applicable aux termes du paragraphe (7), les versements qui restaient à effectuer au cours de cette période peuvent être ajustés compte tenu du montant que le ministre estime, à la date du dépôt de ce rapport, être celui qu'il faudra ajouter au solde créditeur que, suivant l'estimation de celui‑ci, devrait avoir le compte de pension de retraite et le Fonds de placement du compte de pension de retraite de la fonction publique à la fin de cette période pour couvrir le coût des prestations payables en application de la présente partie et de la partie III au titre du service ouvrant droit à pension qui est au crédit des contributeurs avant le 1 er avril 2000.
(9) À la suite du dépôt au Parlement du rapport d'évaluation actuarielle visé à l'article 45 concernant l'état du compte de pension de retraite et la situation du Fonds de placement du compte de pension de retraite de la fonction publique, peut être porté au débit du compte, selon les modalités de temps et autres prévues au paragraphe (11), le montant qui, de l'avis du ministre, dépasse le montant devant, à son avis — fondé sur le rapport —, être au crédit du compte et du fonds, à la fin du quinzième exercice suivant le dépôt du rapport ou de la période plus courte qu'il détermine, pour couvrir le coût des prestations payables en application de la présente partie et de la partie III au titre du service ouvrant droit à pension qui est au crédit des contributeurs avant le 1 er avril 2000.
(10) Si le montant total au crédit du compte et du fonds visés au paragraphe (9) dépasse, à la suite du dépôt du rapport, le montant maximum visé au paragraphe (13), le montant est porté au débit du compte selon les modalités de temps et autres prévues au paragraphe (11).
(11) Sous réserve du paragraphe (12), le montant pouvant être porté au débit du compte en application du paragraphe (9) et celui devant l'être en application du paragraphe (10) sont prélevés annuellement sur une période de quinze ans ou sur la période plus courte que détermine le ministre, le premier prélèvement devant être effectué au cours de l'exercice où le rapport d'évaluation actuarielle est déposé au Parlement.
(12) Lorsqu'un nouveau rapport d'évaluation actuarielle est déposé au Parlement avant la fin de la période applicable aux termes du paragraphe (11), les prélèvements restant à effectuer au cours de cette période peuvent être ajustés compte tenu du montant que le ministre estime, à la date du dépôt de ce rapport, être celui qu'il faudra ajouter au solde créditeur que, suivant l'estimation de celui‑ci, devrait avoir le compte de pension de retraite et le Fonds de placement du compte de pension de retraite de la fonction publique à la fin de cette période pour couvrir le coût des prestations payables en application de la présente partie et de la partie III au titre du service ouvrant droit à pension qui est au crédit des contributeurs avant le 1 er avril 2000.
(13) À la fin de la période, le montant total au crédit du compte de pension de retraite et du Fonds de placement du compte de pension de retraite de la fonction publique ne peut dépasser cent dix pour cent du montant que le ministre estime nécessaire pour couvrir le coût des prestations payables en application de la présente partie et de la partie III au titre du service ouvrant droit à pension qui est au crédit des contributeurs avant le 1 er avril 2000.
(14) Les coûts liés à l'application de la présente loi en ce qui touche les prestations payables en application de celle‑ci au titre du service ouvrant droit à pension qui est au crédit des contributeurs avant le 1 er avril 2000 sont payés sur le compte de pension de retraite. Ces coûts sont fixés par le Conseil du Trésor.
Loi sur l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public , L.C. 1999, ch. 34
4. (1) L'Office a pour mission :
a ) de gérer, dans l'intérêt des contributeurs et des bénéficiaires des régimes en cause, les sommes transférées en application des paragraphes 54(2) et 55.2(5) et de l' article 59.4 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes , des paragraphes 43(2) et 44.2(5) de la Loi sur la pension de la fonction publique et des paragraphes 28(2) et 29.2(5) de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada ;
b ) de placer son actif en vue d'un rendement maximal tout en évitant des risques de perte indus et compte tenu du financement et des principes et exigences des régimes ainsi que de l'aptitude de ceux‑ci à s'acquitter de leurs obligations financières.
(2) Les coûts liés à la gestion de l'Office sont payés sur les fonds.
(3) Le ministre détermine sur quels fonds les coûts sont payés. Aucune somme ne peut être payée en ce qui touche la Caisse de retraite des Forces canadiennes, le Fonds de placement du compte de pension de retraite des Forces canadiennes et, si des règlements sont pris en vertu de l' article 59.1 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes , en ce qui touche le fonds visé à l'article 59.3 de cette loi sauf après consultation du ministre de la Défense nationale et, en ce qui touche la Caisse de retraite de la Gendarmerie royale du Canada et le Fonds de placement du compte de pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, sauf après consultation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Loi sur les rapports relatifs aux pensions publiques , L.R.C. 1985, ch. 13 (2 e suppl .)
7. Lorsque la révision d'un régime de pensions se fait selon des hypothèses ou des méthodes actuarielles différentes de celles utilisées pour la dernière révision pour laquelle le certificat visé à l' article 5 a été présenté et que ces hypothèses ou méthodes différentes entraînent :
a ) soit une diminution du passif actuariel à long terme non capitalisé mais non un excédent de l'actif à long terme sur le passif actuariel à long terme, les paiements spéciaux restants sont recalculés en multipliant chacun des montants par un coefficient, ayant pour numérateur le passif actuariel à long terme non capitalisé et, pour dénominateur, la somme des valeurs actuelles des paiements spéciaux déjà déterminés lorsqu'elles sont calculées d'après les hypothèses actuarielles utilisées lors de la révision actuelle;
b ) soit un excédent de l'actif à long terme sur le passif actuariel à long terme, le rapport d'évaluation visé à l'article 6 comprend une déclaration quant à la méthode, s'il y a lieu, proposée pour l'élimination de cet excédent.
8. (1) Le ministre fait certifier l'actif d'un régime de pensions établi en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes , [. . .] la Loi sur la pension de la fonction publique [et] la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada [. . .] et exige qu'un rapport à ce sujet lui soit présenté en même temps que le certificat de coût présenté conformément au paragraphe 5(1) .
(2) La certification et le rapport sur l'actif visés au paragraphe (1) sont faits par le contrôleur général du Canada.
9. (1) Le ministre dépose au Parlement tout certificat de coût, rapport d'évaluation ou rapport sur l'actif qui lui est présenté en vertu de la présente loi, dans les trente jours de séance suivant leur présentation ou, si le Parlement ne siège pas, dans les trente premiers jours de séance ultérieurs.
Loi sur la gestion des finances publiques , L.R.C. 1985, ch. F-11
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
. . .
« effet de commerce » Titre négociable, notamment chèque, chèque de voyage, traite, lettre de change ou titre de versement postal.
. . .
« fonds » Sommes d'argent; y sont assimilés les effets de commerce.
« fonds publics » Fonds appartenant au Canada, perçus ou reçus par le receveur général ou un autre fonctionnaire public agissant en sa qualité officielle ou toute autre personne autorisée à en percevoir ou recevoir. La présente définition vise notamment :
a ) les recettes de l'État;
b ) les emprunts effectués par le Canada ou les produits de l'émission ou de la vente de titres;
c ) les fonds perçus ou reçus pour le compte du Canada ou en son nom;
d ) les fonds perçus ou reçus par un fonctionnaire public sous le régime d'un traité, d'une loi, d'une fiducie, d'un contrat ou d'un engagement et affectés à une fin particulière précisée dans l'acte en question ou conformément à celui-ci.
. . .
« Trésor » Le total des fonds publics en dépôt au crédit du receveur général.
. . .
17. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les fonds publics sont déposés au crédit du receveur général.
(2) Le receveur général peut, pour le dépôt des fonds publics, ouvrir, sous son nom, des comptes auprès :
a ) d'une institution membre de l'Association canadienne des paiements;
b ) d'une société coopérative de crédit locale membre d'une société coopérative de crédit centrale qui est membre de l'Association canadienne des paiements;
c ) d'un agent financier désigné par le ministre;
d ) d'un établissement financier de l'étranger désigné par le ministre.
. . .
(4) Sous réserve des règlements pris au titre du paragraphe (5), tout percepteur, gestionnaire ou receveur de fonds publics verse ceux‑ci au crédit du receveur général.
. . .
63. (1) Sous réserve des règlements du Conseil du Trésor, le receveur général fait tenir des comptes retraçant :
a ) les dépenses effectuées au titre de chaque crédit;
b ) les recettes de l'État;
c ) les autres entrées et sorties de fonds du Trésor.
(2) Le receveur général fait tenir des comptes retraçant les actifs, les passifs et les passifs éventuels de l'État, ainsi que les provisions constituées à cet égard, qui, selon le président du Conseil du Trésor et le ministre, sont nécessaires à une présentation fidèle de la situation financière du Canada.
(3) Les comptes du Canada sont tenus en monnaie canadienne.
64. (1) Le receveur général établit pour chaque exercice un rapport intitulé « Comptes publics »; ce rapport est déposé devant la Chambre des communes par le président du Conseil du Trésor au plus tard le 31 décembre suivant la fin de l'exercice ou, si la chambre ne siège pas, dans les quinze premiers jours de séance ultérieurs.
(2) Les Comptes publics, à présenter en la forme fixée par le président du Conseil du Trésor et le ministre, comportent les éléments suivants :
a ) des états portant sur :
(i) les opérations financières de l'exercice,
(ii) les dépenses et les recettes de l'État pour l'exercice,
(iii) les actifs et les passifs de l'État qui, selon le président du Conseil du Trésor et le ministre, sont nécessaires à la présentation de la situation financière du Canada à la fin de l'exercice;
b ) les passifs éventuels de l'État;
c ) l'avis du vérificateur général donné en application de l'article 6 de la Loi sur le vérificateur général ;
d ) les autres comptes et renseignements relatifs à l'exercice que le président du Conseil du Trésor et le ministre jugent nécessaires à une présentation fidèle des opérations et de la situation financières du Canada ou à faire figurer aux termes de la présente loi ou d'une autre loi fédérale.
Pourvoi rejeté avec dépens.
Procureurs des appelants l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada et autres : Cavalluzzo Hayes Shilton McIntyre & Cornish, Toronto.
Procureurs des appelantes l'Alliance de la Fonction publique du Canada, l'Association canadienne des pensionnés et rentiers militaires et autres : Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck, Ottawa.
Procureur de l'intimé : Procureur général du Canada, Toronto.
Procureur de l'intervenant : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.


Synthèse
Référence neutre : 2012 CSC 71 ?
Date de la décision : 19/12/2012
Proposition de citation de la décision: Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2014
Fonds documentaire ?: Lexum
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2012-12-19;2012.csc.71 ?

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