COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. J.H.S., [2008] 2 R.C.S. 152, 2008 CSC 30
Date : 20080529
Dossier : 31897
Entre :
Sa Majesté la Reine
Appelante
et
J.H.S.
Intimé
Traduction française officielle
Coram : Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron
Motifs de jugement :
(par. 1 à 18)
Le juge Binnie (avec l’accord des juges Bastarache, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron)
______________________________
R. c. J.H.S., [2008] 2 R.C.S. 152, 2008 CSC 30
Sa Majesté la Reine Appelante
c.
J.H.S. Intimé
Répertorié : R. c. J.H.S.
Référence neutre : 2008 CSC 30.
No du greffe : 31897.
2008 : 25 janvier; 2008 : 29 mai.
Présents : Les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron.
en appel de la cour d’appel de la nouvelle‑écosse
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse (les juges Saunders, Oland et Fichaud) (2007), 250 N.S.R. (2d) 360, 217 C.C.C. (3d) 52, 44 C.R. (6th) 302, [2007] N.S.J. No. 37 (QL), 2007 CarswellNS 40, 2007 NSCA 12, annulant la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle prononcée contre l’accusé. Pourvoi accueilli.
Daniel A. MacRury, c.r., pour l’appelante.
Joel E. Pink, c.r., pour l’intimé.
Version française du jugement de la Cour rendu par
Le juge Binnie —
[1] Le ministère public interjette appel de la décision de la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse d’annuler la déclaration de culpabilité de l’intimé pour agression sexuelle à l’endroit de sa belle‑fille. La plaignante et l’accusé ont été les principaux témoins. Les juges de la majorité en Cour d’appel ont conclu que la juge du procès n’avait pas fait un exposé suffisamment détaillé aux jurés quant à l’obligation qui leur incombait — même s’ils ne croyaient pas l’accusé — de déterminer si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, le ministère public avait prouvé tous les éléments de l’accusation selon la norme de preuve applicable en matière criminelle. Autrement dit, les juges de la majorité ont conclu que le jury n’avait pas été clairement avisé, comme l’exige R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742, que le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à la preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Le juge Saunders, dissident en Cour d’appel, était plutôt d’avis que l’exposé au jury à cet égard ne laissait place à aucune interprétation erronée quant au fardeau de la preuve et à la norme applicable. C’est là le point essentiel. Je suis d’accord avec lui et je suis d’avis d’accueillir le pourvoi.
I. Les faits
[2] L’intimé était le beau‑père de la plaignante. Selon le témoignage de cette dernière, qui vivait avec sa sœur et sa mère sous le même toit que l’intimé, celui‑ci a commencé à l’agresser sexuellement lorsqu’elle était âgée d’environ quatre ans. Il l’agressait régulièrement et il est passé des attouchements aux relations sexuelles complètes au fur et à mesure qu’elle vieillissait (d.a., p. 142‑145). Lorsqu’elle était âgée de huit ans et demi, puis à nouveau lorsqu’elle était âgée de près de 15 ans, la plaignante a parlé à sa mère des agressions. Celle‑ci ne l’a pas crue, ni la première, ni la deuxième fois, du moins initialement. Plus tard, la mère a chassé l’intimé de la maison. À l’âge de 15 ans, la plaignante a communiqué avec les policiers pour leur raconter les faits.
[3] Selon le témoignage de la mère de la plaignante, lorsque sa fille était âgée d’environ 13 ans, elle a commencé à fréquenter un groupe de voyous qui entraient par effraction dans des maisons et saccageaient des boîtes aux lettres. Elle fumait, buvait, avait beaucoup de problèmes avec ses professeurs et la direction de son école et elle se rebellait à propos de tout. Selon sa sœur, en vieillissant, la plaignante qui était une [traduction] « bonne petite pomme » est devenue une « pomme pourrie » (d.a., p. 358). Toujours selon sa sœur, la plaignante et sa mère avaient une relation « très tendue » et la vie en leur compagnie était « complètement chaotique » (d.a., p. 362).
[4] L’accusé a nié toutes les allégations d’actes répréhensibles. Selon la défense, la plaignante a commencé à faire des siennes au moment où son père biologique a réapparu dans sa vie lorsqu’elle avait environ 11 ans. Peu de temps après, il a de nouveau coupé les ponts avec elle. La plaignante s’est alors sentie rejetée. Incapable de contrôler le comportement de la plaignante, l’intimé l’a menacée de l’envoyer à l’école catholique, ce qui, selon la défense, l’aurait poussée à faire les fausses allégations d’agression sexuelle (d.a., p. 126‑127).
II. Historique des procédures judiciaires
A. Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse — La juge Robertson
[5] L’intimé a subi un procès devant une juge et un jury pour agression sexuelle en vertu de l’al. 271(1)a) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46. En première instance, le litige portait sur la question de savoir si les événements allégués se sont effectivement produits. La juge du procès a donné les directives suivantes au jury concernant la crédibilité :
[traduction] Maintenant, je vais vous parler de la crédibilité des témoins. Pour prendre votre décision, vous devez examiner attentivement, et avec l’esprit ouvert, tous les éléments de preuve présentés durant le procès. C’est à vous qu’il reviendra de décider jusqu’à quel point vous accorderez foi ou non aux déclarations de tous les témoins et jusqu’à quel point vous vous fonderez sur elles. Vous pouvez en croire une partie, la totalité ou n’en rien croire. [d.a., p. 45]
La juge du procès a aussi donné les directives suivantes au jury concernant plus particulièrement la crédibilité de l’intimé :
[traduction] Veuillez vous souvenir que vous n’êtes pas obligés d’accepter ou de rejeter intégralement le témoignage d’un témoin, notamment [de l’accusé] [. . .] C’est à vous de décider si vous acceptez intégralement son témoignage . . . [d.a., p. 53]
[6] Les jurés ont été expressément informés du fait que le procès ne consiste pas à faire un choix entre deux versions contradictoires des événements :
[traduction] En l’espèce, la vraie question en litige est celle de savoir si les événements allégués se sont réellement produits. Le ministère public a le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable que les événements allégués se sont effectivement produits. Ce n’est pas à [l’accusé] de prouver que ces événements ne se sont jamais produits. Si vous avez un doute raisonnable quant à la survenance des événements allégués, vous devez le déclarer non coupable.
Vous ne décidez pas si quelque chose s’est produit simplement en comparant une version des événements à une autre ou en choisissant l’une d’entre elles. Vous devez examiner tous les éléments de preuve et décider si vous avez été convaincus hors de tout doute raisonnable que les événements qui constituent le fondement du crime reproché se sont bel et bien produits. [d.a., p. 54]
L’avocat de la défense n’a pas formulé d’objection à l’encontre de l’exposé. Le jury a rendu un verdict de culpabilité.
B. Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse
[7] La juge Oland, s’exprimant en son propre nom et en celui du juge Fichaud, a appliqué l’arrêt W. (D.). À son avis, la juge du procès n’a pas suffisamment expliqué les principes du doute raisonnable tels qu’ils s’appliquent à la crédibilité. Les jurés pourraient avoir mal compris le lien entre ces deux concepts. Selon elle :
[traduction] Même si la formulation de W. (D.) ne constitue pas une « incantation », l’exposé de la juge du procès doit transmettre le message aux jurés de manière à satisfaire au critère fondamental — soit celui de savoir si « le jury ne peut pas ne pas avoir compris quel fardeau et quelle norme de preuve s’appliquent » (le juge Cory dans W. (D.), précité, à la p. [758 R.C.S.]).
((2007), 217 C.C.C. (3d) 52, 2007 NSCA 12, par. 18)
La juge Oland a conclu que l’exposé au jury ne fournissait pas les explications voulues quant à la façon dont les jurés devaient délibérer [traduction] « s’ils avaient des doutes sur la question de la crédibilité ou s’ils étaient incapables de la résoudre » (par. 21). La juge Oland a conclu que l’exposé n’exprimait donc pas comme il se doit le deuxième principe énoncé dans W. (D.), selon lequel la [traduction] « tâche des jurés en ce qui a trait à l’appréciation du témoignage de l’accusé n’est pas achevée du simple fait qu’ils n’y ajoutent pas foi. Les jurés doivent encore se demander si le témoignage de l’accusé soulève malgré tout un doute raisonnable dans leur esprit » (par. 22). Le juge Saunders, dissident, estimait que l’exposé au jury était suffisant.
III. Analyse
[8] Une série de décisions confirment et réaffirment depuis au moins 20 ans que, lorsque la question de la crédibilité est au centre d’un procès avec jury, le juge doit expliquer le lien entre l’évaluation de la crédibilité et le fardeau ultime du ministère public de prouver la culpabilité de l’accusé selon la norme de preuve applicable en matière criminelle. Un exposé général sur le doute raisonnable, qui ne fait pas le lien entre cette notion et la crédibilité (ou le manque de crédibilité) des témoins, prête trop à confusion ou à équivoque. Les racines de l’exposé décrit dans W. (D.) sont anciennes : R. c. Challice (1979), 45 C.C.C. (2d) 546 (C.A. Ont.), p. 556; R. c. Chan (1989), 52 C.C.C. (3d) 184 (C.A. Alb.), p. 186; R. c. Morin, [1988] 2 R.C.S. 345, p. 362; R. c. H. (C.W.) (1991), 68 C.C.C. (3d) 146 (C.A.C.-B.), p. 155; R. c. MacKenzie, [1993] 1 R.C.S. 212, p. 219 et 239; R. c. Levasseur, [1994] 3 R.C.S. 518 (confirmant la dissidence du juge Fish, publiée à (1994), 89 C.C.C. (3d) 508 (C.A. Qué.), p. 534). L’arrêt W. (D.) a été cité par les tribunaux canadiens de tous les niveaux dans au moins 3 743 causes subséquentes publiées. Il s’est avéré une source fertile d’examens en appel. Pour en consulter une application récente, voir l’arrêt R. c. C.L.Y., [2008] 1 R.C.S. 5, 2008 CSC 2.
[9] Le passage de W. (D.) qui entre en jeu en l’espèce — comme dans de nombreuses autres causes — se trouve aux p. 757-758, où le juge Cory a expliqué :
Idéalement, il faudrait donner des directives adéquates sur le sujet de la crédibilité non seulement dans l’exposé principal mais dans tout exposé supplémentaire. Le juge du procès pourrait donner des directives aux jurés au sujet de la crédibilité selon le modèle suivant :
Premièrement, si vous croyez la déposition de l’accusé, manifestement vous devez prononcer l’acquittement.
Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l’accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l’acquittement.
Troisièmement, même si vous n’avez pas de doute à la suite de la déposition de l’accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l’accusé.
Si on utilisait cette formule, on éviterait l’erreur qu’on trouve trop souvent dans les exposés supplémentaires. L’obligation du ministère public de prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable est fondamentale dans notre système de droit criminel. Il faudrait prendre tous les moyens possibles pour éviter de commettre des erreurs dans les directives au jury sur ce principe fondamental.
Néanmoins, l’omission de se servir de ce modèle n’est pas fatale si l’exposé, considéré dans son ensemble, indique clairement que le jury ne peut pas ne pas avoir compris quel fardeau et quelle norme de preuve s’appliquent . . .
Essentiellement, l’arrêt W. (D.) explique tout simplement au bénéfice des jurés profanes en quoi consiste un doute raisonnable dans le contexte de l’évaluation de témoignages contradictoires. Il attire l’attention des jurés sur l’erreur consistant à procéder à un « concours de crédibilité ». Il explique que les juges de première instance sont tenus de bien faire comprendre aux jurés que le ministère public n’est jamais dispensé du fardeau de prouver tous les éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable.
[10] Le libellé précis des questions formulées dans W. (D.) a été critiqué. En ce qui a trait à la première question, le jury pourrait croire certains éléments inculpatoires des déclarations d’un accusé tout en rejetant son explication disculpatoire. Dans R. c. Latimer, [2001] 1 R.C.S. 3, 2001 CSC 1, l’accusé n’a pas témoigné, mais sa description du meurtre de sa fille a été mise en preuve au moyen de ses déclarations à la police. Manifestement, les jurés ont cru à cette description de l’événement même. Toutefois, l’explication disculpatoire qu’il a donnée n’équivalait pas à une défense en droit. Il a été déclaré coupable. Le principe selon lequel un jury peut croire une partie ou la totalité des témoignages, notamment de celui de l’accusé, ou n’en rien croire, fait dire à certains critiques que la première question de W. (D.) simplifie en quelque sorte la démarche à outrance.
[11] En ce qui a trait à la deuxième question, certains jurés pourraient se demander comment, s’ils ne croient rien au témoignage de l’accusé, cette preuve qu’ils rejettent pourrait néanmoins soulever en soi un doute raisonnable. Bien entendu, certains extraits du témoignage de l’accusé peuvent soulever un doute raisonnable, même si la majeure partie de ses déclarations est rejetée. De même, les jurés peuvent simplement conclure qu’ils ignorent s’ils doivent croire ou non le témoignage de l’accusé. Dans un cas comme dans l’autre, l’accusé a le droit d’être acquitté.
[12] Pour certains critiques, la troisième question omet, elle aussi, d’envisager la situation où un jury accepte les extraits inculpatoires du témoignage d’un accusé tout en en rejetant les passages disculpatoires. Étant donné ces sources éventuelles de difficultés, le juge Wood de la Cour d’appel a suggéré dans H. (C.W.) de donner une directive supplémentaire :
[traduction] Dans ces cas, j’ajouterais la directive supplémentaire suivante qui, logiquement, devrait être la deuxième : « Si, après un examen minutieux de tous les éléments de preuve, vous êtes incapables de décider qui croire, vous devez prononcer l’acquittement. » [p. 155]
[13] Bref, il ne faudrait pas attribuer aux questions énoncées dans W. (D.) un caractère sacré ou un degré de perfection immuable que leur auteur n’a jamais revendiqué pour elles. Le message transmis par W. (D.) — soit que le jury doit être informé de manière limpide que le ministère public n’est jamais libéré du fardeau de prouver tous les éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable — est d’une importance capitale; son application ne devrait toutefois pas laisser la forme l’emporter sur le fond. Dans R. c. S. (W.D.), [1994] 3 R.C.S. 521, le juge Cory a réitéré que les directives énoncées dans W. (D.) n’ont pas à être récitées « mot à mot comme une incantation » (p. 533). Dans R. c. Avetysan, [2000] 2 R.C.S. 745, 2000 CSC 56, le juge Major qui s’exprimait au nom des juges de la majorité a souligné que, dans toutes les causes où la question de la crédibilité revêt de l’importance, « [c]e qu’il importe vraiment de déterminer, c’est essentiellement si les directives du juge du procès ont donné au jury l’impression qu’il devait choisir entre les deux versions des événements » (par. 19). L’essentiel c’est que le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.
[14] En l’espèce, la juge Oland de la Cour d’appel a convenu que la juge du procès n’a pas [traduction] « demandé aux jurés de décider simplement s’ils croyaient la plaignante ou [l’accusé] » (par. 20). Toutefois, à son avis :
[traduction] L’exposé ne faisait qu’informer les jurés que la culpabilité probable ne suffisait pas pour satisfaire à la norme de preuve hors de tout doute raisonnable, qu’il fallait accorder le bénéfice du doute à l’appelant, qu’ils n’avaient pas à accepter ou à rejeter globalement le témoignage d’un témoin, notamment de l’accusé, et qu’ils devaient tenir compte de tous les éléments de preuve. Nulle part l’exposé n’expliquait‑il comment les jurés devaient délibérer s’ils avaient des doutes sur la question de la crédibilité ou s’ils étaient incapables de la résoudre. Dans son exposé, la juge du procès a omis d’indiquer que, si les jurés ne croyaient pas le témoignage de l’accusé mais que celui‑ci semait un doute raisonnable dans leur esprit, ils devaient prononcer l’acquittement. [Je souligne; par. 21.]
J’estime, avec égards, que le raisonnement des juges de la majorité frôle de façon inquiétante l’erreur de « l’incantation ». En définitive, je suis d’avis que, si on lit l’exposé comme un tout, les directives données au jury satisfaisaient au critère fondamental formulé par le juge Cory dans W. (D.), soit que « le jury ne peut pas ne pas avoir compris quel fardeau et quelle norme de preuve s’appliquent » (p. 758).
[15] En l’espèce, la juge du procès a expliqué que l’accusé doit bénéficier de tout doute raisonnable. Elle a aussi expliqué aux jurés que, même s’ils n’acceptaient pas intégralement le témoignage de l’accusé, ils pouvaient malgré tout en accepter des parties. Elle leur a aussi expliqué qu’ils ne devaient pas penser que leur tâche consistait à choisir entre deux versions des événements. Elle leur a dit qu’ils ne pouvaient décider de la cause simplement en choisissant entre le témoignage de la plaignante et celui de l’accusé. Elle leur a rappelé, dans ce contexte, qu’ils devaient tenir compte de tous les éléments de preuve pour déterminer s’il subsistait un doute raisonnable dans leur esprit. Elle a affirmé :
[traduction] Vous ne décidez pas si quelque chose s’est produit simplement en comparant une version des événements à une autre ou en choisissant l’une d’entre elles. Vous devez examiner tous les éléments de preuve et décider si vous avez été convaincus hors de tout doute raisonnable que les événements qui constituent le fondement du crime reproché se sont bel et bien produits. [d.a., p. 54]
. . .
. . . Je le répète, vous ne décidez pas si quelque chose s’est produit simplement en comparant une version des événements à l’autre ou en choisissant l’une d’entre elles. Vous devez examiner tous les éléments de preuve et décider si vous avez été convaincus hors de tout doute raisonnable que les événements qui constituent le fondement des chefs d’accusation se sont bel et bien produits. [d.a., p. 55]
[16] À mon avis, la juge du procès a bien expliqué le sens de la deuxième question énoncée dans W. (D.), sans qu’il subsiste de réelles possibilités de méprise. Comme je l’ai mentionné, elle a dit aux jurés :
[traduction] Le ministère public a le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable que les événements allégués se sont effectivement produits. Ce n’est pas à [l’accusé] de prouver que ces événements ne se sont jamais produits. Si vous avez un doute raisonnable quant à la survenance des événements allégués, vous devez le déclarer non coupable. [Je souligne; d.a., p. 54.]
[17] À l’audience, le fait que l’avocat de la défense n’a formulé aucune objection a été débattu abondamment. À mon avis, il a estimé à bon droit que les jurés avaient reçu des directives adéquates sur le lien entre l’évaluation de la crédibilité et la détermination ultime de la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Avant que la juge du procès ne fasse un nouvel exposé, l’avocat de la défense lui a dit qu’il [traduction] « serai[t] plus à l’aise si le texte qui avait été lu auparavant était simplement relu à l’intention du jury » (d.a., p. 77). Il s’est acquitté de son devoir envers l’intimé.
IV. Dispositif
[18] Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer le jugement de la Cour d’appel et de rétablir la déclaration de culpabilité.
Pourvoi accueilli.
Procureur de l’appelante : Public Prosecution Service of Nova Scotia, Halifax.
Procureurs de l’intimé : Garson Pink, Halifax.