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11/01/2007 | CANADA | N°2007_CSC_1

Canada | Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau-Brunswick (Finances), 2007 CSC 1 (11 janvier 2007)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau‑Brunswick (Finances), [2007] 1 R.C.S. 3, 2007 CSC 1

Date : 20070111

Dossier : 31057

Entre :

Kingstreet Investments Ltd. et 501638 NB Ltd.

Appelantes / Intimées au pourvoi incident

et

Province du Nouveau-Brunswick représentée par

le ministère des Finances et la Société des alcools

du Nouveau-Brunswick

Intimées / Appelantes au pourvoi incident

‑ et ‑

Procureur général du Manitoba, procureur général

de la Co

lombie-Britannique, procureur général

de l’Alberta, Canadian Constitution Foundation

et Association des consommateurs du Canada

Intervenants

Traduc...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau‑Brunswick (Finances), [2007] 1 R.C.S. 3, 2007 CSC 1

Date : 20070111

Dossier : 31057

Entre :

Kingstreet Investments Ltd. et 501638 NB Ltd.

Appelantes / Intimées au pourvoi incident

et

Province du Nouveau-Brunswick représentée par

le ministère des Finances et la Société des alcools

du Nouveau-Brunswick

Intimées / Appelantes au pourvoi incident

‑ et ‑

Procureur général du Manitoba, procureur général

de la Colombie-Britannique, procureur général

de l’Alberta, Canadian Constitution Foundation

et Association des consommateurs du Canada

Intervenants

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 62)

Le juge Bastarache (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein)

______________________________

Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau‑Brunswick (Finances), [2007] 1 R.C.S. 3, 2007 CSC 1

Kingstreet Investments Ltd. et

501638 NB Ltd. Appelantes/Intimées au pourvoi incident

c.

Province du Nouveau‑Brunswick représentée

par le ministère des Finances et la Société

des alcools du Nouveau‑Brunswick Intimées/Appelantes au pourvoi incident

et

Procureur général du Manitoba, procureur général

de la Colombie‑Britannique, procureur général

de l’Alberta, Canadian Constitution Foundation

et Association des consommateurs du Canada Intervenants

Répertorié : Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau‑Brunswick (Finances)

Référence neutre : 2007 CSC 1.

No du greffe : 31057.

2006 : 20 juin; 2007 : 11 janvier.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein.

en appel de la cour d’appel du nouveau‑brunswick

POURVOI et POURVOI INCIDENT contre un arrêt de la Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick (les juges Ryan, Robertson et Richard) (2005), 254 D.L.R. (4th) 715, 285 R.N.‑B. (2e) 201, 744 A.P.R. 201, 8 B.L.R. (4th) 182, 2005 G.T.C. 1510, [2005] A.N.‑B. no 205 (QL), 2005 NBCA 56, qui a infirmé en partie une décision du juge Russell (2004), 236 D.L.R. (4th) 733, 273 R.N.‑B. (2e) 6, 717 A.P.R. 6, [2004] A.N.‑B. no 75 (QL), 2004 NBBR 84. Pourvoi accueilli en partie et pourvoi incident rejeté.

Eugene J. Mockler, c.r., et Adam B. Neal, pour les appelantes/intimées au pourvoi incident.

David D. Eidt, pour les intimées/appelantes au pourvoi incident.

Eugene Szach et Stewart J. Pierce, pour l’intervenant le procureur général du Manitoba.

Nancy E. Brown et Jonathan Penner, pour l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.

Nicholas James Parker et David Kamal, pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.

Barbara A. McIsaac, c.r., et Howard R. Fohr, pour l’intervenante Canadian Constitution Foundation.

Joseph J. Arvay, c.r., et Brent B. Olthuis, pour l’intervenante l’Association des consommateurs du Canada.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Bastarache —

1. Faits

1 Depuis 1988, les sociétés appelantes exploitent à Fredericton et à Moncton (Nouveau‑Brunswick) plusieurs boîtes de nuit titulaires de licences les autorisant à vendre des boissons alcooliques. Elles achètent ces boissons des magasins de vente au détail de la Société des alcools du Nouveau‑Brunswick et, outre le prix de détail, elles paient une redevance d’exploitation prescrite par un règlement pris en application du par. 200(3) de la Loi sur la réglementation des alcools, L.R.N.‑B. 1973, ch. L‑10. Cette redevance est passée, au fil des ans, de 11 à 5 pour 100 du prix de détail : voir le Règlement sur les droits — Loi sur la réglementation des alcools, Règl. du N.‑B. 89‑167, art. 5. Le juge de première instance a conclu, et les parties sont d’accord, que les appelantes ont payé plus d’un million de dollars en redevances. Les appelantes ont contesté la constitutionnalité de la redevance d’exploitation et elles réclament, à titre de réparation, le remboursement de toutes les sommes payées au fil des ans, majorée des intérêts composés.

2 Les appelantes ont tout d’abord soutenu que la redevance d’exploitation constituait une taxe indirecte, qui serait de ce fait ultra vires du pouvoir de taxation conféré à la province du Nouveau‑Brunswick (« Province ») par la Constitution. Cependant, la veille du procès, l’avocat des appelantes a envoyé au bureau du greffier une lettre dans laquelle il informait le tribunal qu’il ferait plutôt valoir que la redevance d’exploitation était une taxe directe illégalement imposée par voie de règlement plutôt que par la législature. Les appelantes se sont peut‑être rendu compte qu’en plaidant que la redevance constituait une taxe indirecte, elles donnaient du poids à l’argument de la Province suivant lequel les propriétaires de boîtes de nuit avaient en fait transféré le coût de la redevance à leurs clients, en augmentant leurs prix.

3 Les appelantes ont également tenté de faire valoir que la redevance d’exploitation, s’il était jugé qu’elle constitue une taxe, était ultra vires au sens du droit administratif. Elles ont avancé que, selon les règles d’interprétation législative, la législature a autorisé l’imposition d’une redevance d’exploitation et non d’une taxe. S’exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour d’appel, le juge Robertson a conclu que les appelantes cherchaient à prétendre, à la dernière minute, que la redevance d’exploitation constituait une application erronée d’une disposition législative par ailleurs valide en vue d’empêcher l’application de la règle générale s’opposant au remboursement de taxes ultra vires proposée par le juge La Forest dans Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161 (« Air Canada »).

4 Le juge de première instance a estimé que la redevance d’exploitation était une taxe indirecte qui, n’ayant pas été établie en fonction du coût de la réglementation applicable aux titulaires de licences, ne pouvait constituer une « licenc[e], dans le but de prélever un revenu pour des objets provinciaux, locaux ou municipaux » conformément au par. 92(9) de la Loi constitutionnelle de 1867 ((2004), 273 R.N.‑B. (2e) 6, 2004 NBBR 84, par. 4). Il a en fait statué que le coût de la redevance d’exploitation avait été transféré à des tiers et qu’il s’agissait donc d’une taxe indirecte. Par conséquent, le juge de première instance a déclaré que le règlement attaqué était ultra vires de la province du Nouveau‑Brunswick. La Province n’a pas interjeté appel de cette décision. Devant la Cour d’appel, les parties se sont mises d’accord sur le fait que la redevance d’exploitation constitue une taxe illégale ((2005), 285 R.N.‑B. (2e) 201, 2005 NBCA 56, par. 1). Le juge Robertson a rejeté les tentatives faites par les appelantes pour plutôt qualifier la redevance d’exploitation de taxe directe ne pouvant être imposée par voie de règlement ou de taxe ultra vires au sens du droit administratif. Je suis d’accord avec lui : la décision du juge de première instance, à savoir que la redevance d’exploitation constitue une taxe indirecte inconstitutionnelle, doit être confirmée.

5 En conséquence, notre Cour ne doit examiner que la réparation demandée par les appelantes. Il s’agit essentiellement de déterminer si les sommes versées à une autorité publique en vertu d’une loi ultra vires peuvent être recouvrées. La cause est plaidée dans le cadre d’une action pour enrichissement sans cause. La Province invoque la règle de common law formulée par le juge La Forest, dans Air Canada, qui interdit le remboursement de taxes inconstitutionnelles. Elle s’appuie en outre sur les commentaires du juge La Forest dans cet arrêt, aux p. 1202-1203, pour soutenir que « [1]e droit en matière de restitution n’a pas pour objet de donner des profits fortuits à des demandeurs qui n’ont subi aucune perte. » Elle affirme que, lorsqu’une taxe ultra vires a été transférée à des tiers, l’exigence d’un appauvrissement correspondant n’est pas remplie.

6 Les appelantes prétendent pour leur part que la règle de common law interdisant le remboursement de taxes inconstitutionnelles formulée par le juge La Forest était une opinion incidente, qui n’a pas recueilli l’appui d’une majorité de juges dans Air Canada. Se fondant plutôt sur l’opinion dissidente de la juge Wilson dans cet arrêt, ainsi que sur la décision unanime de notre Cour dans Air Canada c. Ontario (Régie des alcools), [1997] 2 R.C.S. 581 (« Ontario (Régie des alcools) »), elles plaident que c’est l’organisme gouvernemental chargé de l’application d’une disposition, et non le contribuable, qui doit s’assurer de l’applicabilité et de la constitutionnalité de cette disposition. Quant au moyen de défense fondé sur le transfert de la perte, les appelantes font valoir qu’il est incompatible avec les principes fondamentaux applicables en matière de restitution, qu’il est peu judicieux sur le plan économique et qu’il soulève de nombreuses difficultés d’application au plan de la preuve. La conclusion du juge de première instance selon laquelle le coût de la taxe a été transféré aux clients des bars est à leur avis sans pertinence en ce qui concerne leur action pour enrichissement sans cause.

2. Historique judiciaire

2.1 La Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick (2004), 273 R.N.‑B. (2e) 6, 2004 NBBR 84

7 Le juge Russell a rejeté la demande de réparation des appelantes, estimant que, dans les faits, ces dernières avaient transféré le fardeau de la taxe à leurs clients en augmentant leurs prix. Il a donc appliqué à leur action pour enrichissement sans cause le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte et il a refusé le recouvrement. De plus, le juge de première instance a invoqué la règle générale énoncée par le juge La Forest aux p. 1206-1207 de l’arrêt Air Canada, qui interdit le recouvrement de taxes ultra vires. Il a jugé que, tout comme dans Air Canada, le règlement comportait un simple vice de forme, tenant au fait que la Province n’avait pas établi la redevance d’exploitation en fonction du coût de la réglementation applicable aux titulaires de licences. Enfin, le juge de première instance a insisté sur le fait qu’un chaos fiscal pourrait s’ensuivre si la restitution était autorisée, et que le gouvernement se verrait alors dans l’obligation d’adopter le moyen inefficace qui consiste à imposer la taxe de nouveau.

2.2 La Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick (2005), 285 R.N.‑B. (2e) 201, 2005 NBCA 56

8 Le juge Robertson, qui a rédigé l’opinion majoritaire, a souligné que, vu l’abolition de la distinction entre les paiements faits par suite d’une erreur de droit et ceux faits par suite d’une erreur de fait, la question devait être tranchée en fonction des principes de la restitution. Il a examiné la décision de notre Cour dans Air Canada, mais il n’était pas disposé pour autant à mettre les autorités publiques à l’abri des demandes de restitution découlant d’une loi invalide.

9 Cependant, s’appuyant sur l’observation du juge La Forest dans Air Canada selon laquelle le droit en matière de restitution n’a pas pour objet de donner des profits fortuits à des demandeurs, le juge Robertson était prêt à reconnaître la validité du moyen de défense fondé sur le transfert de la perte. Il a conclu que la mise en balance des droits favorisait la Province, étant donné que tout avantage dont jouit le gouvernement profite à l’intérêt public et que, si on devait conclure autrement, les clients des bars se trouveraient à payer la taxe deux fois. Le juge Robertson a reconnu qu’on a beaucoup reproché à ce moyen de défense d’être incompatible avec les principes applicables en matière de restitution, d’être peu judicieux sur le plan économique et de soulever de nombreuses difficultés d’application. Il a toutefois rejeté l’argument fondé sur l’aspect économique, parce que rien n’empêche les appelantes d’établir qu’elles ont néanmoins subi une perte même si elles ont recouvré une partie de la taxe — par suite d’une diminution des ventes, par exemple. Abordant les aspects pratiques de ce moyen de défense, le juge Robertson a considéré les difficultés d’application au plan de la preuve et les coûts à engager pour déterminer si la taxe a effectivement été transférée. Il a résolu ces difficultés en indiquant que la charge de la preuve initiale incombait à la Province, tout en précisant d’une part qu’il existe une présomption réfutable selon laquelle la taxe illégale indirecte a été transférée, et d’autre part que le moyen de défense ne saurait s’appliquer lorsque les sommes ont été payées sous la contrainte et sous toutes réserves. Le juge Robertson a souligné que les demanderesses ne devraient pas avoir droit à des profits fortuits et que le gouvernement devait pouvoir se défendre dans des actions pour enrichissement sans cause pour éviter d’éventuelles perturbations fiscales.

10 Les juges majoritaires ont en conséquence accueilli la demande de restitution pour la totalité des sommes payées depuis la date à laquelle les demanderesses avaient fait connaître leur opposition en intentant une action contre la Province (25 mai 2001). Pour les sommes payées avant l’introduction de l’action, jugées ne pas avoir été payées sous réserve, les juges majoritaires ont rejeté la demande de restitution par application du moyen de défense fondé sur le transfert de la perte. Subsidiairement, le juge Robertson a conclu que, dans le cas où il ferait erreur quant à l’existence de ce moyen de défense en droit relatif à la restitution au Canada, les appelantes auraient droit à la totalité des sommes payées, sous réserve du délai de prescription de six ans fixé dans la Loi sur la prescription, L.R.N.‑B. 1973, ch. L‑8.

11 Pour le juge Ryan, dissident, la demande des appelantes devait être rejetée parce que celles‑ci avaient recouvré auprès de leurs clients les sommes qu’elles avaient dû payer. Il a estimé que le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte concerne la présence de l’un des trois éléments d’une demande fondée sur l’enrichissement sans cause, à savoir un appauvrissement correspondant. Ainsi, que les paiements aient ou non été faits sous toutes réserves et sous la contrainte, il n’y a eu ni appauvrissement ni enrichissement sans cause si les coûts ont été transférés. Selon le juge Ryan, le paiement des sommes sous toutes réserves ne pouvait rien changer au fait que l’existence de l’un des trois éléments d’une action pour enrichissement sans cause n’avait pas été établi.

3. Introduction

12 Le présent pourvoi porte sur la possibilité d’invoquer les règles relatives à la restitution pour recouvrer des sommes perçues en vertu de dispositions législatives ultérieurement déclarées ultra vires. Pour les motifs exposés ci‑après, je conclus que d’une manière générale elles peuvent l’être. Je suis d’accord avec le juge d’appel Robertson sur le fait qu’aucune immunité générale n’est applicable au recouvrement d’une taxe illégale. Je trancherais cependant l’affaire en fonction de principes constitutionnels plutôt que de la notion d’enrichissement sans cause. L’analyse axée sur l’enrichissement sans cause se prête mal aux questions que soulèvent les taxes ultra vires. Le principal souci de la Cour doit être de veiller à la constitutionnalité de la législation fiscale. De plus, la possibilité d’obtenir, comme dans Succession Eurig (Re), [1998] 2 R.C.S. 565, le prononcé d’une déclaration d’invalidité dont l’effet est suspendu et celle de l’adoption d’une loi rétroactive apportant des améliorations suffisent à prévenir un éventuel chaos fiscal. Je rejetterais aussi le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte invoqué par la Couronne dans cette affaire. Par conséquent, je ferais droit en partie à l’appel.

4. Restitution en cas de taxes ultra vires

4.1 Le recours constitutionnel

13 La présente affaire a trait aux conséquences de l’injustice qui est créée lorsqu’un gouvernement tente de conserver des taxes perçues d’une façon inconstitutionnelle. Vu la règle constitutionnelle en jeu, il est possible de statuer sur l’action plus simplement que si elle visait un enrichissement sans cause dans la sphère privée. Des taxes ont été illégalement perçues. Elles doivent être restituées, sous réserve des délais de prescription et des lois correctives éventuellement jugées appropriées. Comme nous le verrons plus loin, le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte ne devrait pas être examiné.

14 La Cour doit avant tout veiller au respect des principes constitutionnels. Or, suivant un de ces principes, la Couronne ne peut lever une taxe que sous l’autorité du Parlement ou d’une législature : Loi constitutionnelle de 1867, art. 53 et 90. Le principe « Pas de taxation sans représentation » est au coeur même de notre conception de la démocratie et de la primauté du droit. Comme l’expliquent Hogg et Monahan, il [traduction] « garantit non seulement que le pouvoir exécutif est soumis à la primauté du droit, mais aussi qu’il doit convoquer le Parlement pour lever des impôts » (P. W. Hogg et P. J. Monahan, Liability of the Crown (3e éd. 2000), p. 246. Voir aussi P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (éd. feuilles mobiles), vol. 2, p. 55‑16 et 55‑17; Eurig, par. 31, le juge Major).

15 Lorsque le gouvernement perçoit et conserve une taxe en vertu d’une loi ultra vires, il sape la primauté du droit. En permettant à la Couronne de conserver une taxe ultra vires, on se trouverait à accepter une atteinte à ce principe constitutionnel absolument fondamental. C’est pourquoi le citoyen qui a fait un paiement en vertu d’une loi ultra vires a droit à la restitution : P. Birks, « Restitution from the Executive : A Tercentenary Footnote to the Bill of Rights », dans P. D. Finn, dir., Essays on Restitution (1990), ch. 6, p. 168.

16 Notre Cour a déjà reconnu ce droit. En effet, dans Amax Potash Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan, [1977] 2 R.C.S. 576, elle a annulé une disposition qui visait à empêcher le remboursement de taxes ultra vires. À la p. 590, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a fondé sa décision sur des principes constitutionnels :

À mon avis, le par. 5(7) de The Proceedings against the Crown Act va beaucoup plus loin que de simplement accorder une immunité à la Couronne. Dans le présent contexte, il touche directement au droit de lever des impôts. Par conséquent, il touche à la répartition des pouvoirs prévue à l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique, 1867. Il soulève également la question du droit d’une province, ou même du Parlement fédéral, de violer la constitution canadienne. Il est évident que si le Parlement fédéral ou une législature provinciale peuvent imposer des impôts en outrepassant leurs pouvoirs et se donner à cet égard une immunité par le biais d’une loi existante ou ex post facto, ils pourraient ainsi se placer dans la même situation que s’ils avaient agi en vertu de leurs pouvoirs constitutionnels respectifs. Refuser la restitution de revenus perçus sous la contrainte en vertu d’une loi ultra vires revient à permettre à la législature provinciale de faire indirectement ce qu’elle ne peut faire directement, et imposer des obligations illégales par des moyens détournés.

17 Dans Woolwich Equitable Building Society c. Inland Revenue Commissioners, [1993] A.C. 70, la Chambre des lords a elle aussi reconnu un droit à la restitution à l’égard de paiements effectués en vertu de taxes ultra vires. Sans même évoquer la notion d’enrichissement sans cause, lord Goff a statué, à la p. 172, que la restitution pouvait être accordée au nom de la [traduction] « simple justice » :

[traduction] . . . la rétention par l’État de taxes illégalement exigées est particulièrement odieuse : un des principes les plus fondamentaux de notre droit — inscrit dans un document constitutionnel illustre, le Bill of Rights de 1688 — veut que les taxes ne puissent être levées que sous l’autorité du Parlement. Or, pour donner pleinement effet à ce principe, il faut que la restitution des taxes illégalement exigées puisse être ordonnée à titre de droit.

18 Il n’en reste pas moins que, d’une manière générale, le droit à la restitution de taxes ultra vires n’a jamais encore été clairement établi. Dans Air Canada, le juge La Forest avait estimé que des considérations d’intérêt public faisaient sortir du cadre de la restitution les actions en recouvrement de taxes payées en vertu de dispositions illégales. Il avait proposé, comme règle générale, que la Couronne bénéficie d’une immunité à l’égard des actions en recouvrement d’impôts ou de taxes ultra vires. Mais, comme le juge La Forest n’avait pas rallié une majorité de juges dans cette affaire, l’autorité de la règle d’immunité qu’il avait proposée est toujours demeurée incertaine. Aussi est‑il nécessaire de voir pourquoi cette règle devrait être rejetée avant d’aborder le véritable fondement du droit à la restitution en l’espèce.

4.2 Rejet de la règle d’immunité

19 Dans des remarques incidentes formulées dans Air Canada, le juge La Forest, qui s’exprimait au nom de trois des six juges saisis du pourvoi, a tenu à préciser ce qui suit :

Il est évident que les principes de l’enrichissement illégitime peuvent jouer contre un gouvernement et justifier le recouvrement aux fins de restitution, mais dans une affaire comme celle‑ci, où il est question de l’effet d’une loi inconstitutionnelle ou ultra vires, je suis d’avis que certaines considérations spéciales font sortir l’affaire du cadre normal de la restitution et exigent une règle qui réponde aux questions de politiques sous‑jacentes spécifiques à ce domaine. [Je souligne; p. 1203.]

20 Tout comme le juge d’appel Robertson, j’adhère aux raisons pour lesquelles la juge Wilson a rejeté une règle qui mettrait les pouvoirs publics à l’abri des demandes de restitution de sommes payées en vertu d’une loi invalide. La juge Wilson a estimé que, « [l]orsque les paiements ont été effectués en vertu d’une loi inconstitutionnelle, rien ne justifie que ces sommes soient retenues » (Air Canada, p. 1216). Comme l’a expliqué le professeur Hogg, à la p. 55‑13 :

[traduction] Lorsqu’un impôt a été payé au gouvernement en vertu d’une loi jugée inconstitutionnelle par la suite, le montant de cet impôt peut‑il être recouvré par le contribuable? En principe, la réponse devrait être affirmative. Le droit du gouvernement à cette somme a été anéanti par la déclaration d’inconstitutionnalité et l’impôt devrait être remboursé au contribuable. [Note en bas de page omise.]

Ce principe même a été reconnu dans le Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445, où la Cour a jugé à l’unanimité qu’une loi ultra vires ne peut pas constituer un motif juridique justifiant l’enrichissement de l’État.

21 Comme l’a expliqué la juge dissidente Wilson dans Air Canada, la règle d’immunité proposée par le juge La Forest équivaut à affirmer que « le principe devrait être écarté pour des raisons d’intérêt public dans le cas de paiements faits à des organismes gouvernementaux » (p. 1215 (souligné dans l’original)). Ces raisons d’intérêt public incluaient, selon le juge La Forest, le fait que la taxe inconstitutionnelle en cause dans Air Canada soulevait une question qu’on pouvait qualifier de purement technique. S’appuyant sur ce passage, le juge de première instance dans la présente espèce a statué que le règlement contesté comportait un simple vice de forme, tenant au fait que la Province n’avait pas établi la redevance en fonction du coût de la réglementation applicable aux titulaires de licences. À mon avis, en faisant primer des considérations d’intérêt public dans le cas de taxes ultra vires, on risque d’ébranler la primauté du droit.

22 Le professeur Hogg a donné les explications suivantes :

[traduction] [L]e principe constitutionnel qui devrait l’emporter sur tous les autres dans ce contexte est celui d’après lequel la Couronne ne peut lever un impôt que sous l’autorité du Parlement ou d’une législature. Ce principe, inscrit dans la Déclaration des droits de 1688, garantit non seulement que le pouvoir exécutif est soumis à la primauté du droit, mais aussi qu’il doit convoquer le Parlement pour lever des impôts (et voter des crédits). Permettre à la Couronne de garder un impôt levé sans l’autorisation du pouvoir législatif équivaut à accepter la violation de l’un des principes constitutionnels les plus fondamentaux. [Note en bas de page omise; p. 55‑16 et 55‑17.]

23 Les professeurs Hogg et Monahan font valoir, aux p. 246-247, que le fait de permettre aux contribuables de recouvrer des taxes payées en application de lois inconstitutionnelles s’accorde mieux avec la règle bien établie voulant que la Couronne puisse recouvrer des sommes prélevées sur le Trésor sans autorisation législative. Il en a toujours été ainsi,

[traduction] même lorsque la somme a été payée par suite d’une erreur de droit et même lorsque la personne qui l’a reçue aurait pu invoquer les moyens de défense de la préclusion ou du changement de situation à l’encontre d’une action intentée par un particulier. Dans un tel cas, il convient d’appliquer le principe constitutionnel fondamental suivant lequel la Couronne ne peut dépenser des fonds publics que sous l’autorité du Parlement ou d’une législature. Appliquer les règles ordinaires de restitution de manière à ce qu’une dépense non autorisée devienne irrécouvrable aurait pour effet de permettre qu’une garantie constitutionnelle importante ne soit pas respectée. Le même raisonnement devrait s’appliquer lorsque c’est le sujet qui poursuit la Couronne pour recouvrer une somme qu’il lui a versée, puisque le même principe constitutionnel est en cause. [Je souligne; notes en bas de page omises; p. 247.]

24 Si la règle constitutionnelle suivant laquelle la Couronne ne peut dépenser des fonds publics qu’en vertu d’une autorisation législative a suffisamment de poids pour imposer, malgré les principes de l’enrichissement sans cause, le recouvrement par la Couronne d’une dépense non autorisée, on voit mal comment la common law pourrait interdire le recouvrement de taxes exigées d’une façon inconstitutionnelle. Les limites constitutionnelles au pouvoir de dépenser de la Couronne sont vraisemblablement de même importance que les limites constitutionnelles à son pouvoir de prélever des taxes. À mon avis, ces principes sont en fait les deux côtés de la même médaille.

25 Le juge La Forest a aussi invoqué, pour justifier la règle de l’immunité, des craintes relatives à l’inefficacité fiscale et au chaos fiscal (p. 1207). À mon avis, il est préférable de laisser au Parlement et aux législatures le soin d’examiner, s’ils le désirent, les risques de chaos fiscal. Lorsque l’État soumet au tribunal une preuve établissant l’existence de réelles craintes de chaos fiscal, le tribunal peut décider de suspendre la déclaration d’invalidité afin de permettre au gouvernement de régler le problème. Dans Eurig, le juge Major a suspendu la déclaration pour une période de six mois. Comme les frais d’homologation avaient été affectés au financement des coûts de l’administration des tribunaux dans la province, le juge estimait que la suppression immédiate de cette source de recettes risquait d’avoir des conséquences fâcheuses pour l’administration de la justice. Par ailleurs, la décision de notre Cour dans Air Canada démontre que le Parlement et les législatures peuvent imposer des taxes valides et les appliquer rétroactivement de manière à limiter ou à refuser le recouvrement de taxes ultra vires. Il va de soi que la loi adoptée à cette fin doit elle aussi être constitutionnelle.

26 La règle d’immunité proposée par le juge La Forest semble avoir en partie son origine dans la crainte qu’il soit constitutionnellement impossible pour les provinces d’adopter des lois correctives par suite de l’arrêt Amax Potash. Le juge La Forest a mentionné la décision United States c. Butler, 297 U.S. 1 (1936), dans laquelle la Cour suprême américaine, ayant jugé inconstitutionnelle l’Agricultural Adjustment Act, a mis le gouvernement dans l’obligation de rembourser des impôts invalides s’élevant à presque un milliard de dollars. Face à cette situation, le Congrès a adopté une loi prévoyant que le remboursement des impôts ne serait accordé que si le réclamant pouvait établir qu’il en avait supporté la charge. Le juge La Forest, à cet égard, s’est dit d’avis que, « [é]tant donné l’arrêt Amax, précité, une province qui se trouverait dans une situation analogue ne pourrait adopter une mesure de ce genre » (p. 1205).

27 La disposition législative en cause dans Amax Potash était le par. 5(7) d’une loi de la Saskatchewan intitulée Proceedings against the Crown Act, R.S.S. 1965, ch. 87, qui disposait :

[traduction]

5. . . .

(7) On ne peut exercer aucun recours contre la Couronne en vertu du présent article ou de tout autre article de la Loi au regard d’actes ou d’omissions commis ou ayant apparemment été commis dans l’exercice d’un pouvoir conféré ou censé avoir été conféré à la Couronne en vertu d’une loi ou d’une disposition législative qui excédait, excède ou pourrait excéder la compétence de la Législature;

En déclarant cette disposition inconstitutionnelle, le juge Dickson a donné l’explication suivante :

[S]i une loi est déclarée ultra vires de la législature qui l’a adoptée, toute législation qui aurait pour effet d’attacher des conséquences juridiques aux actes accomplis en exécution de la loi invalide est également ultra vires puisqu’elle a trait à l’objet même de la première loi. Un État ne peut conserver par des mesures inconstitutionnelles ce qu’il ne peut prendre par de telles mesures. [p. 592]

La disposition attaquée dans Amax Potash visait à mettre la province à l’abri de toute réclamation concernant une action ou une omission autorisée par une loi ultérieurement déclarée ultra vires. En ce sens, elle avait pour effet d’attacher des conséquences juridiques à des actes accomplis en exécution de lois invalides. Dans Air Canada, en revanche, la province de la Colombie‑Britannique avait créé une nouvelle taxe valide qu’elle avait appliquée rétroactivement. Elle avait ensuite retenu les sommes payées en application de la loi invalide à titre de paiement de la nouvelle taxe rétroactive et valide. La distinction essentielle entre ces deux affaires est que la taxe rétroactive valide en cause dans Air Canada constituait un fondement juridique au prélèvement et à la rétention des sommes payées, indépendamment de la taxe inconstitutionnelle antérieure. Pour ce motif, je conclus, avec égards pour l’opinion du juge La Forest, que ce dernier n’était pas justifié de s’inquiéter des répercussions de l’arrêt Amax Potash sur la capacité des provinces d’adopter des lois rétroactives afin de limiter le recouvrement de taxes inconstitutionnelles.

28 Par ailleurs, en ce qui concerne la crainte exprimée par le juge La Forest au sujet de possibles inefficacités fiscales, je souscris aux observations suivantes de la juge Wilson dans Air Canada :

Pourquoi le contribuable individuel, par opposition à l’ensemble des contribuables, devrait‑il avoir à supporter le fardeau de l’erreur du gouvernement? Je soutiens, avec égards, qu’il y a injustice flagrante si X, qui peut ne pas être une grande société commerciale (comme en l’espèce), doit supporter le coût de l’acte inconstitutionnel du gouvernement. S’il convient que les tribunaux adoptent une politique quelconque afin de protéger le gouvernement contre lui‑même (et je ne trouve pas l’idée particulièrement séduisante), ce devrait être une politique qui répartit la perte équitablement parmi les membres du public. La perte ne devrait pas être subie par un contribuable tout à fait innocent dont la seule faute est d’avoir acquitté ce que le législateur exigeait à tort. [p. 1215]

29 Les inquiétudes relatives à l’inefficacité et au chaos fiscal ne devraient pas être incorporées dans la règle applicable. Je suis d’accord avec le professeur Birks lorsqu’il écrit :

[traduction] Pour ce qui est de la crainte que des transactions antérieures soient systématiquement rouvertes et du risque de perturbation fiscale, le principe de la légalité [selon lequel, notamment, le gouvernement doit, lorsqu’il impose une taxe, être autorisé législativement à le faire et respecter les limites que lui fixe la Constitution] l’emporte sur ces dangers et oblige les juges à laisser au législateur le soin d’apporter au droit à la restitution les restrictions qu’il estime nécessaires, judicieuses et appropriées. De toute façon, un simple risque hypothétique de perturbation ne saurait certainement pas justifier que la restitution soit systématiquement refusée. [p. 204]

30 Pour ces motifs, je n’adopterais pas la règle d’immunité générale proposée par le juge La Forest. Il importe toutefois de signaler que, pour le juge La Forest, la règle s’opposant au recouvrement de taxes ultra vires s’appliquait hors de la sphère du droit privé. Du fait des considérations spéciales touchant l’intérêt public, la question du recouvrement de taxes ultra vires débordait, à son avis, le cadre habituel de l’enrichissement sans cause et de la restitution. Comme il le précise à la p. 1204, « [c]ela permet de penser qu’il existe de solides motifs d’intérêt public pour ne pas accorder un droit général au recouvrement dans de telles circonstances et que cela vaut indépendamment du droit en matière de restitution » (je souligne). Le fait de ne pas retenir la règle d’immunité formulée par le juge La Forest n’implique pas en soi que, dans le cadre des règles relatives à l’enrichissement sans cause, des considérations relevant de l’intérêt public ne pourraient pas avoir pour effet de limiter la responsabilité d’organismes publics dans certains contextes. Étant donné que la règle d’immunité en question a été formulée par le juge La Forest hors du cadre des règles relatives à l’enrichissement sans cause, son rejet ne devrait pas influer sur l’évolution future de ce domaine du droit. Cela dit, comme je vais maintenant le démontrer, les règles relatives à l’enrichissement sans cause ne devraient pas s’appliquer dans les affaires portant sur le recouvrement de taxes illégalement perçues.

31 Le rejet de la règle d’immunité soulève une question : les actions en recouvrement de taxes inconstitutionnelles doivent‑elles être analysées en fonction des règles de droit privé en matière d’enrichissement sans cause ou en fonction de principes constitutionnels? Comme je l’ai expliqué, le recouvrement de taxes inconstitutionnelles est justifié par les restrictions relatives au pouvoir de taxation conféré à l’État par la Constitution et, en particulier, par le principe constitutionnel fondamental selon lequel il ne peut y avoir de taxation sans représentation (voir Birks, ch. 6; Hogg, p. 55‑16; et Hogg et Monahan, p. 246‑247). Cela situerait clairement le droit à la restitution dans un contexte de droit public. Il ne fait cependant aucun doute que, bien qu’elles aient été élaborées dans le contexte du droit privé, les règles relatives à l’enrichissement sans cause peuvent s’appliquer à des organismes publics. Du reste, tant devant les juridictions inférieures que devant notre Cour, la présente affaire a été plaidée en fonction du droit relatif à l’enrichissement sans cause. Je dois donc expliquer pourquoi, à mon avis, l’analyse fondée sur la notion d’enrichissement sans cause est inappropriée en l’espèce, avant d’établir le fondement relevant de la restitution qui s’impose à l’égard du remboursement de taxes ultra vires.

4.3 Le fondement du recours constitutionnel : les raisons pour lesquelles le cadre de l’enrichissement sans cause est inapproprié

32 La restitution est un outil de la justice corrective. Lorsqu’un transfert de valeur entre deux parties est défectueux sur le plan normatif, la restitution permet de corriger ce transfert en replaçant les parties dans la situation où elles étaient auparavant. Dans Peel (Municipalité régionale) c. Canada, [1992] 3 R.C.S. 762, la juge McLachlin (maintenant Juge en chef) a habilement décrit ce cadre normatif : « Le concept de l’“injustice” dans le contexte du droit en matière de restitution s’inspire de la notion aristotélicienne du rétablissement d’un équilibre détruit » (p. 804).

33 Il existe au moins deux catégories distinctes de restitution : (1) la restitution consécutive à un acte fautif; (2) la restitution pour enrichissement sans cause : P. D. Maddaugh et J. D. McCamus, The Law of Restitution (éd. feuilles mobiles), p. 3‑7. La présente affaire soulève une notion différente de restitution, fondée sur le principe constitutionnel suivant lequel des taxes ne devraient pas être levées sans autorisation légale. La première catégorie n’est pas aisément applicable en l’espèce, puisque, dans le cas de taxes ultra vires instaurées de bonne foi, on ne peut pas dire que le législateur ait commis un « acte fautif ». On a donc le choix entre la restitution pour enrichissement sans cause et la restitution fondée sur des motifs constitutionnels.

34 La Province soutient que, du point de vue moral comme du point de vue de l’intérêt public, on ne saurait dire qu’elle s’est enrichie grâce à la redevance ultra vires. Je ne trancherais pas ce pourvoi comme une question d’enrichissement sans cause. En l’espèce, les contribuables utilisent un recours relevant d’un droit constitutionnel. Ce recours est en fait le seul qui soit approprié, puisqu’il soulève d’importants principes constitutionnels qui ne seraient pas pris en considération si l’action était abordée sous l’angle d’une autre catégorie de restitution. Les actions en enrichissement sans cause contre le gouvernement peuvent tout de même être indiquées dans certains cas (voir Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), [2004] 3 R.C.S. 575, 2004 CSC 75). Je n’en pense pas moins que le cadre analytique de la doctrine moderne de l’enrichissement sans cause est inapproprié en l’espèce.

35 En termes familiers, on pourrait dire que le gouvernement qui conserve des taxes abusivement perçues s’enrichit injustement. Il est cependant difficile de recourir à une interprétation technique des notions d’« avantage » et de « perte » dans les actions en recouvrement de telles taxes. Et dans le contexte de la présente affaire, le cadre de l’enrichissement sans cause ajoute une dose de complexité inutile aux véritables questions de droit à trancher. Certains des éléments de la doctrine moderne ne sont pas très utiles en l’espèce pour arriver à une décision assise sur des principes et ils risquent au contraire d’embrouiller l’application des grands principes constitutionnels en cause.

36 L’application de principes de droit privé dans les domaines du droit public et du droit constitutionnel n’est pas sans soulever de difficultés. On a dans le passé résolu ces difficultés par une application souple du principe de l’enrichissement sans cause. La juge McLachlin avait expliqué dans Peel que la formulation à trois volets du principe de l’enrichissement sans cause pouvait déborder les catégories traditionnelles de recouvrement et permettre au droit d’évoluer avec la souplesse qui s’impose pour tenir compte des perceptions changeantes de la justice. Ce cadre de la restitution a récemment été formulé de nouveau et raffiné dans Garland c. Consumers’ Gas Co., [2004] 1 R.C.S. 629, 2004 CSC 25. Cet arrêt a instauré une démarche analytique en deux étapes lorsqu’il faut déterminer s’il existait un motif juridique justifiant l’enrichissement et s’opposant ainsi au recouvrement. Premièrement, le demandeur doit démontrer qu’il n’existe aucun motif juridique justifiant l’enrichissement et appartenant à une catégorie établie. S’il y parvient, il incombe alors au défendeur de démontrer l’existence d’un autre motif pour lequel le recouvrement devrait être refusé. À ce stade de l’analyse, la Cour a expressément reconnu qu’il faut tenir compte des attentes raisonnables des parties et de certaines considérations d’intérêt public dans l’examen du motif juridique de l’enrichissement (par. 46). C’est à cette deuxième étape que les tribunaux apprécient les principes d’equity eu égard aux circonstances particulières de chaque affaire.

37 La juge McLachlin avait déjà donné les explications suivantes dans Peel :

Par souci d’établir un équilibre convenable entre, d’une part, la prévisibilité dans le droit et, d’autre part, la justice dans un cas d’espèce, les tribunaux, dans ce domaine comme dans d’autres, ont opté pour un moyen terme qui se situe entre les extrêmes que représentent des règles rigides et une justice au cas par cas. Le moyen terme consiste à appliquer les principes juridiques, tout en reconnaissant qu’ils doivent présenter suffisamment de souplesse pour permettre le recouvrement lorsque la justice l’exige eu égard aux expectatives raisonnables des parties dans toutes les circonstances de l’affaire et compte tenu également de l’intérêt public. [p. 802]

38 Comme on peut le constater, l’approche adoptée dans Garland est très complexe; elle oblige les tribunaux à ne prendre en compte que les considérations d’intérêt public pertinentes. Par considérations pertinentes, j’entends celles qui ont servi traditionnellement de base à l’élaboration du droit en matière de restitution. Autrement, le critère formulé dans Garland risquerait de se muer en analyse subjective tenant davantage de la justice au cas par cas que du raisonnement juridique. Comme je l’ai expliqué précédemment, le juge La Forest était disposé, pour des raisons d’intérêt public, à reconnaître une immunité aux autorités publiques dans Air Canada, où des sommes avaient été payées conformément à une loi inconstitutionnelle. Il a expliqué que « [c]es valeurs sont principalement la protection du Trésor public et la reconnaissance du fait que, si l’impôt était remboursé, un gouvernement moderne se verrait dans la nécessité d’adopter le moyen inefficace qui consiste à l’imposer de nouveau, soit aux mêmes contribuables, soit à ceux d’une nouvelle génération, afin de financer les opérations gouvernementales » (p. 1207). En dernière analyse, la question qui se pose en l’espèce est devenue celle de savoir s’il convient d’examiner ces considérations dans le cadre du critère formulé dans Garland. À mon avis, elles ne doivent pas l’être. Les considérations relatives à la préservation des fonds publics ne relèvent pas vraiment du deuxième volet de l’analyse du motif juridique, qui porte davantage sur les grands principes d’équité. Dans Garland, par exemple, la considération d’intérêt public dominante était la nécessité d’empêcher des criminels de profiter de leur crime (par. 57). Cela ne signifie pas que toute considération relative à l’équité soit appropriée. Comme je l’ai dit plus haut, elles doivent avoir leur fondement dans les considérations d’intérêt public habituellement présentes dans les affaires d’enrichissement sans cause.

39 Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclurais qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les principes ordinaires de l’enrichissement sans cause aux demandes de recouvrement de sommes payées en vertu d’une loi déclarée inconstitutionnelle. Il est par conséquent inutile de traiter ici de la distinction entre l’erreur de droit et l’erreur de fait, qui avait une certaine importance dans les affaires relatives à un enrichissement sans cause découlant de paiements faits par erreur. Alors que, traditionnellement, les sommes payées par suite d’une erreur de fait commune pouvaient être recouvrées, ce n’était pas le cas de celles payées par suite d’une erreur de droit commune. Toutefois, notre Cour a aboli la distinction entre l’erreur de fait et l’erreur de droit en ce qui concerne le droit applicable en matière d’enrichissement sans cause : voir Air Canada; Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1133; et Pacific National Investments. Il ne peut y avoir de doute que les principes ordinaires de l’enrichissement sans cause s’appliquent désormais dans les affaires où des sommes ont été payées par suite d’une erreur de droit commune aux parties. Il était sans doute nécessaire d’apporter cette clarification, qui n’a cependant pas une grande importance en l’espèce, du fait que l’enrichissement sans cause ne constitue pas un cadre approprié en matière de restitution.

40 La restitution de taxes ultra vires n’entre pas vraiment dans l’une ou l’autre des deux catégories établies en matière de restitution. Elle constitue plutôt une troisième catégorie, distincte de l’enrichissement sans cause. L’action en recouvrement de taxes perçues sans autorisation légale et l’action pour enrichissement sans cause relèvent toutes les deux de la justice restitutive, mais ces recours ont été élaborés dans notre système juridique selon des voies différentes et avec des objectifs distincts. L’action en recouvrement de taxes est solidement fondée, à titre de recours de droit public, sur un principe constitutionnel qui découle des plus anciennes tentatives de la démocratie pour circonscrire le pouvoir du gouvernement dans le cadre de la primauté du droit. L’enrichissement sans cause, en revanche, tire son origine de l’action indebitatus assumpsit de la common law, par laquelle le demandeur peut obtenir réparation à l’égard de dommages de nature quasi‑contractuelle (Maddaugh et McCamus, p. 1‑4; Goff et Jones, The Law of Restitution (4e éd. 1993), p. 7; Peel, p. 784 et 788, la juge McLachlin).

41 D’un point de vue comparatif, il est intéressant de signaler que, au Québec, notre Cour a indiqué que les actions en recouvrement de taxes illégalement perçues pouvaient être engagées selon la voie plus simple que je suggère. Selon la Cour, ces actions pouvaient en effet être intentées en vertu de l’art. 1491 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, ou des dispositions antérieures, soit les art. 1047 et 1048 du Code civil du Bas‑Canada, sous la forme d’actions en « répétition de l’indu » (Ross c. The King (1902), 32 R.C.S. 532; Abel Skiver Farm Corp. c. Ville de Sainte‑Foy, [1983] 1 R.C.S. 403, p. 423, le juge Beetz; Willmor Discount Corp. c. Vaudreuil (Ville), [1994] 2 R.C.S. 210, p. 218, le juge Gonthier; voir aussi J.‑L. Baudouin et P.‑G. Jobin, Les obligations (6e éd. 2005), p. 556‑558; Ville de Sept‑Îles c. Lussier, [1993] R.J.Q. 2717 (C.A.)).

5. Le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte

42 Le juge d’appel Robertson a conclu que le seul moyen de défense susceptible d’être invoqué par la Province en l’espèce est que les appelantes ont transféré le coût de la redevance (par. 46‑48). Le principe de base sur lequel repose le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte est le suivant : si le contribuable a répercuté sur des tiers la charge de la taxe, habituellement par des hausses de prix imposées à ses clients, il n’a subi aucun appauvrissement, l’enrichissement de l’autorité fiscale n’a pas eu lieu à ses dépens et il recevrait un profit fortuit si la restitution lui était accordée. Toutefois, contrairement au juge Robertson, je rejetterais le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte dans le contexte du recouvrement de taxes payées en vertu de dispositions ultra vires.

43 Dans Air Canada, le juge La Forest aurait appliqué ce moyen de défense, si cela avait été nécessaire, afin de refuser le recouvrement. Il s’est exprimé en ces termes :

[D’]après la preuve, les lignes aériennes ont répercuté sur leurs passagers la charge de la taxe à laquelle elles étaient assujetties. Le droit en matière de restitution n’a pas pour objet de donner des profits fortuits à des demandeurs qui n’ont subi aucune perte. Il sert plutôt à garantir que, dans le cas où un demandeur a été privé d’une richesse qu’il avait en sa possession ou qui lui revenait, cette richesse lui sera rendue. En l’espèce, le recouvrement pour fins de restitution est égal au gain réalisé par la province aux dépens des lignes aériennes. Si ces dernières ne sont pas parvenues à démontrer qu’elles ont supporté la charge de la taxe, alors elles n’ont pas établi le bien‑fondé de leur demande. Ce qu’a pu recevoir la province n’est pertinent que dans la mesure où c’était aux dépens des lignes aériennes. [p. 1202‑1203]

44 On reproche principalement trois choses au moyen de défense fondé sur le transfert de la perte : premièrement, il est incompatible avec le principe fondamental du droit de la restitution; deuxièmement, il n’est pas judicieux sur le plan économique; troisièmement, déterminer à qui incombe en dernier ressort la charge de la taxe s’avère extrêmement difficile, et il ne convient pas de refuser une réparation en se basant sur ce motif.

45 Le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte a été élaboré presque exclusivement dans le contexte du recouvrement de taxes ou autres charges payées par suite d’une erreur de droit. Si, comme l’indique le juge La Forest dans Air Canada, « [l]e droit en matière de restitution n’a pas pour objet de donner des profits fortuits à des demandeurs qui n’ont subi aucune perte » (p. 1202-1203), ce moyen de défense aurait dû être également invoqué dans d’autres contextes. À tout le moins, il devrait également s’appliquer aux paiements faits par erreur — de fait ou de droit — , mais cela n’a généralement pas été le cas au Canada (voir Maddaugh et McCamus, p. 11‑46). Les professeurs Maddaugh et McCamus pensent que la raison pour laquelle ce moyen de défense n’a pas été appliqué hors du cadre des taxes ultra vires est qu’il est incompatible avec les principes fondamentaux du droit en matière de restitution. Selon eux, [traduction] « le simple fait que le contribuable ait payé par erreur l’autorité fiscale, avec son propre argent, suffit à établir l’enrichissement sans cause aux dépens du demandeur. Du point de vue des rapports entre le contribuable et l’État, la question de savoir si le contribuable a été en mesure de récupérer sa perte auprès d’une autre source n’est tout simplement pas pertinente » (p. 11‑45).

46 C’est pour ce même motif que la Haute Cour d’Australie a refusé de reconnaître ce moyen de défense dans Commissioner of State Revenue (Victoria) c. Royal Insurance Australia Ltd. (1994), 182 C.L.R. 51. Le juge Brennan a expliqué sa décision ainsi :

[traduction] Le fait que Royal ait transféré à ses titulaires de police la charge des paiements faits au Commissaire ne signifie pas qu’elle n’a pas payé le Commissaire avec son propre argent. Le transfert de la charge des paiements ne change rien au fait que le Commissaire s’est enrichi aux dépens de Royal. Il se peut que, si Royal récupère les sommes versées en trop, les titulaires de police aient eux aussi le droit de réclamer à Royal le remboursement de la portion de ce trop‑perçu correspondant à la somme versée par eux à Royal. Mais quoi qu’il en soit, le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte ne saurait être invoqué à l’encontre d’une demande de remboursement des sommes que A a pour son propre compte payées à B, lorsque B s’est enrichi sans cause par suite du paiement et que les sommes versées appartenaient à A. [Notes en bas de page omises; p. 90‑91.]

47 Je constate que Royal Insurance porte sur des taxes versées en trop, mais, à mon avis, le principe est également applicable à la présente espèce. Comme nous l’avons vu, les principes applicables en matière de restitution pourvoient à la restitution au demandeur de [traduction] « ce qui lui a été pris ou a été reçu de lui sans justification » (Royal Insurance, p. 71). La possibilité que le demandeur obtienne un profit fortuit n’a pas d’importance du point de vue du droit de la restitution, précisément parce que celui‑ci ne repose pas sur le concept de l’indemnisation d’une perte.

48 En plus d’être contraire aux principes fondamentaux du droit de la restitution, on a reproché au moyen de défense fondé sur le transfert de la perte de ne pas être judicieux sur le plan économique et de soulever d’importantes difficultés d’application en ce qui concerne la preuve. Dans Colombie‑Britannique c. Canadian Forest Products Ltd., [2004] 2 R.C.S. 74, 2004 CSC 38, le juge LeBel, qui était dissident mais non sur cette question, a évoqué les difficultés inhérentes qui se posent lorsqu’il s’agit de prouver, dans un marché commercial, que la perte n’a pas été transférée aux consommateurs. Il a souligné que toutes les entreprises pourraient être accusées de transférer tout ou partie du préjudice qu’elles ont subi, par leur tarification ou les frais qu’elles exigent des clients. Il est en effet difficile de déterminer quel effet une modification de la politique de prix d’une société aura sur son chiffre de ventes total. À moins que l’élasticité de la demande soit très faible, le demandeur subira une perte soit en raison de la diminution des ventes, soit en raison de la diminution du profit réalisé sur chaque vente. Lorsque l’élasticité est faible, et qu’il peut être démontré que la taxe a été transférée au moyen d’une hausse des prix qui n’a eu aucune incidence sur les profits réalisés sur chaque vente ou sur le volume des ventes, il serait impossible de démontrer que, n’eût été la taxe, le demandeur n’aurait pas pu augmenter ses prix ou ne l’aurait pas fait, augmentant ainsi encore plus ses profits. Le juge LeBel a indiqué que ces diverses données étaient « pratiquement impossibles à établir » (par. 205, citant le juge White dans Hanover Shoe, Inc. c. United Shoe Machinery Corp., 392 U.S. 481 (1968), p. 493). Il a finalement conclu que [traduction] « [l]e moyen de défense fondé sur le transfert de la perte permettrait, en fait, de prétendre qu’il ne sera jamais possible d’obtenir d’indemnité dans un litige commercial, parce que toute personne qui demande des dommages‑intérêts mais qui est restée solvable a manifestement trouvé un moyen de transférer la perte » (par. 206, citant le juge Ground dans Law Society of Upper Canada c. Ernst & Young (2002), 59 O.R. (3d) 214 (C.S.J.), par. 40).

49 Même si le juge LeBel critiquait alors l’application du moyen de défense fondé sur le transfert de la perte dans le domaine de la responsabilité civile délictuelle, ses critiques sont tout aussi pertinentes dans le contexte du droit de la restitution. Elles le sont peut‑être même encore davantage, car, contrairement au droit de la restitution, le droit de la responsabilité civile délictuelle repose sur le concept de l’indemnisation des pertes, de sorte que les profits fortuits éventuels doivent être pris en compte.

50 La reconnaissance, dans l’arrêt Air Canada, du moyen de défense fondé sur le transfert de la perte a créé une incertitude quant à l’application de ce moyen. Dans Lignes aériennes Canadien Pacifique, arrêt rendu en même temps que Air Canada, ce moyen de défense a été appliqué à l’action en recouvrement d’une taxe sur les boissons alcooliques qui, comme l’a souligné la Cour, avait été imposée aux passagers et non à la ligne aérienne. Cette dernière était simplement le percepteur de la taxe. Cette décision ne donne pas matière à débat dans la mesure où la ligne aérienne percevait la taxe simplement en sa qualité de mandataire de l’État. À mon avis, il n’était pas nécessaire de recourir à la défense fondée sur le transfert de la perte pour arriver à cette conclusion. Dans le même arrêt, la ligne aérienne a obtenu le remboursement de la taxe sur les services sociaux payée sur la valeur des aéronefs et pièces d’aéronefs sans que soit examiné ce moyen de défense. Dans Air Canada, le juge La Forest a toutefois conclu que le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte était applicable à la taxe sur le carburant et empêchait donc le remboursement. Il est difficile de concilier les décisions rendues dans ces deux affaires au sujet de l’application de ce moyen de défense.

51 Pour les motifs susmentionnés, je rejetterais intégralement le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte.

6. L’application de la doctrine du paiement fait sous toutes réserves et sous la contrainte

52 Le juge d’appel Robertson a accordé le recouvrement de la redevance d’exploitation imposée illégalement, parce qu’elle avait été payée sous toutes réserves. Il s’agit d’une autre question qui avait suscité des difficultés dans le contexte du recouvrement de sommes payées en vertu d’une taxe ultra vires. La doctrine du paiement fait sous toutes réserves et sous la contrainte joue le rôle d’une exception au moyen de défense fondé sur le transfert de la perte. Comme l’expliquent les professeurs Maddaugh et McCamus, [traduction] « le moyen de défense [fondé sur le transfert de la perte] ne pourrait plus être invoqué une fois que le contribuable a indiqué, en faisant le paiement sous toutes réserves, qu’il conteste la taxe pour cause d’illégalité » (p. 11‑44 et 11‑45). En conséquence, même s’il a accepté l’argument de la Province suivant lequel les appelantes avaient transféré à des tiers le coût de la taxe, le juge Robertson a conclu que les paiements faits sous toutes réserves et sous la contrainte étaient recouvrables. Comme j’ai rejeté le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte, le jugeant d’une manière générale inapplicable dans le contexte de taxes ultra vires, je n’ai pas à traiter de la doctrine du paiement fait sous toutes réserves et sous la contrainte. Je pense néanmoins que quelques observations de nature générale seront utiles.

53 À mon avis, la doctrine du paiement fait sous toutes réserves et sous la contrainte est tout simplement inapplicable dans des causes comme celle‑ci. Cela découle du fondement constitutionnel du droit à la restitution en l’espèce : la Couronne ne devrait pas avoir la possibilité de conserver des taxes qui ne sont pas valides. Il importe peu, par conséquent, que le contribuable les ait ou non payées sous toutes réserves et sous la contrainte. Si la loi s’avère invalide, le contribuable ne devrait pas être tenu de prouver qu’il a fait ses paiements sous toutes réserves, car une telle exigence serait inconciliable avec la nature de la cause d’action en l’espèce. Comme l’a dit lord Goff, à la p. 172 de l’arrêt Woolwich, [traduction] « pour donner pleinement effet à ce principe [aucune taxe ne devrait être levée sans autorisation légale] il faut que la restitution des taxes illégalement exigées puisse être ordonnée à titre de droit ». Le droit d’obtenir la restitution de taxes payées en vertu de dispositions ultra vires ne dépend pas des actes accomplis par chaque partie, mais bien du fait que la taxe a été exigée sans l’autorisation requise, ce qui est une considération objective.

54 J’ai aussi des doutes quant à l’applicabilité de la doctrine du paiement fait sous toutes réserves et sous la contrainte dans les affaires où la taxe, quoique perçue en vertu de dispositions valides, n’a pas été appliquée correctement à l’égard du contribuable. La taxe est valide, mais le contribuable n’aurait jamais dû avoir à la payer. Le problème, selon moi, tient à la notion de contrainte dans le contexte de paiements effectués en vertu d’une loi. C’est en matière de responsabilité civile délictuelle que la contrainte a tout d’abord été reconnue comme moyen limité d’obtenir des dommages‑intérêts contre une partie usant d’intimidation. Il a été jugé qu’un contrat conclu sous la contrainte pouvait être annulé à la demande de la personne l’ayant signé contre son gré (voir Maddaugh et McCamus, p. 26‑2 et 26‑3). C’est l’action en restitution qui permet de recouvrer des avantages accordés sous la contrainte (ibid., p. 26‑6.1). La contrainte vicie le caractère volontaire du paiement.

55 Les professeurs Maddaugh et McCamus expliquent à la p. 11‑20 que, [traduction] « si on fait une erreur au sujet de la loi, on paie parce qu’on s’y croit tenu par la loi. Si on agit sous l’empire de la contrainte, en revanche, c’est que l’on croit ou soupçonne fortement qu’il n’y a aucune obligation légale de payer. » À mon avis, cependant, l’absence de contrainte pour le contribuable ne devrait pas constituer un facteur important. Il n’incombe pas au contribuable, mais bien à la partie qui adopte et applique la loi, de veiller à ce que celle‑ci soit valide et applicable (voir aussi Ontario (Régie des alcools)). Je suis d’accord avec ces observations de la juge Wilson dans Air Canada :

[D]es paiements effectués en vertu d’une loi inconstitutionnelle ne sont pas « volontaires » dans un sens qui devrait préjudicier au contribuable. Celui‑ci, supposant la loi valide, comme il est selon moi en droit de le faire, se considère comme tenu de payer. On s’attend des citoyens qu’ils soient respectueux des lois. On s’attend qu’ils acquittent leurs impôts. Payez d’abord, contestez après, telle est la règle générale. Les paiements sont faits par suite de ce que le contribuable conçoit comme une obligation de payer, obligation qui découle à la fois de la présomption de constitutionnalité d’une loi dûment adoptée et du fait que le législateur la présente comme valide. Dans de telles circonstances, je crois qu’il est tout à fait irréaliste de s’attendre que le contribuable fasse ses paiements « sous réserve ». Tout contribuable qui acquitte des impôts exigés par une loi, quand il n’a aucune raison de douter de sa validité, devrait être considéré comme ayant payé en raison d’une obligation légale de le faire. [p. 1214‑1215]

Bien que faites dans le contexte d’une loi ultra vires, les observations de la juge Wilson s’appliquent tout autant à la situation dans laquelle un contribuable est tenu de payer une charge en raison d’une application incorrecte de la loi. Dans les deux cas, il n’y a pas lieu d’exiger que le paiement ait été fait sous toutes réserves.

56 Un autre problème se pose dans les cas où des sommes ont été payées à des autorités publiques en vertu d’une loi inconstitutionnelle ou par suite de l’application erronée d’une loi par ailleurs valide. Dans Eurig, par exemple, il a été jugé qu’un paiement fait sous toutes réserves et l’introduction d’une action en justice suffisaient pour donner lieu à l’exception permettant le recouvrement. Cela signifie que, chaque fois qu’une taxe est déclarée ultra vires, seules les parties qui ont eu gain de cause devant les tribunaux obtiendront le recouvrement des charges inconstitutionnelles. Aucune autre personne se trouvant dans une situation analogue ne pourra bénéficier de la décision rendue par la Cour. Cela soulève, du point de vue de l’équité horizontale, des préoccupations similaires à celles qui résultent de la doctrine de l’exemption constitutionnelle. Notre Cour a fait allusion à ces préoccupations dans Mackin c. Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances), [2002] 1 R.C.S. 405, 2002 CSC 13, et Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418. À mon avis, le droit constitutionnel devrait être appliqué équitablement et uniformément, de sorte que toutes les personnes se trouvant dans une situation analogue soient traitées de la même manière.

57 J’écarterais donc la doctrine du paiement fait sous la contrainte et sous toutes réserves dans le cas des paiements faits à des autorités publiques, que ce soit en vertu d’une loi inconstitutionnelle ou par suite de l’application erronée d’une loi par ailleurs valide. Une fois la règle d’immunité rejetée, il n’est pas nécessaire d’établir une distinction entre les cas relatifs à une loi inconstitutionnelle et ceux où une disposition de nature réglementaire est simplement ultra vires au sens du droit administratif. Dans tous ces cas, le paiement ne devrait pas être considéré comme volontaire dans un sens qui porterait préjudice au contribuable. Au contraire, le demandeur a le droit de se fonder sur la présomption de validité des dispositions en cause et sur le fait que l’autorité publique chargée de les administrer les a présentées comme applicables.

58 Dans les affaires ne portant pas sur des paiements faits à des autorités publiques en vertu d’une loi inconstitutionnelle ou par suite de l’application erronée d’une loi par ailleurs valide, j’estime que les tribunaux devraient exiger la preuve d’une contrainte véritable. Le simple fait que le paiement a été fait sous toutes réserves ne devrait être ni suffisant ni nécessaire pour établir la contrainte. Car d’une part un paiement volontaire peut être fait sous réserve (afin de protéger un droit hypothétique à la restitution), et d’autre part il peut y avoir contrainte sans aucune indication que des réserves ont été officiellement exprimées. En exigeant l’existence d’une contrainte véritable, on fait en sorte que la question soit davantage jugée en fonction de principes, et que toutes les personnes se trouvant dans une situation analogue soient traitées également, peu importe que le paiement ait été ou non fait sous toutes réserves.

7. L’application du droit de la prescription des actions

59 Je suis d’avis que les actions comme celle qui fait l’objet du présent pourvoi peuvent être soumises à un délai de prescription. La Loi sur la prescription du Nouveau‑Brunswick prévoit ce qui suit :

9 Toute autre action se prescrit par six ans à compter de la naissance de la cause d’action.

60 Il est clair que l’art. 9 de la Loi sur la prescription vise toutes les actions à l’égard desquelles rien n’est expressément prévu par cette loi. Rien ne justifierait que les actions en restitution intentées de nos jours ne soient pas régies par l’art. 9. À l’instar du juge d’appel Robertson, j’estime qu’un tel résultat ne contrevient pas aux principes élaborés par notre Cour dans Amax Potash :

À mon avis, le raisonnement adopté dans l’arrêt Amax Potash ne s’applique pas dans les cas où les provinces invoquent un délai de prescription préexistant. Il y a une différence substantielle entre une loi existante qui interdit les demandes éventuelles, sauf si elles sont introduites dans un délai précis, et une loi adoptée à seule fin de faire obstacle aux demandes de restitution fondée[s] sur une taxe invalide ou inconstitutionnelle. L’adoption d’une loi sur la prescription a pour but d’apporter la « tranquillité d’esprit » à la partie défenderesse; afin qu’elle ait la certitude qu’elle n’est plus exposée à une demande tardive accompagnée de témoignages qui ne sont plus très frais. Son adoption n’a pas pour but de faire complètement obstacle aux demandes. La Loi sur la prescription est une loi valide adoptée à des fins valables. Elle ne cherche pas à accomplir indirectement ce qui ne peut l’être directement. [par. 42]

61 Enfin, il faut déterminer le point de départ de la prescription. La cause d’action était complète à partir du moment où la Province a illégalement reçu le paiement. Pour ce motif, les appelantes ne peuvent recouvrer que les redevances d’exploitation payées au cours des six années qui ont précédé le dépôt de leur avis de requête (25 mai 2001).

8. Conclusion

62 Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi en partie et de rejeter le pourvoi incident. Les appelantes ont le droit de recouvrer toutes les redevances d’exploitation payées depuis le 25 mai 1995, avec les intérêts. Toutefois, je conclus qu’il n’est pas opportun en l’espèce d’attribuer des intérêts composés, puisque les appelantes n’ont allégué aucun comportement fautif de la Province susceptible de justifier une sanction exprimant la réprobation morale (voir Banque d’Amérique du Canada c. Société de Fiducie Mutuelle, [2002] 2 R.C.S. 601, 2002 CSC 43). Les appelantes ont droit aux dépens devant notre Cour et devant les juridictions inférieures.

Pourvoi accueilli en partie et pourvoi incident rejeté, avec dépens.

Procureurs des appelantes/intimées au pourvoi incident : Mockler Peters Oley Rouse, Fredericton.

Procureur des intimées/appelantes au pourvoi incident : Procureur général du Nouveau‑Brunswick, Fredericton.

Procureur de l’intervenant le procureur général du Manitoba : Procureur général du Manitoba, Winnipeg.

Procureur de l’intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique : Ministère du Procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.

Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Procureur général de l’Alberta, Edmonton.

Procureurs de l’intervenante Canadian Constitution Foundation : McCarthy Tétrault, Ottawa.

Procureurs de l’intervenante l’Association des consommateurs du Canada : Arvay Finlay, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : 2007 CSC 1 ?
Date de la décision : 11/01/2007
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli en partie. le pourvoi incident est rejeté

Analyses

Droit constitutionnel - Réparation - Restitution - Taxes ultra vires - Demande de remboursement par des contribuables de redevances d’exploitation payées en application de mesures législatives ultra vires - La Couronne bénéficie‑t‑elle d’une immunité à l’égard des actions en remboursement de taxes ultra vires? - Ces actions doivent‑elles être analysées en fonction de principes constitutionnels ou des règles de l’enrichissement sans cause?.

Restitution - Enrichissement sans cause - Taxes ultra vires - Demande de remboursement par des contribuables de redevances d’exploitation payées en application de mesures législatives ultra vires - Les actions en remboursement de taxes ultra vires doivent‑elles être analysées en fonction de principes constitutionnels ou des règles de l’enrichissement sans cause?.

Restitution - Moyens de défense - Moyen de défense fondé sur le transfert de la perte - Exception des paiements faits sous la contrainte et sous toutes réserves - Demande de remboursement par des contribuables de redevances d’exploitation payées en application de mesures législatives ultra vires - Le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte peut‑il être invoqué pour refuser le remboursement demandé? - Les paiements faits sous toutes réserves et sous la contrainte par des contribuables sont‑ils recouvrables?.

Depuis 1988, les contribuables, des sociétés, exploitent au Nouveau‑Brunswick plusieurs boîtes de nuit titulaires de licences les autorisant à vendre des boissons alcooliques. Elles achètent ces boissons des magasins de vente au détail de la Société des alcools de la province et, outre le prix de détail, elles paient une redevance d’exploitation prescrite par règlement. Les contribuables ont contesté la constitutionnalité de la redevance d’exploitation et réclament, à titre de réparation, le remboursement de toutes les sommes payées au fil des ans, majorées des intérêts composés. La Cour du Banc de la Reine a déclaré que la redevance d’exploitation était une taxe indirecte inconstitutionnelle, mais elle a refusé d’en ordonner le remboursement. Elle a jugé que les contribuables avaient transféré le fardeau de la taxe à leurs clients en augmentant leurs prix et elle a appliqué à l’action des contribuables pour enrichissement sans cause le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte. De plus, le tribunal a invoqué la règle générale qui interdit le recouvrement de taxes ultra vires. En Cour d’appel, les juges majoritaires ont accueilli la demande de restitution pour la totalité des sommes payées depuis la date à laquelle les demanderesses avaient fait connaître leur opposition en intentant une action contre la province. Pour les sommes payées avant l’introduction de l’action, jugées ne pas avoir été payées sous toutes réserves, les juges majoritaires ont rejeté la demande de restitution par application du moyen de défense fondé sur le transfert de la perte.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli en partie. Le pourvoi incident est rejeté.

La présente affaire doit être tranchée en fonction de principes constitutionnels plutôt que de la notion d’enrichissement sans cause, l’analyse axée sur l’enrichissement sans cause se prêtant mal aux questions que soulèvent les taxes ultra vires. En l’espèce, les contribuables utilisent un recours relevant d’un droit constitutionnel. Ce recours est le seul qui soit approprié, puisqu’il soulève d’importants principes constitutionnels qui ne seraient pas pris en considération si l’action était abordée sous l’angle d’une autre catégorie de restitution. [12] [34]

Les règles relatives à la restitution peuvent généralement être invoquées pour recouvrer des sommes perçues en vertu de dispositions législatives ultérieurement déclarées ultra vires. Une telle réparation est justifiée pour garantir le respect des principes constitutionnels, particulièrement, en l’espèce, le principe suivant lequel la Couronne ne peut lever une taxe que sous l’autorité du Parlement ou d’une législature. Le principe « Pas de taxation sans représentation » est au coeur même de notre conception de la démocratie et de la primauté du droit. Lorsque le gouvernement perçoit et conserve une taxe en vertu d’une loi ultra vires, il sape la primauté du droit. En permettant à la Couronne de conserver une taxe ultra vires, on se trouverait à accepter une atteinte à ce principe constitutionnel absolument fondamental. C’est pourquoi le citoyen qui a fait un paiement en vertu d’une loi ultra vires a droit à la restitution. Dans un contexte de droit public, une règle qui mettrait les pouvoirs publics à l’abri des demandes de restitution de sommes payées en vertu d’une loi invalide doit être rejetée. Faire primer des considérations d’intérêt public dans le cas de taxes ultra vires risque d’ébranler la primauté du droit. De plus, la possibilité d’obtenir le prononcé d’une déclaration d’invalidité dont l’effet est suspendu et la possibilité qu’ont le Parlement et les législatures d’imposer des taxes valides et de les appliquer rétroactivement, de manière à limiter ou à refuser le recouvrement de taxes ultra vires, suffisent à prévenir un éventuel chaos fiscal. [12] [14‑15] [20‑21] [25]

La Couronne n’est pas admise à invoquer le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte dans le contexte du recouvrement de taxes payées en vertu de dispositions ultra vires. Ce moyen de défense est incompatible avec le principe fondamental du droit de la restitution. Les principes applicables en matière de restitution pourvoient à la restitution au demandeur de ce qui lui a été pris ou de ce qui a été reçu de lui sans justification. La possibilité que le demandeur obtienne un profit fortuit n’a pas d’importance du point de vue du droit de la restitution, parce que celui‑ci ne repose pas sur le concept de l’indemnisation d’une perte. En outre, le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte n’est pas judicieux sur le plan économique et soulève d’importantes difficultés d’application en ce qui concerne la preuve, vu les difficultés inhérentes qui se posent lorsqu’il s’agit de prouver, dans un marché commercial, que la perte n’a pas été transférée aux consommateurs. [42] [44] [47‑48]

Comme le moyen de défense fondé sur le transfert de la perte est d’une manière générale inapplicable dans le contexte de taxes ultra vires, il n’est pas nécessaire de traiter de la doctrine du paiement fait sous toutes réserves et sous la contrainte, doctrine qui joue le rôle d’une exception à ce moyen de défense. Toutefois, cette doctrine devrait en règle générale être écartée dans le cas des paiements faits à des autorités publiques, que ce soit en vertu d’une loi inconstitutionnelle ou par suite de l’application erronée d’une loi par ailleurs valide. [52] [57]

Les actions en remboursement de taxes ultra vires peuvent être soumises à un délai de prescription. Dans le présent cas, c’est le délai de prescription de six ans prévu par l’art. 9 de la Loi sur la prescription du Nouveau‑Brunswick qui s’applique. Par conséquent, les contribuables ne peuvent recouvrer que les redevances d’exploitation payées au cours des six années qui ont précédé le dépôt de leur avis de requête, redevances qui seront majorées des intérêts. Toutefois, il n’est pas opportun en l’espèce d’attribuer des intérêts composés, puisque les contribuables n’ont allégué aucun comportement fautif de la province susceptible de justifier une sanction exprimant la réprobation morale. [59] [61‑62]


Parties
Demandeurs : Kingstreet Investments Ltd.
Défendeurs : Nouveau-Brunswick (Finances)

Références :

Jurisprudence
Arrêt analysé : Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161
arrêts mentionnés : Air Canada c. Ontario (Régie des alcools), [1997] 2 R.C.S. 581
Succession Eurig (Re), [1998] 2 R.C.S. 565
Amax Potash Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan, [1977] 2 R.C.S. 576
Woolwich Equitable Building Society c. Inland Revenue Commissioners, [1993] A.C. 70
Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445
United States c. Butler, 297 U.S. 1 (1936)
Peel (Municipalité régionale) c. Canada, [1992] 3 R.C.S. 762
Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), [2004] 3 R.C.S. 575, 2004 CSC 75
Garland c. Consumers’ Gas Co., [2004] 1 R.C.S. 629, 2004 CSC 25
Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1133
Ross c. The King (1902), 32 R.C.S. 532
Abel Skiver Farm Corp. c. Ville de Sainte‑Foy, [1983] 1 R.C.S. 403
Willmor Discount Corp. c. Vaudreuil (Ville), [1994] 2 R.C.S. 210
Ville de Sept‑Îles c. Lussier, [1993] R.J.Q. 2717
Commissioner of State Revenue (Victoria) c. Royal Insurance Australia Ltd. (1994), 182 C.L.R. 51
Colombie‑Britannique c. Canadian Forest Products Ltd., [2004] 2 R.C.S. 74, 2004 CSC 38
Hanover Shoe, Inc. c. United Shoe Machinery Corp., 392 U.S. 481 (1968)
Law Society of Upper Canada c. Ernst & Young (2002), 59 O.R. (3d) 214
Mackin c. Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances), [2002] 1 R.C.S. 405, 2002 CSC 13
Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418
Banque d’Amérique du Canada c. Société de Fiducie Mutuelle, [2002] 2 R.C.S. 601, 2002 CSC 43.
Lois et règlements cités
Code civil du Bas‑Canada, art. 1047, 1048.
Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 1491.
Loi constitutionnelle de 1867, art. 53, 90, 92(9).
Loi sur la prescription, L.R.N.‑B. 1973, ch. L‑8, art. 9.
Loi sur la réglementation des alcools, L.R.N.‑B. 1973, ch. L‑10, art. 200(3).
Règlement sur les droits — Loi sur la réglementation des alcools, Règl. du N.‑B. 89‑167, art. 5.
Doctrine citée
Baudouin, Jean‑Louis, et Pierre‑Gabriel Jobin. Les obligations, 6e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 2005.
Birks, Peter. « Restitution from the Executive : A Tercentenary Footnote to the Bill of Rights », in P. D. Finn, ed., Essays on Restitution. Sydney, Australia : Law Book Co., 1990, 164.
Goff of Chieveley, Robert Goff, Baron, and Gareth Jones. The Law of Restitution, 4th ed. London : Sweet & Maxwell, 1993.
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, vol. 2, loose‑leaf ed. Scarborough, Ont. : Carswell, 1992 (updated 2005, release 1).
Hogg, Peter W., and Patrick J. Monahan. Liability of the Crown, 3rd ed. Scarborough, Ont. : Carswell, 2000.
Maddaugh, Peter D., and John D. McCamus. The Law of Restitution. Aurora, Ont. : Canada Law Book, 2004 (loose‑leaf updated September 2005).

Proposition de citation de la décision: Kingstreet Investments Ltd. c. Nouveau-Brunswick (Finances), 2007 CSC 1 (11 janvier 2007)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2007-01-11;2007.csc.1 ?
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