COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. Grandinetti, [2005] 1 R.C.S. 27, 2005 CSC 5
Date : 20050127
Dossier : 30096
Entre :
Cory Howard Grandinetti
Appelant
c.
Sa Majesté la Reine
Intimée
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron
Motifs de jugement :
(par. 1 à 62)
La juge Abella (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish et Charron)
______________________________
R. c. Grandinetti, [2005] 1 R.C.S. 27, 2005 CSC 5
Cory Howard Grandinetti Appelant
c.
Sa Majesté la Reine Intimée
Répertorié : R. c. Grandinetti
Référence neutre : 2005 CSC 5.
No du greffe : 30096.
2004 : 15 octobre; 2005 : 27 janvier.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron.
en appel de la cour d’appel de l’alberta
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (les juges Côté, Conrad et McFadyen) (2003), 339 A.R. 52, 312 W.A.C. 52, 178 C.C.C. (3d) 449, [2003] A.J. No. 1330 (QL), 2003 ABCA 307, qui a confirmé la déclaration de culpabilité de l’accusé de meurtre au premier degré. Pourvoi rejeté.
Patrick C. Fagan et Gregory R. Dunn, pour l’appelant.
Goran Tomljanovic, pour l’intimée.
Version française du jugement de la Cour rendu par
1 La juge Abella — L’appelant, Cory Grandinetti, a été déclaré coupable de meurtre au premier degré au terme d’un procès devant jury. Deux questions soulevées lors de ce procès font l’objet du présent pourvoi. Premièrement, les déclarations inculpatoires de l’accusé étaient‑elles admissibles à défaut d’un voir‑dire sur leur caractère volontaire? Les déclarations ont été faites à des agents doubles qui prétendaient appartenir à une organisation criminelle. Deuxièmement, la preuve voulant qu’une autre personne ait pu commettre le meurtre aurait‑elle dû être admise? Je suis d’avis que la juge du procès n’a pas commis d’erreur relativement à l’une ou l’autre des questions et que le pourvoi doit être rejeté.
I. Les faits
2 Connie Grandinetti était la tante de M. Grandinetti. Son corps a été retrouvé dans un fossé près de Fort Saskatchewan le 10 avril 1997. Elle avait été atteinte de deux coups de feu tirés à bout portant à l’arrière de la tête.
3 D’importants éléments de preuve circonstancielle relient Cory Grandinetti au meurtre. En juillet 1996, Connie Grandinetti a retenu les services d’un avocat pour obtenir de son ex‑mari, Jeff Grandinetti, l’oncle de Cory Grandinetti, le paiement d’une pension alimentaire pour enfants. Le 15 janvier 1997, son avocat a demandé au tribunal d’ordonner le paiement d’arriérés de 12 000 $ et le versement d’une pension alimentaire pour enfants de 1 000 $ par mois. Jeff et Connie Grandinetti ne pouvant arriver à un règlement, l’audition de la demande de pension alimentaire pour enfants a été ajournée au 18 avril 1997, soit huit jours après le meurtre.
4 À la fin de février 1997, Jeff Grandinetti a demandé à un ami de lui prêter 10 000 $. Il a quitté Edmonton pour aller chercher l’argent à Calgary.
5 En mars 1997, Cory Grandinetti a dit à son ex-petite amie que son oncle, Jeff Grandinetti, voulait faire assassiner Connie Grandinetti et s’était procuré la somme nécessaire. Il a ajouté qu’il comptait s’en charger et tuer sa tante en lui administrant une surdose d’héroïne.
6 Le 4 avril 1997, Cory Grandinetti s’est rendu à Calgary muni de deux ampoules d’héroïne et d’une arme à feu. Le soir du 9 avril 1997, il a emprunté le camion de son grand‑père en lui disant qu’il allait rendre visite à sa tante Diane. Il est plutôt passé prendre Connie Grandinetti vers 20 heures devant chez elle. Il est la dernière personne à avoir vu la victime vivante.
7 En juillet 1997, la GRC disposait de peu de pistes, mais elle soupçonnait Cory Grandinetti. Elle a lancé une opération secrète baptisée Project Kilometer pour recueillir d’autres éléments de preuve contre lui. Plusieurs policiers ont prétendu faire partie d’une organisation criminelle et se sont efforcés de gagner sa confiance. M. Grandinetti croyait avoir affaire à une grande organisation internationale se livrant au trafic des stupéfiants et au recyclage d’argent. On lui a laissé croire que l’organisation projetait de s’établir à Calgary, qu’il avait été pressenti comme agent de liaison et que sa participation aux activités criminelles de l’organisation pourrait lui rapporter des centaines de milliers de dollars.
8 Dans le cadre de cette opération, M. Grandinetti a été amené à participer à des activités criminelles comme le recyclage d’argent, le vol, la réception d’armes à feu illégales et le trafic de stupéfiants. Un certain nombre de policiers ont pris part à l’entreprise, dont l’agent Keith Pearce — que l’appelant connaissait sous le nom de « Mac » — , le caporal Gordon Rennick, alias « Dan », et l’agent Robert Johnston, surnommé « Zeus ». « Mac » prétendait être à la tête de l’organisation criminelle. L’appelant a toujours ignoré leur véritable identité.
9 Dès le début, les agents doubles ont invité M. Grandinetti à parler du meurtre de sa tante, mais toujours en vain. À la fin d’octobre, ils ont convenu de la nécessité d’un nouveau stratagème. Ils ont d’abord tenté de convaincre l’appelant qu’ils connaissaient des policiers disposés à agir illégalement et auxquels ils avaient eu recours par le passé pour influencer le déroulement d’une enquête. Le 30 octobre 1997, ils l’ont persuadé qu’ils avaient réussi à faire réduire une accusation de meurtre pesant contre « Dan » à une accusation de voies de fait graves en se servant de leurs contacts dans la police pour éloigner un témoin et récupérer des photos incriminantes. Le 13 novembre 1997, pour conforter M. Grandinetti dans l’impression qu’ils avaient des liens avec des policiers corrompus, « Mac » a dit à l’appelant qu’il avait pu obtenir facilement le nom du responsable de l’enquête sur le meurtre de Connie Grandinetti.
10 Afin d’amener M. Grandinetti à parler enfin du meurtre de Connie Grandinetti, les agents doubles lui ont laissé entendre que, grâce à leurs contacts, ils pourraient faire lever les soupçons pesant sur lui. Comme il continuait à se taire, ils ont fait valoir que la poursuite de l’enquête sur le meurtre pourrait nuire à leurs activités. Ils lui ont vivement conseillé de se « mettre à table » pour éviter que la police ne vienne mettre son nez dans leurs affaires.
11 M. Grandinetti est alors passé aux aveux, donnant des précisions aux agents doubles et les conduisant au lieu du meurtre. Les aveux ont été enregistrés et c’est sur leur fondement que M. Grandinetti a été arrêté le 9 décembre 1997.
12 Lors du procès, la juge Nash a rendu deux décisions qui sont au cœur du présent pourvoi. Premièrement, elle a conclu à l’admissibilité des déclarations inculpatoires et, deuxièmement, elle a exclu la preuve relative à la possibilité qu’une autre personne ait commis le meurtre.
13 Au procès, la défense a soutenu que les agents doubles étaient des « personnes en situation d’autorité » puisque M. Grandinetti avait cru qu’ils pouvaient influencer le cours de l’enquête sur le meurtre de sa tante grâce à leurs prétendues relations avec des policiers corrompus. Selon elle, il incombait donc au ministère public de prouver soit que M. Grandinetti n’avait pas raisonnablement cru que les agents doubles étaient des personnes en situation d’autorité, soit que ses déclarations avaient été faites volontairement. Le ministère public a rétorqué que les agents doubles n’auraient pu être des personnes en situation d’autorité que si l’accusé avait cru qu’ils étaient susceptibles d’influencer l’enquête ou la poursuite en défendant les intérêts de l’État, et non en agissant à leur détriment.
14 La juge du procès a tenu un voir‑dire afin de trancher la question préliminaire : M. Grandinetti s’était-il acquitté de sa charge de présentation concernant l’existence d’une véritable question en litige quant à savoir si les agents doubles étaient ou pouvaient être des personnes en situation d’autorité? La défense a appelé trois témoins à la barre : le caporal Rennick, l’agent Johnston et M. Grandinetti.
15 La juge du procès a conclu que les agents doubles ne pouvaient être des personnes en situation d’autorité, qu’il n’était pas nécessaire de tenir un voir‑dire sur le caractère volontaire des déclarations et que celles‑ci étaient admissibles en preuve. Elle a estimé que M. Grandinetti ignorait complètement la véritable identité des agents doubles et qu’il les avait en fait considérés comme ses pairs. Elle a souligné que le critère de la « personne en situation d’autorité » était très subjectif et se fondait sur la croyance raisonnable de l’accusé. La logique et la raison voulaient qu’une « personne en situation d’autorité » ne puisse être qu’une personne qui, selon l’accusé, agit de concert avec les autorités. Les agents doubles ne pouvaient être des personnes en situation d’autorité puisque M. Grandinetti croyait non pas qu’ils agissaient dans l’intérêt public ou collaboraient avec l’État, mais bien qu’ils contrecarraient l’action de l’État.
16 La deuxième décision contestée de la juge du procès est celle, rendue à l’issue de deux voir‑dire, d’exclure la preuve donnant à penser qu’une autre personne, Rick Papin, avait pu assassiner Connie Grandinetti. Les deux voir‑dire visaient à apprécier la pertinence de la preuve et sa valeur probante.
17 Au cours du premier voir‑dire, la défense a cherché à mettre en preuve les menaces proférées par Rick Papin contre Connie Grandinetti. Son seul témoin était le fils de la victime, Dustin Grandinetti. Il a témoigné que sa mère avait vendu de la cocaïne de 1995 à 1996 et que, depuis le printemps 1996, elle avait cessé de le faire. Mme Grandinetti lui avait déjà versé 100 $ pour qu’il la dépose à l’endroit où elle vendait la drogue. C’était la seule fois qu’il avait eu personnellement connaissance de cette activité exercée par sa mère. Il avait bien rencontré Rick Papin une fois ou deux, mais il ne l’avait jamais vu livrer des stupéfiants à sa mère.
18 Le témoignage de Dustin Grandinetti était essentiellement constitué de ouï‑dire. Connie Grandinetti lui aurait confié qu’elle s’approvisionnait désormais auprès d’un autre fournisseur que M. Papin et vendait la drogue moins cher que lui. Elle lui aurait également dit qu’elle avait commencé à craindre M. Papin au début de 1996.
19 Le second voir‑dire sur la question a été beaucoup plus approfondi que le premier. La juge du procès a tenu compte non seulement des témoignages alors entendus, mais également du témoignage de Cory Grandinetti au procès. En présence du jury, M. Grandinetti avait témoigné que, le 9 avril 1997, vers 20 heures, il était passé prendre sa tante et qu’elle était à la recherche de cocaïne. Ils s’étaient rendus dans plusieurs bars. Mme Grandinetti était entrée dans chacun d’eux quelques minutes, son neveu l’attendant à l’extérieur. Ils s’étaient également rendus à un dépanneur pour en repartir après vingt minutes d’attente. Selon M. Grandinetti, sa tante cherchait une personne en particulier dont elle ne lui a jamais révélé l’identité. Plus tard, ils s’étaient rendus à une maison et avaient parlé. Mme Grandinetti lui avait fait part des problèmes que Rick Papin, son ancien amant et fournisseur de cocaïne, lui avait causés au cours de la dernière année. Elle lui avait confié que, à l’instar de la relation, la vente de cocaïne avait pris fin. Elle avait dit ne pas se sentir libre de vendre de la cocaïne pour quelqu’un d’autre. M. Grandinetti a dit avoir déposé sa tante à un bar peu après minuit.
20 M. Grandinetti a témoigné lors du voir‑dire également. Connie Grandinetti lui aurait dit que Rick Papin avait battu certains de ses clients, qu’il était entré chez elle par effraction, qu’il lui avait mis un couteau sous la gorge et qu’il avait menacé de la tuer. Elle lui aurait également dit qu’elle recueillait des renseignements pour démasquer Rick Papin à titre d’indicateur, et qu’elle le craignait.
21 Lors du second voir‑dire, le petit ami de Connie Grandinetti au moment de son décès, Lawrence Berlinguette, a témoigné que M. Papin et son associé, Calvin Dominique, avaient fait irruption dans leur appartement le 21 mars 1996. M. Dominique l’avait frappé au visage, lui fracturant le nez. Armé d’un couteau de chasse, M. Papin avait mis la lame sous la gorge de Connie Grandinetti, la sommant de se tenir loin de ses clients. Il lui avait également signifié qu’il ne voulait pas qu’elle vende de la drogue en ville, la giflant à plusieurs reprises. MM. Papin et Dominique prétendaient que Connie Grandinetti leur devait de l’argent et ils lui reprochaient de renseigner la police à leur sujet. L’incident avait duré environ dix minutes.
22 Calvin Dominique et Rick Papin avaient par la suite été inculpés de plusieurs infractions, mais le ministère public avait inscrit un arrêt des procédures le 26 novembre 1996. Le lendemain de l’agression, M. Berlinguette et Mme Grandinetti avaient emménagé dans un nouvel appartement situé à l’autre extrémité de la ville.
23 Selon le témoignage de M. Berlinguette, Connie Grandinetti et lui avaient vendu de la cocaïne pour M. Papin du 8 février au 21 mars 1996, mais ils n’avaient plus eu de contacts avec M. Papin ou M. Dominique par la suite. Qui plus est, Mme Grandinetti avait cessé de consommer de la drogue et d’en vendre huit mois avant son décès.
24 Conjointe de fait de Rick Papin de janvier 1995 à février 1996, Elaine McGilvery a elle aussi témoigné lors du second voir‑dire. Elle a dit que, pendant leur liaison, M. Papin s’était livré au trafic de la cocaïne et que Connie Grandinetti lui avait servi de courrier. À la fin de février ou au début de mars 1996, M. Papin avait cru avoir été roulé et dénoncé aux policiers par Connie Grandinetti. Elle a affirmé ne pas avoir eu connaissance de contacts entre Mme Grandinetti et M. Papin après le 21 mars 1996. À cette date, elle avait d’ailleurs déjà rompu avec Rick Papin. Connie Grandinetti lui aurait dit, après l’incident de l’appartement, qu’elle avait peur de Rick Papin.
25 Mme McGilvery a dit que M. Papin était physiquement et verbalement violent avec elle. Il lui avait mis un couteau sous la gorge en février 1996 et l’avait menacée de mort à plusieurs reprises la même année. Le 18 janvier 1997, dans un accès de colère, il l’avait étranglée et menacée dans un bar parce qu’il avait caché une arme à feu chez elle et voulait la récupérer. Mme McGilvery a dit ne pas avoir eu personnellement connaissance qu’il portait une arme à feu et ne l’avoir jamais vu en porter une. Cependant, elle avait déjà trouvé une arme à feu chez elle et avait alors cru que M. Papin l’y avait mise. Elle a porté plainte à la police pour l’incident du 18 janvier, et M. Papin a été arrêté puis accusé de plusieurs infractions, dont celle de voies de fait. En raison de ces accusations et d’une autre accusation distincte d’avoir menacé Mme McGilvery, M. Papin a été détenu du 18 janvier au 7 avril 1997.
26 Au cours de l’été 1996, Mme McGilvery a commencé à fréquenter Ricky Whitford, qui se trouvait dans le même centre de détention provisoire que M. Papin de janvier à avril 1997. Ricky Whitford connaissait M. Papin depuis 1985. Mme McGilvery lui ayant dit que M. Papin était un indicateur de la police, M. Whitford voulait démasquer ce dernier.
27 M. Whitford a témoigné lors du second voir‑dire qu’une semaine ou deux avant le décès de Connie Grandinetti, il avait dit à son cousin, Calvin Dominique, qu’elle pouvait obtenir des documents établissant que M. Papin était un indicateur. M. Whitford comptait faire circuler ces documents au centre de détention provisoire afin que M. Papin soit poignardé ou battu. Mme McGilvery lui avait aussi confié que Mme Grandinetti craignait M. Papin.
28 Il a ajouté que M. Papin avait l’habitude d’agresser les gens lors de réceptions, mais que la dernière manifestation de violence dont il avait été témoin remontait à 1993. Par ailleurs, il avait vu M. Papin en possession d’un revolver 9mm et d’un Smith and Wesson de calibre .357.
29 M. Whitford a également témoigné que M. Papin était en colère contre Mme McGilvery, qu’il tenait pour responsable de son incarcération.
30 Le directeur adjoint de la sécurité du centre de détention provisoire d’Edmonton, Terry Garnett, a pour sa part témoigné, lors du voir‑dire, que Rick Papin avait été détenu au centre du 18 janvier au 7 avril 1997. Selon les registres, ni M. Dominique ni Mmes McGilvery et Grandinetti n’avaient rendu visite à M. Papin pendant cette période.
31 L’agent Dennis Hartl a également témoigné lors du voir‑dire. C’est lui qui, le 7 janvier 1997, avait arrêté Connie Grandinetti pour vente de cocaïne à un agent en civil le 1er mars 1996. Il n’y avait jamais eu de mise en accusation formelle. La vente avait été conclue pour le compte de Rick Papin. Après son arrestation, Mme Grandinetti avait fourni des renseignements sur un certain nombre de trafiquants de drogue, mais aucun sur M. Papin. Elle avait également dit à l’agent Hartl qu’elle ne craignait pas M. Papin et qu’elle était disposée à témoigner contre lui relativement à l’accusation d’introduction par effraction portée à la suite de l’agression survenue dans son appartement en 1996.
32 À l’issue des deux voir‑dire, la juge du procès a conclu que la preuve d’un lien entre Rick Papin et le meurtre de Connie Grandinetti était insuffisante et elle l’a exclue.
33 Le jury a déclaré Cory Grandinetti coupable du meurtre de sa tante. Ce dernier a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité. Les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Alberta (les juges McFadyen et Côté) ont confirmé les décisions et rejeté l’appel ((2003), 339 A.R. 52). Dissidente, la juge Conrad a estimé qu’il était possible de conclure que les agents doubles étaient des personnes en situation d’autorité, ce qui rendait nécessaire la tenue d’un voir‑dire sur le caractère volontaire des déclarations, et que le lien établi entre Rick Papin et le meurtre de Connie Grandinetti était suffisant pour que la preuve soit admissible. La contestation de la décision de la juge du procès d’admettre les aveux et de celle d’exclure la preuve que Rick Papin aurait pu être l’auteur du meurtre est à l’origine du présent pourvoi.
II. Analyse
A. L’admissibilité des déclarations inculpatoires
34 Suivant la règle des confessions, les déclarations extrajudiciaires d’un accusé à une personne en situation d’autorité ne sont admissibles que si elles sont volontaires. Les principes applicables ont été établis par notre Cour dans R. c. Hodgson, —1998— 2 R.C.S. 449, et R. c. Oickle, —2000— 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38. Aux paragraphes 47 à 71 de ce dernier arrêt, la Cour a énuméré les facteurs à considérer pour statuer sur le caractère volontaire d’une déclaration. Dans la présente affaire, l’appelant soulève la question de savoir si ses déclarations ont été faites à une « personne en situation d’autorité » au sens de l’arrêt Hodgson, et non celle de savoir si elles ont été faites librement et volontairement au sens de l’arrêt Oickle.
35 La règle, les principes qui la sous‑tendent et la définition de « personne en situation d’autorité » ont été examinés dans l’arrêt Hodgson. Voici comment le juge Cory a justifié la règle :
La règle repose sur deux concepts d’une importance fondamentale : la nécessité de garantir la fiabilité de la déclaration et d’assurer l’équité en empêchant l’État de prendre des mesures de coercition inappropriées.
. . .
Il ne faut pas oublier que c’est la nature de l’autorité exercée par l’État qui peut pousser une personne à faire une déclaration involontaire. [. . .] En d’autres mots, c’est la crainte de représailles ou l’espoir d’obtenir la clémence de personnes en situation d’autorité, sentiments associés à la qualité officielle de ces personnes, qui peuvent amener une personne à faire une déclaration involontaire. [. . .] Cette restriction [l’exigence relative à la personne en situation d’autorité] est appropriée puisque la plupart des enquêtes criminelles sont faites par l’État et que c’est dans cette situation qu’un accusé est le plus vulnérable à la coercition de l’État. [par. 48 et 24]
La raison d’être du critère de la « personne en situation d’autorité » est l’iniquité d’admettre en preuve les déclarations qu’un accusé a faites en croyant être soumis au pouvoir particulièrement coercitif de l’État et la non-fiabilité de telles déclarations. Dans l’arrêt Hodgson, malgré une demande explicite en ce sens, notre Cour a refusé d’écarter l’exigence d’une décision préliminaire quant à savoir si la déclaration a été faite à une « personne en situation d’autorité ». Le juge Cory a dit que sans l’examen voulu,
toutes les déclarations faites à un agent double seraient assujetties à la règle des confessions même si l’accusé ignorait complètement qu’il avait affaire à une telle personne et si, au moment où il a fait la déclaration, il n’aurait jamais considéré l’agent double comme une personne en situation d’autorité. [par. 25]
36 Comme notre Cour l’a fait remarquer dans l’arrêt Hodgson, par. 26, il ne fait aucun doute qu’une déclaration peut parfois être faite dans des circonstances qui sont coercitives au point de compromettre sa fiabilité même si l’interlocuteur n’est pas une personne en situation d’autorité. Des règles de common law comme l’abus de procédure, et la Charte canadienne des droits et libertés font obstacle à l’admission en preuve d’une telle déclaration lorsqu’elle est de nature à miner l’intégrité du processus judiciaire. L’argument fondé sur l’« abus de procédure » a en fait été formulé par M. Grandinetti au procès, puis écarté tant au procès qu’en appel, mais il n’a pas été avancé devant notre Cour.
37 Dans l’arrêt Hodgson, notre Cour a défini la procédure à suivre pour décider de la recevabilité d’un aveu. Premièrement, l’accusé a la charge de présentation concernant l’existence d’une véritable question en litige justifiant un examen quant à savoir si, au moment d’avouer, il croyait avoir affaire à une personne en situation d’autorité. Une « personne en situation d’autorité » s’entend généralement de celle qui participe à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé. Il incombe ensuite au ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé ne croyait pas raisonnablement que son interlocuteur était une personne en situation d’autorité ou, s’il le croyait, que la déclaration était volontaire. La question de savoir si l’aveu était volontaire ne se pose que si le tribunal conclut au préalable qu’il a été fait à une « personne en situation d’autorité ».
38 La notion de « personne en situation d’autorité » est très subjective et repose sur la perception qu’a l’accusé de la personne à qui il fait la déclaration. Il faut se demander si, compte tenu de sa perception du pouvoir de son interlocuteur d’influencer la poursuite, l’accusé croyait qu’il subirait un préjudice s’il refusait de faire une déclaration ou qu’il bénéficierait d’un traitement favorable s’il parlait.
39 Le critère comporte également un volet objectif : le caractère raisonnable de la croyance que l’interlocuteur est une personne en situation d’autorité. Il ne suffit toutefois pas que l’accusé croie raisonnablement qu’une personne puisse infléchir le déroulement de l’enquête ou de la poursuite. Comme l’a dit avec raison la juge du procès :
[traduction] [L]a raison et le bon sens commandent, lorsque la jurisprudence dit d’une personne en situation d’autorité qu’elle peut exercer un contrôle ou une influence sur le déroulement de la procédure, qu’elle renvoie à une personne participant à l’enquête, à l’arrestation et à la poursuite relatives à une infraction criminelle débouchant sur une déclaration de culpabilité, à un mandataire de la police ou à une personne collaborant avec les policiers. Il ne saurait s’agir d’une personne cherchant à saboter l’enquête ou à soustraire un suspect à une enquête menée par l’État.
(B.R. Alb., no 98032644C5, 30 avril 1999, par. 56)
40 Même si le critère relatif à la personne en situation d’autorité ne s’applique pas de manière absolue, sauf circonstances exceptionnelles, un agent double ne sera pas une personne en situation d’autorité puisque l’accusé ne le percevra habituellement pas ainsi. La jurisprudence le confirme. Comme l’a expliqué le juge Cory dans l’arrêt Hodgson :
La question de la qualité de personne en situation d’autorité de la personne qui a reçu la déclaration se pose seulement si l’accusé connaissait cette qualité. Si l’accusé ne peut pas prouver qu’il connaissait la qualité de la personne ayant reçu sa déclaration (par exemple, dans le cas d’un agent double) [. . .], l’examen de la question de savoir si la personne ayant reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité doit cesser. [par. 39]
Voir également Rothman c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 640, p. 664; R. c. Todd (1901), 4 C.C.C. 514 (B.R. Man.), p. 527.
41 Même s’il a reconnu qu’un agent double n’est habituellement pas une personne en situation d’autorité, l’appelant soutient que lorsque son stratagème consiste notamment à laisser entendre qu’il a des liens avec des policiers corrompus et que ces derniers pourraient influencer l’enquête et la poursuite relatives à l’infraction, l’agent est une personne en situation d’autorité.
42 Or, suivant la règle traditionnelle des confessions,
[traduction] la personne en situation d’autorité est une personne concernée par les poursuites judiciaires et qui, de l’avis de l’accusé, peut en influencer le déroulement.
(R. c. Berger (1975), 27 C.C.C. (2d) 357 (C.A.C.-B.), p. 385, cité dans l’arrêt Hodgson, par. 33)
43 Cette idée me paraît développée dans l’arrêt Hodgson, où le juge Cory dit de la personne en situation d’autorité qu’aux yeux de l’auteur de la déclaration, elle est un « mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites », un « allié des autorités étatiques », qu’elle agit « pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites » ou « de concert avec les autorités policières ou celles chargées des poursuites, [. . .] en tant que mandataire de celles‑ci » (par. 34-36 et 47). Voici comment il a expliqué cette théorie plus avant :
Comme l’exigence relative à la personne en situation d’autorité vise à faire échec au comportement coercitif de l’État, le critère de la personne en situation d’autorité ne peut inclure les personnes que l’accusé croit déraisonnablement être des personnes agissant pour le compte de l’État. En conséquence, si l’accusé parle par crainte de représailles ou dans l’espoir d’obtenir un avantage parce qu’il croit raisonnablement que la personne qui reçoit sa déclaration agit à titre de mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites et qu’elle pourrait par conséquent avoir quelque influence ou pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, cette personne est alors à juste titre considérée comme une personne en situation d’autorité. Autrement dit, la preuve doit révéler non seulement que l’accusé croyait subjectivement que la personne recevant la déclaration avait un certain pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, mais elle doit établir l’existence d’un fondement objectivement raisonnable à l’égard de cette croyance. . .
. . .
. . . il n’existe aucune liste de personnes qui sont considérées d’office comme des personnes en situation d’autorité du seul fait de leur qualité. Un parent, un médecin, un enseignant ou un employeur peuvent tous être considérés comme des personnes en situation d’autorité si les circonstances le justifient, mais leur qualité, ou le simple fait qu’ils peuvent exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire d’eux des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. [. . .] [L]’exigence relative à la personne en situation d’autorité a évolué d’une manière qui évite l’application d’une approche formaliste ou légaliste aux interactions entre de simples citoyens. Au contraire, elle commande un examen au cas par cas de la croyance de l’accusé au sujet de la capacité de la personne qui reçoit sa déclaration d’influencer l’enquête ou la poursuite du crime. En d’autres mots, le juge du procès doit déterminer si l’accusé croyait raisonnablement que la personne qui a reçu la déclaration agissait pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites. [par. 34 et 36]
44 L’appelant croyait que les agents doubles étaient des criminels, pas des policiers, même s’il pensait que ces criminels avaient des liens avec des policiers corrompus susceptibles d’influencer l’enquête dont il était l’objet. Lorsque, comme en l’espèce, l’accusé avoue son crime à un agent double qu’il croit en mesure d’influencer, grâce au concours de policiers corrompus, l’enquête dont il fait l’objet, le pouvoir coercitif de l’État n’est pas en cause. Les déclarations n’ont donc pas été faites à une personne en situation d’autorité.
45 L’accusé ne s’étant pas acquitté de sa charge de présentation quant à l’existence d’une véritable question en litige justifiant un examen, la tenue d’un voir‑dire sur le caractère volontaire de l’aveu était inutile.
B. La preuve qu’un tiers a pu commettre le crime
46 La preuve qu’une autre personne a pu perpétrer l’infraction est admissible. Dans R. c. McMillan (1975), 7 O.R. (2d) 750 (C.A.), conf. par [1977] 2 R.C.S. 824, le juge Martin a exposé le principe fondamental :
[traduction] [I]l va de soi que s’il est accusé du meurtre de X, A peut, en défense, présenter des éléments de preuve établissant que c’est B, et non lui, qui a tué X. [p. 757]
Il a cependant précisé que la preuve doit être pertinente et avoir une valeur probante :
[traduction] Il va sans dire que la preuve selon laquelle le crime a été commis par une autre personne doit satisfaire au critère de la pertinence et avoir une valeur probante suffisante pour que son admission soit justifiée. En conséquence, les tribunaux ne se sont montrés disposés à l’admettre en preuve que lorsque l’autre personne était par ailleurs suffisamment liée au crime pour que la preuve offerte ait quelque valeur probante. [p. 757]
47 L’exigence d’un lien suffisant entre l’autre personne et le crime est essentielle. Faute d’un tel lien, l’élément de preuve offert n’a aucune pertinence ou valeur probante. L’élément peut reposer sur des inférences, mais celles‑ci doivent être raisonnables au regard de la preuve et ne pas être spéculatives.
48 L’accusé doit démontrer l’existence d’un élément susceptible de permettre à un jury raisonnable ayant reçu des directives appropriées de prononcer son acquittement sur le fondement du moyen de défense : R. c. Fontaine, [2004] 1 R.C.S. 702, 2004 CSC 27, par. 70. À défaut d’un lien suffisant, le moyen de défense fondé sur la perpétration du crime par une autre personne n’a pas la vraisemblance requise : R. c. Cinous, [2002] 2 R.C.S. 3, 2002 CSC 29.
49 La juge du procès a correctement énoncé le critère juridique applicable en la matière :
[traduction] Selon la jurisprudence, l’accusé peut présenter des éléments tendant à établir qu’un autre que lui a commis l’infraction. La prédisposition de l’autre personne à commettre l’infraction a valeur probante et est admissible à condition que d’autres éléments tendent à relier cette autre personne à la perpétration de l’infraction.
(Décision (voir-dire), dossier de l’appelant, p. 64)
Reste donc à déterminer si elle a correctement appliqué le critère aux faits de l’espèce en statuant que le jury ne pouvait entendre la preuve parce que le lien entre Rick Papin et le meurtre de Connie Grandinetti était insuffisant.
50 L’appelant a prétendu que des éléments tendaient à démontrer que Rick Papin avait un mobile, qu’il avait eu l’occasion de tuer Connie Grandinetti et qu’il y était prédisposé.
51 En ce qui concerne le mobile, l’appelant a tout d’abord invoqué les menaces proférées lors de l’incident du 21 mars 1996. Nul doute que de telles menaces peuvent, dans certains cas, établir le mobile ou la prédisposition. Cependant, elles doivent avoir un lien suffisant avec le crime pour constituer une preuve admissible. En l’espèce, je conviens avec la juge du procès qu’il n’y a pas de lien suffisant entre l’incident du 21 mars 1996 et le meurtre survenu le 10 avril 1997. M. Papin a proféré les menaces parce qu’il croyait que Connie Grandinetti vendait à ses clients de la drogue provenant d’un autre fournisseur. Or, selon le témoignage non contredit de M. Berlinguette, Mme Grandinetti avait cessé de vendre de la drogue huit mois avant qu’elle ne soit assassinée. Comme elle ne vendait plus de stupéfiants aux clients de M. Papin, ce mobile n’existait plus.
52 Qui plus est, l’incident est survenu plus d’un an avant le meurtre et, aux dires de M. Berlinguette, Mme Grandinetti n’avait plus jamais revu M. Papin. En fait, rien n’indique qu’il y ait eu contact entre Rick Papin et Connie Grandinetti après le 21 mars 1996.
53 L’appelant a également invoqué la possibilité que, soupçonnant Connie Grandinetti d’être une indicatrice, M. Papin ait craint qu’elle ne le dénonce à la police. Selon lui, M. Papin aurait pu apprendre qu’elle était indicatrice des policiers eux‑mêmes puisqu’il était lui aussi indicateur ou du fait de sa participation à l’enquête ayant mené à l’arrestation de Connie Grandinetti en janvier 1997 pour vente de stupéfiants en 1996.
54 Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de la juge du procès selon laquelle la preuve ne permettait pas raisonnablement d’inférer que M. Papin avait pu vouloir punir Mme Grandinetti ou l’empêcher de le dénoncer en l’assassinant. Au cours de son témoignage, l’agent Hartl, celui qui avait arrêté Mme Grandinetti, n’a jamais laissé entendre que quiconque avait été mis au courant de sa décision de devenir indicatrice. Il a cependant précisé qu’elle n’avait jamais donné de renseignements sur Rick Papin. Que la police ait pu trahir Mme Grandinetti en révélant à M. Papin qu’elle était indicatrice n’est qu’une hypothèse, rien de plus. En outre, selon une preuve non contredite, M. Papin tenait Mme McGilvery — et non Mme Grandinetti — pour responsable de son incarcération au début de 1997.
55 De plus, aucun élément n’établissait que Rick Papin était au courant de l’arrestation de Connie Grandinetti le 7 janvier 1997. L’appelant a émis l’hypothèse que M. Papin avait pu avoir été arrêté ou interrogé dans le cadre de l’enquête ayant mené à cette arrestation, mais aucun élément ne le prouvait.
56 L’appelant a soutenu subsidiairement que M. Papin avait pu apprendre de M. Dominique que Connie Grandinetti projetait de transmettre à M. Whitford des renseignements selon lesquels il était indicateur. M. Whitford a témoigné qu’il avait informé M. Dominique du rôle joué par Connie Grandinetti dans son plan. En plaidoirie, l’appelant a fait valoir qu’on pouvait en déduire que M. Dominique en avait parlé à M. Papin, d’autant plus que les deux hommes avaient été de proches collaborateurs. Les registres du centre de détention provisoire révèlent que M. Dominique n’a jamais rendu visite à M. Papin. Aucun élément n’établit qu’ils se sont même parlé au téléphone.
57 M. Dominique n’a pas témoigné, de sorte qu’aucune preuve directe n’étaye la thèse de l’appelant. Aucun élément de preuve n’indiquait qu’il y avait eu contact entre MM. Dominique et Papin lorsque, quelques mois avant le décès de Connie Grandinetti, ce dernier avait été incarcéré au centre de détention provisoire. Certains éléments de preuve donnaient par ailleurs à penser que les deux hommes étaient en brouille, notamment le fait que M. Whitford avait parlé avec M. Dominique de révéler que M. Papin était un indicateur, ce qu’il n’aurait pas fait si M. Dominique avait encore été le « bras droit » de M. Papin.
58 L’argumentation de l’appelant se résume en fait à une suite d’hypothèses reliées entre elles par un fil ténu. La preuve du mobile de M. Papin n’était tout simplement pas suffisante.
59 La preuve avancée par l’appelant pour établir que M. Papin avait eu l’occasion d’assassiner Connie Grandinetti se résume à la libération de ce dernier trois jours avant le meurtre. À elle seule, cette preuve n’a manifestement aucune valeur probante. La juge du procès a conclu :
[traduction] Rien ne prouve que Rick Papin a eu la possibilité de commettre le meurtre. Aucun élément n’établit qu’il a eu libre accès auprès de Connie Grandinetti au moment du meurtre ou qu’il a pu alors l’approcher. Même si, selon la preuve, il n’était pas sous garde, ce seul élément ne prouve pas qu’il a eu l’occasion de perpétrer le crime, compte tenu de la manière dont les tribunaux ont appliqué ce facteur.
(Décision (voir-dire), dossier de l’appelant, p. 71)
Le fait que M. Papin a été libéré du centre de détention provisoire le 7 avril 1997 établit un lien insuffisant entre lui et le meurtre du 10 avril 1997.
60 L’appelant fait en outre valoir que la preuve étaye amplement la mauvaise moralité de Rick Papin et sa propension à la violence. J’en conviens. La preuve établissait que Rick Papin possédait une arme à feu, qu’il avait menacé sa conjointe tant verbalement que physiquement et qu’il avait déjà été incarcéré pour voies de fait. Or, cette preuve n’est pas admissible à défaut d’un lien entre M. Papin et le meurtre.
61 Je suis donc d’avis que la juge du procès n’a commis aucune erreur en soustrayant à l’examen du jury la thèse selon laquelle Rick Papin avait pu avoir tué Mme Grandinetti. L’incident des menaces, survenu plus d’un an auparavant, n’était pas suffisamment lié au meurtre. Les deux autres mobiles possibles ne s’appuyaient pas sur la preuve, mais étaient purement hypothétiques. La preuve relative à l’occasion de commettre le crime était insuffisante, et celle relative à la propension était, à elle seule, irrecevable vu son lien insuffisant avec le meurtre.
62 Je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi.
Pourvoi rejeté.
Procureurs de l’appelant : Bascom, Fagan, Dunn, Calgary.
Procureur de l’intimée : Procureur général de l’Alberta, Calgary.