La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/1998 | CANADA | N°[1998]_1_R.C.S._291

Canada | R. c. Smith, [1998] 1 R.C.S. 291 (19 février 1998)


R. c. Smith, [1998] 1 R.C.S. 291

Cyril Joseph Smith Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié: R. c. Smith

No du greffe: 25822.

1997: 5 décembre; 1998: 19 février.

Présents: Les juges Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de la nouvelle-écosse

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse (1997), 156 N.S.R. (2d) 65, 461 A.P.R. 65, [1997] N.S.J. No. 24 (QL) (sub nom. R. c. McQuaid (Smith Appeal)), qui a rejeté l’appel interjeté par l’accusé contre

sa déclaration de culpabilité relative à deux chefs d’accusation de voies de fait graves (1996), 148 N.S.R. (2d) 321 (sub ...

R. c. Smith, [1998] 1 R.C.S. 291

Cyril Joseph Smith Appelant

c.

Sa Majesté la Reine Intimée

Répertorié: R. c. Smith

No du greffe: 25822.

1997: 5 décembre; 1998: 19 février.

Présents: Les juges Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de la nouvelle-écosse

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse (1997), 156 N.S.R. (2d) 65, 461 A.P.R. 65, [1997] N.S.J. No. 24 (QL) (sub nom. R. c. McQuaid (Smith Appeal)), qui a rejeté l’appel interjeté par l’accusé contre sa déclaration de culpabilité relative à deux chefs d’accusation de voies de fait graves (1996), 148 N.S.R. (2d) 321 (sub nom. R. c. McQuaid), 429 A.P.R. 321, [1996] N.S.J. No. 81 (QL). Pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait contre Watts rejeté. Pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait contre Gillis accueilli et nouveau procès ordonné.

Joshua M. Arnold, pour l’appelant.

Kenneth W. F. Fiske, c.r., et Richard B. Miller, pour l’intimée.

//Le juge Cory//

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le juge Cory — Le présent pourvoi a été entendu le même jour que l’affaire R. c. Dixon, [1998] 1 R.C.S. 244. Il découle des mêmes faits et soulève des questions similaires. Les motifs, en l’espèce, ne porteront que sur les points qui sont propres au présent pourvoi.

I. Les faits

2 Les faits à l’origine du présent pourvoi sont exposés dans Dixon, précité.

II. Les juridictions inférieures

A. Cour suprême de la Nouvelle-Écosse (1996), 148 N.S.R. (2d) 321

3 Le juge Saunders a, pour les motifs exposés dans Dixon, précité, déclaré l’appelant coupable des voies de fait graves dont a été victime Darren Watts. Il a aussi déclaré l’appelant coupable des voies de fait graves dont a été victime Rob Gillis. Le présent pourvoi concerne les deux déclarations de culpabilité.

B. Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse (1997), 156 N.S.R. (2d) 65

4 La Cour d’appel à la majorité (le juge Chipman, avec l’appui du juge Flinn) a affirmé que ses motifs en l’espèce étaient les mêmes que ceux exposés dans son arrêt R. c. Dixon (S.) (1997), 156 N.S.R. (2d) 81, sauf en ce qui concerne la diligence raisonnable de l’avocat.

5 À ce propos, le juge Chipman a statué que dès que l’avocat de la défense a appris l’existence des déclarations manquantes pendant le procès, il devait faire un choix: [traduction] «demander les déclarations ou risquer d’avoir à s’en passer» (p. 69). Il a conclu que l’avocat ne pouvait avoir accepté les résumés contenus dans le rapport de police, au lieu de la production des déclarations en cause, que s’il avait décidé de ne pas tenter d’en obtenir la divulgation. Compte tenu du manque de diligence raisonnable de l’avocat face à l’omission de divulguer du ministère public, et de la conclusion tirée dans R. c. Dixon (S.), précité, selon laquelle les renseignements non divulgués n’avaient aucune valeur probante, la cour à la majorité a rejeté l’appel interjeté contre la déclaration de culpabilité.

6 Le juge Bateman était dissidente pour les mêmes raisons que celles exposées dans R. c. Dixon (S.), précité. Elle aurait ordonné la tenue d’un nouveau procès de l’appelant à l’égard des deux déclarations de culpabilité.

III. Analyse

7 Les principes applicables aux cas où il est question de l’obligation du ministère public de communiquer des documents pertinents et du droit d’un accusé à une défense pleine et entière sont énoncés dans l’arrêt Dixon, précité, de notre Cour. Il ne reste qu’à les appliquer au présent pourvoi, qui repose uniquement sur l’omission de divulguer la déclaration de Daye.

A. Application au présent pourvoi

8 La déclaration de Daye est examinée en détail dans l’arrêt Dixon, précité, de notre Cour. Pour les raisons qu’on y donne, l’omission de divulguer la déclaration de Daye ne saurait avoir influé ni sur le bien-fondé de la déclaration de culpabilité de l’appelant, ni sur l’équité du procès qu’il a subi en vertu du par. 21(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, relativement aux voies de fait graves contre Darren Watts. Cependant, le même raisonnement ne peut s’appliquer à la déclaration de culpabilité de l’appelant en tant qu’auteur principal des voies de fait contre Rob Gillis.

B. Pertinence de la déclaration de Daye

9 Dans sa déclaration, Daye affirme clairement qu’il n’a été témoin de voies de fait que dans deux cas et laisse entendre qu’il n’a pas été témoin de celles dont a été victime Darren Watts. En réalité, Daye a peu à offrir en ce qui concerne les voies de fait contre Watts, outre la description de deux cercles de personnes autour de la victime et l’endroit où les voies de fait ont été commises. Toutefois, Daye déclare ce qui suit au sujet de l’appelant:

[traduction]

Q. Que portait Cyril Smith?

R. Je suis incapable de m’en souvenir.

Q. Avez-vous vu Cyril Smith attaquer ou frapper quelqu’un ou lui donner des coups de pied?

R. Non.

De plus, il appert que l’un des cas de voies de faits dont Daye a été témoin est celui de Rob Gillis. Daye a affirmé au sujet de ces voies de fait:

[traduction]

Q. Qui a frappé cet homme (le deuxième homme)?

R. Il y avait un attroupement autour de lui. Spencer a frappé cet homme à coups de poing et à coups de pied. Il aime donner des coups de pied. Il a aussi frappé le premier homme (John Charman). Terry et Shannon partent de l’extrémité sud de Cedar, Shannon retourne à la maison, Shannon Burke, et Terry se joint à la foule qui descend Cedar. Terry Dixon lui dit de se mêler de ses affaires. Je suppose que cet homme (Charman) a empoigné Terry et que Damon Cole lui a donné un coup de poing au visage. Je dis qu’il y a une raison. Il ne l’a pas simplement frappé sans raison. J’imagine.

Q. Quelqu’un d’autre a-t-il frappé ce premier homme . . .?

R. Spencer. C’est tout ce dont je peux me souvenir.

Q. Qu’avez-vous vu?

R. Plein de gens qui l’entourent, il saute au visage de Terry, il empoigne Terry, Damon lui dit de laisser son cousin tranquille et lui donne un coup de poing. (première personne) (Ajouté à la relecture.)

Q. Où a-t-il été atteint par ce coup de poing?

R. À la mâchoire. Un seul coup, et le voilà affaissé. Spencer lui a donné des coups de pied et je ne puis me souvenir de tous ceux qui lui en ont donnés aussi.

Q. Vous rappelez-vous de qui était autour de lui pendant qu’il était battu à coups de pied (Charman)?

R. Ma bande était toujours avec moi, Terrance, Danny, Michael Barton, Stevie Dee.

Q. Qu’est-il arrivé ensuite?

R. Deux ou trois minutes plus tard, le deuxième homme reçoit une raclée, puis nous quittons.

Q. Qui frappe le deuxième homme?

R. Spencer. Tout ce que j’ai vu, c’était Spencer en train de lui donner des coups de pied. Le gars qui a battu cet homme avait la peau claire.

Selon la description que Daye a donnée des événements qui ont entouré l’affaire, il semble que le premier homme était en fait Rob Gillis et non pas John Charman. Compte tenu de la preuve soumise au procès, il y a une possibilité raisonnable que le juge du procès aurait interprété la déclaration comme décrivant les voies de fait commises contre Rob Gillis. Il faut tenir compte de cette possibilité raisonnable en évaluant l’incidence que la déclaration aurait pu avoir sur la déclaration de culpabilité de l’appelant à l’égard des voies de fait contre Gillis. Vu que cette interprétation de la déclaration est la plus favorable à l’appelant, il convient de tenir pour acquis que le juge du procès aurait conclu que Daye parlait des voies de fait contre Gillis.

10 Daye a identifié Damon Cole et Spencer Dixon comme étant les agresseurs de Gillis, et a affirmé ne pas avoir vu l’appelant Smith frapper quelqu’un. Par contre, Clayton a témoigné que l’appelant avait attaqué Darren Watts et que Damon Cole et l’appelant avaient attaqué Rob Gillis. Ces aspects de la déclaration de Daye constituent, pour l’appelant, des éléments de preuve disculpatoire qu’il aurait pu utiliser pour se défendre. Si le juge du procès avait accepté ces éléments de preuve, il y a une possibilité raisonnable que l’issue aurait été différente au procès. En d’autres termes, il y a une possibilité raisonnable que ces aspects de la déclaration de Daye auraient servi, en assignant peut-être Daye comme témoin, à susciter un doute dans l’esprit du juge du procès quant à la participation de l’appelant aux voies de fait contre Rob Gillis. Il s’ensuit que l’omission du ministère public de divulguer la déclaration de Daye a porté atteinte au droit de l’appelant de présenter une défense pleine et entière lors de son procès relatif aux voies de fait contre Rob Gillis. Dans Dixon, précité, on a dit que lorsqu’une cour est convaincue qu’il y a une possibilité raisonnable qu’à première vue les renseignements non divulgués influent sur le bien-fondé de la déclaration de culpabilité, elle doit ordonner un nouveau procès. En conséquence, l’appelant a droit à un nouveau procès relativement aux voies de fait contre Rob Gillis.

C. Équité du procès

11 Pour les motifs exposés dans Dixon, précité, l’omission du ministère public de divulguer les déclarations en cause n’a pas nui à l’équité du procès relativement aux voies de fait contre Watts. Quant aux voies de fait contre Gillis, il a été conclu qu’il y a une possibilité raisonnable que la déclaration de Daye aurait modifié, à première vue, l’issue du procès de l’appelant quant aux voies de fait contre Rob Gillis. L’appelant n’a droit à un nouveau procès relativement à ces voies de fait que pour ce motif seulement, et il n’est pas nécessaire d’examiner si l’omission de divulguer la déclaration de Daye a nui à l’équité du procès.

IV. Dispositif

12 Le pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait dont Darren Watts a été victime est rejeté. Le pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait dont Rob Gillis a été victime est accueilli et un nouveau procès est ordonné.

Pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait contre Watts rejeté. Pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait contre Gillis accueilli et nouveau procès ordonné.

Procureurs de l’appelant: Arnold Pizzo McKiggan, Halifax.

Procureur de l’intimée: The Nova Scotia Public Prosecution Service, Halifax.


Synthèse
Référence neutre : [1998] 1 R.C.S. 291 ?
Date de la décision : 19/02/1998
Sens de l'arrêt : Le pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait contre Watts est rejeté. Le pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait contre Gillis est accueilli et un nouveau procès est ordonné

Analyses

Droit constitutionnel - Charte des droits - Justice fondamentale - Obligation de divulguer - Accusé déclaré coupable de voies de fait graves -- Omission du ministère public de divulguer les déclarations de quatre personnes - Résumé des déclarations contenu dans les rapports de police remis à l’avocat de la défense au procès -- Critère à utiliser pour déterminer si l’omission par inadvertance du ministère public de communiquer des documents pertinents a violé le droit de l’accusé à la divulgation - En cas de violation du droit à la divulgation, critère à utiliser pour déterminer s’il y a eu atteinte au droit à une défense pleine et entière garanti par la Constitution - Importance à accorder au manque de diligence raisonnable d’un avocat de la défense.

L’accusé a été déclaré coupable des voies de fait graves dont Watts et Gillis ont été victimes, et le pourvoi concerne ces deux déclarations de culpabilité. Les faits à l’origine du pourvoi et les questions qu’il soulève sont exposés dans R. c. Dixon.

Arrêt: Le pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait contre Watts est rejeté. Le pourvoi contre la déclaration de culpabilité relative aux voies de fait contre Gillis est accueilli et un nouveau procès est ordonné.

L’arrêt R. c. Dixon énonce les principes applicables aux cas où il est question de l’obligation du ministère public de communiquer des documents pertinents et du droit d’un accusé à une défense pleine et entière.

Pour les raisons exposées dans Dixon, l’omission de divulguer la quatrième déclaration (celle de Daye) n’a influé ni sur le bien-fondé de la déclaration de culpabilité de l’accusé ni sur l’équité du procès qu’il a subi relativement aux voies de fait graves contre Watts. Elle a toutefois porté atteinte au droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière lors de son procès relatif aux voies de fait contre Gillis, parce que plusieurs aspects de cette déclaration auraient pu servir à susciter un doute dans l’esprit du juge du procès quant à la participation de l’accusé à ces voies de fait. Étant donné qu’un nouveau procès doit être ordonné lorsque la cour est convaincue qu’il y a une possibilité raisonnable qu’à première vue les renseignements non divulgués influent sur le bien‑fondé de la déclaration de culpabilité, il n’était pas nécessaire d’examiner si l’omission de divulguer avait nui à l’équité du procès.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Smith

Références :

Jurisprudence
Arrêt suivi: R. c. Dixon, [1998] 1 R.C.S. 244.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 21(1).

Proposition de citation de la décision: R. c. Smith, [1998] 1 R.C.S. 291 (19 février 1998)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1998-02-19;.1998..1.r.c.s..291 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award