La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/09/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0430.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 septembre 2022, P.22.0430.F


N° P.22.0430.F
D. C.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Pierre Deutsch, avocat au barreau du Brabant wallon.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal correctionnel du Brabant wallon, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 26 juillet 2022, l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 14 septembre 2022,

le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. ...

N° P.22.0430.F
D. C.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Pierre Deutsch, avocat au barreau du Brabant wallon.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal correctionnel du Brabant wallon, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 26 juillet 2022, l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 14 septembre 2022, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la méconnaissance du principe général du droit non bis in idem, tel qu’il est consacré par les articles 14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et 4.1 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le demandeur reproche au jugement attaqué de le condamner du chef d’avoir, à Ottignies le 16 septembre 2018, conduit un véhicule nonobstant une déchéance du droit de conduire qui lui avait été infligée par un jugement du tribunal de police de Wavre du 18 novembre 2015, alors que, déjà poursuivi pour ces faits, il en avait été acquitté par un jugement du 3 juillet 2020 du même tribunal.
Le principe général et les dispositions conventionnelles visés au moyen interdisent de juger une deuxième fois le contrevenant pour la même infraction.
L’identité de l’infraction est établie et entraîne l’irrecevabilité de la deuxième poursuite lorsque les faits, fussent-ils qualifiés différemment, sont en substance les mêmes, se réfèrent au même comportement, ont pour origine un ensemble de circonstances liées indissociablement dans le temps et dans l’espace.
Il appartient au juge du fond d’en décider, la Cour se bornant à vérifier si, des circonstances qu’il relève, le juge a pu en déduire la conclusion qu’il en tire.
La première poursuite, qui a donné lieu à un acquittement, a pour objet le fait d’avoir, à Ottignies le 16 septembre 2018, conduit un véhicule malgré une déchéance du droit de conduire de deux ans et quinze jours, dont l’avertissement a été donné au demandeur le 5 février 2016 et qui a pris cours le 12 février 2016 pour se terminer le 25 février 2018.
Le demandeur a été acquitté parce que la date à laquelle il a pris le volant, soit le 16 septembre 2018, n’est pas comprise dans la période visée par la prohibition.
La deuxième poursuite, qui a donné lieu à la condamnation critiquée, a pour objet le fait d’avoir, à Ottignies le 16 septembre 2018, conduit un véhicule malgré une déchéance du droit de conduire de trois cent trente jours, dont l’avertissement a été donné au demandeur le 29 novembre 2017 et qui a pris cours le 20 avril 2018 pour se terminer le 15 mars 2019.
La date à laquelle le demandeur a pris le volant est, cette fois, comprise dans la période visée par la prohibition.
La déchéance de deux ans et quinze jours avait été prononcée à titre de peine principale, tandis que celle de trois cent trente jours l’avait été, par la même décision judiciaire, à titre de peine subsidiaire aux amendes.
Les éléments constitutifs du délit réprimé par l’article 48, alinéa 1er, 1°, de la loi relative à la police de la circulation routière sont la conduite d’un véhicule sur la voie publique et la désobéissance que ce comportement implique à l’égard de la décision judiciaire qui l’interdit.
Partant, le fait de conduire un véhicule en dehors de la période visée par la déchéance ne saurait s’identifier au fait de conduire un véhicule pendant cette période, puisque le deuxième fait implique une désobéissance que le premier ne comporte pas.
Nonobstant la circonstance que le fait de la conduite est commun aux deux poursuites et que les deux déchéances ont été prononcées par le même jugement, les juges d’appel ont pu, dès lors, considérer que l’objet de la seconde poursuite ne se confondait pas avec celui de la première.
Les juges d’appel ont légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen fait grief au jugement d’énoncer que la matérialité des faits imputés au demandeur n’est pas identique dès lors que la déchéance visée n’est pas la même.
Selon le demandeur, cet énoncé ne répond pas adéquatement à la défense invoquée, parce qu’il est contradictoire, dès lors que la déchéance n’est pas un fait matériel.
La contradiction s’entend de deux propositions qui affirment et nient le même élément de connaissance.
Nonobstant la qualification donnée à son grief, le demandeur ne reproche pas au jugement d’énoncer deux propositions incompatibles mais de considérer que l’existence de deux déchéances distinctes ne permet pas de retenir l’unicité du fait délictueux.
Pareil grief est étranger à l’article 149 de la Constitution.
Il en va de même pour l’affirmation suivant laquelle le jugement ne répond pas de manière adéquate aux conclusions du demandeur. L’obligation de motiver les jugements et arrêts est une règle de forme, étrangère à la valeur des motifs. Il s’en suit qu’à la supposer avérée, l’inadéquation de la réponse aux conclusions ne donne pas ouverture à cassation au titre de l’article 149.
Le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-quatre euros trente et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.0430.F
Date de la décision : 14/09/2022
Type d'affaire : Autres - Droit international public - Droit pénal

Analyses

Tel qu'il est consacré par les articles 14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 4.1 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, le principe général du droit non bis in idem interdit de juger une deuxième fois le contrevenant pour la même infraction ; l'identité de l'infraction est établie et entraîne l'irrecevabilité de la deuxième poursuite lorsque les faits, fussent-ils qualifiés différemment, sont en substance les mêmes, se réfèrent au même comportement, ont pour origine un ensemble de circonstances liées indissociablement dans le temps et dans l'espace ; il appartient au juge du fond d'en décider, la Cour se bornant à vérifier si, des circonstances qu'il relève, le juge a pu en déduire la conclusion qu'il en tire (1). (1) Voir les concl. du MP ; P. Marchal, « Principes généraux du droit », R.P.D.B., Bruylant, 2014, nos 250 à 254 ; P. Lagasse, « L'affaire A et B contre Norvège : entre continuité et évolution quant au principe non bis in idem », J.T., 2018, p. 109 [111, n° 16], et les références citées.

PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers - DROITS DE L'HOMME - PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND [notice1]

Les éléments constitutifs du délit réprimé par l'article 48, alinéa 1er, 1°, de la loi relative à la police de la circulation routière sont la conduite d'un véhicule sur la voie publique et la désobéissance que ce comportement implique à l'égard de la décision judiciaire qui l'interdit ; partant, le fait de conduire un véhicule en dehors de la période visée par la déchéance ne saurait s'identifier au fait de conduire un véhicule pendant cette période, puisque le deuxième fait implique une désobéissance que le premier ne comporte pas ; nonobstant la circonstance que le fait de la conduite est commun aux deux poursuites et que les deux déchéances ont été prononcées par le même jugement, le juge peut, dès lors, considérer que l'objet de la seconde poursuite ne se confond pas avec celui de la première (1). (1) Voir les concl. du MP, contraires à cet égard.

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 48 - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT [notice5]


Références :

[notice1]

Pacte international relatif aux droits civils et politiques - 19-12-1966 - Art. 14.7° - 31 / Lien DB Justel 19661219-31 ;

Protocole n° 7 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales - 22-11-1984 - Art. 4, § 1er - 33 / Lien DB Justel 19841122-33

[notice5]

Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par Arrêté Royal du 16 mars 1968 - 16-03-1968 - Art. 48, al. 1er, 1° - 31 / No pub 1968031601


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS, DE LA SERNA IGNACIO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-09-14;p.22.0430.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award