N° P.22.0114.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE LIEGE
demandeur en cassation,
contre
1. H. J., H., G.,
ayant pour conseil Maître Philippe Zevenne, avocat au barreau de Liège,
2. B. C., F., T., J., J., G.,
3. K. I., G., F.,
ayant pour conseil Maître Sandra Berbuto, avocat au barreau de Liège,
4. BENELUX MASTER BUILDERS, société anonyme, représentée par son mandataire ad hoc, maître Bernard Ceulemans dont les bureaux sont établis à Liège, boulevard Frère Orban, 9/1,
prévenus,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 23 décembre 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 29 avril 2022, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 25 mai 2022, le conseiller Françoise Roggen a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi du demandeur, dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée contre C. B. :
Il résulte de l’acte de décès joint par le demandeur au dossier de la procédure que le deuxième défendeur est décédé le 10 avril 2022.
Le pourvoi en cassation introduit par le ministère public contre un prévenu qui décède avant que la Cour ne statue sur l’arrêt attaqué perd son objet.
B. Sur le pourvoi du demandeur dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée contre les trois autres défendeurs :
Sur l’ensemble des deux moyens réunis :
L’arrêt attaqué constate que la prescription de l’action publique exercée contre les défendeurs est acquise.
Les moyens sont pris de la violation des articles 216bis du Code d’instruction criminelle et 24 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Le demandeur fait d’abord grief à l’arrêt de considérer que l’article 216bis, § 1er, alinéa 4, du Code d’instruction criminelle ne prévoit la suspension de la prescription de l’action publique que dans l’hypothèse où la transaction envisagée échoue pour l’une des raisons énoncées à la seconde phrase de cette disposition ; selon le demandeur, c’est la proposition de transaction qui suspend le cours de la prescription, et non l’issue de cette procédure, soit un évènement futur et incertain.
La transaction aboutie met, pour la seule personne qui en bénéficie, fin à l’action publique exercée contre elle. La question de la suspension de la prescription de l’action publique devient dès ce moment, à son égard, sans objet. La négociation transactionnelle menée avec un prévenu n’empêche pas la poursuite de l’action publique menée contre les autres.
Dans cette mesure, les moyens manquent en droit.
Le demandeur reproche également à l’arrêt de ne pas appliquer la suspension de la prescription de l’action publique résultant de la proposition de transaction aux personnes qui n’ont pas été parties à cette procédure, alors que la loi a prévu, sans l’exclure de son champ d’application, l’hypothèse où les poursuites concerneraient plusieurs prévenus, dont seuls certains seraient l’objet d’une proposition de transaction, et alors que tous sont susceptibles de se concerter pour tenter de prolonger la procédure et que le législateur ne distingue pas selon que les prévenus étaient concernés ou non par la proposition transactionnelle.
Ainsi, les moyens reviennent à critiquer l’arrêt en ce qu’il décide que la cause de suspension de la prescription de l’action publique visée à l’article 216bis, § 1er, alinéa 4, précité, revêt un caractère personnel, s’appliquant au seul prévenu visé par la proposition de transaction lorsqu’elle a échoué pour les motifs énoncés à la seconde phrase de cette disposition, à l’exclusion des autres prévenus. Selon le demandeur, cette cause de suspension a au contraire un caractère réel, de sorte qu’elle s’applique à l’action publique exercée contre chacun des prévenus poursuivis ensemble.
En règle, les obstacles légaux à l’introduction ou à l’exercice de l'action publique à l'égard d'un prévenu suspendent également la prescription de l'action publique à l'égard des autres prévenus, dans la mesure où ils ont à répondre d’un même fait ou de faits se rattachant intimement les uns aux autres par les liens d’une connexité intrinsèque.
Ce principe ne vaut toutefois pas si, à la suite d’une procédure particulière, les poursuites contre un prévenu suivent leur propre cours et ne dépendent pas de celles menées à charge d’un autre prévenu. Ainsi, lorsqu’un obstacle aux poursuites empêche seulement l’introduction ou l’exercice de l’action publique à l’égard d’un prévenu sans entraver ou ralentir la poursuite des autres prévenus, cette cause de suspension de la prescription de l’action publique reste sans effet à l’égard de ces derniers.
Dès lors, si un prévenu entame une négociation transactionnelle avec le ministère public alors que d’autres coprévenus refusent toute proposition de transaction ou n’en font pas la demande, la suspension de la prescription de l’action publique qui résulte de la procédure de transaction est sans effet à l'égard des seconds.
À cet égard également, les moyens manquent en droit.
Pour le surplus, après avoir constaté que les défendeurs avaient refusé la transaction proposée ou ne s’étaient pas vu offrir une telle proposition, en telle sorte que les poursuites pouvaient être menées sans désemparer à leur égard, les juges d’appel ont considéré qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte, pour le calcul de la prescription de l’action publique, la cause de suspension résultant de la proposition de transaction pénale élargie faite à un coprévenu. Les juges d’appel en ont déduit, après avoir pris en considération trois autres causes de suspension, que la prescription de l’action publique était acquise à la date du prononcé de l’arrêt attaqué.
Par ces considérations, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, les moyens ne peuvent être accueillis.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l’Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingt-neuf euros dix centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Sidney Berneman, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.