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20/05/2022 | BELGIQUE | N°C.21.0378.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 mai 2022, C.21.0378.F


N° C.21.0378.F
EASYFAIRS BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Gand (Sint-Denijs-Westrem), Maaltekouter, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0424.681.440,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
1. MAISON MAX, société de droit étranger, dont le siège est établi à Cannes (France), rond-point Dubois d’Angers, 9,
défenderesse en cassation,


représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établ...

N° C.21.0378.F
EASYFAIRS BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Gand (Sint-Denijs-Westrem), Maaltekouter, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0424.681.440,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
1. MAISON MAX, société de droit étranger, dont le siège est établi à Cannes (France), rond-point Dubois d’Angers, 9,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
2. J. B.,
3. RUSADIA, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Woluwe-Saint-Pierre, avenue de la Pelouse, 21, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0866.851.584,
défenderesses en cassation,
4. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, société de droit étranger, dont le siège est établi à Le Mans (France), boulevard Marie et Alexandre Oyon, 14,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
en présence de
1. ASSOCIATION INTERCOMMUNALE BUREAU ÉCONOMIQUE DE LA PROVINCE DE NAMUR, société coopérative, dont le siège est établi à Namur, avenue Sergent Vrithoff, 2, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0219.802.592,
2. DONEUX-HUY, société anonyme, dont le siège est établi à Huy, quai d’Arona, 17, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0407.202.931,
parties appelées en déclaration d’arrêt commun.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente quatre moyens.
III. La décision de la Cour
L’arrêt non attaqué du 23 juin 2016 considère, d’une part, que « l’existence d’un préjudice [des trois premières défenderesses], victimes du vol litigieux, ne peut raisonnablement être contestée » dès lors qu’elles n’ont « pas payé le droit de participer au salon Antica 2009 et de disposer d’un stand si c’est pour ne rien y exposer, ni loué un coffre-fort pour mettre leurs bijoux à l’abri en fin de journée d’exposition » et que « les demandes d’admission au salon […] mentionnent bien qu’il s’agit d’exposer des bijoux anciens et de la joaillerie », d’autre part, que, « quant à l’étendue du dommage, il appartient [aux trois premières défenderesses] de l’établir sur pièces » et qu’« avant dire droit quant au quantum [du] dommage », « une mesure d’expertise est justifiée ».
Sur le premier moyen :
L’article 1149 de l’ancien Code civil dispose que les dommages et intérêts dus au créancier sont de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.
Conformément à l’article 1315 de ce code, applicable aux faits, il appartient au créancier d’établir son dommage.
Le recours à une évaluation en équité du montant du dommage dont la réparation est demandée ne peut pallier le défaut de preuve de ce dommage.
Après avoir relevé que la troisième défenderesse demande 225.491,90 euros pour la marge bénéficiaire qu’elle n’a pu réaliser par la vente des pièces volées et 34.500 euros pour la perte de la plus-value résultant de la hausse de la valeur de l’or à partir de la fin de l’année 2009, l’arrêt attaqué considère qu’il faut d’abord « déterminer de manière précise les pièces qui ont été volées et leur valeur d’acquisition ».
Il relève qu’alors que « les exposants devaient remettre au comité d’expertise [de la demanderesse] un inventaire reprenant la description des objets exposés, celui-ci étant notamment destiné à opérer une vérification de qualité », les trois premières défenderesses « restent en défaut de produire ces inventaires », qu’« il ne peut être fait grief [à la demanderesse] de ne pas les avoir exigés avant l’ouverture du salon » et que « l’argument selon lequel l’expert serait passé sur le stand de [la troisième défenderesse] mais n’aurait pas souhaité emporter la liste des objets n’est pas établi ».
Il relève encore que « l’expert R. retient une valeur d’acquisition des pièces appartenant à [la troisième défenderesse] établie sur la base de listings dressés unilatéralement par [cette dernière] sans qu’il soit possible de vérifier si les bijoux étaient bien présents au salon au moment du vol », que la « pièce [invoquée par la troisième défenderesse] n’est pas datée [et qu’] il n’est pas démontré qu’il s’agirait de l’inventaire visé à la charte du salon ni que cette pièce aurait été remise [à la demanderesse] préalablement au vol litigieux », que « les photographies produites par [la troisième défenderesse] ne sont pas datées [et] ne permettent pas de démontrer que les pièces étaient bien présentes la nuit du vol », que l’expert lui-même a indiqué dans ses préliminaires que, « compte tenu de l’absence de certitude quant à la nature des pièces et à leur poids réel en or, nous ne pouvons déterminer avec exactitude le poids en or de l’ensemble des pièces dérobées », que la troisième défenderesse « indique qu’elle avait placé sur le stand l’entièreté de son stock, ce qui n’est pas démontré » dès lors que, si elle soutient « ne disposer d’aucun magasin ou lieu d’entreposage dans lesquels pourraient être entreposés ses bijoux, la question se pose alors de savoir comment elle procède en dehors des salons pour organiser des ventes privées et conserver les différentes pièces de nombreuses années étant donné [qu’elle] a fait état d’une durée d’écoulement du stock estimée à trois ans ».
En déduisant de ces énonciations qu’« il n’est [...] pas possible d’établir de manière certaine les pièces qui étaient présentes au salon la nuit du vol » et qu’« un doute existe à cet égard », l’arrêt attaqué n’a pu, sans violer les dispositions légales précitées, considérer qu’« à défaut de pouvoir fixer autrement la valeur des pièces dérobées appartenant à [la troisième défenderesse] et de celles mises en dépôt [auprès de cette dernière], il est nécessaire de recourir à une évaluation ex aequo et bono et de retenir une valeur de 150.000 euros » pour l’ensemble des pièces dérobées.
Le moyen est fondé.

Sur le deuxième moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par les première et quatrième défenderesses et déduite de ce que l’article 1315 de l’ancien Code civil n’est pas applicable :

Conformément à l’article 1er de l’ancien Code civil et l’article 3 du Code judiciaire, la charge de la preuve que les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies relève d’une règle de fond, partant, est régie par la loi en vigueur au jour de la conclusion du contrat.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :

L’arrêt relève qu’alors que « les exposants devaient remettre au comité d’expertise un inventaire reprenant la description des objets exposés, [la première défenderesse] reste en défaut de produire [cet] inventaire » et que ce comité « n’était pas tenu de [le] réclamer ».
Il énonce que, selon la première défenderesse, « l’intégralité de son stock de bijoux anciens consacrés aux salons et expositions a été subtilisé » pour un montant de 357.012,20 euros, outre des bijoux qui lui ont été confiés à la vente pour 238.100 euros.
Il considère qu’eu égard au nombre de bijoux, « il est permis de penser que le salon doit être lucratif et doit lui permettre de vendre des bijoux, sinon on imagine mal le motif de sa présence ». Il relève à cet égard que « les listes du stock propre et ‘dépôt vente’ produites par [la première défenderesse] ne sont pas datées et que, [dès lors que] le vol est intervenu après huit jours de salon, il est […] légitime de penser qu’au cours de ces huit jours, [la première défenderesse] a dû vendre des bijoux, les ventes ne pouvant uniquement être regroupées sur les deux derniers jours de salon » et que, « assez curieusement, selon [la première défenderesse], elle n’aurait réalisé que deux ventes qui, en raison du vol, ont dû être annulées ».
Il relève encore que si, « en page 3 de ses conclusions, elle allègue que l’intégralité de son stock de bijoux consacré aux salons et expositions a été subtilisé, elle indique en page 12 de ses conclusions, que la quasi entièreté de son stock ‘salon d’antiquaire’ a été dérobé ».
Il ajoute que, dans son rapport préliminaire, l’expert « a indiqué, concernant [la première défenderesse], que ‘les parties ont convenu qu’il n’existait aucun élément de preuve permettant d’attester la présence du stock sur le salon au moment du vol ; […] enfin, compte tenu de l’absence de certitude quant à la nature des pièces et à leur poids réel en or, il a été précisé […] qu’il serait difficile à l’expert de donner un avis sur l’impact de l’évolution du cours de l’or et des pierres précieuses sur la valeur du stock’ » et qu’« il ne peut donner son avis sur l’évolution du stock de [la première défenderesse] au cours des années précédant le salon ni […] sur [sa] décision […] d’emporter tout ou partie de son stock salon ».
Il considère encore que « la pièce 17 produite par [la première défenderesse] n’est pas datée et ne permet pas d’établir les bijoux amenés sur le salon et présents lors du vol », que, si « la pièce 18 de [son] dossier […] atteste l’existence de paiements en faveur de tiers du 31 janvier 2010 au 23 avril 2012, tous les paiements ne reprennent pas le libellé ‘dépôt volé’ ou ‘volé’ si bien que certains paiements peuvent avoir une autre cause que le vol litigieux, et ce d’autant que certains sont intervenus près d’un an après le vol » et que « l’indemnisation opérée par son assureur [la quatrième défenderesse] jusqu’à concurrence d’un montant de 515.280 euros ne peut lier [la demanderesse] ».
L’arrêt attaqué, qui déduit de ces énonciations qu’ « il existe non seulement une incertitude quant aux pièces effectivement amenées sur le salon mais surtout quant aux pièces encore présentes la nuit du vol » et que « l’évaluation du dommage invoquée par [la première défenderesse] repose sur des incertitudes », ne justifie pas légalement sa décision que « la valeur des pièces dérobées appartenant à [la troisième défenderesse] et celles mises en dépôt [auprès de cette dernière] » doit être fixée « ex aequo et bono, […] à défaut de pouvoir déterminer autrement le dommage de [la première défenderesse] », à la somme de 400.000 euros pour « réparer le dommage causé par le vol ».
Le moyen est fondé.
Sur le troisième moyen :
L’arrêt attaqué relève qu’alors que « les exposants devaient remettre au comité d’expertise un inventaire reprenant la description des objets exposés, [la deuxième défenderesse] reste en défaut de produire [cet] inventaire » et que ce comité « n’était pas tenu de [le] réclamer ».
Il considère que la deuxième défenderesse « doit rapporter la preuve des différentes pièces volées et de leur valeur », que « le relevé dressé unilatéralement par [cette dernière] postérieurement au vol est insuffisant pour établir l’étendue des pièces volées » et que, « lors de sa déclaration à la police de Namur, elle a fait référence au vol de neuf pièces alors qu’à l’expert R., elle a évoqué dix pièces ».
Il relève que l’expert a indiqué que « sa mission ne porte pas sur le fait de savoir si ces pièces ont été dérobées au salon, mais sur le fait que ces pièces appartenaient bien à [la deuxième défenderesse] et sur le prix d’acquisition de ces pièces » et que celui-ci « a estimé que trois pièces ont bien été acquises auprès de professionnels et peuvent être retenues pour une valeur d’achat de 2.472,50 euros » tandis qu’« il n’a pu établir [la] valeur d’acquisition [des] pièces acquises auprès de particuliers, [celles-ci] n’étant pas justifiées par facture ou bon d'achat ».
Il relève encore que la deuxième défenderesse « n’établit pas avoir amené tout son stock au salon et force est de constater qu’entre le moment où l’état du stock a été établi, soit le 30 septembre 2009, et le moment où le vol est survenu sur le salon, soit la nuit du 20 au 21 novembre 2009, il s’est écoulé plus d’un mois et demi au cours duquel des pièces ont pu être vendues, notamment lors des huit premiers jours du salon ».
L’arrêt attaqué, qui déduit de ces énonciations qu’« il existe […] une incertitude au sujet des pièces qui étaient présentes au salon la nuit du vol » et qu’il « ne peut dès lors admettre le mode de calcul proposé par [la deuxième défenderesse] », ne justifie pas légalement sa décision qu’« à défaut de pouvoir fixer autrement le dommage, il est nécessaire de recourir à une évaluation ex aequo et bono » et de retenir un montant de 2.000 euros au titre d’« indemnité destinée à réparer le dommage causé par le vol ».
Le moyen est fondé.
La cassation de la décision sur la valeur des pièces dérobées au préjudice de la troisième défenderesse s’étend aux décisions portant sur l’indemnisation du dommage matériel complémentaire et sur les frais d’expertise, qui en sont la suite.
La cassation de la décision portant sur la valeur des pièces dérobées au préjudice de la première défenderesse s’étend à la décision relative à la perte d’exploitation en raison du lien nécessaire entre ces décisions, et à celles portant sur les frais d’expertise et les autres dépens ainsi qu’à la condamnation de la demanderesse à payer à la quatrième défenderesse 400.000 euros et les dépens, qui en sont la suite.
La cassation de la décision portant sur l’indemnité destinée à réparer le dommage causé par le vol à la deuxième défenderesse s’étend à celle relative aux frais d’expertise, qui en est la suite.
Il n’y a pas lieu d’examiner le quatrième moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Et la demanderesse a intérêt à ce que l'arrêt soit déclaré commun aux parties appelées à la cause à cette fin.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il donne acte des reprises d'instance, qu'il dit l'arrêt commun et opposable aux parties appelées en déclaration d'arrêt commun et qu'il condamne la demanderesse à payer :
- à la troisième défenderesse 931,81 euros pour les frais de participation au salon et 750 euros pour le vol du coffre-fort,
- à la première défenderesse 667,36 euros pour les frais de participation au salon,
- à la deuxième défenderesse 4.983 euros au titre d’indemnisation des vitrines brisées et 999,46 euros pour les frais de participation au salon ;
Déclare l'arrêt commun à l'Association intercommunale bureau économique de la province de Namur et à la société anonyme Doneux-Huy.
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt mai deux mille vingt-deux par le président de section
Michel Lemal, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.21.0378.F
Date de la décision : 20/05/2022
Type d'affaire : Droit civil

Analyses

Il appartient au créancier d'établir son dommage; le recours à une évaluation en équité du montant du dommage dont la réparation est demandée ne peut pallier le défaut de preuve de ce dommage.

CONVENTION - FORCE OBLIGATOIRE (INEXECUTION) [notice1]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1149 et 1315 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : LEMAL MICHEL
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-05-20;c.21.0378.f ?

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