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18/05/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0113.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 mai 2022, P.22.0113.F


N° P.22.0113.F
H. P.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Joris Winberg, avocat au barreau de Tournai,
contre
AG INSURANCE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 janvier 2022 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mém

oire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fa...

N° P.22.0113.F
H. P.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Joris Winberg, avocat au barreau de Tournai,
contre
AG INSURANCE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 janvier 2022 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 66 et 67 du Code pénal.
Il est fait grief à l’arrêt de considérer qu’en louant son bâtiment à l’auteur principal dans des circonstances troubles et sans se préoccuper de ce que ce dernier y faisait, le demandeur a manifesté son intention de participer, en connaissance de cause, « à n’importe quelle infraction déterminée » pourvu qu’elle aboutisse à son enrichissement personnel grâce aux loyers perçus.
Selon le moyen, il ne ressort pas, de cette motivation, que le prévenu ait agi en sachant à quelle infraction il participait.
Pour qu’il y ait participation punissable, il est requis que le participant ait connaissance de toutes les circonstances nécessaires pour faire, d’un acte de l’auteur principal, un crime ou un délit.
La rencontre des volontés, sous son double aspect de la connaissance et de l’intention, doit porter sur une infraction déterminée et pas sur une infraction quelconque.
Toutefois, si les coauteurs doivent connaître le but et la nature de l’action à laquelle ils ont participé, la loi n’exige pas qu’ils aient été informés de tous les détails d’exécution du crime ou du délit pour en mériter la peine.
Outre la considération critiquée par le moyen, l’arrêt relève, tant par adoption des motifs du jugement entrepris que par motifs propres, les éléments suivants :
- R. H. et P. H. se connaissent depuis le mois d’août 2012. Le premier prospecte la région pour trouver un hangar susceptible d’abriter une plantation de cannabis d’envergure. Le second est propriétaire d’un immeuble industriel qui intéresse le premier.
- L’absence de bail définissant l’espace loué, de même que l’absence d’état des lieux, de garantie locative et d’assurance, démontrent la volonté de dissimuler les activités réelles du locataire avec le consentement du propriétaire.
- P. H. est quasiment tous les jours sur place. Il constate l’évolution des travaux effectués dans son bâtiment. Il sait ce que son locataire achète comme matériaux chez le grossiste. Il est présent au moment où les camions livrent la marchandise. Il a vu un des cinq générateurs installés sur les lieux. Il a accès à la totalité du bâtiment. Il est avisé par le voisinage de l’existence d’allées et venues de jour comme de nuit. Il sait qu’on allume et qu’on éteint les lumières à toute heure.
- Le prévenu a reconnu, lors de son audition du 31 décembre 2013, avoir eu des soupçons quant à la nature illicite des activités exercées au sein de son entrepôt. Son locataire lui a fait comprendre que, compte tenu des loyers reçus et à recevoir, il devait éviter de poser des questions.
- P. H. se trouvait dans une situation financière délicate. N’ayant aucune activité professionnelle rémunérée, il n’avait pas d’autres revenus que ceux tirés de la location des bâtiments.
- Lorsque le prévenu dit ignorer l’installation d’une plantation de cannabis dans son entrepôt, son affirmation manque totalement de pertinence et de crédibilité.
- Après l’incendie, P. H. a éprouvé « une peur panique » pour sa vie et celle de sa famille. Il n’avait pas de raison d’être terrorisé à ce point s’il avait été étranger aux activités que son entrepôt abritait.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, pour les juges du fond et selon leur appréciation souveraine, le demandeur connaissait le caractère délictueux des activités de son locataire et qu’il a eu l’intention de s’y associer, de les favoriser et d’en profiter.
L’arrêt est ainsi légalement justifié.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par la défenderesse :
Sur le second moyen :
Dans la mesure où il est pris de la violation de l’article 44 du Code pénal sans indiquer en quoi l’arrêt contrevient à cette disposition, le moyen, imprécis, est irrecevable.
Il est reproché à l’arrêt de condamner le demandeur à indemniser l’assureur-incendie à concurrence des frais de gestion du sinistre et du coût de l’expertise relative à celui-ci, alors que le demandeur n’a pas été condamné du chef de la prévention d’incendie mais uniquement comme coauteur d’une plantation de cannabis. Le demandeur fait valoir que la prévention retenue à sa charge n’est pas en lien causal avec le dommage réclamé par la défenderesse.
Mais il ressort de l’arrêt que l’incendie a été causé par l’usage inadapté d’un des générateurs destinés à alimenter l’installation électrique de la plantation de cannabis.
Les juges d’appel ont pu, dès lors, considérer que si le prévenu n’avait pas affecté son immeuble à un tel usage, l’incendie que celui-ci a provoqué ne se serait pas produit.
Pareille décision ne viole ni l’article 3 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ni l’article 1382 de l’ancien Code civil, visés au moyen.
Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante euros quatre-vingt-un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit mai deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.0113.F
Date de la décision : 18/05/2022
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Pour qu'il y ait participation punissable, il est requis que le participant ait connaissance de toutes les circonstances nécessaires pour faire, d'un acte de l'auteur principal, un crime ou un délit; la rencontre des volontés, sous son double aspect de la connaissance et de l'intention, doit porter sur une infraction déterminée et pas sur une infraction quelconque (1); toutefois, si les coauteurs doivent connaître le but et la nature de l'action à laquelle ils ont participé, la loi n'exige pas qu'ils aient été informés de tous les détails d'exécution du crime ou du délit pour en mériter la peine (2). (1) Voir F. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge - t. III : l'auteur de l'infraction pénale, Larcier, 2ème éd., 2020, nos 2048 et s. (2) « L'exigence de connaissance peut s'accommoder, à titre exceptionnel, d'une renonciation à une connaissance concrète de l'infraction projetée pourvu qu'elle soit délibérée » : « si la participation criminelle requiert en principe que l'auteur ou le complice participant ait connaissance de la circonstance qu'il participe à un crime ou à un délit déterminé et s'il est requis mais aussi qu'il suffit que le participant ait connaissance de toutes les circonstances qui donnent au fait, auquel il coopère, le caractère d'un crime ou d'un délit déterminé, la circonstance que le participant renonce sciemment à une connaissance plus concrète et au but de l'infraction projetée n'a pas pour effet qu'il contribue ainsi inconsciemment à cette infraction mais bien qu'il veut participer en connaissance de cause à n'importe quelle infraction déterminée » (Cass. 16 décembre 2003, RG P.03.0452.N, Pas. 2003, n° 647 ; voir Cass. 9 décembre 1986, RG 758, n° 217, réf. en note, et R.W. 1987-88, 856 et note ; F. KUTY, o.c., n° 2058).

INFRACTION - PARTICIPATION [notice1]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 66 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-05-18;p.22.0113.f ?

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