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01/04/2022 | BELGIQUE | N°C.21.0275.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 avril 2022, C.21.0275.F


N° C.21.0275.F
T.F.D.T. IMPORT-EXPORT, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Villers-la-Ville (Sart-Dames-Avelines), chaussée de Namur, 4, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0477.492.396,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
LE FONCTIONNAIRE DÉLÉGUÉ de la direction générale opérationnelle de l’Aménagement du territoire, du Logement, du

Patrimoine et de l’Énergie de la Région wallonne, Service public de Wallonie, direction ex...

N° C.21.0275.F
T.F.D.T. IMPORT-EXPORT, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Villers-la-Ville (Sart-Dames-Avelines), chaussée de Namur, 4, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0477.492.396,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
LE FONCTIONNAIRE DÉLÉGUÉ de la direction générale opérationnelle de l’Aménagement du territoire, du Logement, du Patrimoine et de l’Énergie de la Région wallonne, Service public de Wallonie, direction extérieure de Charleroi, dont les bureaux sont établis à Charleroi, rue de l’Écluse, 22,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
en présence de
COLLÈGE COMMUNAL DE LA COMMUNE DES BONS VILLERS, dont les bureaux sont établis à Les Bons Villers (Frasnes-lez-Gosselies), place de Frasnes, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0216.691.169,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 20 avril 2018 et 22 octobre 2020 par la cour d’appel de Mons.
Le 16 mars 2022, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport et l’avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l'article 157, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, le fonctionnaire délégué peut poursuivre, devant le tribunal civil, soit la remise en état des lieux ou la cessation de l'utilisation abusive, soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement, soit le paiement d'une somme représentative de la plus-value par le bien à la suite de l'infraction.
Il suit de cette disposition, d'une part, que chacune des mesures prévues est indifféremment susceptible de réparer le dommage causé par l'infraction, d'autre part, que tant le collège communal que le fonctionnaire délégué sont autorisés à demander la mesure de réparation qui apparaît comme étant justement proportionnée à l'infraction constatée et dont le choix relève du pouvoir discrétionnaire de chacune de ces autorités.
Partant, la circonstance qu’une de ces autorités ait sollicité et obtenu la condamnation du contrevenant à une de ces mesures ne prive pas l’autre qui n’est pas intervenue à la cause du droit de former une tierce opposition à l’encontre du jugement ordonnant cette mesure et de solliciter l’application de la mesure qui lui apparaît comme étant justement proportionnée à l’infraction constatée.
Par ailleurs, si l’article 1130 du Code judiciaire dispose en son alinéa 1er que la juridiction, qui accueille le recours en tierce opposition, annule, en tout ou en partie, la décision attaquée, à l'égard du tiers seulement, il dispose toutefois en son alinéa 2 que l'annulation a lieu à l'égard de toutes les parties dans la mesure où l'exécution de la décision attaquée serait incompatible avec l'exécution de la décision d'annulation.
Dès lors que les mesures susdites ne peuvent être cumulées, l’exécution de la décision attaquée ordonnant une de ces mesures serait matériellement incompatible avec l’exécution de la décision d’annulation qui ordonnerait une autre de ces mesures.
Il s’ensuit que l’annulation de la décision attaquée prive celle-ci de l’autorité de chose jugée qui s’y attache.
Le moyen, en cette branche, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Sur le premier rameau :
D’une part, « s’agissant du chemin d’accès au bâtiment litigieux, qui a été remblayé au moyen de déchets de diverses natures », l’arrêt attaqué du 20 avril 2018 ne considère pas que la mesure consistant dans le paiement de la somme de 20.000 euros à titre de plus-value était légale mais décide que « le bon aménagement du territoire ne saurait tolérer son maintien tel quel, eu égard au caractère naturel de la zone dans laquelle il s’inscrit », et que « le retour au pristin état constitue la seule mesure de réparation acceptable pour ce qui concerne cette infraction urbanistique distincte », et condamne la demanderesse à procéder à cette remise en pristin état.
D’autre part, s’agissant de la mesure de réparation de l’infraction urbanistique consistant dans le remplacement de la construction existante sur la même parcelle, il ne se déduit pas de ce que cet arrêt confirme le jugement entrepris en ce qu’il annule le jugement dont tierce opposition qu’il considère que le paiement d’une somme d’argent en représentation de la plus-value acquise par ce bien était illégal mais, ainsi que cela résulte de ses motifs, qu’il considère que ni la délibération de la partie appelée en déclaration d’arrêt commun ni aucune autre pièce du dossier ne permet de déterminer si le montant fixé par ce jugement correspond à l’importance de cette plus-value.
Le moyen, en ce rameau de cette branche, manque en fait.
Sur le second rameau :
D’une part, le grief fait à l’arrêt attaqué du 20 avril 2018 de contenir une contradiction entre ses motifs est étranger à l’article 1138, 4°, du Code judiciaire.
D’autre part, l’examen du grief de contradiction entre lesdits motifs dénoncé par le moyen, en ce rameau de cette branche, suppose l’interprétation de l’article 157 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine dont cet arrêt fait application.
Ce grief n’équivaut pas à une absence de motifs et est étranger à la règle de forme prescrite par l’article 149 de la Constitution.
Dans cette mesure, le moyen, en ce rameau de cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, l’arrêt attaqué du 20 avril 2018 ne décide ni que le paiement de la somme de 20.000 euros demandé à titre de plus-value par la partie appelée en déclaration d’arrêt commun est illégal ni que le montant demandé à ce titre par le défendeur est légal mais, ainsi qu’il a été dit dans la réponse au premier rameau, il considère que ni la délibération de la partie appelée en déclaration d’arrêt commun ni aucune autre pièce du dossier ne permet de déterminer si le montant fixé par ce jugement correspond à l’importance de cette plus-value.
Dans cette mesure, le moyen, en ce rameau de cette branche, manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Si, en règle, l’article 779, alinéa 1er, du Code judiciaire n’exige pas qu’un jugement rendu dans une même cause après une décision avant dire droit soit prononcé par les mêmes juges que ceux qui ont siégé pendant les débats précédant le jugement avant dire droit ou lors de la prononciation de celui-ci, il en est autrement après un jugement ordonnant en outre la réouverture des débats sur un objet déterminé. Il s’agit en ce cas de la continuation des débats antérieurs sur l’objet fixé par le juge.
Dans cette seconde hypothèse, lorsque le siège n’est pas composé des mêmes juges que ceux qui ont assisté aux audiences antérieures, le jugement ne peut être régulièrement rendu par la juridiction dans sa nouvelle composition que si les débats ont été entièrement repris devant celle-ci.
L’arrêt attaqué du 20 avril 2018 rendu par la deuxième chambre de la cour d’appel composée des conseillers Malengreau, Hanssens et Marchandise :
- « condamne [la demanderesse], à titre de mesure de réparation pour l'infraction urbanistique résultant du remblayage du chemin d'accès au bâtiment construit sur la parcelle [qu’il indique], à remettre en pristin état les lieux formant l'assiette de ce chemin » ;
- « dit qu’à défaut d’exécution de cette dernière condamnation dans [le] délai [qu’il fixe], le fonctionnaire délégué de la Région wallonne territorialement compétent pourra pourvoir d’office à l’exécution de cette mesure aux frais [de la demanderesse] » ;
- dit pour droit que la demanderesse « devra payer, à titre de mesure de réparation de l'infraction urbanistique consistant dans le remplacement de la construction existante sur la même parcelle par une autre construction, actuellement en voie d'achèvement, une somme représentant tout ou partie de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction » et qu’elle « sera autorisée à achever cette construction […] moyennant le paiement préalable de ladite somme, demeurant à fixer » ;
- avant de statuer sur le surplus, désigne un expert ;
- « rouvre les débats d’office, à l’audience du mardi 9 octobre 2018 […] à l’issue de laquelle seront précisées les modalités de la mise en état de la cause » ;
- « réserve à statuer sur les modalités et le destinataire du paiement de la somme représentant tout ou partie de la plus-value, le destinataire d’éventuelles astreintes, l’application de l’article 2 de la loi du 10 février 2003 [relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au service des personnes publiques] et les dépens » ;
Il ressort du procès-verbal de l’audience du 9 octobre 2018 de la deuxième chambre de la cour d’appel que celle-ci était composée des conseillers Malengreau, Mathieu et Henrotin, que les débats ont été repris ab initio, que l’expert a fait son rapport oral sans déposer de note écrite, qu’un calendrier pour le dépôt des conclusions a été fixé et que la cause a été mise en continuation à l’audience du 25 juin 2019.
Il ressort des pièces de la procédure que :
- la cause a été décommandée de l’audience du 25 juin 2019 et a été refixée à l’audience du 10 mars 2020, à laquelle elle a été remise ;
- dans des actes déposés respectivement le 22 mai 2019 par la partie appelée en déclaration d’arrêt commun, le 30 mars 2020 par le défendeur et le 31 mars 2020 par la demanderesse, les parties ont conclu à nouveau et complètement sur les conclusions du rapport d’expertise, sur les modalités et le destinataire du paiement de la somme représentant tout ou partie de la plus-value, le destinataire d’éventuelles astreintes, l’application de l’article 2 de la loi du 10 février 2003, soit sur les points qui demeuraient litigieux après la prononciation de l’arrêt du 20 avril 2018 et après l’audition de l’expert lors de l’audience du 9 octobre 2018 ;
- par ordonnance rendue le 29 juin 2020 par le premier président de la cour d’appel, la cause a été attribuée à la vingt et unième chambre bis de cette cour et a été fixée pour plaidoirie à l’audience du 3 septembre 2020 ;
- aux audiences des 3 et 17 septembre 2020, où les parties ont été entendues, le siège était composé des conseillers Inghels, Henrotin et Mosselmans et l’arrêt attaqué a été rendu le 22 octobre 2020 par ces derniers magistrats.
Si le procès-verbal de l’audience du 3 septembre 2020 ne constate pas que les débats ont été repris ab initio devant le siège nouvellement composé, il ressort des énonciations précitées que les débats ont été entièrement repris.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué du 22 octobre 2020 de condamner la demanderesse aux dépens envers le défendeur.
La violation du seul article 1022 du Code judiciaire, étranger à la manière suivant laquelle la juridiction saisie du litige au fond est tenue de statuer sur les dépens, ne pourrait suffire, si le moyen était fondé, à entraîner la cassation.
Le moyen est irrecevable.
Et le rejet du pourvoi prive d’intérêt la demande en déclaration d’arrêt commun.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi et la demande en déclaration d’arrêt commun ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille onze euros quarante-neuf centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Françoise Roggen, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du premier avril deux mille vingt-deux par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.21.0275.F
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Droit administratif - Autres

Analyses

Il suit de l'article 157, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, d'une part, que chacune des mesures prévues est indifféremment susceptible de réparer le dommage causé par l'infraction, d'autre part, que tant le collège communal que le fonctionnaire délégué sont autorisés à demander la mesure de réparation qui apparaît comme étant justement proportionnée à l'infraction constatée et dont le choix relève du pouvoir discrétionnaire de chacune de ces autorités; partant, la circonstance qu'une de ces autorités ait sollicité et obtenu la condamnation du contrevenant à une de ces mesures ne prive pas l'autre qui n'est pas intervenue à la cause du droit de former une tierce opposition à l'encontre du jugement ordonnant cette mesure et de solliciter l'application de la mesure qui lui apparaît comme étant justement proportionnée à l'infraction constatée (1). (1) Voir les concl. du MP.

URBANISME - REMISE EN ETAT DES LIEUX. PAIEMENT D'UNE PLUS-VALUE

Si, en règle, l'article 779, alinéa 1er, du Code judiciaire n'exige pas qu'un jugement rendu dans une même cause après une décision avant dire droit soit prononcé par les mêmes juges que ceux qui ont siégé pendant les débats précédant le jugement avant dire droit ou lors de la prononciation de celui-ci, il en est autrement après un jugement ordonnant en outre la réouverture des débats sur un objet déterminé (1). (1) Voir les concl. du MP.

TRIBUNAUX - MATIERE CIVILE - Généralités


Composition du Tribunal
Président : LEMAL MICHEL
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-04-01;c.21.0275.f ?

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