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01/04/2022 | BELGIQUE | N°C.19.0156.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 avril 2022, C.19.0156.F


N° C.19.0156.F
FONCTIONNAIRE DÉLÉGUÉ DE LA RÉGION WALLONNE, dont les bureaux sont établis à Mons, place du Béguinage, 16,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
1. K. V. O.,
2. A. L.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection

de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt re...

N° C.19.0156.F
FONCTIONNAIRE DÉLÉGUÉ DE LA RÉGION WALLONNE, dont les bureaux sont établis à Mons, place du Béguinage, 16,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
1. K. V. O.,
2. A. L.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 6 septembre 2018 par la cour d’appel de Mons.
Le 16 mars 2022, l’avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport et l’avocat général
Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l’article 157, alinéa 1er, du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine, le fonctionnaire délégué peut poursuivre, devant le tribunal civil, soit la remise en état des lieux ou la cessation de l’utilisation abusive, soit l’exécution d’ouvrages ou de travaux d’aménagement, soit le paiement d’une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l’infraction.
Le pouvoir judiciaire est compétent pour contrôler la légalité interne et externe d’une telle demande et notamment pour examiner si elle est ou non entachée d’excès ou de détournement de pouvoir, sans qu’il puisse toutefois en apprécier l’opportunité.
Dans le cadre de ce contrôle, le juge peut tenir compte de tous les éléments de fait, y compris l’avis de tiers sans pouvoir décisionnel.
L’arrêt attaqué constate, d’une part, que « la construction litigieuse est […] en infraction [à la fois] quant au zonage ([…] zone agricole) et [...] quant au permis d’urbanisme (dimensions, baie, cheminée) », que « le grief principal soulevé par le [demandeur] pour justifier sa décision de remise en état des lieux concerne le non-respect du zonage » et que, en réponse à la question de savoir « si la situation est régularisable », le demandeur « précise […] qu’aucune dérogation n’est envisageable pour la construction en cause ».
Il relève, d’autre part, que « d’autres abris de jardin sont également situés en fond de parcelles, en zone agricole, chez la plupart des voisins des [défendeurs] et ne semblent pas poser problème » ; que « le collège communal [de …] a d’ailleurs considéré que la situation pouvait être aménagée [par le placement d’un écrin de verdure composé d’une essence régionale, la démolition du bâtiment lui paraissant inopportune] » ; que le demandeur « applique donc une politique discriminante par rapport aux autres situations de même nature et [que] sa décision semble davantage motivée par les plaintes du voisin », de sorte qu’« il n’est pas établi qu’[elle] est justifiée par le seul respect du bon aménagement du territoire » ; que « le dommage causé à l’aménagement du territoire consiste uniquement en une atteinte au paysage existant (qui, selon le collège communal […], pouvait faire l’objet d’une mesure d’aménagement) » ; que « les [défendeurs] exposent que le coût de la démolition est de l’ordre de 85.000 euros, comme l’indique le devis qu’ils produisent » ; que, « même si ce devis doit être considéré comme indicatif, il donne un ordre de grandeur », et que cette démolition implique pour les défendeurs « l’inconvénient […] de ne plus disposer d’un abri de jardin qui, dans son principe, avait été autorisé ».
De tous ces éléments, l’arrêt a pu légalement déduire qu’il y a « une disproportion manifestement déraisonnable entre l’avantage poursuivi par le demandeur au profit du bon aménagement du territoire et les inconvénients qui en résultent pour [les défendeurs] », de sorte que « la décision du [demandeur] est constitutive d’un excès de pouvoir ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
L’objet de la demande est le résultat que le demandeur attend de celle-ci.
Conformément à l’article 157, alinéa 1er, précité, le fonctionnaire délégué peut poursuivre devant le tribunal civil soit la remise en état des lieux ou la cessation de l’utilisation abusive, soit l’exécution de travaux d’aménagement, soit le paiement d’une somme représentant la plus-value à la suite de l’infraction.
Il s’ensuit que l’objet de la demande du fonctionnaire délégué est, non la réparation de l’atteinte portée au bon aménagement du territoire par l’infraction, mais l’une des mesures prévues, lesquelles produisent des résultats différents.
Partant, le rejet de la demande du fonctionnaire délégué portant sur la mesure sollicitée vide la saisine du juge.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la troisième branche :
Dans la mesure où il ne précise pas en quoi l’arrêt attaqué viole les dispositions légales, autres que les articles 155 et 157 du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine, 10 et 11 de la Constitution, visées en tête du moyen, et méconnaît les principes généraux du droit, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, en vertu de l’article 155, § 1er, du code précité, le fonctionnaire délégué peut poursuivre devant le tribunal correctionnel l’un des modes de réparation visés au paragraphe 2.
Il ne s’ensuit pas que le tribunal civil, saisi d’une demande du fonctionnaire délégué sur la base de l’article 157, alinéa 1er, précité soit tenu de condamner l’auteur de l’infraction à au moins un des modes de réparation prévus.
La circonstance alléguée par le moyen, en cette branche, que, dans cette interprétation dudit article 157, le contrevenant serait discriminé selon que le demandeur le poursuit devant le tribunal correctionnel ou devant le tribunal civil, à la supposer avérée, ne pourrait avoir pour effet que le juge civil, qui vide sa saisine en rejetant la demande du fonctionnaire délégué portant sur une des mesures de réparation de l’atteinte portée au bon aménagement du territoire prévues par cette disposition, soit tenu, à défaut d’être saisi d’une telle demande, de condamner le contrevenant à une autre mesure de réparation.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de neuf cent soixante-deux euros quatre-vingt-huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du premier avril deux mille vingt-deux par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1f - première chambre
Numéro d'arrêt : C.19.0156.F
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Droit administratif

Analyses

En vertu de l'article 157, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, le fonctionnaire délégué peut poursuivre, devant le tribunal civil, soit la remise en état des lieux ou la cessation de l'utilisation abusive, soit l'exécution d'ouvrages ou de travaux d'aménagement, soit, à certaines conditions, le paiement d'une somme représentative de la plus-value acquise par le bien à la suite de l'infraction; le pouvoir judiciaire est compétent pour contrôler la légalité interne et externe d'une telle demande et notamment pour examiner si elle est ou non entachée d'excès ou de détournement de pouvoir, sans qu'il puisse toutefois en apprécier l'opportunité et, dans le cadre de ce contrôle, le juge peut tenir compte de tous les éléments de fait, y compris l'avis de tiers sans pouvoir décisionnel (1). (1) Voir les concl. du MP.

URBANISME - REMISE EN ETAT DES LIEUX. PAIEMENT D'UNE PLUS-VALUE

Conformément à l'article 157, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, l'objet de la demande du fonctionnaire délégué est, non la réparation de l'atteinte portée au bon aménagement du territoire par l'infraction, mais l'une des mesures prévues, lesquelles produisent des résultats différents (1). (1) Voir les concl. du MP.

URBANISME - REMISE EN ETAT DES LIEUX. PAIEMENT D'UNE PLUS-VALUE

Le tribunal civil, saisi d'une demande du fonctionnaire délégué sur la base de l'article 157, alinéa 1er, du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, n'est pas tenu de condamner l'auteur de l'infraction à au moins un des modes de réparation prévus (1). (1) Voir les concl. du MP.

URBANISME - REMISE EN ETAT DES LIEUX. PAIEMENT D'UNE PLUS-VALUE


Composition du Tribunal
Président : LEMAL MICHEL
Greffier : DE WADRIPONT PATRICIA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ERNOTTE MARIE-CLAIRE, JACQUEMIN ARIANE, MARCHANDISE MAXIME, MORIS MARIELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-04-01;c.19.0156.f ?

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