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30/03/2022 | BELGIQUE | N°P.21.0916.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 mars 2022, P.21.0916.F


N° P.21.0916.F
1. G. M.
2. G. F.,
demandeurs en révision,
représentés par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, et ayant pour conseil Maître Mathieu Simonis, avocat au barreau de Liège,
contre
1. L. S.,
2. W. M.,
3. B. M.,
4. W. V.,
5. W. I.,
6. W. A.,
7. B. M-J.,
8. L. P.,
9. W. V.,
parties civiles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par requête remise au greffe le 5 juillet 2021 et annexée au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs sollicitent la révision de l’arrêt rendu le 31

mars 2000, sous le numéro 1792 du plumitif, par la cour d’assises de la province de Liège, passé en force de chose ...

N° P.21.0916.F
1. G. M.
2. G. F.,
demandeurs en révision,
représentés par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, et ayant pour conseil Maître Mathieu Simonis, avocat au barreau de Liège,
contre
1. L. S.,
2. W. M.,
3. B. M.,
4. W. V.,
5. W. I.,
6. W. A.,
7. B. M-J.,
8. L. P.,
9. W. V.,
parties civiles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par requête remise au greffe le 5 juillet 2021 et annexée au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs sollicitent la révision de l’arrêt rendu le 31 mars 2000, sous le numéro 1792 du plumitif, par la cour d’assises de la province de Liège, passé en force de chose jugée, les condamnant respectivement à vingt ans et quinze ans de réclusion du chef notamment du crime visé par les articles 66, 406, alinéa 1er, 407 et 408 du Code pénal.
Les demandeurs ont joint à leur requête les avis motivés en faveur de celle-ci, requis par l’article 443 du Code d’instruction criminelle. Ces avis ont été émis le 25 mai 2021 par Maître Sandra Berbuto, le 8 juin 2021 par Maître Dominique André et le 20 juin 2021 par Maître Jean-Paul Reynders, tous trois avocats au barreau de Liège, ayant chacun au moins dix années d’inscription au tableau.
Les sommations à fins d’intervention ont été signifiées aux parties civiles par exploit d’huissier de justice du 23 décembre 2021.
A l’audience du 16 mars 2022, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
1. Pour la deuxième fois, les requérants postulent, sur la base de l’article 443, alinéa 1er, 3°, du Code d’instruction criminelle, la révision de l’arrêt du 31 mars 2000 de la cour d’assises de la province de Liège.
Une précédente requête, en cause des mêmes parties, visant la même condamnation et s’appuyant sur le même fondement légal, a fait l’objet d’un arrêt d’irrecevabilité rendu par la Cour le 9 janvier 2008 sous le numéro de rôle général P.07.0807.F.
Les requérants invoquent la loi du 11 juillet 2018 portant des dispositions diverses en matière pénale, dont l’article 2, 2°, a remplacé l’article 443, alinéa 1er, 3°, précité, par une disposition qui, selon eux, abaisse le seuil d’admissibilité du fait nouveau comme cause de révision. Selon la requête, la loi nouvelle entraîne la caducité de l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2008 susdit.
2. D’après les travaux préparatoires de la loi du 11 juillet 2018, la notion d’élément inconnu du juge au moment de l’instruction d’audience et que le condamné n’a pas été à même d’établir lors du procès, recouvre à la fois une nouvelle circonstance de fait et un changement d’avis de la part d’experts.
Pour être érigé en cause de révision, l’élément inconnu et impossible à établir lors du procès doit être pertinent, c’est-à-dire faire sérieusement présumer que, s’il avait été connu, l’instruction de la cause aurait entraîné l’acquittement ou l’absolution, ou donné lieu à un constat de prescription de l’action publique ou à l’application d’une peine plus légère.
Partant, que ce soit sous l’empire de l’ancienne ou de la nouvelle loi, la circonstance de fait invoquée à titre de cause de révision doit présenter le caractère de nouveauté, de vraisemblance et de pertinence requis pour entraîner un doute légitime quant au résultat de la procédure visée. Tel n’est pas le cas du fait qui a été soumis ou a pu être soumis à la contradiction des parties lors du procès, du fait que rien n’a empêché l’accusé d’établir en temps utile, du fait que le demandeur en révision invoque de manière imprécise, hypothétique ou sans objectivation possible, ou encore du fait réductible à une pétition de principe.
3. Sous le couvert de la nouvelle loi, les demandeurs n’invoquent que des circonstances de fait ou de procédure et non un changement d’avis de la part d’experts.
4. Les demandeurs font valoir que
- l’un d’eux avait demandé le test du polygraphe et se l’est vu refuser par le juge d’instruction, alors que cette technique policière a fait l’objet, depuis lors, d’une loi qui l’encadre et de circulaires qui la recommandent ;
- un des jurés de la cour d’assises s’est prêté, après le procès, à des déclarations dont il ressort que son intime conviction s’est forgée au départ d’éléments ne constituant pas des preuves ;
- un journaliste d’investigation a publié sur l’affaire un livre faisant état de sa contre-enquête et de sa conclusion, à savoir que la condamnation infligée aux demandeurs est une erreur judiciaire ;
- le jury a rendu son verdict à une époque où la loi n’exigeait pas encore qu’il fût motivé ;
- les condamnés ont exécuté leur peine sans en réclamer le moindre aménagement, considérant qu’en raison de leur innocence, il ne seyait pas de débattre de l’application d’une peine dont ils ne pouvaient admettre le principe.
Aucun de ces éléments ne constitue une cause de révision au sens de l’article 443 du Code d’instruction criminelle.
5. L’autorité de la chose jugée par l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2008 fait obstacle à la réitération de la demande de révision sur les points suivants.
Les requérants soutiennent que les dépositions de S. N. et de J-C. D. démontrent leur alibi, à savoir leur présence au club de football d’Awans au moment du crime.
Ce fait ne peut pas être retenu pour les motifs énoncés aux paragraphes 2, 3 et 4 de l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2008.
La lettre de menaces datée du 13 juin 2000 est un fait qui ne peut être retenu pour les motifs énoncés au paragraphe 5 de l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2008.
L’audition du 5 mars 2008 de S. R. est un élément qui ne peut être retenu pour les motifs énoncés au paragraphe 6 de l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2008.
L’audition du 14 juin 2002 de M. A. est un élément qui ne peut être retenu pour les motifs énoncés au paragraphe 7 de l’arrêt de la Cour du 9 juin 2008.
Les déclarations de Ch. Y. lors d’une émission télévisée diffusée près de dix ans après le crime sont un élément qui ne peut être retenu pour les motifs énoncés au paragraphe 8 de l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2008.
Les déclarations de J. R. à la télévision constituent un élément qui ne peut être retenu pour les motifs énoncés au paragraphe 9 de l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2008.
La contestation réitérée au sujet du mobile du meurtre est un élément qui ne peut être retenu pour les motifs donnés au paragraphe 10 de l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2008.
6. Les dires de D. A. et de P. G. quant à des confidences que Ch.Y. leur aurait faites au sujet de l’identité des occupants de la voiture utilisée pour commettre le crime, ne sont pas de nature à engendrer la présomption grave requise par la loi, et ce en raison du caractère variable et imprécis des déclarations du confident au cours de l’instruction préparatoire, et de l’absence de concordance entre ces confidences et les déclarations ultérieures d’A. P., également invoquées par les demandeurs.
7. G. L. et K. D. se souviennent avoir entendu Th. J. affirmer que les frères G. n’étaient pas dans la voiture, et citer plusieurs noms de personnes qui s’y trouvaient.
L’audition de Th. J. fait apparaître qu’il n’a ni preuve ni certitude mais qu’il est sûr que M. W. sait quelque chose, comme s’il avait été sur place.
Ces éléments, de même que l’affirmation suivant laquelle l’émission « Au nom de la loi » a confirmé les lacunes de l’instruction et le doute qui en résulte, sont dénués de la précision requise pour engendrer la présomption d’un verdict erroné.
8. R. B. a affirmé, au cours d’une émission télévisée diffusée près de dix ans après les faits, que les frères G. se trouvaient à l’entraînement avec lui au moment des faits. Il ajoute qu’en relation avec ses propos télévisés, il a fait l’objet de menaces, d’abord par téléphone puis sous la forme d’une voiture qui a tenté de l’écraser.
L’absence de nouveauté de cet alibi, déjà plaidé et réfuté devant la cour d’assises, la tardiveté de l’affirmation de R. B., son surgissement dans le contexte d’un média cherchant à démontrer l’erreur judiciaire, la circonstance que R. B. n’a pas déposé plainte du chef des faits dont il se dit victime, et le défaut de concordance de ses explications avec celles, également invoquées par les requérants, de J-Cl. D. selon qui M. G. n’était pas à l’entraînement mais à la buvette du club, ne permettent pas d’élever ces éléments au rang de fait nouveau et pertinent au sens de l’article 443, alinéa 1er, 3°, du Code d’instruction criminelle.
9. Les affirmations selon lesquelles l’homicide pourrait s’expliquer dans le cadre d’un trafic d’anabolisants au départ de la salle de sport d’Awans, ou d’après lesquelles l’examen des spécimens d’écriture de M. I. révèle qu’il a pu vouloir modifier son écriture d’où il se déduirait qu’il sait peut-être certaines choses au sujet du crime, sont hypothétiques et inaptes, comme telles, à constituer le fait nouveau requis par la loi.
10. Lors de son interview par le journaliste de l’émission « Au nom de la loi », Ch. Y. a mentionné, selon la requête, le caractère orienté de son audition par les verbalisateurs. Le témoin J-L. M. en a également fait état. Les requérants en déduisent qu’on peut douter de la manière dont les enquêteurs ont interrogé tous les autres témoins.
Cette déduction est un sophisme de généralisation et non l’articulation du fait nouveau prévu par la loi.
11. Dans le cadre de l’émission « Au nom de la loi », J.-L. M. a démenti avoir été le témoin d’aveux consentis par les frères G.. Au journaliste l’interrogeant sur la contradiction entre ce démenti et ses déclarations au cours de l’instruction préparatoire, il a fait valoir que son audition à la police ne s’était pas déroulée de la manière la plus objective qui soit.
La requête n’indique pas en quoi ce témoin n’aurait pas pu redresser, devant la cour d’assises, la teneur de ses auditions par les enquêteurs qu’il accuse, après la clôture du procès, de partialité. Il n’apparaît dès lors pas que l’élément invoqué constitue un fait que les condamnés n’auraient pas été en mesure d’établir au moment du procès.
12. Près de vingt-quatre ans après l’homicide, dans le cadre de l’émission télévisée « Devoirs d’enquête », en février 2016, A. P. a déclaré que la voiture utilisée pour commettre le crime avait eu pour occupants, au moment des faits, ses frères S. et C., ainsi que L. C..
Cette déclaration ne concorde pas avec celles, également évoquées dans la requête, qui mentionnent la présence de Ch. Y. ou suggèrent que S. P. était seul.
A. P. s’exprime tardivement, dans le contexte des contacts qu’elle a eus avec les condamnés et avec le journaliste partisan de leur innocence.
Il ne s’agit pas d’un élément apte à engendrer la présomption grave requise par l’article 443, alinéa 1er, 3°, du Code d’instruction criminelle.
13. Ne répondant pas aux conditions de recevabilité prévues par la loi, les faits et circonstances invoqués dans la requête ne peuvent donner lieu à la révision de l’arrêt de condamnation.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Déclare la demande en révision irrecevable ;
Condamne les demandeurs aux frais.
Lesdits frais taxés jusqu’ores à zéro euro.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trente mars deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0916.F
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Autres - Droit pénal

Analyses

D’après les travaux préparatoires de la loi du 11 juillet 2018, la notion d’élément inconnu du juge au moment de l’instruction d’audience et que le condamné n’a pas été à même d’établir lors du procès recouvre à la fois une nouvelle circonstance de fait et un changement d’avis de la part d’experts; pour être érigé en cause de révision, l’élément inconnu et impossible à établir lors du procès doit être pertinent, c’est-à-dire faire sérieusement présumer que, s’il avait été connu, l’instruction de la cause aurait entraîné l’acquittement ou l’absolution, ou donné lieu à un constat de prescription de l’action publique ou à l’application d’une peine plus légère (1); partant, que ce soit sous l’empire de l’ancienne ou de la nouvelle loi, la circonstance de fait invoquée à titre de cause de révision doit présenter le caractère de nouveauté, de vraisemblance et de pertinence requis pour entraîner un doute légitime quant au résultat de la procédure visée; tel n’est pas le cas du fait qui a été soumis ou a pu être soumis à la contradiction des parties lors du procès, du fait que rien n’a empêché l’accusé d’établir en temps utile, du fait que le demandeur en révision invoque de manière imprécise, hypothétique ou sans objectivation possible, ou encore du fait réductible à une pétition de principe. (1) Voir Exposé des motifs, Doc. parl., Ch., 54 2969/1, p. 11.

REVISION - GENERALITES - Notion [notice1]

L’autorité de la chose jugée par l’arrêt rejetant une demande de révision peut faire obstacle à la réitération de la nouvelle demande sur les points invoqués à l’appui de la demande précédemment rejetée (1). (1) Le M.P. a soutenu qu’il en est ainsi dans la présente espèce, car il n’apparaît pas de la nouvelle demande que les modifications apportées entretemps par la loi du 11 juillet 2018 soient de nature à avoir une quelconque incidence sur l’appréciation des éléments déjà invoqués à l’appui de la demande précédente, rejetée par la Cour par arrêt du 9 janvier 2008. (M.N.B.).

REVISION - GENERALITES - CHOSE JUGEE - AUTORITE DE CHOSE JUGEE - Matière répressive [notice2]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 443, al. 1er, 3° - 30 / No pub 1808111701

[notice2]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 443 - 30 / No pub 1808111701


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-03-30;p.21.0916.f ?

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