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23/03/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0224.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 mars 2022, P.22.0224.F


N° P.22.0224.F
A. R.,
étranger, détenu en vue d’extradition,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jonathan De Taye, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Berckmans, 109, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 11 février 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chev

alier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA ...

N° P.22.0224.F
A. R.,
étranger, détenu en vue d’extradition,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jonathan De Taye, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Berckmans, 109, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 11 février 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 8.1 de la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume du Maroc sur l’extradition, signée à Bruxelles le 7 juillet 1997.
Aux termes de la disposition invoquée, l’extradition ne sera pas accordée si la prescription de l’action ou de la peine est acquise d’après la législation soit de la Partie requérante, soit de la Partie requise.
Le moyen fait valoir que la demande d’extradition situe les faits dans le courant de l’année 2012, sans autre précision, de sorte qu’il ne peut être exclu que la prescription soit acquise si les infractions ont été commises en janvier de cette année, soit plus de dix ans avant la prononciation de l’arrêt attaqué.
Le demandeur est recherché par les autorités marocaines en vue de poursuites du chef de, comme auteur ou coauteur, trafic de stupéfiants avec la circonstance que l’infraction constitue un acte de participation à l’activité principale ou accessoire d’une association, et corruption active. La demande officielle d’extradition précise, quant à la corruption, qu’il s’agit de sommes d’argent allouées à des agents de la force publique pour qu’ils ferment les yeux sur les activités illicites du réseau.
Lorsque les faits paraissent constituer un délit collectif par unité d’intention, au sens de l’article 65 du Code pénal, il appartient au juge de l’extradition d’examiner la prescription au regard de l’infraction pour laquelle le délai de prescription prévu est le plus long.
Le trafic de stupéfiants avec la circonstance aggravante de la participation à une association est un crime passible d’une peine de réclusion de dix à quinze ans en vertu de l’article 2bis, § 3, b, de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques.
Conformément à l’article 21, alinéa 1er, 3°, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, visé par l’arrêt, ce crime se prescrit après dix ans.
Dans l’hypothèse la plus favorable au demandeur, l’infraction aurait été commise le 1er janvier 2012, en manière telle que le délai primaire de la prescription aurait expiré le 31 décembre 2021.
Mais l’arrêt constate que le demandeur a fait l’objet, avant cette échéance soit le 29 décembre 2021, d’une ordonnance de la chambre du conseil ordonnant l’exécution du mandat d’arrêt international.
Constituant un acte d’instruction ou de poursuite, cette ordonnance a pour effet, par application de l’article 22, également visé par l’arrêt, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, de reporter au 28 décembre 2031 le terme de la prescription. Celle-ci n’était donc pas acquise au moment où les juges d’appel ont statué.
Il en résulte que l’arrêt ne viole pas l’article 8.1 de la Convention d’extradition entre la Belgique et le Maroc.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur a déposé des conclusions sollicitant qu’un complément d’informations soit réclamé à l’Etat requérant.
Les informations sollicitées portent sur la question de savoir si l’arrêt du 3 novembre 2018 de la cour d’appel de Rabat s’applique au trafic de 2012 visé par la demande d’extradition, si le procès-verbal du « 31 avril 2016 », relatif à un trafic de six tonnes de stupéfiants, couvre des faits distincts de ceux commis en 2012 et si ces faits ont déjà été jugés.
Dans ses conclusions, le demandeur a également postulé le bénéfice du principe de la spécialité de l’extradition.
Le moyen fait valoir que l’arrêt ne répond pas à ces demandes.
Le juge ne doit répondre à une demande ou à une défense que dans la mesure où elle est pertinente pour la solution du litige.
L’arrêt du 3 novembre 2018 de la cour d’appel de Rabat, dont le demandeur a déposé une copie partielle au dossier de la procédure, ne paraît pas avoir été rendu en cause de R. A. mais en cause d’autres prévenus pour qui cet arrêt déclare prescrite, après l’écoulement d’un délai de quatre ans, l’action publique exercée à leur charge du chef de « délits mineurs de stupéfiants ».
L’arrêt attaqué constate que les faits visés dans la demande d’extradition constituent notamment, sous la qualification de corruption, un crime qui se prescrit en quinze ans selon la loi marocaine.
Cette constatation rend sans pertinence la première demande d’informations complémentaires.
Il en va de même pour les demandes portant sur la saisie de plus de six tonnes de cannabis en 2016. Dans ses conclusions, le demandeur précise lui-même qu’il n’est pas poursuivi pour ce trafic. Les juges d’appel n’avaient dès lors pas à répondre à une demande de renseignements qui ne concerne ni les faits pour lesquels l’extradition est demandée, ni les temps et lieu de leur perpétration, ni leur qualification légale, ni le régime de la prescription applicable, ni le signalement de l’individu recherché, ni la détermination de son identité et de sa nationalité.
Quant au principe de la spécialité de l’extradition, la chambre des mises en accusation n’avait pas à en stipuler l’application, puisque celle-ci est de droit, conformément à l’article 12 de la Convention d’extradition.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur fait valoir que l’imprécision de la demande d’extradition la rend « illisible » au point qu’il n’est pas possible de déterminer la période délictueuse visée par les autorités marocaines, d’identifier le lieu de la commission de l’infraction, de définir la qualification légale des faits et d’apprécier la prescription.
Dans la mesure où ces griefs sont élevés pour la première fois devant la Cour, le moyen est irrecevable.
Pour le surplus, il ressort tant des conclusions du demandeur que des énonciations de l’arrêt que la demande d’extradition porte sur des faits de trafic de stupéfiants et de corruption, lesquels auraient été commis à Casablanca, au Maroc, dans le courant de l’année 2012, et qu’en droit marocain, la corruption est un crime prescriptible en quinze ans.
Il n’apparaît dès lors pas, des pièces de la procédure, que la demande d’extradition soit entachée d’une imprécision telle que le demandeur n’ait pas pu s’en défendre.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-sept euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.0224.F
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Lorsque les faits paraissent constituer un délit collectif par unité d’intention, au sens de l’article 65 du Code pénal, il appartient au juge de l’extradition d’examiner la prescription au regard de l’infraction pour laquelle le délai de prescription prévu est le plus long.

EXTRADITION - PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Délais [notice1]


Références :

[notice1]

Convention du 7 juillet 1997 entre le Royaume de Belgique et le Royaume du Maroc sur l'extradition - 07-07-1997 - Art. 8.1 - 59 / Lien DB Justel 19970707-59 ;

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 65 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-03-23;p.22.0224.f ?

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