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16/03/2022 | BELGIQUE | N°P.21.1324.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 mars 2022, P.21.1324.F


N° P.21.1324.F
Maître Béatrice VERSIE, avocat au barreau de Liège, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société privée à responsabilité limitée Target Rights, dont le siège est établi à Herstal, rue des Petites Roches, 181/21,
partie civile,
demanderesse en cassation,
contre
M. K. P.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémo

ire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 31 janvier 2022, l’avocat général Mich...

N° P.21.1324.F
Maître Béatrice VERSIE, avocat au barreau de Liège, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société privée à responsabilité limitée Target Rights, dont le siège est établi à Herstal, rue des Petites Roches, 181/21,
partie civile,
demanderesse en cassation,
contre
M. K. P.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 31 janvier 2022, l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 16 mars 2022, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
La demanderesse a déposé au greffe le 9 mars 2022 une note en réponse par application de l’article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.
II. LES FAITS
Le défendeur s’est vu poursuivre pour avoir, en qualité de dirigeant de trois sociétés déclarées en faillite par un jugement du 26 janvier 2015 du tribunal de commerce de Liège, dans le cadre d’une fraude fiscale grave, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, contrevenu aux dispositions du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.
L’arrêt déclare le défendeur coupable des préventions mises à sa charge, pour avoir émis des factures permettant à la société destinataire de solliciter le remboursement de la taxe et de bénéficier ainsi des liquidités découlant du crédit de TVA, alors que cette taxe n’a pas été déclarée par la société chargée de réaliser les prétendues prestations facturées, que le Trésor n’a pas encaissé la taxe due et que les factures en cause n’ont pas davantage été payées.
La demanderesse, partie civile, a fait valoir que les agissements du défendeur ont augmenté le passif de la société faillie à concurrence des crédits d’impôts que cette société s’est fait remettre frauduleusement au préjudice de l’administration de la TVA.
L’arrêt dit irrecevable l’action civile de la curatelle en jugeant que cette action n’appartient qu’à l’Etat.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 210, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle. La demanderesse reproche à la cour d’appel d’avoir déclaré son action civile irrecevable, alors que la recevabilité de ladite action ne faisait pas partie des griefs repris par le prévenu dans sa requête d’appel, et qu’elle ne ressortit pas aux moyens que le juge d’appel peut soulever d’office.
L’arrêt constate que le défendeur, prévenu, a interjeté appel en précisant, dans le formulaire des griefs d’appel, que son recours vise la culpabilité, la peine et l’action civile.
Il s’en déduit que l’appelant a entendu déférer à la cour d’appel l’examen de l’action civile dirigée contre lui, sans exclure aucune des conditions liées à son exercice.
La décision des juges d’appel ne méconnaît dès lors pas la portée de leur saisine.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen reproche à l’arrêt de méconnaître le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : la cour d’appel a déclaré l’action civile irrecevable sans que le demandeur ait pu se défendre quant à la recevabilité de son action, alors que le premier juge l’avait reçue et que le défendeur n’a pas interjeté appel quant à ce.
Mais comme indiqué dans la réponse au premier moyen, l’appel du prévenu a intimé la demanderesse quant à la recevabilité de son action, puisque celle-ci est visée sans réserve dans le formulaire de griefs d’appel.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 11, 16, 24, 27, 40 à 60, 62, 63, 75 et 99 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, 1382 de l’ancien Code civil et 3 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
La demanderesse fait valoir qu’elle a seule qualité, en tant que curateur, pour agir, en réparation du préjudice collectif des créanciers, contre tout tiers dont la faute a contribué à diminuer l’actif ou aggraver le passif du débiteur failli.
L’article 3 du titre préliminaire susdit prévoit que l’action pour la réparation du dommage causé par une infraction appartient à ceux qui ont souffert de ce dommage.
La somme des crédits d’impôts visés aux quatre préventions déclarées établies s’élève à 216.436,50 euros, étant les montants obtenus frauduleusement par deux des trois sociétés dirigées par le défendeur.
L’arrêt constate que la curatelle d’une des sociétés a réclamé la condamnation du prévenu au payement de la somme provisionnelle de 587.330,93 euros, qui représente la créance d’impôt due à l’administration de la TVA.
Dans la mesure où le montant réclamé par la partie civile excède celui qui résulte des préventions jugées établies, l’action civile vise la réparation d’un autre dommage que celui causé par ces infractions.
Quant à cette différence, la juridiction répressive ne pouvait pas recevoir l’action de la curatelle.
Pour le surplus, le pouvoir du curateur d’agir seul au nom de la masse des créanciers, ne concerne que l’exercice des droits communs à l’ensemble de ceux-ci.
L’intérêt de l’administration fiscale à récupérer les sommes dont elle a été spoliée par la fraude du dirigeant de la société faillie, ne se confond pas avec l’intérêt de la masse mais s’en distingue, de sorte que cette administration conserve l’exercice de son action individuelle contre l’auteur du dommage qu’elle subit du fait de l’infraction.
Sont communs, certes, à l’ensemble des créanciers les droits résultant d’un dommage causé par la faute de toute personne, qui a eu pour effet d’aggraver le passif de la faillite ou d’en diminuer l’actif.
Mais dès lors que la fraude à la TVA a pour but et pour effet d’enrichir indûment le redevable qui se procure les crédits d’impôts, la perte de ceux-ci pour le Trésor ne lèse que le titulaire de la créance fiscale et non le patrimoine de la société bénéficiaire de la fraude.
En décidant, pour ces motifs, que l’action civile de la curatelle est irrecevable, les juges d’appel n’ont violé aucune des dispositions légales visées au moyen.
Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de deux cent quatre-vingt-quatre euros dont quatre-vingt-quatre euros vingt et un centimes dus et cent nonante-neuf euros septante-neuf centimes payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du seize mars deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1324.F
Date de la décision : 16/03/2022
Type d'affaire : Droit de l'insolvabilité - Autres - Droit civil - Droit fiscal

Analyses

Le curateur à la faillite qui est un avocat titulaire de l’attestation de formation en procédure en cassation prévue par les articles 425, § 1er, et 429, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle peut signer lui-même la déclaration de pourvoi et le mémoire au nom de la personne morale faillie; il n’est pas tenu de faire appel, pour ce faire, à l’assistance d’un autre avocat attesté (1). (Solution implicte). (1) Voir les concl., contraires à cet égard, du MP, qui se référait à Cass. 30 juin 2021, RG P.21.0214.F, Pas. 2021, n° 492, relatif au mandataire ad hoc, et concl. contraires « dit en substance » du MP ; la demanderesse a notamment fait valoir que le curateur, contrairement au mandataire ad hoc, est un mandataire de justice et qu’elle agissait en l’espèce en tant que partie civile contre l’administrateur de la société faillie, seul prévenu. (M.N.B.)

FAILLITE ET CONCORDATS - DIVERS - POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Personnes ayant qualité pour se pourvoir ou contre lesquelles on peut ou on doit se pourvoir - Action publique - Prévenu et inculpé - POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Formes - Forme et délai prévus pour le dépôt des mémoires et des pièces - AVOCAT - MANDAT [notice1]

Le pouvoir du curateur d’agir seul au nom de la masse des créanciers, ne concerne que l’exercice des droits communs à l’ensemble de ceux-ci; l’intérêt de l’administration fiscale à récupérer les sommes dont elle a été spoliée par la fraude du dirigeant de la société faillie ne se confond pas avec l’intérêt de la masse mais s’en distingue, de sorte que cette administration conserve l’exercice de son action individuelle contre l’auteur du dommage qu’elle subit du fait de l’infraction; sont communs, certes, à l’ensemble des créanciers les droits résultant d’un dommage causé par la faute de toute personne, qui a eu pour effet d’aggraver le passif de la faillite ou d’en diminuer l’actif; mais dès lors que la fraude à la TVA a pour but et pour effet d’enrichir indûment le redevable qui se procure les crédits d’impôts, la perte de ceux-ci pour le Trésor ne lèse que le titulaire de la créance fiscale et non le patrimoine de la société bénéficiaire de la fraude (1). (1) Voir les concl., conformes à cet égard, du MP.

FAILLITE ET CONCORDATS - DIVERS - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE [notice6]


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 425 et 429 - 30 / No pub 1808111701 ;

Code de droit économique - 28-02-2013 - Art. XX.122 et XX.132 - 19 / No pub 2013A11134

[notice6]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 - 30 / No pub 1804032150 ;

L. du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 3 - 01 / No pub 1878041750


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-03-16;p.21.1324.f ?

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