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02/03/2022 | BELGIQUE | N°P.21.1030.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mars 2022, P.21.1030.F


N° P.21.1030.F
I. et II. W. A.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Judith Orban, avocat au barreau d’Eupen,
contre
1. S.M., L., D.,
2. P. A.,
3. S. M., P.,
4. S. K.,
prévenues,
défenderesses en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Rédigés en allemand, les pourvois I et II sont dirigés contre des arrêts rendus dans cette langue respectivement le 9 janvier 2020 et le 24 juin 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Par ordonnance du 26 juillet 2021, le premier président

de la Cour a décidé que la procédure sera faite en français à partir de l’audience.
La demanderesse in...

N° P.21.1030.F
I. et II. W. A.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Judith Orban, avocat au barreau d’Eupen,
contre
1. S.M., L., D.,
2. P. A.,
3. S. M., P.,
4. S. K.,
prévenues,
défenderesses en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Rédigés en allemand, les pourvois I et II sont dirigés contre des arrêts rendus dans cette langue respectivement le 9 janvier 2020 et le 24 juin 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Par ordonnance du 26 juillet 2021, le premier président de la Cour a décidé que la procédure sera faite en français à partir de l’audience.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 9 janvier 2020 :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt dit les défenderesses coupables du vol de quinze chats au préjudice de la demanderesse.
Le moyen est pris de la violation de l’article 1382 de l’ancien Code civil. Selon la demanderesse, dès lors que la restitution des chats était possible, bien que refusée par les défenderesses, les juges d’appel ne pouvaient rejeter sa demande d’indemnisation en nature au profit d’une indemnisation pécuniaire.
L’indemnisation en nature est le mode normal de réparation du dommage. Le juge est, par conséquent, tenu de l’ordonner lorsque la victime le demande et que ce mode de réparation est en outre possible et ne constitue pas l’exercice abusif d’un droit.
Sans être critiqué sur ce point, l’arrêt énonce que la restitution sollicitée est contraire à l’intérêt des chats de se voir arracher à leur environnement actuel.
Par cette considération, dont il ressort que, pour les juges d’appel, la demande est constitutive d’un abus de droit, l’arrêt rejette la demande de réparation en nature sans violer l’article 1382 de l’ancien Code civil.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le vol dont les défenderesses ont été jugées coupables a été commis par effraction.
Pris de la violation de l’article 1382 de l’ancien Code civil, le moyen soutient que l’arrêt méconnaît la notion de réparation intégrale du dommage en réduisant de moitié le montant de la facture pour le remplacement d’une porte et d’une fenêtre. Selon la demanderesse, la cour d’appel devait lui allouer le montant facturé qu’elle a été contrainte de débourser pour le remplacement des objets détruits à la suite des faits déclarés établis.
Celui qui, par sa faute, a causé un dommage à autrui est tenu de le réparer et la victime a droit, en règle, à la réparation intégrale du préjudice qu’elle a subi.
Celui dont la chose est endommagée par un acte illicite a droit à la reconstitution de son patrimoine par la remise de la chose dans l’état où elle se trouvait avant ledit acte.
En règle, la personne lésée peut, dès lors, réclamer le montant nécessaire pour faire réparer la chose, sans que ce montant puisse être diminué en raison de la vétusté de la chose endommagée.
L’arrêt constate que la demanderesse dépose une facture d’un montant de 2.442,78 euros pour le renouvellement de la fenêtre et de la porte du balcon. Il relève ensuite que les policiers ont décrit l’immeuble comme étant une maison délabrée et que les photos prises par eux établissent que la fenêtre et la porte étaient déjà fortement usées.
L’arrêt qui décide d’allouer à la demanderesse la moitié du montant facturé, eu égard au degré d’usure des objets avant les faits, viole le principe de la réparation intégrale du dommage.
Le moyen est fondé.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la seconde branche :
Le moyen soutient qu’il ne ressort nullement du dossier répressif que la demanderesse ne serait pas en mesure de s’occuper correctement des chats, de telle sorte que les juges d’appel ont violé la foi due aux constatations y contenues, notamment au procès-verbal initial.
L’énonciation critiquée ne se réfère pas audit procès-verbal.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, à défaut d’indication de l’acte dont la foi aurait été violée, le moyen est imprécis et, partant, irrecevable.
Il n’y a pas lieu d’examiner la première branche du deuxième moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue que celle à prononcer ci-après.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution. Il reproche à l’arrêt de ne pas répondre aux conclusions dans lesquelles la demanderesse a fait valoir plusieurs arguments tendant à établir qu’elle s’est occupée correctement des chats.
Le juge ne doit répondre aux conclusions d’une partie que dans la mesure où elles contiennent des moyens, c’est-à-dire l’énonciation d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d’une demande, d’une défense ou d’une exception. Il n’est tenu ni d’exposer les motifs de ses motifs ni de suivre cette partie dans le détail de son argumentation.
Pour refuser à la demanderesse la restitution des animaux volés, l’arrêt énonce qu’il résulte du dossier répressif que celle-ci n’a pas été en mesure de s’occuper correctement des chats qui lui ont été confiés et qu’elle n’établit pas qu’il en irait différemment à l’avenir. Il considère, en outre, qu’il ne semble pas dans l’intérêt des chats de les soustraire à leur environnement actuel.
Par ces énonciations, les juges d’appel ont répondu, par une appréciation contraire, aux conclusions de la demanderesse et ont ainsi régulièrement motivé leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
B. Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 24 juin 2021 :
Sur le surplus du troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution. La demanderesse reproche aux juges d’appel d’avoir énoncé qu’au moment du vol, les chats étaient négligés et hébergés dans des conditions catastrophiques, sans répondre aux arguments invoqués dans ses conclusions.
Le moyen n’indique pas à quelle défense la cour d’appel n’aurait pas répondu.
Imprécis, le moyen est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué du 9 janvier 2020 en tant qu’il accorde à A.W. la somme de 1.221,39 euros pour le remplacement de la fenêtre et de la porte du balcon ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne la demanderesse aux trois quarts des frais et réserve le surplus pour qu’il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Liège, autrement composée.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de six cent trente-deux euros septante et un centimes dont deux cent quatre-vingt-trois euros septante centimes dus et trois cent nonante-quatre euros un centime payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du deux mars deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Philippe de Koster, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1030.F
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Autres - Droit civil

Analyses

Celui dont la chose est endommagée par un acte illicite a droit à la reconstitution de son patrimoine par la remise de la chose dans l’état où elle se trouvait avant ledit acte;en règle, la personne lésée peut, dès lors, réclamer le montant nécessaire pour faire réparer la chose, sans que ce montant puisse être diminué en raison de la vétusté de la chose endommagée.

ACTION CIVILE - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Généralités [notice1]


Références :

[notice1]

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : DE KOSTER PHILIPPE
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-03-02;p.21.1030.f ?

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