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26/01/2022 | BELGIQUE | N°P.21.1688.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 janvier 2022, P.21.1688.F


N° P.21.1688.F
K. G.
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Nicolas Cohen et Julie Crowet, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 20 décembre 2021 par le tribunal de l’application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des...

N° P.21.1688.F
K. G.
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Nicolas Cohen et Julie Crowet, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 20 décembre 2021 par le tribunal de l’application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 21, 47, § 1er, et 56, § 2, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.
Le demandeur reproche au jugement de lui refuser la détention limitée, sans expliquer pourquoi le tribunal s’est départi de l’avis favorable émis à l’égard de cette mesure par le directeur de la prison.
Dans la mesure où il invoque la violation de l’article 149 de la Constitution en raison du caractère incomplet de la motivation alors que cette disposition ne prescrit qu’une obligation de forme, étrangère à la valeur des motifs, le moyen manque en droit.
L’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne s’applique qu’à l’examen soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale. Cette disposition ne régit dès lors pas la procédure suivie devant le tribunal de l’application des peines saisi d’une demande tendant à l’octroi d’une modalité d’exécution de la peine.
A cet égard, le moyen manque en droit.
En vertu de l’article 47, § 1er, de la loi du 17 mai 2006, les modalités d'exécution de la peine prévues au Titre V de la loi peuvent, en règle, être accordées aux condamnés à une peine de plus de trois ans, pour autant qu'il n'existe pas, dans leur chef, de contre-indications auxquelles la fixation de conditions particulières ne puisse répondre.
Ces contre-indications portent sur l'absence de perspectives de réinsertion sociale du condamné, le risque de perpétration de nouvelles infractions graves, le risque que le condamné importune les victimes, l'attitude du condamné à l'égard des victimes des infractions qui ont donné lieu à sa condamnation et, enfin, les efforts consentis par le condamné pour indemniser la partie civile.
Quant à l’article 56, § 2, de la loi, il dispose que le tribunal de l’application des peines motive également sa décision par des raisons particulières lorsque sa décision d’octroi ou de refus de la modalité d’exécution de la peine s’écarte de l’avis du directeur ou du ministère public.
Ces raisons particulières peuvent ressortir des motifs que le jugement énonce pour refuser ou octroyer la modalité sollicitée.
Le jugement relève qu’en raison du parcours délinquant extrêmement lourd du condamné, seules des perspectives de réinsertion stables et solides peuvent pallier le risque de récidive. Selon le tribunal, le caractère variable des projets proposés ne permet pas d’écarter ce risque.
Le tribunal ajoute que le danger de récidive se trouve renforcé du fait que l’obtention d’un droit au séjour reste très aléatoire, de sorte que si le demandeur se trouvait sur le territoire en situation d’évadé, sans aucune ressource, il pourrait être enclin à réintégrer le milieu délinquant ou commettre de nouvelles infractions graves afin de subvenir à ses besoins.
Le jugement note enfin que malgré les avis positifs de la direction de la prison, l’administration n’a toujours pas octroyé de permission de sortie au condamné.
La décision contient ainsi la motivation requise par les dispositions légales visées au moyen.
Le moyen ne peut être accueilli.
A titre subsidiaire, le demandeur sollicite que la Cour interroge la Cour constitutionnelle, à titre préjudiciel, sur la compatibilité, avec l’article 149 de la Constitution, d’un jugement qui, nonobstant l’avis favorable du directeur de la prison, rejette une demande de détention limitée sans viser l’article 56, § 2, de la loi du 17 mai 2006, sans mentionner le caractère positif de l’avis, et sans énoncer qu’il s’en écarte.
L’article 149 de la Constitution ne fait pas partie des dispositions qui, visées par l’article 26, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, définissent le périmètre du contrôle de constitutionnalité dévolu à cette juridiction.
Il n’y a dès lors pas lieu à renvoi préjudiciel.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de six euros onze centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1688.F
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Autres - Droit constitutionnel

Analyses

L’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne s’applique qu’à l’examen soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale; cette disposition ne régit dès lors pas la procédure suivie devant le tribunal de l’application des peines saisi d’une demande tendant à l’octroi d’une modalité d’exécution de la peine (1). (1) Voir Cass. 13 janvier 2016, RG P.15.1659.F, Pas. 2016, n° 25 ; voir Cass. 20 novembre 2007, RG P.07.1528.N, Pas. 2007, n° 569, avec note.

APPLICATION DES PEINES - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - TRIBUNAUX - MATIERE REPRESSIVE - Divers [notice1]

Les raisons particulières, visées à l’article 56, § 2, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté, qui ont conduit le tribunal de l’application des peines à s’écarter des avis du directeur de la prison et du ministère public peuvent ressortir des motifs que le jugement énonce pour refuser ou octroyer la modalité de l’exécution de la peine que le condamné sollicite (1), notamment ceux relatifs aux contre-indications visées à l’article 47 de cette loi (2). (Solution implicite). (1) (Solution explicite) Cass. 12 janvier 2022, RG P.21.1646.F, Pas. 2022, n° 24. (2) Ibid. (solution implicite). En l’espèce, le risque de récidive (cf. contre-indication, visées à l’art. 47, § 1er, 2°, portant sur le « risque de perpétration de nouvelles infractions graves »). En outre, il ne résulte pas de cette disposition « que le tribunal doive indiquer explicitement qu'il s'écarte de l'avis du directeur ou du ministère public, ni qu'il soit tenu de citer ou de résumer l'avis divergent et ensuite de le réfuter expressément ». (Cass. 25 août 2021, RG P.21.1089.F [§ 4], Pas. 2021, n° 507).

APPLICATION DES PEINES - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) [notice4]

L’article 149 de la Constitution ne fait pas partie des dispositions qui, visées par l’article 26, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, définissent le périmètre du contrôle de constitutionnalité dévolu à cette juridiction.

COUR CONSTITUTIONNELLE - QUESTION PREJUDICIELLE - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 100 A FIN) - Article 149 [notice6]


Références :

[notice1]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice4]

L. du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine - 17-05-2006 - Art. 47 et 56 - 35 / No pub 2006009456

[notice6]

La Constitution coordonnée 1994 - 17-02-1994 - Art. 149 - 30 / No pub 1994021048 ;

Loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage - 06-01-1989 - Art. 26 - 30 / No pub 1989021001


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-01-26;p.21.1688.f ?

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