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26/01/2022 | BELGIQUE | N°P.21.1255.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 janvier 2022, P.21.1255.F


N° P.21.1255.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
1. P. G.
2. D. A.
3. G. J-M.
4. B. R.
5. G. P.
6. S. P.
7. M.C.
prévenus,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Paul-Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie cer

tifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere...

N° P.21.1255.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,
contre
1. P. G.
2. D. A.
3. G. J-M.
4. B. R.
5. G. P.
6. S. P.
7. M.C.
prévenus,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Paul-Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 66 et 245 du Code pénal.
Quant à la première branche :
Il est reproché à l’arrêt d’éliminer, du champ d’application de l’article 245 du Code pénal, les personnes qui exercent une fonction publique obtenue sur la base de critères politiques.
Mais l’arrêt ne fonde pas l’acquittement des prévenus sur les critères ayant présidé, à l’issue des élections provinciales et communales, à leur désignation en qualité d’administrateurs de la société intercommunale. L’arrêt se borne à relever que le choix des membres du conseil d’administration et des comités de secteurs constitués par lui en qualité d’organes consultatifs, est le fruit d’un compromis politique qui prend appui sur le principe de la représentation proportionnelle.
La considération suivant laquelle le choix de ces membres est un choix d’opportunité, non punissable comme tel, n’emporte pas l’affirmation que les bénéficiaires de ce choix ne seraient pas titulaires d’une fonction publique au sens de l’article 245 précité.
A cet égard, procédant d’une interprétation inexacte de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Sous la même branche, il est reproché à l’arrêt de soustraire illégalement, du champ d’application de l’article 245, les actes, opérations ou affaires dans lesquels les défendeurs ont été prévenus d’avoir pris un intérêt.
La prise d’intérêt incriminée par l’article 245 du Code pénal est celle qui se matérialise par une ingérence de l’auteur dans des actes, adjudications, entreprises ou travaux étrangers à l’exercice de sa fonction mais dont il a la surveillance ou l’administration en vertu des devoirs de sa charge, l’auteur versant ainsi dans une confusion de l’intérêt général avec un intérêt privé.
Il ressort des constatations de l’arrêt que les actes dans lesquels un intérêt a été pris, selon la partie poursuivante, sont la participation des prévenus, en leur qualité d’administrateurs de la société intercommunale, à un vote unanime désignant plusieurs membres de ce conseil pour faire partie d’un des comités de secteur institués par lui. Est également visée la participation desdits prévenus à la décision fixant les émoluments des membres du comité de secteur, ainsi qu’à la liquidation de leurs indemnités.
Selon les juges d’appel, la participation des défendeurs aux décisions susdites ne relève pas d’une ingérence dans des actes étrangers à leur fonction mais dont ils avaient l’administration ou la surveillance. L’arrêt précise que le comité de secteur à la composition duquel il a été pourvu, est un organe consultatif ayant pour vocation d’œuvrer dans l’intérêt de la société intercommunale, et que les actes litigieux relatifs à ce comité s’inscrivent dans la continuation de la fonction publique dévolue à leurs auteurs.
Les juges d’appel ont, ainsi, légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Il est reproché à l’arrêt d’acquitter les défendeurs au motif qu’il n’est pas établi qu’ils auraient pu privilégier certaines personnes au détriment d’autres.
Mais l’acquittement ne prend pas appui sur ce seul motif.
L’arrêt considère également qu’il n’est pas possible d’imputer aux prévenus un intérêt capté à la faveur d’une ingérence dans une affaire étrangère à leur fonction mais où, grâce à elle, ils se seraient immiscés.
Ce motif suffisant à justifier l’acquittement, le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt.
Quant à la troisième branche :
Il est reproché à l’arrêt d’acquitter les défendeurs au motif qu’ils ont pu, de bonne foi, se croire investis du pouvoir de fixer les émoluments des membres du comité de secteur puisqu’ils avaient celui de les y désigner.
Mais l’acquittement ne repose pas sur ce seul motif.
Comme indiqué en réponse aux première et deuxième branches du moyen, l’acquittement procède de la constatation selon laquelle l’intérêt que les défendeurs sont prévenus d’avoir pris, ne s’est pas matérialisé dans un des actes visés par l’article 245 du Code pénal.
Ne pouvant entraîner la cassation compte tenu du fondement donné par ailleurs à l’acquittement critiqué, le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt.
Sur le deuxième moyen :
Le demandeur reproche à l’arrêt de considérer que la désignation d’un membre du conseil d’administration en qualité de membre d’un comité de secteur n’était pas un acte susceptible d’alerter les défendeurs quant à l’existence d’un conflit d’intérêt.
Il reproche également à l’arrêt de ne reprendre, dans le libellé des préventions de prise d’intérêt mises à charge des défendeurs, qu’une liste incomplète, c’est-à-dire amputée de deux noms, des personnes qui, membres du conseil d’administration, ont été désignées comme membres d’un comité de secteur.
Le moyen ne reproche pas à l’arrêt de considérer que la citation ne contient pas les deux noms manquants. Il lui fait grief de ne pas les ajouter à la liste des administrateurs désignés comme membres du comité de secteur, alors que le premier juge les en a, selon le moyen, indûment retirés.
Pareil grief ne constitue pas une violation de la foi due aux actes.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, le moyen n’identifie pas la pièce dont la foi qui lui est due aurait été violée par la considération suivant laquelle le cumul d’appartenances au conseil d’administration et au comité de secteur ne créait pas la présomption d’un conflit d’intérêt.
A cet égard, imprécis, le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Il n’est pas contradictoire de considérer, d’une part, que les défendeurs tombent dans le champ d’application de l’article 245 du Code pénal en tant que leurs mandats d’administrateurs d’une société intercommunale en font des personnes exerçant une fonction publique et, d’autre part, que leur désignation à ces mandats est le fruit d’un compromis politique s’appuyant sur le principe de la représentation proportionnelle.
Le moyen manque en fait.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l’Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent vingt et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1255.F
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Droit administratif - Droit pénal

Analyses

La prise d’intérêt incriminée par l’article 245 du Code pénal est celle qui se matérialise par une ingérence de l’auteur dans des actes, adjudications, entreprises ou travaux étrangers à l’exercice de sa fonction mais dont il a la surveillance ou l’administration en vertu des devoirs de sa charge, l’auteur versant ainsi dans une confusion de l’intérêt général avec un intérêt privé (1). (1) Voir A. DE NAUW et F. KUTY, Manuel de droit pénal spécial, Wolters Kluwer, 2018, nos 202 et 203 ; J. SPREUTELS, F. ROGGEN, E. ROGER-FRANCE et J.-P. COLLIN, Droit pénal des affaires, Larcier, 2ème édition, 2021, p. 528 ; Cass. 26 octobre 2011, RG P.11.0808.F, Pas. 2011, n° 575, avec concl. de M. VANDERMEERSCH, avocat général ; Cass. 22 novembre 2005, RG P.05.0717.N, Pas. 2005, n° 613, avec concl. « dit en substance » de M. DE SWAEF, procureur général, publiées à leur date dans AC ; Cass. 24 octobre 1974, Pas. 1975, I, p. 234.

FONCTIONNAIRE - DIVERS - INFRACTION - DIVERS [notice1]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 245 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-01-26;p.21.1255.f ?

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