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26/01/2022 | BELGIQUE | N°P.21.0687.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 janvier 2022, P.21.0687.F


N° P.21.0687.F
L. D.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Alain Franken, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 24 mars 2021 par le tribunal correctionnel d’Eupen, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier

moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 65 du Code pénal.
L...

N° P.21.0687.F
L. D.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Alain Franken, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 24 mars 2021 par le tribunal correctionnel d’Eupen, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 65 du Code pénal.
Le demandeur, qui se voit reprocher vingt et une préventions, fait grief au jugement de ne pas énoncer les raisons pour lesquelles le tribunal correctionnel a retenu six groupes d’infractions, chacun à sanctionner par une peine distincte, et de ne pas répondre à ses conclusions dans lesquelles il avait sollicité qu’une seule peine soit prononcée pour leur ensemble dès lors qu’elles ont été commises au même endroit dans un laps de temps relativement court et qu’elles sont toutes relatives à son activité professionnelle.

Le juge du fond apprécie souverainement en fait, compte tenu des circonstances propres à la cause, si différentes infractions commises par un prévenu, qui lui sont soumises simultanément, constituent la manifestation successive et continue d’une même intention délictueuse.
L’article 65 du Code pénal ne lui impose pas de constater que les faits ont été commis à des moments ou dans des endroits différents pour décider que plusieurs infractions ne forment pas un seul délit.
Dans son appréciation, le juge peut prendre en compte la similitude du comportement infractionnel pour considérer que les faits procèdent, ou non, d’un même but ou d’un même objet et que, partant, les infractions forment ou non un fait pénal unique.

Le jugement relève que le demandeur, qui est transporteur de bois, a fait l’objet, les 16 mars, 11 mai, 22 mai et 11 juillet 2017, de contrôles routiers et que les infractions visent la surcharge du véhicule (préventions A à D, commises le 16 mars 2017, E à H, commises le 11 mai 2017, N à Q, commises le 22 mai 2017, et R à U, commises le 11 juillet 2017), la règlementation relative au contrôle technique (préventions I à K) et le temps de conduite (préventions L et M).
Il considère ensuite que chacun des groupes d’infractions A à D, E à H, I à K, L et M, N à Q et R à U relève d’un même complexe de faits et ne doit dès lors donner lieu qu’à l’application d’une seule peine.
Par ces énonciations, les juges d’appel ont indiqué que seules les infractions commises le même jour et visées par l’une ou l’autre des réglementations spécifiques en matière de circulation routière forment un seul délit et ils ont ainsi répondu, par une appréciation contraire, aux conclusions du demandeur.
Partant, le jugement motive régulièrement et justifie légalement sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation et 49.3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Il reproche au jugement de ne pas répondre aux conclusions dans lesquelles le demandeur a fait valoir, en vue de l’obtention d’un sursis, qu’il n’a plus encouru de condamnation pour des faits identiques depuis 2017 et que les amendes prononcées par le tribunal de police sont hors de proportion avec les infractions constatées dès lors que leur exécution serait de nature à compromettre sérieusement ses activités professionnelles.

Le jugement énonce que les peines prononcées par le premier juge sont légales et adéquates pour sanctionner les faits déclarés établis et qu’elles tiennent compte du mépris répété du demandeur des règles les plus élémentaires de la circulation routière, du danger que représente la conduite d’un véhicule en surcharge, de la multiplicité des faits et de la nécessité de faire prendre conscience au demandeur qu’il doit modifier son comportement pour la sécurité des autres usagers de la route et de la sienne.
Par ces considérations, le jugement donne à connaître les raisons qui ont amené les juges d’appel, par une appréciation contraire à celle du demandeur et sur la base d’éléments propres à sa personne et à la cause, à rejeter la demande de sursis.
N’étant pas tenus de suivre le demandeur dans le détail de son argumentation, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen invoque notamment la violation de l’article 7bis de l’arrêté royal du 17 septembre 2001 déterminant les normes d’organisation et de fonctionnement de la police locale visant à assurer un service minimum équivalent à la population.

Selon le demandeur, les juges d’appel ne pouvaient dire régulières les constatations des verbalisateurs, dès lors que ceux-ci, en leur qualité de membres de la police locale, n’étaient pas compétents pour contrôler son véhicule qui circulait sur l’autoroute.
En vertu de la disposition invoquée, la fonction « circulation », faisant partie du service minimum que la police locale garantit à la population, consiste en l’exécution des missions visées à l’article 16 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, sur le territoire de la zone de police, à l’exception du réseau routier dont la surveillance incombe à la police fédérale.
Ledit arrêté royal du 17 septembre 2001 a été pris en exécution, notamment, des articles 16 de la loi du 5 août 1992 et 3, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux. En vertu de cette dernière disposition, la police locale assure au niveau local la fonction de police de base, laquelle comprend toutes les missions de police administrative et judiciaire nécessaires à la gestion des évènements et des phénomènes locaux sur le territoire de la zone de police, de même que l’accomplissement de certaines missions de police à caractère fédéral.
Toutefois, les articles 15 de la loi du 5 août 1992 et 117, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 accordent aux fonctionnaires de police des polices fédérale et locale une compétence générale en matière de recherche et de constatation des infractions. Cette mission s’exerce sur l’ensemble du territoire national en vertu de l’article 45, alinéa 1er, de la loi du 5 août 1992, et conformément à l’article 16 de ladite loi en ce qui concerne plus particulièrement la police de la circulation routière.
Ni l’article 3, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 ni aucune autre disposition légale ne dérogent à cette compétence générale des polices fédérale et locale sur l’ensemble du territoire national.
Revenant à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.
Sur le quatrième moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen soutient que le jugement viole la foi due aux procès-verbaux constatant la proposition de perception immédiate, en énonçant qu’il en ressort que le demandeur a reçu les explications relatives à cette procédure en français.
Devant le tribunal correctionnel, le demandeur a invoqué la violation de l’article 47bis du Code d’instruction criminelle et la méconnaissance du droit à un procès équitable au motif qu’il n’avait pas été avisé de l’objet de son audition ni de ses droits à cette occasion.
Les juges d’appel ne se sont pas bornés à énoncer que lors des contrôles, une procédure de perception immédiate a été expliquée au demandeur en français et que celui-ci a accepté cette proposition.
Le jugement relève également que le demandeur n’a pas été entendu au moment des contrôles routiers mais bien le 19 juillet 2017 dans le cadre d’une audition effectuée dans le respect des formalités visées à l’article 47bis précité. Il ajoute qu’il n’a jamais contesté avoir reçu des avis de perception immédiate et n’a pourtant, au moment de leur réception, émis aucune demande d’explication ou de traduction.
A supposer avérée la violation de la foi due auxdits procès-verbaux, le rejet de la défense invoquée resterait légalement justifié par ces dernières énonciations.
Partant, le moyen, qui ne saurait entraîner la cassation, est irrecevable à défaut d’intérêt.
Quant à la deuxième branche :
Selon le moyen, le jugement viole la foi due aux procès-verbaux EU.98.L1.404831/2017, EU.L1.405120/2017 et EU.98.L1.406523/2017 qui ne contiennent pas de mention relative à la communication du résultat des pesées.
En énonçant que les poids ont été communiqués au demandeur, le jugement attaqué ne se réfère pas auxdits procès-verbaux. Ainsi, les juges d’appel n’ont pu violer la foi due à ces actes.
Le moyen manque en fait.
Quant à la troisième branche :
Pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 62 de la loi relative à la police de la circulation routière, le moyen fait grief au jugement de ne pas répondre aux conclusions contestant la fiabilité des pesées.
Le jugement relève que la balance ayant servi à effectuer la pesée a été vérifiée par la société Widra, ainsi qu’il ressort tant de l’attestation que celle-ci a délivrée le 25 août 2016 au Service public fédéral Finances, que des vignettes apposées sur l’appareil dont la photographie a été déposée au dossier lors de chaque pesée. Il énonce qu’il résulte de la vignette que l’organisme qui a procédé au contrôle est agréé par le service de métrologie et que la vérification périodique de la balance, telle que prévue à l’article 12 de l’arrêté royal du 12 octobre 2010, a été respectée en l’espèce.
Par ces énonciations, dont il ressort que, selon les juges d’appel, les mesures sont régulières et fiables, le jugement répond aux conclusions.
Le moyen manque en fait.
Sur le cinquième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la violation de la foi due aux actes.

Selon le demandeur, les juges d’appel ne pouvaient énoncer qu’il s’est abstenu de toute contestation sur la pesée en recevant l’avis de la perception immédiate, sans violer la foi due au courrier de son conseil et à la déclaration de l’un des policiers, dont il résulte qu’il y a eu contestation des infractions.
Les juges d’appel ne se sont pas référés aux actes invoqués pour constater l’absence de contestation. Partant, ils n’ont pu violer la foi qui leur est due.
Le moyen soutient également qu’en fondant leur conviction sur l’énonciation critiquée, les juges d’appel ont méconnu le droit du demandeur au silence.
Mais les juges d’appel n’ont pas déclaré les préventions relatives à la surcharge du véhicule établies à défaut de contestation du demandeur. Ils ont relevé que la balance utilisée pour les pesées a été dûment vérifiée, qu’en ce qui concerne le contrôle du 16 mars 2017, le permis de conduire et la carte d’identité du demandeur ont été joints aux tickets de pesée et que, pour le surplus, le poids lui a été communiqué et qu’il a marqué son accord sur le principe d’une perception immédiate.
Le moyen manque en fait.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingt euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0687.F
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Les articles 15 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police et 117, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, accordent aux fonctionnaires de police des polices fédérale et locale une compétence générale en matière de recherche et de constatation des infractions; cette mission s’exerce sur l’ensemble du territoire national en vertu de l’article 45, alinéa 1er, de la loi du 5 août 1992, et conformément à l’article 16 de ladite loi en ce qui concerne plus particulièrement la police de la circulation routière; ni l’article 3, alinéa 2, de la loi du 7 décembre 1998 ni aucune autre disposition légale ne dérogent à cette compétence générale des polices fédérale et locale sur l’ensemble du territoire national; ainsi, il ne découle pas de cette disposition et de l’article 7bis de l’arrêté royal du 17 septembre 2001 déterminant les normes d’organisation et de fonctionnement de la police locale visant à assurer un service minimum équivalent à la population que les membres de la police locale ne seraient pas compétents pour contrôler un véhicule qui circule sur l’autoroute (1). (1) Les conclusions verbales du M.P., contraires quant aux premier et deuxième moyens, non publiés, ne le sont pas quant au troisième moyen. Voir Cass. 1er février 2006, RG P.05.1355.F, Pas. 2006, n° 63, et concl. « dit en substance » de M. VANDERMEERSCH, avocat général, Rev. dr. pén. crim., 2007, p. 227, et note G. BOURDOUX, « Une fois en service : toujours en service ? La compétence des fonctionnaires de police pour constater une infraction de roulage », pp. 231-240 ; Ch. DE VALKENEER, Manuel de l’enquête pénale, T.1 : Principes généraux, 5ème éd., Bruxelles, Larcier, 2018, pp. 27 et 28, nos 17 et 18 ; L. KENNES, Manuel de la preuve en matière pénale, Kluwer, Malines, 2009, p. 155, n° 315. Le demandeur invoquait aussi la circulaire ministérielle du 31 août 2010 relative aux missions et au terrain d'action prioritaire de la police fédérale de la route (M.B., 28 octobre.2010), qui attribue les autoroutes à la police fédérale de la route (DAH) en tant que terrain d’action prioritaire ; en son art. 5.2.1, cette circulaire dispose toutefois que « l’attribution de terrains d’action prioritaires à la police fédérale de la route n’est évidemment pas exclusive d’une collaboration avec la police locale ». (M.N.B.)

POLICE - ROULAGE - DIVERS - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Preuve littérale - Généralités [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 5 août 1992 - 05-08-1992 - Art. 15, 16 et 45 - 52 / No pub 1992000606 ;

L. du 7 décembre 1998 - 07-12-1998 - Art. 3 et 117 - 31 / No pub 1998021488 ;

A.R. du 17 septembre 2001 - 17-09-2001 - Art. 7bis - 31 / No pub 2001001012


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-01-26;p.21.0687.f ?

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