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10/11/2021 | BELGIQUE | N°P.21.1374.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 novembre 2021, P.21.1374.F


N° P.21.1374.F
G. Ph.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jérôme Cochart, avocat au barreau de Verviers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le

premier moyen :
L’arrêt attaqué réforme l’ordonnance de la chambre du conseil qui avait ordonné le m...

N° P.21.1374.F
G. Ph.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jérôme Cochart, avocat au barreau de Verviers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
L’arrêt attaqué réforme l’ordonnance de la chambre du conseil qui avait ordonné le maintien de la détention préventive du demandeur sous surveillance électronique, en décidant que celle-ci sera exécutée en prison.
Pris de la violation des articles 211bis et 195 du Code d’instruction criminelle, 30 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et 149 de la Constitution, le moyen soutient qu’en aggravant ainsi la situation du demandeur, les juges d’appel devaient répondre à une obligation renforcée de motivation, de telle sorte qu’ils ne pouvaient se borner à adopter les motifs du réquisitoire du ministère public.
Lorsqu’elle aggrave la situation de l’inculpé, aucune disposition n’interdit à la chambre des mises en accusation de motiver sa décision par la seule adoption des motifs du réquisitoire du ministère public, pourvu que ceux-ci contiennent des considérations pouvant justifier cette décision.
Les motifs du réquisitoire du ministère public relèvent, eu égard aux circonstances y mentionnées, que, à supposer les faits établis, il existe dans le chef du demandeur un risque majeur de soustraction à l’action de la justice et de collusion ainsi qu’un risque de récidive et de déperdition de preuves. Ils considèrent également qu’une surveillance électronique ne permettrait pas de juguler ces risques dès lors que le demandeur pourrait se soustraire à l’action de la justice et recevoir des visites sans contrôle, de même que continuer à fournir de la drogue depuis son domicile.
En s’appropriant ces motifs, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 783 du Code judiciaire et 190ter du Code d’instruction criminelle. Il soutient qu’à défaut de procès-verbal d’audience et de mentions contenues dans l’arrêt attaqué qui indiquent les demandes formulées par la défense devant la chambre des mises en accusation, la Cour serait dans l’impossibilité de vérifier la régularité de la procédure et de l’arrêt attaqué.
Les articles 783 du Code judiciaire et 190ter du Code d’instruction criminelle ne sont pas applicables aux juridictions d’instruction.
En tant qu’il invoque ces dispositions, le moyen manque en droit.
Par ailleurs, la juridiction d’instruction n’est pas tenue de répondre à une demande que l’inculpé s’est borné à exprimer verbalement à l’audience.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, n’indiquant pas en quoi l’absence de réponse à une demande exprimée verbalement à l’audience par l’inculpé affecterait la régularité de la procédure ou celle de l’arrêt, le moyen est imprécis et, à cet égard, irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense et du contradictoire.
Le demandeur allègue qu’à l’audience de la chambre des mises en accusation, le ministère public a déposé des réquisitions écrites, chaque membre du siège ayant disposé d’un exemplaire durant les débats alors que cet écrit n’a pas été communiqué au demandeur ni à son conseil et que les juges d’appel en ont adopté les motifs pour motiver leur décision.
Selon le moyen, cette manière de procéder du ministère public a lésé les droits de la défense dès lors que le demandeur s’est trouvé face à une argumentation non soumise préalablement au principe du contradictoire, qu’il n’a pu contester valablement sans provoquer la prolongation de sa détention.
En tant qu’il critique une pratique du ministère public et non l’arrêt attaqué, et dans la mesure où son examen requiert une vérification d’éléments de fait, laquelle n’est pas au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.
Pour le surplus, en vertu de l’article 30, § 3, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1990, la chambre des mises en accusation statue toutes affaires cessantes, le ministère public, l’inculpé et son conseil entendus. Cette disposition ne prévoit pas que le réquisitoire du ministère public doive être déposé au dossier de la procédure ni communiqué à l’inculpé ou à son conseil avant l’audience.
Il n’apparaît pas de la procédure que le demandeur ait présenté à la cour d’appel une demande de report de la cause, fût-ce pour lui permettre de prendre connaissance du réquisitoire déposé par le ministère public et d’y répondre le même jour.
Ainsi, sans violer les droits de la défense, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du dix novembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1374.F
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Les articles 783 du Code judiciaire (1) et 190ter du Code d’instruction criminelle (2) ne sont pas applicables aux juridictions d’instruction. (1) Voir Cass. 23 février 2011, RG P.10.1811.F, Pas. 2011, n° 160 : « l'article 783 du Code judiciaire n'est pas applicable en matière répressive ». (2) L’article 190ter (anciennement 190bis) C.I.cr. dispose que « les procès–verbaux d'audience sont joints au dossier de la procédure ». « En matière correctionnelle et de police, l'établissement d'un procès–verbal d'audience n'est pas prescrit à peine de nullité ; l'absence du procès–verbal n'entraîne la nullité de la décision que si celle–ci ne contient pas, elle–même, les mentions requises pour établir la régularité de la procédure » (Cass. 26 février 2014, RG P.13.1696.F, Pas. 2014, n° 153 ; Cass. 1er décembre 2004, RG P.04.0963.F, Pas. 2004, n° 580). La Cour l’a dit aussi dans un arrêt statuant sur le pourvoi contre un arrêt rendu par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel d’Anvers (Cass. 15 mars 1988, RG 966, Pas. 1988, n° 440).

JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - DETENTION PREVENTIVE - MAINTIEN [notice1]

La juridiction d’instruction n’est pas tenue de répondre à une demande que l’inculpé s’est borné à exprimer verbalement à l’audience (1). (1) « Les articles 149 de la Constitution et 780 du Code judiciaire ne sont pas applicables devant les juridictions d’instruction appelées à statuer sur la légalité de la détention préventive. L’obligation pour le juge de répondre aux conclusions de l’inculpé est inscrite, dans ce cas, à l’article 23, 4°, de la loi du 20 juillet 1990 » (Cass. 13 mai 2020, RG P.20.0469.F, inédit ; voir Cass. 11 février 2020, RG P.20.0126.N, Pas. 2020, n° 121, quant aux articles 149 de la Constitution et 6.1 Conv. D.H. ; Cass. 27 octobre 2015, RG P.15.0726.N, Pas. 2015, n° 628, dont il ressort que l'article 780, 3°, C. jud. n’est pas applicable en matière répressive ; Cass. 20 décembre 1988, Pas., 1989, 449, quant aux articles 97 de la Constitution de 1831 et 780 C. jud.). Quant à l’article 97 de la Constitution de 1831 (149 de la Constitution de 1994) la Cour considère que « pour saisir le juge répressif de conclusions expresses, le prévenu doit, ou bien déposer un écrit de conclusions, ou bien demander acte à la cour ou au tribunal de ses conclusions verbales » (Cass. 8 juin 1938, Pas. 1938, I, p. 202, avec note signée L.C. ; note signée A.T. sous Cass. 3 janvier 1978, Pas. 1978, I, 488). En revanche, « à défaut de conclusions écrites prises par le prévenu ou de conclusions verbales dont il lui a été donné acte, la cour d'appel n'a pas à répondre aux griefs soulevés devant elle par le prévenu ou en plaidoirie par son conseil » (Cass. 6 mars 1972, Pas. 1972, I, 615). Et « lorsque de sa propre initiative, le greffier rapporte les termes d’une plaidoirie dans un procès–verbal de l’audience, la juridiction n’est pas saisie de conclusions auxquelles elle doit répondre » (J. DE CODT, Des nullités de l’instruction et du jugement, Larcier, 2006, p. 207).

MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises)

En vertu de l’article 30, § 3, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1990, la chambre des mises en accusation statue toutes affaires cessantes, le ministère public, l’inculpé et son conseil entendus; cette disposition ne prévoit pas que le réquisitoire du ministère public doive être déposé au dossier de la procédure ni communiqué à l’inculpé ou à son conseil avant l’audience (1). (1) Selon le MP, le moyen ne pouvait être accueilli dans la mesure où « lorsque, dans le cadre de la procédure relative au maintien de la détention préventive, l'inculpé fait valoir devant la chambre des mises en accusation qu'il n'a pas eu accès à de nouvelles pièces déposées au dossier après sa comparution en chambre du conseil, une méconnaissance des droits de la défense ne saurait se déduire du choix qui lui a été laissé de plaider la cause à l'audience ou d'en demander l'ajournement en vue de consulter le dossier. » (Cass. 27 novembre 2013, RG P.13.1841.F, Pas. 2013, n° 638). En outre, le moyen lui paraissait irrecevable dans la mesure où « ne peuvent être invoqués pour la première fois devant la Cour des moyens tirés d’une violation des droits de la défense qui auraient pu être soumis au juge du fond [et qu’] il n’apparaît pas de la procédure que le demandeur ait invoqué ce grief devant les juges d’appel » (Cass. 7 septembre 2016, RG P.16.0452.F, Pas. 2016, n° 463, réponse au 2ème moyen, non publiée mais disponible sur Juportal.be), ni qu’il ait été privé de la possibilité de l’invoquer devant ceux–ci ou de demander le report de l’examen du dossier à cette fin. (M.N.B.)

DETENTION PREVENTIVE - MAINTIEN - DROITS DE LA DEFENSE - GENERALITES [notice7]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 783 - 01 / No pub 1967101052 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 190ter - 30 / No pub 1808111701

[notice7]

L. du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive - 20-07-1990 - Art. 30 - 35 / No pub 1990099963


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-11-10;p.21.1374.f ?

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