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10/11/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0931.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 novembre 2021, P.21.0931.F


N° P.21.0931.F
LE PROCUREUR DU ROI DU LUXEMBOURG,
demandeur en cassation,
contre
W. J-M.
prévenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sylvain Danneels et Céline Deville, avocats au barreau du Luxembourg,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 2 juin 2021 par le tribunal correctionnel du Luxembourg, division Marche-en-Famenne, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Kon

sek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA...

N° P.21.0931.F
LE PROCUREUR DU ROI DU LUXEMBOURG,
demandeur en cassation,
contre
W. J-M.
prévenu,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sylvain Danneels et Céline Deville, avocats au barreau du Luxembourg,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 2 juin 2021 par le tribunal correctionnel du Luxembourg, division Marche-en-Famenne, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le défendeur est poursuivi pour avoir méconnu les interdictions de se rassembler et de circuler dans les lieux publics, visées aux articles 5 et 8 de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du Coronavirus Covid-19.
Le jugement attaqué dit les poursuites irrecevables parce que fondées sur un arrêté dépourvu de base légale.
Pris de la violation de l’article 182 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile, le moyen soutient que les juges d’appel ne pouvaient dénier au ministre de l’Intérieur le pouvoir d’incriminer les comportements reprochés au défendeur au motif que la pandémie n’entre pas dans le champ d’application de cette loi.
Selon le demandeur, il se déduit tant du caractère général du terme « circonstances dangereuses », repris à l’article 182 précité, que du remplacement, par ladite loi du 15 mai 2007, de celle du 31 décembre 1963 sur la protection civile, qui visait dans son article 6 la protection de la population notamment en cas de menace d’évènements calamiteux, de catastrophes et de sinistres, que le champ d’application de la nouvelle loi englobe le danger auquel la population est exposée en raison d’une pandémie.
L’article 182, alinéa 1er, de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile dispose que le ministre ou son délégué peut, en cas de circonstances dangereuses, en vue d'assurer la protection de la population, obliger celle-ci à s'éloigner des lieux ou régions particulièrement exposés, menacés ou sinistrés, et assigner un lieu de séjour provisoire aux personnes visées par cette mesure ; il peut, pour le même motif, interdire tout déplacement ou mouvement de la population.
Conformément à l’article 3, alinéa 1er, de la loi du 15 mai 2007, la sécurité civile comprend l’ensemble des mesures et des moyens nécessaires pour accomplir les missions visées par la loi afin de secourir et de protéger en tous temps les personnes, leurs biens et leur espace de vie.
La loi vise à assurer la protection de la population lorsque celle-ci est menacée par des calamités ou des situations néfastes, quelle que soit la nature du désastre ainsi visé.
Une situation d’urgence née d’une épidémie ou d’une pandémie ayant le potentiel d’une menace mortelle pour l’ensemble de la population, telle la pandémie liée au coronavirus Covid-19, doit être considérée comme constitutive d’une calamité ou d’une situation néfaste pouvant conduire à une situation menaçant des personnes.
Partant, ladite pandémie peut justifier l’adoption de mesures en application de l’article 182, alinéa 1er, précité.
Sans doute, les termes des préventions, soit l’interdiction de se rassembler et de se trouver sans motif sur la voie publique, ne se retrouvent pas littéralement dans la description des mesures de réquisition et d’évacuation de la population confiées par la loi au ministre.
Mais n’ayant d’autres finalités que d’éviter la propagation d’un virus calamiteux par la limitation des contacts entre les personnes afin de réduire le risque de contagion associé à la pandémie, les interdictions visées par la poursuite ressortissent à la compétence ministérielle d’interdiction ou d’injonction à la population lorsque, à la suite d’une calamité ou d’une situation néfaste et afin de protéger la sécurité civile des citoyens, il est nécessaire de les éloigner d’endroits où leur santé et sécurité sont menacées ou de leur interdire de se déplacer. Pareilles mesures répondent dès lors au prescrit de l’article 182 de la loi qui permet d’interdire à la population de fréquenter des lieux particulièrement exposés au danger.
Décidant le contraire, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen qui ne saurait entraîner une cassation dans des termes différents de ceux libellés ci-après.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause au tribunal correctionnel du Luxembourg, siégeant en degré d’appel, autrement composé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du dix novembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0931.F
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

La loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile vise à assurer la protection de la population lorsque celle–ci est menacée par des calamités ou des situations néfastes, quelle que soit la nature du désastre ainsi visé; une situation d’urgence née d’une épidémie ou d’une pandémie ayant le potentiel d’une menace mortelle pour l’ensemble de la population, telle la pandémie liée au coronavirus Covid–19, doit être considérée comme constitutive d’une calamité ou d’une situation néfaste pouvant conduire à une situation menaçant des personnes; partant, ladite pandémie peut justifier l’adoption de mesures en application de l’article 182, alinéa 1er, de ladite loi; sans doute, les termes des préventions visées aux article 5 et 8 de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du Coronavirus Covid–19 (1), soit l’interdiction de se rassembler et de se trouver sans motif sur la voie publique, ne se retrouvent pas littéralement dans la description des mesures de réquisition et d’évacuation de la population confiées au ministre par la loi précitée; mais n’ayant d’autres finalités que d’éviter la propagation d’un virus calamiteux par la limitation des contacts entre les personnes afin de réduire le risque de contagion associé à la pandémie, les interdictions visées par la poursuite ressortissent à la compétence ministérielle d’interdiction ou d’injonction à la population lorsque, à la suite d’une calamité ou d’une situation néfaste et afin de protéger la sécurité civile des citoyens, il est nécessaire de les éloigner d’endroits où leur santé et sécurité sont menacées ou de leur interdire de se déplacer; pareilles mesures répondent dès lors au prescrit de l’article 182 de la loi, qui permet d’interdire à la population de fréquenter des lieux particulièrement exposés au danger (2). (1) A.M. du 23 mars 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du Coronavirus Covid–19, modifié à plusieurs reprises avant son abrogation par l’art. 25 de l’A.M. du 5 juin 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid–19. (2) Voir Cass. (plén.) 28 septembre 2021, RG P.21.1129.N, Pas. 2021, n° 594, avec concl. de M. WINANTS, avocat général, publiées à leur date dans AC.

LOIS. DECRETS. ORDONNANCES. ARRETES - LEGALITE DES ARRETES ET REGLEMENTS [notice1]


Références :

[notice1]

L. du 15 mai 2007 - 15-05-2007 - Art. 3, 182 et 187 - 61 / No pub 2007000663 ;

A.M. du 23 mars 2020 - 23-03-2020 - Art. 5 et 8 - 01 / No pub 2020030347


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-11-10;p.21.0931.f ?

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