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03/11/2021 | BELGIQUE | N°P.21.1033.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 novembre 2021, P.21.1033.F


N° P.21.1033.F
I. F. J.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Guy Uerlings, avocat au barreau de Verviers,
contre
RESA, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue Sainte-Marie, 11,
partie civile,
défenderesse en cassation,
II. A. E.,
partie intervenue volontairement,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître François Wintgens, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d’appel de Lièg

e, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, e...

N° P.21.1033.F
I. F. J.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Guy Uerlings, avocat au barreau de Verviers,
contre
RESA, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue Sainte-Marie, 11,
partie civile,
défenderesse en cassation,
II. A. E.,
partie intervenue volontairement,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître François Wintgens, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de J. F. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur par la société anonyme Resa :
Il résulte de l’article 427 du Code d’instruction criminelle qu’à la seule exception de la partie poursuivie qui se pourvoit contre la décision rendue sur l’action publique exercée à sa charge, le pourvoi en cassation doit, hors les matières où il est régi par des dispositions particulières, être signifié aux parties contre lesquelles il est dirigé, sous peine d’irrecevabilité.
Des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, il n’apparaît pas que le pourvoi ait été signifié à la défenderesse.
Le pourvoi est irrecevable.
B. Sur le pourvoi d’E. A. :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1er du premier Protocole à cette Convention, 16 de la Constitution et 42 et 43bis du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Il reproche aux juges d’appel d’avoir confisqué l’argent transmis par la demanderesse à un notaire, sans mentionner de quelle infraction précise, parmi celles reprochées au demandeur, ces fonds auraient été tirés, tandis que le réquisitoire du ministère public tendant à faire ordonner la confiscation de ces sommes n’identifiait pas davantage celle des infractions qui aurait généré ces avantages patrimoniaux.
En tant qu’il critique l’imprécision du réquisitoire de confiscation du ministère public, le moyen, étranger à l’arrêt attaqué, est irrecevable.
Ni l’article 43bis du Code pénal ni aucune autre disposition ne subordonne la légalité de la confiscation des avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction à la condition que le ministère public ait précisé dans son réquisitoire écrit celle des infractions dont proviennent ces revenus. Cette information peut également et notamment être donnée au moyen des pièces du dossier répressif dont le prévenu a pu prendre connaissance et au sujet desquelles il a pu librement exercer ses droits de défense devant les juges du fond.
Dans la mesure où il revient à soutenir que le détail de pareille information doit être porté à la connaissance du prévenu dans le réquisitoire visé à l’article 43bis, alinéa 1er, du Code pénal, le moyen manque en droit.
À la page 25 de l’arrêt, les juges d’appel ont justifié la confiscation de la somme de cent mille euros à charge du demandeur en exposant que ce total correspondait à la valeur de la production, dont il a été reconnu coupable, issue des plantations de cannabis, respectivement, de la rue des…., …, pour 30.000 euros, de la rue ….. du…, …., pour un montant identique, et de la rue … , …, pour 40.000 euros.
Ensuite, les juges d’appel ont décidé que cette confiscation serait notamment exécutée sur le montant de 59.590,57 euros saisi entre les mains d’un notaire et revendiqué par la demanderesse, mais dont l’arrêt considère que le demandeur était le véritable propriétaire.
Ainsi, les juges d’appel ont précisé de quelles infractions provenaient les avantages patrimoniaux dont la confiscation a été ordonnée notamment sur les fonds saisis et à propos de la propriété desquels la cour d’appel a rejeté les revendications de la demanderesse.
À cet égard, procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Il n’est pas contradictoire de décider que des sommes d’argent constituent des avantages patrimoniaux passibles de confiscation, d’une part, parce qu’elles ne peuvent provenir que de la culture de cannabis par un prévenu et, d’autre part, au motif qu’elles constituent des revenus de la production de la même drogue, par le même prévenu, reconnu coupable des deux infractions, commises au même endroit et durant la même période délictueuse.
Le moyen manque en fait.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1er du premier Protocole à cette Convention, 16 et 149 de la Constitution, 42 et 43bis du Code pénal et 5ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la charge de la preuve et à la présomption d’innocence et de la notion de présomption de fait.
Quant à la première branche :
La demanderesse reproche au premier juge et aux juges d’appel de lui avoir imposé la charge de la preuve de l’origine licite des sommes d’argent dont elle revendique la propriété, alors que c’est à l’accusation qu’il appartient d’établir qu’il y va d’avantages patrimoniaux tirés d’une infraction.
Dans la mesure où il est dirigé contre la décision du premier juge, dont la cour d’appel ne s’est pas appropriée les motifs critiqués, le moyen est étranger à l’arrêt attaqué et, partant, irrecevable.
Les juges d’appel n’ont pas imposé à la demanderesse l’obligation de rapporter la preuve de l’origine licite des fonds qu’elle revendiquait. Répondant aux dénégations de la demanderesse et se prononçant sur les mérites des pièces produites à l’appui de ses explications, les juges d’appel ont considéré, ce qui est différent, d’une part, qu’elle ne faisait valoir aucun élément concret donnant à penser que cet argent pourrait provenir des économies de sa belle-famille et, d’autre part, que les éléments invoqués par l’accusation permettaient d’établir au-delà de tout doute que ces sommes, versées par la demanderesse pour l’essentiel durant la période délictueuse, appartenaient en réalité à J. F., reconnu coupable de trafic de drogue et dont l’impécuniosité excluait que ce patrimoine ait pu avoir une origine licite.
Ainsi, sans verser dans l’illégalité que le moyen allègue, les juges d’appel se sont bornés à considérer qu’au regard de ces éléments de fait, les explications de la demanderesse au sujet de l’origine de ces fonds étaient dépourvues de vraisemblance.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Et pour les motifs énoncés en réponse à la première branche du premier moyen, les juges d’appel ont indiqué de quelles infractions provenaient les fonds, notamment ceux dont ils ont constaté, en fait, qu’ils appartenaient à J. F., et dont ils ont ordonné la confiscation.
Dans cette mesure, revenant à réitérer le grief vainement invoqué à la première branche du premier moyen, le moyen est irrecevable.
Quant à la deuxième branche :
La demanderesse reproche à l’arrêt de rejeter ses explications quant à l’origine des fonds confisqués, en renvoyant, notamment, aux motifs du premier juge, lequel, faisant état de faits seulement connus de science personnelle, avait déclaré savoir que les anciens beaux-parents de la demanderesse étaient pensionnés et que le niveau de vie, notamment les pensions, en Bosnie-Herzégovine, État dans lequel ils résident, était assez modeste. La demanderesse soutient que cette considération n’est pas une circonstance notoire et que l’arrêt ne pouvait dès lors se fonder lui-même sur celle-ci.
Mais pour décider que les explications de la demanderesse au sujet des fonds confisqués sont dépourvues de vraisemblance, l’arrêt attaqué ne s’approprie pas les motifs du premier juge.
Il se borne, ce qui est différent, à énoncer que la demanderesse « n’apporte aucun élément de nature à énerver les motifs du tribunal qui s’appuie sur des éléments précis et concordants, à savoir l’enquête bancaire, les dépenses qui ne correspondent pas avec ses revenus officiels, ainsi que sur l’absence d’éléments objectifs pour asseoir la réalité de l’aide financière de son ex-belle-famille, qu’elle avance ». Ensuite, aux pages 27 et 28 de l’arrêt, les juges d’appel ont précisé les motifs propres qui les ont convaincus du défaut de vraisemblance des explications de la demanderesse.
Procédant d’une lecture inexacte de l’arrêt, le moyen manque en fait.

Quant à la troisième branche :
Contrairement à ce que le moyen revient à soutenir, les énonciations critiquées de l’arrêt ne tendent pas à préciser le lien existant entre les fonds confisqués et telle infraction dont J. F. a été reconnu coupable. Par ces motifs, les juges d’appel se sont bornés à réfuter les explications de la demanderesse au sujet de la prétendue origine licite de l’argent qu’elle revendiquait.
Enfin, les juges d’appel n’ayant pas déclaré J. F. coupable d’avoir frauduleusement organisé son insolvabilité, ils n’ont pu méconnaître la présomption d’innocence de ce dernier.
Procédant d’une lecture inexacte de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
La demanderesse reproche aux juges d’appel d’avoir confisqué la somme qu’elle revendiquait, en ce compris un montant de dix mille euros provenant de sa propre famille, alors que, par aucune énonciation, l’arrêt n’indique la provenance illicite dudit montant.
Mais les juges d’appel ont décidé, aux termes des motifs qu’ils ont énoncés et qui ont été rappelés en réponse à la première branche du premier moyen, que la somme revendiquée par la demanderesse appartenait, en fait, à J. F. et qu’elle constituait un avantage patrimonial tiré par ce dernier du trafic de drogue dont il a été reconnu coupable.
Procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cinq cent six euros vingt-neuf centimes dont I) sur le pourvoi de J. F. : cent deux euros soixante et un centimes dus et II) sur le pourvoi de E. A. : cent deux euros soixante centimes dus et trois cent un euros huit centimes payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trois novembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1033.F
Date de la décision : 03/11/2021
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

Ni l’article 43bis du Code pénal ni aucune autre disposition ne subordonne la légalité de la confiscation des avantages patrimoniaux tirés directement de l'infraction à la condition que le ministère public ait précisé dans son réquisitoire écrit celle des infractions dont proviennent ces revenus; cette information peut également et notamment être donnée au moyen des pièces du dossier répressif dont le prévenu a pu prendre connaissance et au sujet desquelles il a pu librement exercer ses droits de défense devant les juges du fond.

PEINE - AUTRES PEINES - Confiscation [notice1]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 43bis - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-11-03;p.21.1033.f ?

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